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30/03/2023

GIDEON LEVY
La ligne rouge de la société israélienne est la ligne de la mort

Gideon Levy, Haaretz, 29/3/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La mort était l'une des menaces qui guettaient le coup d'État judiciaire. Elle pouvait tout contenir, mais pas les menaces des familles endeuillées et des agents du deuil. Les cérémonies d'État, en premier lieu la Journée du Souvenir [Yom Hazikaron, journée de commémoration des soldats tombés au combat et des victimes du terrorisme, tombant le 24 avril] sont devenues des dates cibles menaçantes. Il était clair qu'elles ne pouvaient pas se dérouler au milieu de manifestations et de protestations. Même la fermeture de l'aéroport international Ben-Gourion pendant quelques heures a été réduite à néant face au danger tapi dans les cimetières du Mont Herzl et de Kiryat Shaul. Cela en dit long sur une société dont les cimetières militaires constituent la frontière, le dernier ciment qui l'unit. Jusqu'à ce que la mort nous sépare.

La journée alternative du souvenir en 2018. Photo : Ofer Vaknin

La ligne rouge de la société israélienne est la ligne de la mort. Il s'avère que sous toutes les démonstrations de joie de vivre et les enquêtes classant Israël parmi les nations les plus heureuses, c’est la mort, et surtout le culte de la mort, qui ressort. Que se passerait-il si quelqu'un manifestait lors d'une cérémonie du Yom Hazikaron? Ou criait pendant la cérémonie d'allumage de la flamme ? Comme la fin du monde. Mais c'est la fin du monde que nous nous sommes inventé. L'idée que tout doit s'arrêter aux portes du cimetière militaire est une auto-illusion. Il est permis de protester dans les maisons des vivants, mais aussi dans les maisons de la mort.

La protestation contre le projet de refonte judiciaire a ébranlé la société, abattu des vaches sacrées et, surtout, révélé des vérités. Israël s'est révélé beaucoup plus militariste qu'il n'y paraissait. Après que la manifestation, qui est aussi par essence une guerre de classes, a révélé que l'armée populaire est une armée de classes - remarquez la tension entre les pilotes insoumis et les mécaniciens qui les dénoncent -, ce sera au tour des soldats tombés au champ d'honneur. Dans la mort aussi, il y a des classes. Un pilote de chasse mort n'est pas la même chose qu'un soldat mort. Un soldat mort dans un accident de voiture n'est pas l'égal d'un soldat tombé au combat, et les héros sont presque toujours issus d'unités très spécifiques. Seule la douleur des familles est la même, et elles se battent même parfois sur la définition de la mort de leur proche - tombé au combat ou mort - comme si cela avait de l'importance aujourd'hui.

Le débat sur le deuil militaire n'est pas libre. Il se concentre sur l'aspect émotionnel et il est rare que l'on ose se demander s'il est toujours inévitable, décrété par le destin. Combien de personnes enterrées sous des pierres tombales militaires sont-elles mortes en vain ? Le sujet est tabou, mais il doit être abordé. Nous pouvons comprendre le sentiment national compatissant qui partage la douleur, mais il ne doit pas tout taire et tout occulter. C'est justement à cause de son coût terrible que le deuil doit servir aux vivants, qu'il doit servir de leçon, sinon, peut-être, il aura été vain.

Personne ne souhaite que les commémorations se transforment en manifestations. Mais l'interdiction d'accès aux cimetières est forcée et artificielle. La question n'est pas de savoir si les hommes politiques y prendront la parole - leurs discours sont toujours vides - la question est de savoir ce qui peut être fait et dit au nom des morts. Il est impensable que leur mémoire ne soit utilisée que dans un seul sens. Il est impensable que les familles endeuillées soient autorisées à faire autre chose que protester, ou que leur protestation soit considérée comme plus importante que celle de n'importe quel autre Israélien ; que la seule leçon à tirer de la mort de leurs proches soit de continuer à vivre par l'épée et de ne croire qu'en la force.

Remarquez la bataille laide, violente et répugnante contre le Cercle des parents - Forum des familles israéliennes et palestiniennes endeuillées. La loi [interdisant qu’on les invite dans des écoles] arrive. Ne touchez pas à notre deuil. Il n'appartient qu'à nous, les Juifs.

Face au tsunami de slogans sirupeux qui va déferler sur nous dans les semaines à venir, nous devons aussi constater que la société israélienne a changé. S'il y a bien eu un tremblement de terre ici, il doit aussi toucher les cimetières militaires. Le sentiment est que si la protestation atteint ce temple, ce sera la fin. Que si ce dernier ciment se dissout, la société se désagrège. Mais là aussi, le temps est venu d'exposer des vérités. Il n'y a pas d'égalité en Israël, pas même entre les morts. Les réservistes dissidents, si admirés aujourd'hui, disent qu'ils ne se battront pas pour une dictature. Ils sont prêts à s'enrôler avec enthousiasme pour l'occupation, même pour être tués. Les familles endeuillées de demain n'auront pas le droit de protester contre cela. Le chemin est encore long.

 

13/03/2023

GIDEON LEVY
C’est l’occupation qui a mis en déroute l’État d’Israël

Gideon Levy, Haaretz, 12/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Note du traducteur : quand l’auteur parle d’occupation, il désigne celle des territoires palestiniens (Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est) initiée pendant la Guerre des Six Jours de juin 1967 (sans oublier les hauteurs du Golan syrien), mais pas la Palestine de 1948 appelée Israël, qui n’a pas de frontières officielles et est donc le seul pays “élastique” au monde. Encore une fois, répétons-le, la seule solution est un seul État démocratique de la mer au Jourdain, fondé sur le principe “Une personne, une voix”.

Jeudi dernier dans la soirée, en un seul instant, tout a fusionné en une seule image. Un homme armé a commencé à tirer sur les passants de la rue Dizengoff à Tel-Aviv, alors que les derniers manifestants de la journée contre le coup d’État judiciaire se dispersaient pour rentrer chez eux. Les premiers rapports étaient confus, comme à l’accoutumée : s’agissait-il d’une attaque terroriste, d’un incident criminel ou peut-être d’une tentative d’assassinat politique ? Pendant un moment, la protestation contre le gouvernement a été liée à l’occupation.

Des manifestants brandissent des drapeaux israéliens et palestiniens lors d’une manifestation à Tel Aviv contre la réforme judiciaire du gouvernement, la semaine dernière. Photo : Fadi Amun

La situation s’est rapidement éclaircie. L’attentat n’avait rien à voir avec la manifestation, mais il n’est plus possible de continuer à occulter le lien : l’occupation est à l’origine de la plupart des maux contre lesquels les Israéliens manifestent aujourd’hui, même s’ils ne veulent pas l’admettre. Elle est à l’origine de tous les maux. Sans elle, Israël serait un meilleur endroit ; sans elle, de nombreuses forces de destruction ne seraient pas aussi puissantes. C’est pourquoi il est temps d’admettre que l’occupation et les colonies ont vaincu l’État d’Israël. Elles ont gagné, et l’État s’effondre sous elles. Ce qui a commencé avec la guerre des six jours de juin 1967 et le seder de la Pâque d’avril 1968 au Park Hotel d’Hébron* a atteint le cœur même du pays, s’y est installé, l’a rongé de l’intérieur et l’a fait pourrir. Le processus a pris plus de temps que prévu, mais il se déroule maintenant sous nos yeux blasés à une vitesse alarmante. Le sort en est jeté. Il est dommage que les protestataires et les manifestants n’en voient pas l’origine.

Il n’a jamais été juste de tout relier à l’occupation. Ceux qui l’ont fait ont choisi la facilité. Israël est confronté à une foule d’autres défis et maux qui n’ont rien à voir avec elle. Mais l’occupation éclipse tout. Sa malédiction pèse également sur le coup d’État judiciaire. La plupart des forces qui motivent le coup d’État ont germé dans les serres des colons ou de leurs champions et complices. S’il n’y a pas d’occupation, il n’y a pas de colonies - et s’il n’y a pas de colonies, il n’y a pas de Bezalel Smotrich, pas d’Itamar Ben-Gvir et pas de Simcha Rothman. C’est aussi simple que cela. S’il n’y a pas d’occupation, il n’y a pas autant de porteurs de kippa dans toutes les sphères du pouvoir. S’il n’y a pas de désir d’annexion et d’avidité pour les territoires, il n’y a pas de Yariv Levin. S’il n’y avait pas d’occupation, il y aurait toujours du racisme, mais moins. Peut-être même que Benjamin Netanyahou aurait été différent. Toute la politique israélienne aurait été différente si le maintien de l’occupation n’était pas devenu son principal objectif.

L’occupation a donné naissance à la nouvelle figure générique de l’Israélien : un tyran qui n’a de comptes à rendre à personne. Agressif, généralement ignorant. Il ne respecte pas la loi et l’ordre, ni le monde. Tout est permis, y compris le mensonge, au nom de la terre d’Israël. La corruption est également née là, entre la vallée de Dotan [Sahl Arraba] et les collines du sud d’Hébron [janub jabal alkhalil]. Ce n’est pas qu’il n’y avait pas de voleurs et d’assassins avant le Conseil des colonies de Yesha, mais le pourrissement judiciaire, la tromperie comme norme, le vol comme politiquement correct et, bien sûr, la violence comme phénomène légitime et même vénéré - tout cela a prospéré dans l’occupation. Si c’est permis là-bas, pourquoi pas ici ? Ceux qui ont été formés à brûler et à tirer à Huwara comme option première et préférée n’abandonneront pas facilement cette idée à quelques kilomètres à l’ouest. Je le répète : l’occupation n’est pas responsable de tout, mais elle l’est bien plus qu’Israël ne l’admet. Il est très triste que la majorité du camp protestataire ne l’ait pas encore reconnu.

26/02/2023

GIDEON LEVY
Pourquoi les plus hauts responsables militaires israéliens soutiennent soudainement l’objection de conscience

Gideon Levy, Haaretz, 26/2/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Amos Harel et Yaniv Kubovich ont rapporté vendredi dans Haaretz que les discussions entre les pilotes de réserve de l’armée de l’air israélienne sur le refus de se conformer aux ordres de réquisition ou à certaines directives « sont en tête de liste des préoccupations de l’état-major général des Forces de défense israéliennes ».

Cérémonie de remise des diplômes de pilote sur une base de l’armée de l’air israélienne, en 2022. Photo : Ilan Assayag

L’élite de l’élite militaire se joint à la protestation qui se répand. Selon les rapports, l’une des principales motivations de cette protestation est la crainte qu’à la suite du coup d’État judiciaire du gouvernement, et en l’absence d’un véritable système judiciaire en Israël, les pilotes soient vulnérables à des poursuites à l’étranger pour crimes de guerre. Il s’avère que les pilotes ont effectivement commis des crimes de guerre que le système judiciaire a occulté, et ils se sentent maintenant abandonnés face à la justice internationale chargée de poursuivre les criminels de guerre.

Les préoccupations personnelles prennent le dessus : les Israéliens de la haute technologie craignent la fuite des investisseurs, les pilotes craignent pour leur réputation et leur liberté. L’objection de conscience est soudain légitimée et respectée. Ehud Barak l’a prêchée à la conférence d’urgence de Haaretz la semaine dernière. Soudain, le soldat n°1 d’Israël se lève et parle d’ordres sur lesquels flotte un drapeau noir d’illégalité et auxquels il faut donc désobéir, comme s’il s’était transformé en directeur de Breaking the Silence.

En s’inspirant de Bertrand Russell, il a dit : « L’histoire se souviendra de ceux qui ont donné des ordres et de ceux qui les ont suivis. Ils tomberont dans l’infamie ». Vraiment, la fin des temps doit être à notre porte. Barak est devenu Yonatan Shapira [pilote militaire, refuznik, NdT]. Soudainement, il se souvient qu’il y a des ordres illégaux auxquels on doit désobéir. Soudain, refuser n’est pas seulement un droit, mais un devoir moral positif.

Les bombardements sous son commandement et celui de ses cohortes, le meurtre de centaines de femmes et d’enfants et la destruction de milliers de maisons et d’avenirs dans la bande de Gaza, l’aplatissement du quartier Dahieh de Beyrouth et la dévastation du Liban en général, étaient tous légaux et éthiques pour Barak. Seul le service de réserve au moment d’un coup d’État judiciaire est une obéissance à un ordre illégal. Comme cette moralité est tordue. Quelle hypocrisie.

Deux différences distinguent Shapira, le courageux pilote objecteur, du nouveau prophète du refus de service, Barak, comme elles distinguent les pilotes de réserve qui refusent de voler maintenant de leurs amis qui ont refusé de le faire pendant les bombardements de Gaza et du Liban : ce sont la motivation et le prix. Lorsque Yiftach Spector, Yigal Shochat et 25 de leurs camarades ont publié la lettre des pilotes en 2003, ils ont écrit que les attaques de l’armée de l’air israélienne sur les centres de population étaient illégales et immorales, et qu’ils refusaient donc d’y prendre part.

Ils ont refusé de participer à la danse macabre de l’IAF [Israeli Air Force], de tuer 11 enfants juste pour avoir Salah Shehadeh [commandant des Brigades Ezzedine El Qassm du Hamas, assassiné en juillet 2002, NdT] ou une bande d’adolescents jouant oisivement sur une plage de Gaza. C’est ce que leurs camarades ont fait à l’époque. Le commandant de l’IAF de l’époque, Dan Halutz, les a fustigés : « L’objection politique est la racine de tous les dangers pour ce peuple », a-t-il dit. Aujourd’hui, Halutz est en quelque sorte en faveur de l’objection politique : « Si les officiers et les soldats doivent reconnaître qu’il y a une dictature ici, ils n’ont pas signé pour être les mercenaires d’un dictateur ».

L’objection de conscience est un devoir moral. Ce qui est inacceptable, c’est l’utilisation hypocrite qui en est faite. Halutz a autrefois attaqué l’objection politique, maintenant il la soutient, comme Barak. Bienvenus au dans le club. Mais Dieu du ciel : comment pouvez-vous penser que bombarder des innocents sans défense n’est pas une cause justifiable d’objection, mais que les changements du système judiciaire sont une raison légitime ? Pourquoi Spector est-il un traître, et le colonel qui ne veut même pas s’identifier par son nom est-il maintenant considéré comme correct et même héroïque ?

La protestation a poussé les Israéliens à prendre des mesures sans précédent. C’est un signe de bon augure. Les pilotes et autres membres du service qui ont l’intention de refuser en raison du danger du coup d’État doivent être salués. Mais on soupçonne furtivement que les règles du jeu changent non pas en fonction de normes morales, mais en proportion directe du préjudice personnel.

Le bombardement de Gaza n’a fait de mal à aucun des pilotes, et l’objection a exigé un lourd tribut personnel, si bien que peu se sont opposés. La réforme judiciaire pourrait nuire aux pilotes et le coût du refus est faible, il est donc permis et même souhaitable de refuser. Les meilleurs deviennent pilotes, pour paraphraser le slogan hébreu, et maintenant les meilleurs refusent aussi les ordres. La seule chose qu’on peut regretter, c’est que cela leur ait pris tant d’années.

23/02/2023

GIDEON LEVY
Le retour de bâton du coup d’État judiciaire : le BDS l’a rêvé, Bibi l’a fait

Gideon Levy, Haaretz, 23/2/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Le rêve du mouvement BDS (boycott, désinvestissement et sanctions) se concrétise rapidement. Un gestionnaire clé dans l'une des sociétés d'investissement israéliennes m'a dit cette semaine que le montant d'argent quittant son bureau et allant à l'étranger est actuellement de 10 millions de shekels [=2,6 millions d’€] par jour, et ça ne fait qu'augmenter.

Mohamed Saabaneh

Cette personne, qui s'est toujours tenue à l'écart de la politique et de l'actualité, est maintenant découragée. La politique a envahi son bureau. Tous ceux qui, comme moi, pensaient que tout cela n'était que des paroles et de l’alarmisme, ont eu tort. Ce qui se passe maintenant est exactement ce que le mouvement international prônant le boycott d'Israël voulait obtenir, mais pour une autre cause. Ce qui se passe pourrait prouver que le mouvement BDS avait raison depuis le début : ce n'est que par l'argent qu'il sera possible de changer la politique d'Israël. Frappez au porte-monnaie : l'arme BDS est la plus efficace.

À ce jour, la plus grande réussite du mouvement de protestation contre le bouleversement judiciaire est d'avoir réussi à intimider et à pousser à l'action une proportion substantielle d'Israéliens, ainsi que la majeure partie du reste du monde. Ce que le mouvement BDS et les organisations des droits humains n'ont pas réussi à faire en invoquant des crimes et des méfaits, le mouvement de protestation a réussi à le faire au nom de la lutte contre ce qu'il appelle la fin de la démocratie. Ça a pris comme une traînée de poudre. Ce ne sont pas les intifada et les guerres, les descriptions des horreurs et les lamentations, pas les résolutions des institutions internationales ou des USA qui ont réussi à susciter une telle tempête. Un mois et demi de préliminaires législatifs ont  fait l'affaire.

C'est ainsi que les partisans du boycott d'Israël voulaient que les choses se déroulent : retrait des investissements en Israël, boycott de l'économie israélienne culminant dans l'opposition internationale, jusqu'à l'imposition de sanctions. Cela n'a pas fonctionné contre l'occupation. Le mouvement BDS a réussi à faire évoluer les mentalités. C'était le seul choix possible, le seul mouvement qui ne se contentait pas de condamnations vides, appelant au contraire à des actions concrètes contre un État d'apartheid. Cependant, ses réalisations économiques ont été minuscules, un chanteur annulant un spectacle ici, un fonds de pension bricolant un retrait là, Israël continuant à s'épanouir et à prospérer sans entrave, au grand dam des défenseurs des droits humains. Aucun prix n'a été payé pour les crimes de l'occupation ou pour le pied de nez arrogant et insolent du pays au droit international.

Et pourtant, chacun savait que sans mesures concrètes, l'occupation ne prendrait jamais fin. Si les Israéliens ne payaient pas le prix de l'occupation et de ses crimes, en tant qu'individus et en tant que collectivité, rien ne les inciterait à y mettre fin. Jusqu'à il y a quelques semaines, il semblait que cela n'arriverait jamais.

Et maintenant, voilà que ça se produit, même si c'est pour de mauvaises raisons. Même si c'est pour des raisons involontaires, un peu de bien peut en sortir. Il est surprenant que l'affaiblissement du système judiciaire, dont les caractéristiques étaient favorables à l'apartheid, soit le facteur qui a poussé le monde et certains Israéliens à se réveiller. Mais il est désormais clair que la seule chose qui pourrait arrêter le bordel législatif est le préjudice économique subi par le pays. Le fait que les Israéliens retirent leur argent et que les acteurs internationaux n'investissent pas ici change la donne. Les manifestations, aussi bruyantes et tonitruantes qu'elles puissent être, se dissiperont rapidement et suivront le chemin de toutes les protestations. Les pétitions et les lettres s'estomperont. Seuls les dommages économiques s'accumuleront. C'est la seule chose qui puisse arrêter l'érosion. C'est ce qui s'est passé en Afrique du Sud, lorsque les dirigeants de la communauté des affaires ont dit au gouvernement qu'ils ne pouvaient plus continuer, et c'est ce qui va se passer ici avec la révolution judiciaire. Uniquement par l'argent.

Il ne faut évidemment pas se laisser bercer par les illusions. Le lien entre les protestations et la lutte contre l'apartheid est ténu. La plupart des manifestants se contenteront de l'annulation de la clause permettant à la Knesset de passer outre les décisions de justice et de l'ajout de représentants du public au comité de nomination des juges, et seront pleinement satisfaits lorsque Benjamin Netanyahou quittera le pouvoir. En ce qui les concerne, l'apartheid peut continuer.

Mais on peut espérer que la convulsion ne pourra pas s'arrêter au statu quo ante. La tempête peut rebattre de nombreuses cartes sur son passage. Lorsque les Israéliens commenceront à payer pour les folies de leurs dirigeants, ils trouveront peut-être le temps de reconsidérer la plus grande folie de toutes : l'État d'apartheid dans lequel ils vivent, qu'ils paient du sang de leurs fils et de l'image de leur pays. Ce n'est qu'alors qu'une nouvelle aube se lèvera.