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29/02/2024

Les motifs de l’auto-immolation d’ Aaron Bushnell : des informations confidentielles sur les forces US combattant dans les tunnels de Gaza

Cet article est paru dans le tabloïd New York Post du 27 février. Nous l’avons traduit tel quel.-Tlaxcala

Jack Morphet , Andy Tillett et Kate Sheehy, New York Post, 27/2/2024

Aaron Bushnell a affirmé qu’il avait des informations secrètes sur des troupes usaméricaines combattant dans les tunnels du Hamas sous Gaza, quelques heures avant de s’immoler par le feu dans un « acte de protestation extrême » contre Israël, a déclaré mardi un ami proche au Post.

L’aviateur de 25 ans - qui a servi dans la 70e  escadre de renseignement, de surveillance et de reconnaissance de l’armée de l’air, mais qui a également interagi avec des groupes anarchistes radicaux en ligne - a affirmé qu’il avait une "autorisation top secrète" pour les données du renseignement militaire lors de l’appel à son ami samedi soir, a-t-il dit.

« Il m’a dit samedi que nous avions des troupes dans ces tunnels, que c’étaient des soldats usaméricains qui participaient aux meurtres » a affirmé l’ami, dont les liens avec Bushnell ont été vérifiés par le Post.

« Son travail consistait à traiter des données de renseignement. Une partie de ce qu’il traitait concernait le conflit Israël- Gaza ».

« L’une des choses qu’il m’a dites, c’est que ce qui est arrivé sur son bureau [...] c’était que l’armée usaméricaine était impliquée dans le génocides qui se déroule en Palestine », a déclaré l’ami, faisant référence à la guerre d’Israël contre le groupe terroriste palestinien Hamas à Gaza.

« Il m’a dit que nous avions des soldats sur le terrain qui tuaient un grand nombre de Palestiniens.

Il y a trop de choses que je ne sais pas, mais je peux vous dire que le ton de sa voix avait quelque chose qui me disait qu’il avait peur », a déclaré le copain.

« Je n’avais jamais entendu ce ton dans sa voix. »

Bien que Bushnell ait affirmé qu’il transmettait des informations top secrètes à son ami, il n’y a aucun moyen de vérifier si c’est vrai.

La Maison Blanche a déclaré à plusieurs reprises qu’elle n’enverrait pas de troupes américaines sur le terrain à Gaza, et le président Biden a déclaré qu’il espérait négocier un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas cette semaine.

Selon le New York Times, des forces d’opérations spéciales usaméricaines ont été déployées en Israël depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre, afin « d’identifier les otages, y compris les otages usaméricains », après que le groupe en a capturé plus de 200 au cours de son raid.

Les forces spéciales ont également participé à l’élaboration de la stratégie des troupes israéliennes à Gaza, qui débusquent les membres du Hamas dans le réseau de tunnels situé sous le territoire, mais le rapport précise que les troupes [US] « ne sont pas affectées à des rôles de combattants ».

L’armée de l’air a confirmé que le titre de Bushnell était « technicien des services d’innovation » [sic], mais n’a pas précisé l’habilitation de sécurité dont il disposait. Elle n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire du Post mardi.

L’ami - qui a précisé qu’il [Aaron] ne « soutenait pas le Hamas d’une manière ou d’une autre » - s’est dit surpris car Bushnell n’avait jamais violé son habilitation militaire auparavant.

« Il a une habilitation de sécurité depuis quatre ans maintenant, et c’est la seule fois, à ma connaissance, qu’il a enfreint le protocole et donné des informations qu’il n’aurait pas dû donner », a déclaré l’ami à propos de leur conversation.

« Il était effrayé », a déclaré l’ami à propos de Bushnell, qui a grandi dans un complexe religieux controversé dans une petite ville côtière du Massachusetts, mais qui a fini par s’immoler devant l’ambassade d’Israël à Washington, DC, vers 13 heures dimanche, en criant « Libérez la Palestine ! »

Quelques minutes avant de s’immoler, Bushnell avait diffusé en direct une brève allocution vidéo dans laquelle il déclarait qu’il ne serait « plus complice d’un génocide ».

Dans son dernier message sur Facebook, Bushnell a également écrit : « Beaucoup d’entre nous aiment se demander ... Que ferais-je si mon pays commettait un génocide ? La réponse est que vous êtes en train de le faire. En ce moment même ».

Des messages non confirmés publiés sur Reddit et liés à un compte semblant appartenir à Bushnell comprenaient des diatribes contre Israël et justifiaient l’attaque terroriste du Hamas.

Ils ont été publiés dans des groupes anarchistes et anti-policiers, à côté de messages plus banals sur des logiciels informatiques et des demandes de conseils en matière de carrière.

Sur sa page Facebook, Bushnell soutenait également le collectif anarchiste Burning River et Mutual Aid Street Solidarity.

L’ami de Bushnell a déclaré qu’il n’avait aucune idée que le fervent chrétien se suiciderait, d’autant plus que l’aviateur lui avait dit auparavant qu’il était contre le suicide.

« Il a dit que cela allait à l’encontre du plan de Dieu, qu’il y avait toujours de meilleures solutions que le suicide, que le suicide n’allait rien arranger », a déclaré l’ami à propos des commentaires que Bushnell lui avait faits à l’époque.

« Pour qu’Aaron ait fait ce qu’il a fait, il y avait des choses qui l’empêchaient d’agir », a ajouté l’ami.

« Les problèmes qu’il voyait, il ne pouvait pas les résoudre. Il aurait pris cette décision pour essayer de faire en sorte que quelqu’un d’autre puisse résoudre le problème ».

L’ami a déclaré que lorsqu’il a appris que le suicide avait été diffusé en direct, « ma première réaction a été de me dire : "Ce n’est pas possible" ».

« Le suicide n’est pas quelque chose qu’Aaron ferait », a déclaré l’ami.

Il a ajouté que lorsque les deux hommes ont discuté de ce que Bushnell disait avoir découvert sur la guerre, « je lui ai dit de suivre sa conscience, qui l’a toujours mené dans la bonne direction auparavant », bien que Bushnell n’ait pas fait allusion à ce qu’il ferait le lendemain.

« Aaron était très analytique, il aura pris ce genre de décision après y avoir réfléchi longuement.

Aaron se présente extérieurement comme la personne la plus calme, la plus froide et la plus posée que vous puissiez connaître », a ajouté l’ami.

« Vous regardez la vidéo de lui, et vous voyez à quel point il est calme, cool et posé, et c’est sa personnalité normale.

« Le plus bouleversé que nous ayons jamais vu ... c’est qu’il allait prendre une hache et couper du bois ».

L’ami, qui connaissait Bushnell depuis son adolescence, a déclaré qu’il voulait à l’origine s’engager dans l’armée, mais qu’après avoir examiné de plus près toutes les branches des forces armées, le jeune homme a opté pour l’armée de l’air ou la marine.

« Il a tiré à pile ou face [et a choisi] l’armée de l’air. C’était en 2019 », raconte l’ami.

Au cours des années suivantes, Bushnell - qui était « honnête », plein d’ « ntégrité » et » aurait fait  n’importe quoi pour aider n’importe qui, n’importe quand » - a eu du mal à se conformer constamment à la ligne militaire, a déclaré l’ami.

« Quiconque s’engage dans l’armée, les yeux brillants et tout feu tout flamme comme Aaron, et s’implique dans des activités liées au renseignement sur les transmissions, finira dans l’esprit du corps des transmissions ou partira », a déclaré l’ami, faisant référence au système de communication et d’information de l’armée.

« Aaron n’a pas adhéré à l’état d’esprit du Signal Corps.

Cet état d’esprit peut être décrit comme le fait de faire de petits compromis avec sa propre force intérieure pour ne plus être la personne que l’on était auparavant » a déclaré la source.

« Aaron ne pouvait pas faire ça, ce n’était pas dans sa nature ».

* NdT
Renseignements pris, Aaron a grandi dans une communauté œcuménique chrétienne qualifiée par certains de charismatique et par d’autres de « secte controversée », comptant 200 membres, la Communauté de Jésus, appartenant à l’Église de la Transfiguration créée par des moines bénédictins à Orleans, sur la Baie de Cape Cod, dans le Massachusetts. Les membres de la communauté s’exprimant sur les réseaux sociaux ont manifesté depuis le 7 octobre des positions pro-israéliennes pures et dures. 

27/02/2024

SERAJ ASSI
Aaron Bushnell a refusé de se taire sur l’horreur de Gaza : il s’est immolé

 Seraj Assi, Jacobin, 26/2/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Versión española: Aaron Bushnell se negó a guardar silencio ante los horrores de Gaza: se inmoló por fuego delante de la embajada israelí en Washington

La mort atroce d'Aaron Bushnell par auto-immolation était une prise de position contre la misère noire à Gaza infligée par Israël et soutenue par le propre gouvernement de Bushnell.

Dimanche, un jeune USAméricain en uniforme militaire s'est dirigé vers la porte de l'ambassade d'Israël à Washington. Il s'est présenté dans un flux vidéo en direct (livestream).

Je m'appelle Aaron Bushnell. Je suis un membre actif de l'armée de l'air US et je ne veux plus être complice d'un génocide. Je suis sur le point de m'engager dans un acte de protestation extrême. Mais comparé à ce que les gens ont vécu en Palestine des mains de leurs colonisateurs, ce n'est pas du tout extrême. C'est ce que notre classe dirigeante a décidé de considérer comme normal.

Les images horribles montrent Bushnell, âgé de 25 ans, qui s'arrête devant l'ambassade, pose son téléphone, s'asperge d'un liquide inflammable et s'enflamme.

Ses dernières paroles : « Libérez la Palestine ».

Alors que Bushnell s'effondrait, des policiers qui avaient assisté à la tragédie se sont précipités vers la scène. Alors que l'agent de sécurité de l'ambassade pointait son arme sur le corps enflammé de Bushnell, on a entendu un agent muni d'un extincteur lui crier : « Je n'ai pas besoin de flingues, j'ai besoin d'extincteurs ! »

Bushnell s'est effondré en criant « Free Palestine» en proie à des douleurs intenses et terrifiantes. Il a succombé à ses blessures dans un hôpital local de Washington peu de temps après.

Bushnell était un militaire usaméricain qui a donné sa vie pour protester contre les horreurs commises à Gaza avec la complicité de son propre gouvernement. Il servait dans l'armée de l'air usaméricaine depuis près de quatre ans. Son profil LinkedIn indique qu'il est sorti de l'entraînement de base « en tête de vol et en tête de classe ». Ses amis et ses proches le décrivent comme « une force de joie dans notre communauté ». Un message en ligne se souvient de lui comme d'une « personne incroyablement douce, gentille et compatissante ». (Le compte de médias sociaux de Bushnell affiche toujours un drapeau palestinien sur son profil).

@krime_1

La mort de Bushnell survient alors que l'administration de Joe Biden continue d'armer Israël jusqu'à la garde, lui prodiguant des milliards de dollars tout en fournissant une couverture diplomatique à ses crimes de guerre à Gaza, en opposant son veto à plusieurs résolutions de l'ONU en faveur d'un cessez-le-feu. Les USA ont récompensé les crimes de guerre d'Israël en commettant leur propre crime de guerre, puisqu'ils continuent d'affamer les Palestiniens en interrompant le financement de l'UNRWA, l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient ; Cet arrêt du financement est une punition collective infligée au peuple palestinien pour avoir demandé justice à la Cour internationale de justice (CIJ), tout en promettant de ne pas punir Israël pour son invasion potentielle imminente de Rafah, même si elle vise des civils, et malgré les craintes croissantes de génocide et d'épuration ethnique. (Les USA ont été l'un des rares pays à défendre Israël lors de l'audience de la CIJ sur l'occupation israélienne la semaine dernière).

 Alors que Bushnell brûlait, le nombre de morts à Gaza dépassait les trente mille civils, dont près de la moitié étaient des enfants. Deux millions de Palestiniens ont été déplacés. La moitié de la population est au bord de la famine, car Israël continue de priver la bande de Gaza assiégée de nourriture, d'eau et de médicaments, condamnant ainsi des milliers de Palestiniens à une mort lente et atroce.

 Aaron Bushnell n'est pas le premier USAméricain à s'immoler par le feu pour protester contre le génocide de Gaza. En décembre dernier, un manifestant s'est immolé devant le consulat d'Israël à Atlanta, en Géorgie, dans ce que la police a décrit comme « probablement un acte extrême de protestation politique ». Un drapeau palestinien a été trouvé sur les lieux après l’acte.

L'auto-immolation est un acte de protestation radical qui vise à choquer et à mobiliser les gens tout en nous alertant sur les horreurs de la guerre. Cette protestation s'inscrit dans une tradition profondément ancrée dans l'activisme anti-guerre aux USA. En 1970, un jeune Californien du nom de George Winne Jr est mort après s'être immolé par le feu à San Diego pour protester contre la guerre du Viêt Nam. Alors qu'il agonisait, il a demandé à sa mère d'écrire au président Richard Nixon pour lui expliquer les raisons de son geste. Sa lettre disait :

Notre fils George Jr. s'est immolé par le feu sur le campus de l'UCSD le 10 mai. Avant de mourir, il nous a dit qu'il avait choisi le moyen le plus spectaculaire auquel il pouvait penser pour attirer l'attention des gens sur la situation la plus déplorable du monde et de ce pays.
Au début de l'année 1991, Gregory Levey, un manifestant pacifiste et enseignant d'Amherst (Massachusetts), s'est immolé pour protester contre la première guerre d'Irak. Raymond Moules lui emboîte le pas trois jours plus tard à Springfield, en Virginie.

Cette tactique extrême a également des précédents internationaux, du moine bouddhiste Thich Quang Duc, qui s'est immolé à Saigon en 1963 pour protester contre la guerre des USA au Viêt Nam, à Mohamed Bouazizi, le vendeur ambulant tunisien qui s'est immolé dans la ville de Sidi Bouzid en 2010 et a contribué à déclencher le printemps arabe.*

S'immoler par le feu n'est pas une tactique que toute personne saine d'esprit choisirait d'employer à la légère. Il s'agit d'une action née du désespoir, du sentiment qu'aucune autre tactique, qu'il s'agisse d'écrire et d'appeler les élus, de participer à des manifestations ou de s'engager dans la désobéissance civile, n'est en mesure d'accélérer la fin du flot d'horreurs auquel nous assistons à Gaza depuis le mois d'octobre. L'action de Bushnell était extrême, mais beaucoup d'entre nous peuvent certainement s'identifier à ses sentiments de désespoir, de rage et de déchirement engendrés par le fait d'assister à un nettoyage ethnique en direct sur nos plateformes de médias sociaux, puis de voir que très peu d'élus - y compris au sein du Parti démocrate - ont le courage d'exiger la fin d'une violence aussi effroyable.

Bushnell est mort pour que Gaza vive. Il est mort pour une Palestine libre et pour nous rappeler que de nombreux USAméricains s'opposent à l'occupation, à l'apartheid et au siège de Gaza par Israël, ainsi qu'à l'oppression du peuple palestinien qui dure depuis des décennies. Sa mort devrait être un appel à l'action, un appel urgent à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin aux atrocités incessantes commises à Gaza avec l'argent public usaméricain et l'approbation des fonctionnaires usaméricains, afin que plus personne ne se sente obligé de s'ôter la vie dans le cadre d'une protestation aussi macabre.

Peu avant sa mort, Aaron a publié en ligne le message suivant : « Beaucoup d'entre nous aiment à se demander : "Que ferais-je si j'étais encore en vie à l'époque de l'esclavage ? Ou du temps de Jim Crow dans le Sud ? Ou de l'apartheid ? Que ferais-je si mon pays commettait un génocide ? La réponse est que vous êtes en train de le faire. En ce moment même ».

NdT
*Lire à ce sujet Le feu de la révolte, Torches humaines du Maghreb à l’Europe, par Annamaria Rivera, éditions workshop19/The Glocal Workshop, 2022

Seraj Assi est né et a grandi dans un petit village palestinien en Israël. À l'âge de trente ans, il s'est exilé aux USA et s'est installé à Washington DC. Il est titulaire d'un doctorat en études arabes et islamiques de l'université de Georgetown. Sa thèse de doctorat a été publiée sous le titre The History and Politics of the Bedouin, Reimagining Nomadism in Modern Palestine (Routledge, 2020). Son premier roman, My Life as an Alien, a été publié par Tartarus Press en 2023. Il écrit pour plusieurs médias. Il est le fondateur de Mideasta Consulting Services, un cabinet de conseil à Washington DC.

*** 

La résistance palestinienne rend hommage au martyr Aaron Bushnell

Les déclarations suivantes ont été publiées sur Resistance News Network le 26 février 2024


@ms3_99

Hamas

Nous, au sein du Mouvement de la résistance islamique (Hamas), exprimons nos sincères condoléances et notre entière solidarité avec la famille et les amis du pilote américain Aaron Bushnell, dont le nom a été immortalisé en tant que défenseur des valeurs humanitaires et du sort du peuple palestinien opprimé qui souffre à cause de l'administration américaine et de ses politiques injustes, comme l'activiste américaine Rachel Corrie qui a été écrasée par un bulldozer sioniste en 2003 à Rafah, la même ville pour laquelle Bushnell a payé de sa vie pour qu'elle soit détruite. Comme l'activiste américaine Rachel Corrie, écrasée par un bulldozer sioniste en 2003 à Rafah, la même ville pour laquelle Bushnell a payé de sa vie pour faire pression sur le gouvernement de son pays afin d'empêcher l'armée sioniste criminelle de l'attaquer et d'y commettre des massacres et des violations.

L'administration du président américain Joe Biden porte l'entière responsabilité de la mort d'Aaron Bushnell en raison de sa politique de soutien à l'entité nazi-sioniste dans sa guerre de génocide contre le peuple palestinien, car il a donné sa vie pour mettre en lumière les massacres et le nettoyage ethnique sioniste contre notre peuple dans la bande de Gaza.

L'héroïque pilote Aaron Bushnell restera immortel dans la mémoire de notre peuple palestinien et des peuples libres du monde, et un symbole de l'esprit de solidarité humanitaire mondiale avec notre peuple et sa juste cause.

L'incident tragique qui a coûté la vie au pilote Bushnell est l'expression de la colère croissante des citoyens américains qui rejettent la politique de leur pays qui contribue au massacre et au génocide de notre peuple, et qui rejettent la violation par leur gouvernement des valeurs humanitaires mondiales, en fournissant une couverture pour assurer l'impunité de l'entité nazie et de ses dirigeants contre toute punition et responsabilité.

Département central des médias du Front populaire de libération de la Palestine

L'acte d'un soldat américain se sacrifiant pour la Palestine est le plus grand sacrifice et une médaille, ainsi qu'un message poignant à l'administration américaine pour qu'elle cesse de participer à l'agression.

 Le Front populaire de libération de la Palestine a affirmé que l'acte d'Aaron Bushnell, membre de l'armée de l'air américaine, qui s'est immolé par le feu devant l'ambassade sioniste à Washington pour protester contre la guerre contre Gaza, et qui a appelé à la « libération de la Palestine », confirme l'état de colère du peuple américain face à l'implication officielle des USA dans la guerre génocidaire sioniste menée contre la bande de Gaza.

Il indique également que le statut de la cause palestinienne, en particulier dans les cercles américains, est de plus en plus profondément ancré dans la conscience mondiale, et révèle la vérité de l'entité sioniste en tant qu'outil colonial bon marché dans les mains de l'impérialisme sauvage.

 Le Front exprime son entière solidarité avec la famille du
soldat et tous les sympathisants américains qui ont pris une position honorable et dont la lutte et la pression pour arrêter le génocide sur la bande de Gaza n'ont pas cessé, confirmant que l'acte d'un soldat américain sacrifiant sa vie pour attirer l'attention du peuple américain et du monde sur la situation critique de la bande de Gaza est un acte de solidarité et de solidarité. Le Front a confirmé que l'acte d'un soldat américain sacrifiant sa vie pour attirer l'attention du peuple américain et du monde sur le sort du peuple palestinien, malgré sa nature tragique et la grande douleur qu'il implique, est considéré comme le plus grand sacrifice et la plus haute médaille, et le message poignant le plus important adressé à l'administration américaine, qu'elle est impliquée dans le crime de guerre à Gaza et que le peuple américain s'est réveillé et rejette cette implication, appelant l'administration à cesser son soutien et son parti pris pour l'entité sioniste.

 Le Front a envoyé un message aux soldats arabes pour qu'ils prennent comme exemple et modèle ce soldat américain qui a sacrifié sa vie pour une noble cause comme la cause palestinienne, et pour qu'ils quittent les tranchées de l'attente, de l'incapacité, et qu'ils passent à la tranchée de la confrontation pour soutenir la Palestine et son peuple qui est massacré, assiégé et affamé au vu et au su du monde entier et à seulement quelques kilomètres des terres arabes et à quelques mètres des frontières.

 La Palestine sera victorieuse tant qu'elle sera profondément gravée dans les consciences du monde, et l'histoire inscrira en lettres d'or les noms de tous les sympathisants et de toutes les personnes libres du monde qui se sont tenus à ses côtés et ont sacrifié leur vie pour elle.

 

26/02/2024

ROSA LLORENS
La Ferme des Bertrand : entre émotion et perplexité

Rosa Llorens, 26/2/2024 

La sortie de La ferme des Bertrand, de Gilles Perret, semble arriver au moment le plus opportun : elle constitue un hommage à un groupe d’agriculteurs et à leur travail à l’heure où les paysans sont obligés de défendre leur outil de travail contre Macron, Bruxelles et l’Empire US. Mais, malgré la force d’émotion du film, on peut se demander s’il éclaire vraiment la situation actuelle.

Le film reprend des images d’un premier documentaire, en noir et blanc, de Marcel Trillat, en 1972, d’un premier documentaire de G. Perret, de 1997, « Trois frères pour une vie », dont La ferme des Bertrand prend la suite. On suit donc, sur 50 ans, une famille d’éleveurs de Quincy, en Haute-Savoie (près de Genève), remarquable en ce qu’elle a réussi à préserver son exploitation à travers trois transmissions : trois frères ont d’abord repris la ferme de leurs parents, puis un de leurs neveux, avec sa femme Hélène, et maintenant un fils et un gendre d’Hélène. Le héros du film, c’est André, seul survivant de la fratrie originelle : au fil des trois films (et sur la belle affiche du film), on le voit vieillir et se recroqueviller (dans le troisième film, il a dû abandonner l’étable et limiter ses activités au poulailler). On suit d’abord les trois frères, puis André seul et ses descendants, dans leur vie quotidienne, dans l’étable, au pré, dans leur cuisine, en train de préparer leur soupe, ou de prendre un café arrosé, versé jusqu’à ras bord, dans des verres duralex (à cette occasion, on voit même le patriarche, leur père, la toute première génération). C’est donc le bilan de toute une vie que fait André, une vie de sacrifices (tous trois sont restés célibataires), et de dur travail, puisque, faute de capitaux, les trois frères ont dû tout faire à la force des bras (on les découvre même au départ dans une activité de casseurs de cailloux). 

 

 Tous les critiques relèvent la force des paroles d’André, leur impact sur le spectateur : la plupart d’entre nous ont encore des souvenirs de grands-parents paysans, souvenirs d’enfance qui imprègnent toute notre vie, aussi chacun peut-il voir en André un grand-père ou un père. Voilà un film qui montre la vraie vie, loin de tous ces films adultérés, idéologisés, dont les héroïnes bovaryennes n’ont d’autre problème que de « s’émanciper » du « patriarcat » et les héros de savoir si leur sexe leur convient ou non. C’est donc avec une profonde empathie qu’on voit le film : la vie des Bertrand, c’est la nôtre, telle qu’elle s’écoule, d’une saison à l’autre, d’une génération à l’autre, et on sort du cinéma la gorge un peu serrée.

Mais André n’a rien d’un nostalgique : il a toujours pris le parti de la modernité, c’est-à-dire de la mécanisation, au point que maintenant ses petits-neveux ne descendent de leur tracteur que pour suivre la gestion des bêtes sur l’ordinateur, et ne pensent plus à fignoler à la main le travail de la machine. Et sa nièce Hélène, qui va prendre sa retraite à plus de 65 ans, va être remplacée par une lourde machine à traire.

Cependant, ce parti-pris de modernité suscite moins d’empathie, pour diverses raisons.

D’abord, une raison qu’on peut taxer de sentimentale : on souffre de voir les bêtes soumises à un protocole imposé par les machines (tels des Palestiniens à un check-point) et défiler une par une sur des espèces de potences où elles sont traites. La mise bas d’une vache est encore plus pénible : l’éleveur tire sur les pattes avant du nouveau-né avec une corde pour accélérer la naissance (j’avais vu pire dans un film danois où le petit veau était attaché avec une chaîne sur laquelle l’éleveuse tirait comme une malade) ; la suite est encore pire : on écarte brutalement les pattes du veau : « Celui-là, c’est un mâle, il ira à la boucherie ». Puis on voit Hélène le nourrir au biberon en disant : « Il tète le lait de sa mère ». Peut-être, mais il ne connaîtra jamais sa mère, ni elle son petit, puisque les veaux sont élevés dans des boxes à part.

Il y a quelque chose de fondamentalement pervers dans l’élevage (et je ne parle même pas des poussins mâles jetés dans la broyeuse – pratique à laquelle on a théoriquement mis fin). Mais la solution n’est certainement pas de nous gaver d’insectes, et il faudrait en tout cas commencer par interdire l’importation de poulets ukrainiens produits dans d’abominables méga-usines [comme celles du groupe MHP, de l’oligarque Yuriy Kosyuk, plus gros producteur de poulets d’Europe, récemment épinglé par Macron].

Notre Ryaba [poule aux œufs d’or) : sans antibiotiques, sans hormones de croissance, existe aussi en version halal

Autre chose laisse perplexe dans ce film : oui, il est d’actualité parce qu’il y est question d’agriculteurs ; mais les Bertrand sont-ils représentatifs de leur profession ? On a parlé à propos du film de « conte de fées », et, effectivement, ils sont contents de leur sort, et la nouvelle génération peut même s’octroyer des vacances. Mais ils sont protégés par l’AOP Reblochon, qui leur garantit des prix convenables. Les agriculteurs qui manifestent aujourd’hui un peu partout en Europe de l’Ouest, ceux qui ont investi le Salon de l’Agriculture où paradait Macron (comme je ne regarde pas la télévision, je l’imagine en habit et culotte à rubans et perruque poudrée), luttent pour leur survie, et l’investissement en machines sophistiquées les endette irrémédiablement ; parmi eux, on compte, selon une statistique, un suicide tous les deux jours, selon une autre, deux suicides par jour.

La ferme des Bertrand est un film réussi (sans doute ce qu’on peut voir de mieux actuellement sur les écrans) et émouvant ; mais on peut s’étonner que le militant Gilles Perret, auteur en 2007 de Ma Mondialisation, produise un film aussi irénique. André conclut : « Notre vie est une réussite économique, mais un échec humain » (dans le domaine affectif) : si, sur le plan humain, il faudrait aussi parler de la satisfaction d’avoir mené à bien leur projet, sur le plan économique, il faudrait nuancer, tant leur prospérité (relative, bien sûr) paraît marginale dans la situation actuelle.

 

19/02/2024

« Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante » : la nouvelle panthéonnade de Macron

Ainsi donc, deux nouveaux métèques vont faire leur entrée au Panthéon ce 21 février : Missak et Mélinée Manouchian, Arméniens, apatrides, communistes, résistants, vont rejoindre Joséphine Baker, Simone Veil et 80 autres « grands hommes » (dont 8 femmes) dans ce « temple républicain » dont la coupole est surmontée par une croix chrétienne, dans le plus pur esprit de la laïcité à la française.

Une croix dont les apparitions et les disparitions ont suivi les changements de régime depuis 244 ans. La Convention de 1791 avait fait de l’Église Sainte-Geneviève construite avant la Révolution ce « Panthéon » inspiré du Panthéon de Rome pour y enterrer Mirabeau, puis Voltaire, Rousseau, Descartes et autres, Napoléon Ier en avait refait une église, puis Louis Philippe l’avait de nouveau laïcisé en 1830, avant que Napoléon III en refasse un lieu de culte chrétien, puis la Commune de Paris avait scié les bras de la croix, y accrochant un drapeau rouge. L’Ordre moral instauré par Les Versaillais massacreurs des Communards -l’un d’eux, le journaliste Jean-Baptiste Millière, fut fusillé à genoux sur les marches du Panthéon - avait restauré la croix et la République y enterra en grands pompes Victor Hugo en 1885, lui qui avait écrit en 1852 dans son pamphlet Napoléon le petit : « Il [Napoléon III] a enfoncé un clou sacré dans le mur du Panthéon et il a accroché à ce clou son coup d'État. »

Et aucune des républiques qui se sont succédé depuis lors ne s’est souciée de la présence de cette croix au sommet du « Temple ». Laquelle croix ne gêne pas non plus les francs-maçons qui ont convaincu Macron d’honorer ces deux terroristes apatrides que furent Missak et Mélinée.

Nos deux Arméniens seront donc honorés mercredi en présence de Madame Le Pen [lire ci-dessous], qui vient d’accueillir dans les rangs de son parti Fabrice Leggeri, qui démissionna de son poste de directeur de l’agence Frontex en 2022, pour éviter les désagréments d’une enquête sur ses pratiques illégales de renvois de demandeur d’asile vers leurs pays et se prépare à une confortable fin de carrière comme député européen.

Si les Manouchian et leurs camarades polonais, italiens, espagnols, hongrois et roumains avaient vécu dans l’Europe du XXIème siècle, ils n’auraient sans doute pas été fusillés, mais seulement mis dans des centres de rétention et réexpédiés en charters vers les enfers qu’ils avaient fui. Si Macron avait vraiment voulu honorer les métèques FTP-MOI morts pour la France, ce sont tous les 23 martyrs du 21 février 1944 qu’il aurait du faire entrer au Panthéon, comme le lui demandaient les signataires de l’appel ci-dessous. Mais c’était quand même trop lui demander-FG

« Missak Manouchian doit entrer au Panthéon avec tous ses camarades »

Collectif, Le Monde,  23/11/2023

Si les résistants Missak et Mélinée Manouchian entreront au Panthéon le 21 février 2024, leurs 22 camarades du groupe FTP-MOI méritent eux aussi cet honneur, rappelle, dans une tribune au « Monde », un collectif constitué de descendants de ces martyrs et d’intellectuels, parmi lesquels Costa-Gavras, Delphine Horvilleur, Patrick Modiano, Edgar Morin ou encore Annette Wieviorka.

Fresque murale du peintre Popof en hommage au groupe Manouchian, angle rue du Surmelin et rue Darcy, Ménilmontant, Paris 20e (Photo Marie-José PL)

Monsieur le Président de la République, nous vous écrivons cette lettre dans l’espoir d’empêcher une injustice. Vous avez annoncé le 18 juin votre choix de faire entrer au Panthéon les dépouilles de Missak Manouchian et de son épouse, Mélinée, en février 2024, à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire du martyre du groupe de résistance à l’occupation nazie et à ses collaborateurs français. Le 21 février 1944, vingt-deux hommes furent fusillés au Mont-Valérien. La seule femme de leur réseau fut décapitée à Stuttgart, le 10 mai 1944.

Portrait de Manouchian dans  la maison d’arrêt de Fresnes, par Christian Guémy alias C215

Votre décision est une heureuse nouvelle qui nous a réjouis. Mettant fin à un trop long oubli, elle marque la reconnaissance de la contribution décisive des résistants internationalistes à la libération de la France et au rétablissement de la République. Manouchian et ses camarades appartenaient en effet aux Francs-tireurs et partisans - Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI), une unité de la Résistance communiste composée en grande part d’étrangers, de réfugiés et d’immigrés.  « Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant », rappelait Louis Aragon en les célébrant dans son poème « L’Affiche rouge », où il évoquait leurs noms « difficiles à prononcer ».

Place Henri-Krasucki, Paris 20e

En nos temps ô combien incertains où de nouvelles ombres gagnent, où xénophobie, racisme, antisémitisme et toutes les formes de rejet de l’autre, de l’étranger et du différent menacent, cet hommage patriotique et républicain est un message de fraternité qui rappelle que la France a toujours été faite du monde, de la diversité de son peuple et de la pluralité de ses cultures grâce à l’apport de toutes ses communautés d’origine étrangère. C’est surtout un message universel qui souligne combien les idéaux d’égalité des droits, sans distinction de naissance, de croyance ou d’apparence, initialement proclamés par la Déclaration des droits de l’homme de 1789, pour lesquels Manouchian et ses camarades ont donné leurs vies, peuvent soulever le monde entier.



Sans en oublier un seul

Or, Monsieur le Président, c’est ce message que contredit le choix de faire entrer au Panthéon Missak et Mélinée Manouchian, et eux seuls. Eux-mêmes ne l’auraient sans doute ni compris ni souhaité. Isoler un seul nom, c’est rompre la fraternité de leur collectif militant. Distinguer une seule communauté, c’est blesser l’internationalisme qui les animait. Ce groupe de résistants communistes ne se résume pas à Manouchian qui, certes, en fut le responsable militaire avant que la propagande allemande ne le promeuve chef d’une bande criminelle. Et le symbole qu’il représente, à juste titre, pour nos compatriotes de la communauté arménienne est indissociable de toutes les autres nationalités et communautés qui ont partagé son combat et son sacrifice.

Monsieur le Président, nous espérons vous avoir convaincu que Missak Manouchian ne saurait entrer seul au Panthéon, fût-ce en compagnie de son épouse. Ce sont les vingt-trois, tous ensemble, qui font l’épaisseur de cette histoire, la leur devenue la nôtre, celle de la France, hier comme aujourd’hui. Les vingt-trois, sans en oublier un seul : juifs polonais, républicains espagnols, antifascistes italiens, et bien d’autres encore.

Nous vous demandons donc de faire en sorte qu’il soit accompagné par ses vingt-deux camarades : l’Arménien Armenak Arpen Manoukian, l’Espagnol Celestino Alfonso, les Italiens Rino Della Negra, Spartaco Fontanot, Cesare Luccarni, Antoine Salvadori et Amedeo Usseglio, les Français Georges Cloarec, Roger Rouxel et Robert Witchitz, les Hongrois Joseph Boczov, Thomas Elek et Emeric Glasz, les Polonais Maurice Füngercwaig, Jonas Geduldig, Léon Goldberg, Szlama Grzywacz, Stanislas Kubacki, Marcel Rajman, Willy Schapiro et Wolf Wajsbrot, et la Roumaine Olga Bancic.

Ils étaient vingt-trois, « vingt et trois qui criaient la France en s’abattant » – Aragon toujours –, vingt et trois qui disent notre patrie commune, sa richesse et sa force. Vingt et trois qui, à l’heure de la reconnaissance nationale, sont indissociables.

Signataires : Juana Alfonso, petite fille de Celestino Alfonso ; Patrick Boucheron, historien, professeur au Collège de France ; Michel Broué, mathématicien ; Patrick Chamoiseau, écrivain ; Costa-Gavras, cinéaste, président de La Cinémathèque française ; Elise Couzens et Fabienne Meyer, cousines germaines de Marcel Rajman ; Michel, Patrice et Yves Della Negra, neveux de Rino Della Negra ; René Dzagoyan, écrivain ; Jean Estivil, neveu de Celestino Alfonso ; André Grimaldi, professeur émérite de médecine ; Anouk Grinberg, comédienne et artiste ; Jean-Claude Grumberg, écrivain et homme de théâtre ; Yannick Haenel, écrivain ; Delphine Horvilleur, rabbine et écrivaine ; Serge et Beate Klarsfeld, historiens ; Mosco Levi Boucault, réalisateur ; Patrick Modiano, écrivain, prix Nobel de littérature ; Edgar Morin, sociologue et philosophe ; Edwy Plenel, journaliste ; Anne Sinclair, journaliste ; Thomas Stern, neveu de Thomas Elek ; Annette Wieviorka, historienne, directrice de recherche au CNRS ; Ruth Zylberman, écrivaine et réalisatrice.

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Hommage à Missak et Mélinée Manouchian : non à la présence du RN au Panthéon

Nous ne souhaitons pas la présence du Rassemblement national à l'hommage rendu mercredi, au Panthéon. L'histoire et les valeurs de ce parti sont en contradiction avec le combat des résistants des FTP-MOI, étrangers, juifs, communistes.

Descendants des membres du « groupe Manouchian », nous ne souhaitons pas la présence du Rassemblement national à l'hommage rendu mercredi, au Panthéon.

L'histoire et les valeurs de ce parti sont en contradiction avec le combat des résistants des FTP-MOI, étrangers, juifs, communistes.

A l'heure où le Rassemblement national remet en cause le droit du sol, la présence des représentants de ce parti serait une insulte à la mémoire de ceux qui ont versé leur sang sur le sol français.

Nous ne voulons pas participer à la stratégie de dédiabolisation d'un parti xénophobe et raciste. Missak Manouchian et ses camarades ne l'auraient pas supporté. 

Signataires :

Familles de Celestino Alfonso, Joseph Epstein, Marcel Rajman, Wolf Wajsbrot, Missak Manouchian et Amedeo Usseglio

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Manouchian : Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Armeniens engagés dans la Résistance française

Manouchian
Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Arméniens engagés dans la Résistance française
Astrig Atamian Claire Mouradian Denis Peschanski

Editions Textuel, novembre 2023
ISBN : 978-2-84597-961-1
192 pages
250 images
39 €
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Manouchian : Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Armeniens engagés dans la Résistance française

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➤Antoine Perraud
Retour sur l’éclairante « affaire Manouchian » de 1985
En 1985, un documentaire de Mosco Levi Boucault, « Des “terroristes” à la retraite », retraçait l’action des FTP-MOI, avant l’arrestation du groupe. Ce fut « l’affaire Manouchian ». Revoyons ce film aussi capital que discutable.


➤Mosco revisite l’ouverture de son documentaire « Des ‘terroristes’ à laretraite »

05/02/2024

De New York à Gaza : actualité de Frantz Fanon
Une nouvelle biographie et des débats : Israël est-il un État colonial ?

La parution récente d’une nouvelle biographie de Frantz Fanon relance les débats sur la légitimité de la violence des opprimés et sur la nature de l’État d’Israël. Nous publions la traduction de quatre articles.

  •  Le monde a rattrapé Frantz Fanon, par Adam Shatz...p. 1
  •  Quand le médecin ordonnait la violence comme remède, par Jennifer Szalai…p. 6
  • Frantz Fanon aurait-il soutenu le massacre du 7 octobre ? Son biographe n’en est pas si sûr, par Etan Nechin…p.10
  • Qu’est-ce que le “colonialisme de peuplement” [settler colonialism] ?, par Jennifer Schuessler…p. 21

15/01/2024

Yémen et alentours : aujourd’hui comme hier et avant-hier, la Perfide Albion continue à faire la guerre aux peuples de la région

Ci-dessous deux articles sur les agissements britanniques actuels à Oman dans le cadre de la préparation d’une guerre contre l’Iran et sur le rôle de la Grande-Bretagne dans la guerre civile au Yémen de 1962 à 1967. Conservateurs ou travaillistes, les gouvernements qui se sont succédé à Londres depuis deux siècles ont tous mené la même politique de mort contre ceux qu’ils considèrent eux aussi comme des « animaux humains » à éliminer. Comme l’a dit Marianne Faithfull : « J'ai commencé à comprendre les Anglais le jour où j'ai enfin réalisé qu'ils disent exactement le contraire de ce qu'ils pensent » [et font le contraire de ce qu’ils disent].-FG

Le Royaume-Uni agrandit discrètement sa base secrète d’espionnage à Oman, près de l’Iran

Phil Miller, Declassified UK, 11/1/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Les installations d’une station de surveillance du GCHQ [Quartier Général des communications du gouvernementau Moyen-Orient ont été modernisées en prévision d’une nouvelle guerre potentiellement dévastatrice avec l’Iran en défense d’Israël.

  • Le câble de communication posé entre Oman et l’Australie passe par la base militaire britannique de Diego Garcia.
  • La Grande-Bretagne pourrait utiliser Oman comme base de lancement pour des opérations contre les Houthis au Yémen, avertissent des militants en exil.

La station d’espionnage du GCHQ à Salalah, Oman. Photo : Google Earth


Une base d’espionnage britannique située près de l’Iran a fait l’objet d’importants travaux de construction au cours des deux dernières années, selon Declassified. Des images satellite montrent qu’une multitude de travaux de construction ont eu lieu sur un site du GCHQ à Oman, une autocratie pro-britannique située entre l’Iran et le Yémen.

Le site est susceptible de jouer un rôle clé dans une région où la Grande-Bretagne cherche à contrer le mouvement houthi du Yémen et les autorités iraniennes. Tous deux s’opposent au soutien occidental au génocide israélien à Gaza.

Les dirigeants houthis ont promis de bloquer les navires liés à Israël dans la mer Rouge jusqu’à ce que Benjamin Netanyahou cesse d’attaquer les Palestiniens. Dans la nuit de mardi 8 à mercredi 9 janvier 2024, la Royal Navy a abattu des drones houthis en mer Rouge. Le ministre britannique de la Défense, Grant Shapps, a déclaré hier qu’il fallait “surveiller cet espace” pour d’éventuelles frappes au Yémen.

Un millier de soldats britanniques sont stationnés à Oman, où le GCHQ exploite trois sites de surveillance. L’un d’entre eux se trouve sur la côte sud, près de la ville de Salalah, à 120 km du Yémen. Connu sous le nom de code Clarinet, son existence a été révélée par les fuites de Snowden en 2014.

Declassified a publié les premières photos de Clarinet en 2020, montrant son radôme de type balle de golf, d’une taille similaire à ceux observés sur d’autres sites du GCHQ. Des images satellite plus récentes montrent d’importants travaux de construction dans le périmètre de 1,4 km du site.

Deux nouveaux bâtiments ont été construits et les fondations de deux autres ont été posées. Le plus grand des nouveaux bâtiments a une superficie équivalente à celle de six courts de tennis et semble comporter plusieurs étages. Un porte-parole du GCHQ a répondu à nos conclusions : « Nous ne sommes pas en mesure de faire des commentaires sur des questions opérationnelles ».

 Câbles sous-marins

Les cartes marines confirment que Clarinet est situé à l’un des rares endroits d’Oman où des câbles sous-marins viennent s’échouer. Ceux-ci doivent être indiqués sur les cartes marines afin d’éviter que les navires ne les déplacent pas avec leurs ancres. Ces câbles transportent des câbles internet en fibre optique entre les continents, ce qui permet au GCHQ de pirater le trafic en ligne dans le monde entier.

Un nouveau pipeline de communication de 10 000 km, l’Oman Australia Cable, est en cours de pose entre Perth et Salalah. Initialement présenté comme un projet commercial mené par une société australienne, Subco, il est apparu depuis que le câble passe par la base militaire usaméricano-britannique de l’atoll de Diego Garcia, dans l’océan Indien.

L’armée usaméricaine a payé 300 millions de dollars pour que le câble soit détourné via Diego Garcia, dans le cadre d’une opération dont le nom de code est Big Wave. Diego Garcia fait partie des îles Chagos, dont la communauté indigène a été expulsée par la Grande-Bretagne dans les années 1960 pour faire place à la base usaméricaine, en échange d’une remise sur l’achat de sous-marins nucléaires.

La base a été un point d’appui essentiel pour les forces usaméricaines qui ont attaqué l’Irak et l’Afghanistan, et le Pentagone devrait l’utiliser en cas de guerre avec l’Iran. L’installation du câble à fibres optiques signifie que la base ne dépendra plus des connexions par satellite pour communiquer avec la terre ferme.

Perth, ville de l’ouest de l’Australie qui accueille l’autre extrémité du câble, est également devenue de plus en plus géostratégique. L’année dernière, la Grande-Bretagne a obtenu l’autorisation de baser certains de ses sous-marins à propulsion nucléaire dans le port, dans le cadre du pacte controversé AUKUS. Cela permettra à la Royal Navy d’organiser des patrouilles sous-marines plus fréquentes près de la Chine.

Le GCHQ à Oman

En sortant de la troisième ville d’Oman par l’est, l’autoroute de Salalah est bordée de palmiers. La circulation tourne à droite au rond-point de Maamoura, faisant passer les voitures entre un palais royal tentaculaire et la vaste base militaire de Razat. À un kilomètre de la route goudronnée se trouve l’entrée d’un chemin de terre, gardé par des blocs de béton et un poste de contrôle de la police.

La plupart des conducteurs l’ignorent et poursuivent leur route le long de la chaussée côtière, s’arrêtant peut-être au parc aquatique Hawana ou à la station balnéaire Rotana. Mais les quelques privilégiés qui bifurqueront ici arriveront à une installation non signalée, qui se distingue par ses imposants pylônes radio et sa balle de golf blanche géante.

Récemment étiqueté sur Google Maps sous le nom de 94 Omantel, il ne s’agit pas seulement d’une partie de l’entreprise publique de téléphonie d’Oman, connue pour servir de couverture aux espions. Selon les fichiers des services de renseignement usaméricains divulgués par le lanceur d’alerte Edward Snowden, Clarinet, où les espions britanniques recueillent les données de millions d’utilisateurs d’Internet dans le golfe Arabo-Persique, est une installation correspondant à cette description.

Bien que Snowden ait partagé la fuite avec le Guardian, ce dernier n’a pas publié les détails des installations du GCHQ à Oman. Le GCHQ s’est rendu dans les bureaux londoniens du média pour superviser la destruction des fichiers. Les informations n’ont été révélées que plus tard par le journaliste d’investigation Duncan Campbell, sur le site d’information informatique The Register.

Pour les Omanais, cela a confirmé ce que beaucoup soupçonnaient déjà : les services de renseignement britanniques sont imbriqués dans l’appareil de sécurité de leur pays, un outil qui tourne souvent son regard vers eux autant qu’il surveille ses adversaires.

La répression est la norme à Oman, où tous les partis politiques sont interdits et les médias indépendants muselés. L’Oman occupe la 155e  place sur 180 pays dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse publié par l’organisation de défense des droits humains Reporters sans frontières.

Oman est effectivement le meilleur État vassal de la Grande-Bretagne dans la région. Sa propre agence de renseignement a été créée par des officiers britanniques, vétérans du GCHQ et dirigés par une personne détachée du MI6 jusqu’en 1993. Appelée à l’origine “Département de recherche d’Oman”, puis rebaptisée ”Service de sécurité intérieure”, elle est placée sous le commandement du cabinet royal.

Elle est dirigée par le général Sultan bin Mohammed al-Naamani. Il s’est bien débrouillé pour un fonctionnaire, achetant un manoir de 16 millions de livres dans le Surrey à l’ancien capitaine de l’équipe d’Angleterre de football, John Terry. En 2021, des manifestations contre la corruption ont envahi le pays, organisées secrètement dans le cadre d’une marche pour la Palestine sanctionnée par l’État.

Solidarité avec la Palestine

Le soutien à Gaza reste important, ce qui rend l’alliance du sultan avec la Grande-Bretagne de plus en plus risquée.

Les Omanais ont commencé à affronter les troupes britanniques sur leur base de porte-avions dans le port de Duqm. Dans une vidéo filmée à la cantine du Village Renaissance, un Omanais s’adresse à cinq soldats britanniques assis à une table : « Ce pays [la Grande-Bretagne] est un putain de pro-israélien, vous devriez partir d’ici. Vous devriez partir d’ici. Il est temps pour vous de partir d’ici ».

Alors qu’un capitaine britannique tentait de s’éloigner, l’Omanais a critiqué Rishi Sunak pour avoir envoyé deux navires de guerre soutenir Israël après le 7 octobre. Le ministre de la Défense, James Heappey, a déclaré au Parlement : « Nous sommes au courant que des militaires ont été approchés à Oman. La sécurité de nos forces armées est de la plus haute importance et la sécurité de notre personnel est constamment surveillée ».

Mohammed al-Fazari, journaliste omanais en exil et rédacteur en chef de Muwatin [Citoyens, bilingue arabe/anglais], a déclaré à Declassified : « Si une déclaration de guerre contre les rebelles houthis devait avoir lieu, il ne fait aucun doute que les Britanniques utiliseraient Oman comme rampe de lancement. Oman a toujours servi de base à partir de laquelle les forces britanniques [...] ont été déployées dans de nombreux conflits régionaux. »

Al-Fazari estime que les Omanais sont « sans équivoque alignés sur la cause palestinienne" »et que leur opposition à la présence britannique dans le pays « s’intensifierait s’il s’avérait que ces bases militaires soutiennent l’entité d’occupation sioniste ».

Nabhan Alhanshi, un militant en exil qui dirige le Centre omanais pour les droits humains, a déclaré qu’il était préoccupé par « l’utilisation potentielle du site [du GCHQ] pour des activités incompatibles avec les intérêts des Omanais ordinaires, en particulier ceux qui ont une position pro-palestinienne ».

Il a ajouté : « Il existe une véritable crainte que le Royaume-Uni, en soutenant les efforts d’Israël contre le Hamas, ne fasse d’Oman un partenaire et un allié d’Israël, contrairement à ce qu’il a déclaré publiquement. »

Omantel, Subco et la marine usaméricaine n’ont pour le moment pas répondu à nos demandes de commentaires.

La guerre secrète de la Grande-Bretagne au Yémen

Mark Curtis, Declassified UK, 5/10/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Ce n’est pas la première fois que le Royaume-Uni contribue à la dévastation du Yémen. Il y a soixante ans, un coup d’État au Yémen du Nord a incité les autorités britanniques à lancer une guerre secrète qui a également fait des dizaines de milliers de morts - et, comme aujourd’hui, aucun ministre britannique n’a jamais eu à rendre de comptes.

Des mercenaires britanniques aident des royalistes yéménites à installer une mitrailleuse pendant la guerre civile de 1962-1967. (Photo : HUM Images via Getty)

La guerre brutale au Yémen, qui fait rage depuis 2015, est la pire catastrophe humanitaire au monde. Depuis avril 2022, une trêve délicate a permis d’atténuer quelque peu l’horreur, mais cet accord semble en passe de s’effondrer.

Il devrait être temps de réfléchir à qui, de tous les côtés du conflit, y compris en Grande-Bretagne, pourrait être inculpé de crimes de guerre. Près de 9 000 civils ont été tués dans plus de 25 000 frappes aériennes, principalement saoudiennes, qui ont été facilitées par la Royal Air Force britannique. Des dizaines de milliers d’autres personnes ont été tuées dans le conflit.

Les Nations unies ont allégué à plusieurs reprises que des crimes de guerre avaient été commis, mais aucun Saoudien, Britannique ou Yéménite n’a été amené à rendre des comptes, et il est peu probable qu’il le soit. Tragiquement, l’histoire se répète et ce sont les Yéménites ordinaires qui en paient une fois de plus le prix.

Muhammad al-Badr priant avec ses gardes, 1962

Il y a soixante ans, en septembre 1962, le roi et imam du Yémen du Nord, Muhammad al-Badr, était renversé par un coup d’État populaire. Al-Badr n’était au pouvoir que depuis une semaine, ayant succédé au régime de son père, un royaume féodal où 80 % de la population était paysanne et qui était contrôlé par la corruption, un système fiscal coercitif et une politique du “diviser pour régner”.

Le coup d’État a été mené par le colonel Abdullah al-Sallal, un nationaliste arabe au sein de l’armée yéménite, qui a proclamé la République arabe du Yémen et qui a établi des liens étroits avec le gouvernement égyptien de Gamal Abdel Nasser.

Nasser, leader de facto des forces nationalistes de la région, était le principal ennemi du Royaume-Uni. Il prônait une politique étrangère indépendante et la Grande-Bretagne n’avait pas réussi à l’anéantir lors de son invasion infructueuse du canal de Suez en Égypte en 1956.

Les forces royalistes qui soutiennent al-Badr prennent les collines et entament une insurrection, bientôt soutenue par l’Arabie saoudite, contre le nouveau régime républicain, tandis que Nasser déploie des troupes égyptiennes au Yémen du Nord pour soutenir le nouveau gouvernement.

La Grande-Bretagne a choisi, comme dans la guerre actuelle, de s’allier aux Saoudiens pour renverser le nouveau gouvernement et restaurer un régime pro-occidental.

Ironiquement, les royalistes yéménites qu’ils soutenaient étaient issus du groupe religieux chiite zaïdite, dont les adeptes actuels se rassemblent principalement autour du mouvement rebelle houthi, que la Grande-Bretagne et l’Arabie saoudite cherchent aujourd’hui à détruire.

“Sournois, peu fiables et perfides”

Les dossiers déclassifiés sont fascinants car ils montrent que les fonctionnaires britanniques étaient conscients de soutenir le “mauvais” camp.

Christopher Gandy, le plus haut responsable britannique au Yémen du Nord, a noté peu après le coup d’État que le règne de l’ancien imam était “impopulaire auprès d’une grande partie de la population” et que son “monopole du pouvoir était "très mal perçu”.

Cette situation a été exploitée par le nouveau gouvernement républicain qui a rapidement nommé des personnes issues de “classes, régions et sectes précédemment négligées dans la distribution du pouvoir”.

Gandy a écrit que, contrairement à l’“autocratie arbitraire” de l’imam, les républicains étaient “beaucoup plus ouverts au contact et à l’argumentation raisonnée”.

Il a ainsi recommandé au Royaume-Uni de reconnaître le nouveau gouvernement yéménite, affirmant que celui-ci était intéressé par des relations amicales avec la Grande-Bretagne et que c’était “le meilleur moyen d’empêcher une augmentation” de l’influence égyptienne.

Gandy a cependant été écarté à la fois par ses maîtres politiques à Londres et par les fonctionnaires de la ville voisine d’Aden. Cette dernière était alors une colonie britannique entourée d’un “protectorat” britannique connu sous le nom de Fédération d’Arabie du Sud (qui deviendra plus tard le Yémen du Sud).

La fédération était un ensemble de fiefs féodaux présidés par des dirigeants autocratiques semblables à al-Badr qui venait d’être renversé au Yémen, et entretenus par des pots-de-vin britanniques.

Un fonctionnaire du bureau du Premier ministre Harold Macmillan a noté que Nasser avait été « capable de capturer la plupart des forces dynamiques et modernes de la région alors que nous avons dû, par notre propre choix, soutenir des forces qui ne sont pas simplement réactionnaires (ce qui n’aurait pas tant d’importance), mais sournoises, peu fiables et traîtresses ».

Macmillan lui-même a admis qu’il était « répugnant pour l’équité politique et la prudence que nous apparaissions si souvent comme soutenant des régimes désuets et despotiques et comme nous opposant à la croissance de formes modernes et plus démocratiques de gouvernement ».

Menace d’un bon exemple

Le grand enjeu pour Whitehall [siège du gouvernement britannique, NdT] était de conserver la base militaire du Royaume-Uni dans la ville portuaire d’Aden. Cette base était la pierre angulaire de la politique militaire britannique dans la région du Golfe, où le Royaume-Uni était alors la principale puissance, contrôlant directement les cheikhs du Golfe et possédant d’énormes intérêts pétroliers au Koweït et ailleurs.

On craignait qu’un Yémen du Nord progressiste, républicain et nationaliste arabe ne serve d’exemple aux cheikhats féodaux du Golfe et du Moyen-Orient élargi, ainsi qu’à Aden même.

Le ministre des Affaires étrangères, Alec Douglas-Home, a déclaré, peu après le coup d’État républicain, qu’Aden ne pouvait être protégée contre “un régime républicain fermement établi au Yémen”.

Une réunion ministérielle a également conclu que si la Grande-Bretagne était forcée de quitter Aden, cela porterait “un coup dévastateur à notre prestige et à notre autorité” dans la région.

Le fait même de reconnaître le nouveau gouvernement yéménite pourrait entraîner “un effondrement du moral des dirigeants pro-britanniques du protectorat”, mettant “en péril toute la position britannique dans la région”.


Alec Douglas - Home

Ces préoccupations étaient partagées par le royaume médiéval de la région, l’Arabie saoudite, qui, à l’époque comme aujourd’hui, craignait le renversement des monarchies par des forces nationalistes. Les planificateurs britanniques ont reconnu que les Saoudiens “n’étaient pas très préoccupés par la forme de gouvernement à établir au Yémen, à condition qu’il ne soit pas sous le contrôle” de l’Égypte - n’importe quel autre gouvernement ferait l’affaire.

Cette menace s’est accrue lorsque Nasser et al-Sallal ont apporté un soutien diplomatique et matériel aux forces républicaines anti-britanniques à Aden et dans la fédération et ont mené une campagne publique exhortant les Britanniques à se retirer de leurs possessions impériales.

Sir Kennedy Trevaskis, haut-commissaire britannique à Aden, a fait remarquer que si les Yéménites parvenaient à prendre le contrôle d’Aden, “le Yémen disposerait pour la première fois d’une grande ville moderne et d’un port d’importance international”.

Plus important encore, “sur le plan économique, il offrirait les plus grands avantages à un pays si pauvre et si peu développé” - une considération qui n’avait cependant aucune importance dans la planification britannique.

Un gouvernement faible au Yémen

Les responsables britanniques ont décidé de s’engager dans une campagne secrète visant à promouvoir les forces qu’ils considéraient comme “perfides” et “despotiques” afin de saper celles qui étaient reconnues comme “populaires” et “plus démocratiques” et de s’assurer que la menace de ces dernières ne s’étende pas.

Surtout, ils l’ont fait en sachant que leurs clients avaient peu de chances de l’emporter. La campagne a été entreprise simplement pour causer des ennuis aux républicains et aux Égyptiens, alors qu’ils détenaient la majorité du pays et les centres de population.

Harold Macmillan note en février 1963 qu’“à long terme, une victoire républicaine est inévitable”. Il a déclaré au président usaméricain Kennedy : « Je suis tout à fait conscient que les loyalistes [sic] ne gagneront probablement pas au Yémen en fin de compte, mais cela ne nous arrangerait pas trop que le nouveau régime yéménite s’occupe de ses propres affaires internes au cours des prochaines années ».

Ce que la Grande-Bretagne voulait donc, c’était “un gouvernement faible au Yémen qui ne soit pas en mesure de créer des problèmes”, écrivait-il.

Une note adressée à Macmillan par l’un de ses fonctionnaires indique de la même manière : « Tous les départements semblent s’accorder sur le fait que l’impasse actuelle au Yémen, où les républicains et les royalistes se battent les uns contre les autres et n’ont donc ni le temps ni l’énergie de nous causer des ennuis à Aden, convient parfaitement à nos propres intérêts ».

La campagne secrète

Il est difficile de reconstituer la chronologie des actions secrètes britanniques en raison de la censure des dossiers britanniques. Mais l’analyse de Stephen Dorril, expert du MI6, dans son ouvrage complet sur le MI6, réalisé principalement à partir de sources secondaires et d’interviews, facilite la tâche. Deux autres ouvrages notables ont été publiés, par Clive Jones et Duff Hart-Davis.

Peu après le coup d’État de septembre 1962, le roi Hussein de Jordanie s’est rendu à Londres où il a rencontré le ministre de l’Air Julian Amery et a exhorté le gouvernement Macmillan à ne pas reconnaître le nouveau régime yéménite. Les deux hommes ont convenu que l’agent du MI6 Neil “Billy” McLean, un député conservateur en exercice, visiterait la région et ferait un rapport au Premier ministre.

Dorril note que l’ancien vice-chef du MI6, George Young, alors banquier chez Kleinwort Benson, a été contacté par le Mossad, les services secrets israéliens, pour trouver un Britannique acceptable pour les Saoudiens afin de mener une guérilla contre les républicains. Young a alors présenté McLean à Dan Hiram, l’attaché de défense israélien, qui a promis de fournir des armes, de l’argent et de l’entraînement, ce que les Saoudiens ont saisi avec empressement.

En octobre 1962, McLean s’est rendu en Arabie Saoudite en tant qu’invité personnel du roi Saoud, qui a demandé à la Grande-Bretagne de fournir une aide aux royalistes, en particulier “un soutien aérien... si possible ouvertement, mais si ce n’est pas possible, alors clandestinement”.

Début novembre 1962, les royalistes recevaient des armes et de l’argent saoudiens et, le même mois, le ministère britannique des Affaires étrangères publiait un document d’orientation décrivant les options qui s’offraient au gouvernement, y compris l’aide secrète.

Le 7 janvier 1963, la commission du cabinet chargée de l’outre-mer et de la défense préconise de ne pas reconnaître le nouveau régime au Yémen et, si la Grande-Bretagne devait apporter une aide aux royalistes, de le faire à distance plutôt que directement.

Le mois suivant, des positions de la Fédération d’Arabie du Sud sont attaquées par des tribus yéménites et les troupes égyptiennes lancent une offensive dans les montagnes du Yémen tenues par les royalistes. Macmillan nomme Julian Amery ministre pour Aden, avec pour mission d’organiser secrètement le soutien britannique aux royalistes, depuis son bureau au ministère de l’Aviation.

Fournitures d’armes

McLean se rend au Yémen pour la troisième fois le 1er mars 1963. Peu après, une délégation royaliste s’est rendue en Israël, à la suite de quoi des avions israéliens banalisés ont effectué des vols à partir de Djibouti pour larguer des armes sur les zones royalistes.

Début mars, les dossiers confirment que la Grande-Bretagne était déjà impliquée dans la fourniture d’armes aux royalistes, par l’intermédiaire de Sherif Ben Hussein, le chef tribal de Beihan dans la fédération.

Selon Dorril, des armes légères d’une valeur de plusieurs millions de livres, dont 50 000 fusils, ont été secrètement transportées par avion depuis une base de la RAF dans le Wiltshire. Pour masquer leur origine, elles ont été débarquées en Jordanie pour y être acheminées. À la fin du mois, les royalistes ont regagné une partie du territoire qu’ils avaient perdu.

Lors d’une réunion qui s’est tenue fin avril 1963 et à laquelle ont participé Dick White, chef du MI6, McLean, David Stirling, fondateur du SAS, Brian Franks, ancien officier du SAS, Douglas-Home et Amery, Stirling et Franks ont été informés qu’il ne pouvait y avoir d’implication officielle du SAS et ont été invités à recommander quelqu’un qui pourrait organiser une opération de mercenariat.

Dorril note qu’ils ont approché Jim Johnson, un commandant SAS récemment retraité, et le lieutenant-colonel John Woodhouse, commandant du 22e  Régiment SAS. McLean, Johnson et Stirling ont été présentés par Amery au ministre royaliste des Affaires étrangères, Ahmed al-Shami, qui a signé un chèque de 5 000 £ pour l’opération.

Le plan proposé pour le Yémen a fait l’objet d’un débat houleux à Whitehall, mais le Premier ministre a finalement été persuadé de le soutenir et a chargé le MI6 d’aider les royalistes. Une task force [force opérationnelle] du MI6 a été mise en place pour coordonner la fourniture d’armes et de personnel. Elle est organisée par John Burke da Silva, ancien chef de la station du MI6 à Bahreïn.

En octobre 1963, Macmillan démissionne pour être remplacé par Douglas-Home au poste de premier ministre, ce qui met temporairement en suspens les projets, car le nouveau ministre des Affaires étrangères, Rab Butler, s’oppose à un soutien occulte aux royalistes.

Harold Macmillan a été premier ministre de 1957 à 1963

Opération Rancour [Rancœur]

Au début de l’année 1964, Johnny Cooper, officier du SAS, participe à des activités de renseignement contre les forces égyptiennes, tandis que son équipe entraîne l’armée royaliste. En février, l’équipe de Cooper gère des zones de largage dans lesquelles sont parachutées des armes et des munitions, avec le soutien discret du MI6 et de la CIA.

Le secrétaire US à la Défense, Peter Thorneycroft, demande en privé à la Grande-Bretagne d’organiser des “révoltes tribales” dans les zones frontalières. Cela devrait impliquer “une action clandestine... pour saboter les centres de renseignement et tuer le personnel engagé dans des activités anti-britanniques”, y compris le QG des services de renseignement égyptiens à Taiz, et mener “des activités secrètes de propagande anti-égyptienne au Yémen".

Il plaide également en faveur d’une “aide supplémentaire” aux royalistes, comprenant “soit de l’argent, soit des armes, soit les deux”.

En avril 1964, les Britanniques avaient déjà autorisé la pose de mines (appelée Opération Eggshell [Coquille d’œuf]), la distribution d’armes et de munitions aux membres des tribus dans la zone frontalière Opération Stirrup [Étrier]) et le sabotage dans la zone frontalière (Opération Bangle [Bracelet]).

Des actes de “subversion sur le territoire yéménite contre des cibles individuelles” sont menés “sous le contrôle d’officiers britanniques au sein de la Fédération”, selon une note du ministère de la Défense. Ces officiers « peuvent distribuer des armes et de l’argent par tranches en fonction de la situation locale et proportionnellement aux succès obtenus ».

L’Opération Rancour était le nom de code donné aux « opérations secrètes actuelles visant à exploiter [sic] les tribus dissidentes jusqu’à 20 miles à l’intérieur du Yémen pour neutraliser l’action subversive égyptienne contre Aden ».

Un défenseur de la civilisation dans le quartier de Kraytar à Aden, le 4 octobre 1965, pendant l'insurrection contre la domination coloniale britannique. Photo Norman Potter / Express / Getty Images

 Assassinat

Un document top secret extraordinaire conservé dans les dossiers du gouvernement va encore plus loin dans l’examen des options qui s’offrent à la Grande-Bretagne.

Il s’intitule « Yémen : L’éventail des possibilités d’action qui s’offrent à nous » et envisageait “l’assassinat ou d’autres actions contre le personnel clé” impliqué dans la subversion au sein de la Fédération, “en particulier les officiers des services de renseignement égyptiens”.

Il décrit également “une action visant à stimuler une campagne de guérilla” dans la zone frontalière par la fourniture d’armes et d’argent et “des actes de sabotage sans représailles”, y compris à Sanaa, la principale ville du Yémen du Nord.

Il suggère de “fermer les yeux” sur les livraisons d’armes saoudiennes aux royalistes et de diffuser des faux tracts dans les zones du Yémen contrôlées par les républicains, ainsi que des “émissions de radio noires” à partir de la fédération.

Alors que ces options étaient débattues en privé, le 14 mai 1964, le Premier ministre Douglas-Home a menti au parlement en déclarant : « Notre politique à l’égard du Yémen est une politique de non-intervention dans les affaires de ce pays. Nous n’avons donc pas pour politique de fournir des armes aux royalistes du Yémen ».

Fin juillet, les ministres ont pris la décision de promouvoir de “nouvelles mesures” pour soutenir les royalistes, c’est-à-dire de “donner toutes les facilités nécessaires” aux Saoudiens pour se procurer des armes auprès de la Grande-Bretagne.

L’ambassadeur britannique en Arabie saoudite, Colin Crowe, a ensuite rencontré le prince héritier Fayçal et lui a fait part de la volonté du Royaume-Uni de fournir des armes aux Saoudiens pour qu’ils les utilisent au Yémen, tout en précisant que Londres ne pouvait pas fournir d’aide directe aux royalistes.

Hier comme aujourd’hui, Whitehall utilisait les Saoudiens comme factotums pour mener une guerre régionale.

 

La prison anglaise de Kraytar [“Crater” en british]  en 1960

Soutien complet

Dorril note que Dick White, le chef du MI6, a convaincu le nouveau Premier ministre Douglas-Home de soutenir une “opération mercenaire clandestine” et que le feu vert pour un soutien plus complet aux royalistes a été donné au cours de l’été 1964.

Quelque 48 anciens militaires ont été employés comme mercenaires cette année-là, dont une douzaine d’anciens membres du SAS. Les officiers du MI6 ont fourni des renseignements et un soutien logistique, tandis que le GCHQ [Quartier Général des communications du gouvernement a localisé les unités républicaines.

Les agents du MI6 ont également coordonné le passage des tribus de la Fédération au Yémen, où ils ont suivi des officiers de l’armée égyptienne.

Dans ce qui s’est avéré être guerre une sale, les officiers du MI6 ont “manipulé” les membres des tribus et ont aidé à “diriger la pose de bombes” sur les avant-postes militaires égyptiens le long de la frontière, tandis que les villes de garnison étaient “mitraillées” et les personnalités politiques “assassinées”, note Dorril.

Une lettre contenue dans les dossiers du gouvernement a été écrite en août 1964 par un mercenaire, le lieutenant-colonel Michael Webb, qui dit avoir récemment pris sa retraite de l’armée, à Julian Amery. Webb dit qu’il se bat avec les forces de l’imam depuis quelques semaines et qu’il se présente comme journaliste indépendant.

Il a tenu l’ambassade britannique « pleinement informée de mes mouvements et lui a donné toutes les informations que j’ai obtenues ».

Le mois suivant, une note adressée au Premier ministre recommandait la fourniture de bazookas et de munitions au chérif de Beihan “à l’usage d’un groupe dissident à Taiz”, c’est-à-dire au Yémen.

Au même moment, Stirling rencontre le ministre royaliste des Affaires étrangères, al-Shami, à Aden, où ils sont rejoints par un officier du MI6 et élaborent des plans pour établir un approvisionnement régulier en armes et en munitions pour les forces royalistes.

Gouvernement travailliste

En octobre 1964, l’élection du gouvernement travailliste d’Harold Wilson ne semble pas avoir sensiblement perturbé les opérations secrètes. Dorril note que la RAF a entrepris des bombardements secrets en représailles aux attaques égyptiennes contre les convois de chameaux fournissant des armes aux mercenaires français et britanniques.

La Grande-Bretagne a conclu un contrat d’une valeur de 26 millions de livres avec une société privée, Airwork, afin de fournir du personnel pour la formation des pilotes et du personnel au sol saoudiens. Airwork a également recruté d’anciens pilotes de la RAF en tant que mercenaires pour effectuer des missions opérationnelles contre des cibles égyptiennes et républicaines le long de la frontière yéménite.

En 1965, le MI6 affrétait des avions avec des pilotes discrets et avait obtenu l’accord d’Israël pour utiliser son territoire pour monter des opérations. Ces opérations se sont poursuivies jusqu’en 1967, selon les dossiers.

Une note du Foreign Office de mars 1967 indique que les pilotes britanniques ont été recrutés par Airwork pour piloter cinq Lightnings et cinq Hunters déjà fournis par la Grande-Bretagne. Cette note dit ceci : « Nous n’avons soulevé aucune objection à ce qu’ils soient employés dans des opérations, bien que nous ayons clairement fait comprendre aux Saoudiens que nous ne pouvions pas acquiescer publiquement à de tels arrangements ».

Après un cessez-le-feu déclaré en août 1965, les mercenaires soutenus par les Britanniques se sont contentés de fournir une aide médicale et de maintenir les communications. À la fin de l’année 1966, la guerre a repris et les combats ont abouti à une impasse, mais les Britanniques continuent de mener une vaste opération de mercenariat au Yémen.

“La capture d'Aden”, janvier 1839 : “La redition des défenseurs” yéménites de la forteresse de Sirah. Carte postale du début du XXème siècle d'après une peinture du Capitaine Rundle, membre de l'expédition. Pour l'empire britannique, Aden, à égale distance entre Alexandrie et Bombay, était stratégique pour contrôler la “route des Indes”. Ce rôle sera accru après l'inauguration du Canal de Suez (1869). [NdT]

Fin de la guerre

Après la défaite de l’Égypte face à Israël lors de la guerre de 1967, Nasser a décidé de retirer ses troupes du Yémen et, en novembre, la Grande-Bretagne a été contrainte de se retirer d’Aden. Pourtant, des dossiers datant de mars 1967 font référence à des “opérations secrètes en Arabie du Sud” et à des “opérations Rancour II”.

Un article de juin 1967 observe que « les opérations Rancour au Yémen ont été extrêmement fructueuses en repoussant les Égyptiens de certaines parties de la frontière et en les immobilisant ».

Malgré le retrait égyptien, la guerre civile au Yémen se poursuit. En 1969, deux mercenaires d’une autre société privée, Watchguard, ont été tués alors qu’ils dirigeaient une bande de guérilleros royalistes dans le Nord.

En mars 1969, les Saoudiens coupent les vivres aux royalistes et un traité est signé pour mettre fin aux hostilités avec le pays qui renaît sous le nom de Yémen du Nord.

Al-Badr s’est alors réfugié en Angleterre où il est resté jusqu’à sa mort en 1996.

Le nombre de personnes mortes au Yémen au cours des années 1960 n’a jamais été établi avec précision, mais il pourrait s’être élevé à 200 000.

Le colonel Jim Johnson, qui a dirigé les mercenaires britanniques au Yémen, a ensuite été nommé aide de camp de la reine Élisabeth. Il a ensuite créé une autre société de mercenaires, Keenie Meenie Services, qui a combattu au Nicaragua et au Sri Lanka. Ses activités au Sri Lanka font actuellement l’objet d’une enquête menée par l’équipe de Scotland Yard chargée des crimes de guerre.

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