Affichage des articles dont le libellé est Racisme. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Racisme. Afficher tous les articles

29/03/2023

ANNAMARIA RIVERA
Dans le cercle vicieux du racisme

Annamaria Rivera, Comune-Info, 28/3/2023 
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

2022 a été une année désastreuse, selon le dernier rapport d’Amnesty International. Agnès Callamard, sa secrétaire générale, ne fait pas dans la demi-mesure lorsqu’il s’agit de l’Italie. Elle est convaincue que le gouvernement « criminalise honteusement ceux qui aident les réfugiés et les migrants » [voir p. 273 du  rapport). Elle ne peut s’empêcher d’être consciente que le racisme contemporain montre son profil systémique encore plus que par le passé. Surtout lorsque son trait institutionnel - celui que réitère le premier décret-loi de 2023, trompeusement intitulé « Sur la gestion des flux migratoires » - se mêle de manière particulièrement perverse aux offensives médiatiques. Lorsque, quelques jours après l’hécatombe de Cutro en Calabre, Vittorio Feltri - l’un des experts italiens les plus influents de ces dernières décennies, élu en Lombardie avec le parti de la Première ministre et, par le passé, même candidat à la présidence de la république de Meloni et Salvini - explique qu’ « aux citoyens non européens, je rappelle un vieux dicton italien : partir, c’est mourir. Restez chez vous », il n’y a pas vraiment de quoi rire. Ce n’est pas un vieux monsieur au goût de la provocation et au taux d’alcool élevé qui déclare : « Je n’ai jamais fréquenté les plages ni mis un pied dans la mer. Mais si je devais affronter les vagues, je choisirais un vrai bateau, pas une épave semi-flottante conduite par des passeurs délinquants ». Non, Feltri est un leader d’opinion qui fait autorité et qui illustre l’axe des politiques migratoires italiennes auprès de très larges publics. S’agit-il vraiment de politiques racistes ou s’agit-il plutôt de la pantomime habituelle entre les camps politiques dans laquelle le gagnant est celui qui tire le plus fort et ensuite tout glisse dans le marais boueux des médias sans laisser de trace concrète ? Annamaria Rivera tente, une fois de plus, de redonner tout son sens à l’époque que nous vivons, une époque où l’expression politique « cercle vicieux du racisme » devient chaque jour plus mortelle et terriblement concrète (Rédaction de Comune-info).

La vie à bord d’un navire négrier. Image de afrofeminas.com

Pour commencer, il convient de proposer une définition du racisme, même si elle est imparfaite. Celle que je propose est un résumé de l’entrée que j’ai rédigée pour le Grand dictionnaire encyclopédique de l’UTET. Le racisme - écrivais-je - peut être défini comme « un système de croyances, de représentations, de normes, de discours, de comportements, de pratiques et d’actes politiques et sociaux, visant à stigmatiser, discriminer, inférioriser, subordonner, ségréguer, persécuter et/ou exterminer des catégories de personnes altérisées ». A mon avis, le terme “racisme”, au singulier, est préférable à celui de “racismes” (très en vogue, même à gauche), si l’on veut définir le caractère unitaire du concept, au-delà des variations empiriques du phénomène.

19/03/2023

Je suis la femme juive agressée sexuellement par un Arabe : ne vous servez pas de moi pour alimenter votre racisme

Anonyme, Haaretz, 19/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 Le nom de l'auteure est connu de Haaretz.

Il y a quelques semaines, les médias ont rapporté qu'une jeune femme juive avait été agressée sexuellement par un Arabe dans des toilettes publiques à Jérusalem. Plus tard, l'acte d'accusation contre lui a été publié et, mercredi 8 mars, la chaîne de télévision Channel 13 a diffusé un reportage sur le sujet dans son principal journal télévisé.

Je suis la Juive qui a été agressée. J'ai porté plainte auprès de la police non pas parce que je crois à la guerre ou à la vengeance, mais parce que je ne connaissais pas cet homme et que je n'avais donc aucun autre moyen de m'assurer qu'il ne ferait pas de mal à d'autres femmes, et que je n'avais pas non plus accès à d'autres solutions telles que la justice réparatrice.

Je ne sais pas pourquoi il était pertinent de noter qu'il était arabe, comme si son nom ne l'indiquait pas assez clairement. Les réactions en ligne étaient, comme on pouvait s'y attendre, pleines de violence, de haine et d'appels au meurtre d'Arabes.

L'agression s'est produite il y a plusieurs semaines, mais à la lumière du récent pogrom dans la ville palestinienne de Huwara et de la violence qui touche les deux camps, elle est particulièrement choquante. Parlons donc un peu de la “femme juive pure” et de “l'attaque terroriste”.

La première fois que j'ai été agressée sexuellement, j'avais 15 ans. L'agresseur était un “pur juif” issu d'un foyer si juif que sa mère lui interdisait, pour des raisons religieuses, de toucher le sexe opposé. Ayant observé les relations entre les membres de sa famille, je ne doute pas qu'elles aient influencé sa tendance à l'agression.

06/09/2022

KEEANGA-YAMAHTTA TAYLOR
‘“Bon sang oui, nous sommes subversif·ves”
Note de lecture de l’autobiographie d’Angela Davis et d’une anthologie d’auteures communistes noires

Keeanga-Yamahtta Taylor, The New York Review of Books, 22/9/2022
Traduit par Fausto Giudice

Keeanga-Yamahtta Taylor est professeure Leon Forrest d'études afro-américaines à l’Université Northwestern (Evanston, Illinois). Elle est l'auteure de From #BlackLivesMatter to Black Liberation (2016) [fr. Black Lives Matter, Le renouveau de la révolte noire américaine, Agone, 2017) et How We Get Free : Black Feminism and the Combahee River Collective (2017). @KeeangaYamahtta

Malgré toute son influence en tant que militante, intellectuelle et écrivaine, Angela Davis n'a pas toujours été prise autant au sérieux que ses pairs. Pourquoi ?

Angela Davis, par  Johnalynn Holland, NYRB

Ouvrages recensés :

Angela Davis: An Autobiography
by Angela Y. Davis
Haymarket, 358 pp., $28.95

Organize, Fight, Win: Black Communist Women’s Political Writing
edited by Charisse Burden-Stelly and Jodi Dean
Verso, 323 pp., $29.95 (paper)

En 1969, un étudiant de l'UCLA qui était aussi un agent infiltré du FBI a révélé dans le journal du campus que le département de philosophie de l'école avait récemment embauché un membre du Parti communiste. Une semaine plus tard, le San Francisco Examiner rapportait que cette personne était une professeure de vingt-cinq ans nommée Angela Davis.

Le conseil des Régents de l'Université de Californie a convoqué Davis et lui a demandé si elle était communiste. Oui, répondit-elle. « Bien que je pense que cette appartenance ne nécessite aucune justification, écrit-elle au conseil, je veux que vous sachiez qu'en tant que femme noire, je ressens le besoin urgent de trouver des solutions radicales aux problèmes des minorités raciales et nationales dans les USA capitalistes blancs. » Le conseil l'a renvoyée, la mettant sous les feux des projecteurs nationaux sur les questions de liberté académique et les effets persistants de l'anticommunisme de la guerre froide.

Un juge a contesté la décision du conseil, estimant qu'il n'avait pas le droit de licencier Davis en raison de ses affiliations politiques. Pendant le processus d'appel, elle a été autorisée à enseigner (avec des critiques élogieuses). Mais quelques mois plus tard, le conseil, dirigé par le gouverneur de l'époque, Ronald Reagan, renvoya Davis. Cette fois, ils ont affirmé que son discours politique ne convenait pas à un professeur d'université, citant sa déclaration : « Bon sang, oui, nous sommes subversif·ves…et nous allons continuer à être subversif·ves jusqu'à ce que nous ayons subverti tout le satané système d'oppression. »

Alors que le destin professoral de Davis passait par les tribunaux, elle s'impliqua dans une campagne réclamant justice pour trois prisonniers connus sous le nom de Soledad Brothers, qui étaient accusés d'un meurtre en représailles d'un gardien de prison blanc. L'un des frères était le célèbre écrivain et panthère noire George Jackson, avec qui Davis aurait une relation amoureuse.

En août 1970, quelques mois seulement après le deuxième licenciement de Davis, Jonathan, le frère de Jackson âgé de dix-sept ans, a pris le contrôle d’un palais de justice dans le comté de Marin. Il interrompit le procès de deux détenus noirs, leur donna des armes et tenta d'enlever le juge, le procureur et les membres du jury. Les gardes ont ouvert le feu. Jonathan Jackson, le juge, le procureur et les deux détenus ont été tués.

Les armes utilisées par Jonathan Jackson avaient été enregistrées par Davis. Elle les avait achetées bien avant qu'il ne prenne d'assaut le palais de justice, par souci de sa sécurité. Depuis l'article de l’Examiner, Davis avait reçu des menaces de mort quotidiennes. De plus, en tant que membre du Black Panther Party à Los Angeles, elle avait vu les efforts de la police pour détruire le groupe. En décembre 1969, trois cents policiers ont utilisé des grenades et de la dynamite pour assiéger le quartier général du parti à Los Angeles. Au mois de mai suivant, des troupes de la Garde nationale ont tué des étudiants non armés dans l'État du Kent, dans l'Ohio, et la police a tué des étudiants manifestant au Jackson State College, dans le Mississippi. La répression de la gauche, en particulier de la gauche radicale noire, s'intensifiait.

Alors, quand les nouvelles de la fusillade du palais de justice ont atteint Davis, elle a conclu qu'il valait mieux partir en cavale. À partir d'août 1970, Davis était sur la liste des personnes les plus recherchées du FBI, la troisième femme jamais apparue sur cette liste. Elle a été arrêtée en octobre, dans un motel à New York, et a passé seize mois en prison en attendant d'être jugée - principalement en isolement cellulaire, parce que les fonctionnaires craignaient son influence sur les femmes détenues. Au début, Davis était passible de la peine de mort. Cinq jours après l'abolition de la peine de mort par la Cour suprême de Californie en février 1972, elle a été autorisée à obtenir une mise en liberté sous caution. Son procès a commencé en mars. Personne ne croyait qu'elle aurait un procès équitable, alors le président Richard Nixon a personnellement invité quatorze scientifiques soviétiques à l'observer par eux-mêmes.

Le portrait de Davis s'est répandu dans tout le pays, non plus sur des affiches, mais sur des badges, des dépliants et des t-shirts. Une campagne « Free Angela Davis » a éclaté dans le monde entier. Aretha Franklin s'est engagée à payer sa caution en espèces, « non pas parce que je crois au communisme, mais parce qu'elle est une femme noire qui veut la liberté pour tous les Noirs ». Davis devint un symbole pour la liberté d'expression, pour les femmes qui parlaient ouvertement, et pour le militantisme noir, une incarnation de l'agitation et de la rébellion qui définissaient l'époque.

Pourtant, elle a travaillé pour détourner l'attention de sa situation personnelle et vers le mouvement. Même dans le moment étonnant où la présidente du jury a lu le verdict de non-culpabilité - le jury ayant trouvé des preuves insuffisantes pour étayer sa participation à l’acte de Jonathan -, elle a redirigé l'attention vers la campagne internationale qui avait exigé sa liberté. Davis a décrit cette décision comme une « victoire du peuple ».

Le cinquantième anniversaire de l'acquittement historique de Davis pour meurtre, enlèvement et conspiration, accusations qui lui avaient fait risquer autrefois une exécution, a été peu remarqué en juin dernier, mais en tant que penseuse, elle peut être aussi influente aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été. Depuis les soulèvements de Baltimore et de Ferguson, dans le Missouri, jusqu'aux manifestations de l'été 2020, la dernière décennie n'a pas été une période de pragmatisme et d'obéissance des Noirs, comme y a insisté Jaime Harrison, président (noir) du Comité national démocrate, mais une ère de rébellion des Noirs. L'acharnement des récentes manifestations, la lueur des bâtiments en feu et la brutalité pure de la police en réponse ont provoqué des souvenirs du radicalisme noir des années 1960. Et les débats que ces protestations ont inspirés ont également été des débats sur la façon de se souvenir d'une ère antérieure de militantisme et de pensée politique noirs - et sur la meilleure façon de poursuivre cette tradition.

Il y a deux façons prédominantes de mal comprendre la tradition radicale noire. D'un côté, les libéraux ont soutenu que l'émergence du radicalisme noir dans les années 1960 avait suscité une réaction blanche et gâché la bonne volonté acquise par le mouvement des droits civiques,  plus appétissant. « Si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous admettrons qu'il y a eu des moments où certains d'entre nous, prétendant faire pression pour le changement, se sont égarés », a déclaré le président Barack Obama en 2013, lors d'un événement marquant le cinquantième anniversaire de la Marche sur Washington. « L'angoisse des assassinats a déclenché des émeutes auto-vaincues. Des griefs légitimes contre la brutalité policière ont été invoqués pour justifier un comportement criminel. » C'est ainsi, explique Obama, « que les progrès ont stagné. C'est comme ça que l'espoir a été détourné. C'est ainsi que notre pays est resté divisé. »

De ce point de vue, le mouvement des droits civiques représente un « progrès graduel » contre les excès de la politique radicale noire. Mais cette dichotomie entre le patient mouvement des droits civiques et l'autodestruction du mouvement de libération des Noirs ne tient pas la route à la lumière de l'examen historique. Et cela oblitère la relation entre les deux parties : l'insurrection noire de la fin des années 1960 a été menée par des personnes désillusionnées par la lenteur du changement, même après l'adoption d'une législation très vantée sur les droits civils.

Ce point de vue, hélas, persiste chez les politiciens qui pensent que Bernie Sanders n'a pas remporté la majorité des voix des démocrates noirs dans les primaires présidentielles de 2020 parce que les électeurs noirs sont tout simplement trop pragmatiques et ont trop à perdre. Ou chez Jim Clyburn, l'ancien président du caucus noir du Congrès et actuellement le troisième démocrate à la Chambre. Après les manifestations de l'été 2020, Clyburn a déclaré que lui et feu John Lewis avaient convenu en privé que la demande de définancement de la police « pourrait saper le mouvement BLM, tout comme « Burn, baby, burn » [Brûle, bébé, brûle]- un slogan des émeutes de Watts - « a détruit notre mouvement dans les années soixante ».

« John ne crierait jamais : ‘Brûle, bébé, brûle’ », dit Clyburn. En fait, lorsque Lewis devait prendre la parole lors de la Marche sur Washington, Bayard Rustin et A. Philip Randolph le pressaient de changer ses propos à la dernière minute, craignant que ses commentaires ne soient si incendiaires qu'ils pourraient offenser les responsables du Parti Démocrate, tous les deux faisant pression pour qu’ils agissent plus rapidement sur la législation des droits civils. « Le temps viendra où nous ne limiterons pas notre marche à Washington », avait prévu Lewis de dire.

Nous marcherons à travers le Sud, à travers le cœur de Dixie, comme Sherman l'a fait. Nous poursuivrons notre propre politique de la terre brûlée et brûlerons Jim Crow jusqu’à l’os sans violence. Nous allons fragmenter le Sud en mille morceaux et les reconstituer à l'image de la démocratie. Nous rendrons l'action des derniers mois minable.

Le fait n'est pas que Lewis était un radical de libération des Noirs, mais qu'en 1963, il était aussi frustré et en colère au sujet du rythme du changement que le sont les radicaux noirs d'aujourd'hui qui exigent que la police ne soit plus financée.

L'autre incompréhension des années 1960 vient généralement de jeunes gens qui cherchent l'inspiration d'un précédent mouvement de libération des Noirs. Les militants radicalisés d'aujourd'hui peuvent parfois se livrer à la nostalgie pour ce qui est essentiellement une unité imaginaire, comme si les années 1960 avaient été une période définie par l'efficacité organisationnelle et la clarté politique. Cela rend parfois plus difficile de se souvenir à la fois des provocations incessantes dirigées contre les militants du mouvement par la police et les agents fédéraux et des désaccords politiques au sein du mouvement lui-même. Comme toujours à gauche, il y avait une tension sur les rôles de leadership que les femmes devraient avoir, si les USA étaient fascistes, et si l'organisation multiraciale était nécessaire ou souhaitable. Parfois, nous négligeons une histoire plus douloureuse de récriminations, de sectarisme et d'intolérance politique et sociale parmi ceux qui, à part ça, étaient camarades. Ces désaccords peuvent expliquer pourquoi Davis - pour toute son influence en tant que militante, intellectuelle et écrivaine - n'a pas toujours été prise autant au sérieux que ses pairs de l'époque.

Ces dernières années, de nombreux universitaires et militants se sont efforcés de retrouver l'histoire de ces luttes de masse.

En particulier, ils ont essayé d'examiner le travail du Parti communiste. Dans leur nouvelle collection Organize, Fight, Win, qui rassemble les écrits des femmes communistes noires à partir des années 1920, Jodi Dean et Charisse Burden-Stelly fournissent une généalogie des souches du féminisme noir qui ont émergé dans le cadre de la radicalisation des années 1960. Elles établissent une lignée qui relie la politique radicale et l'émergence de Davis dans les années 1960 aux femmes noires qui, dès les années 1920, avaient aidé à analyser ce qu'elles appelaient le « triple fardeau » de la race, du genre et de la classe comme base de leur oppression. Comme Davis, elles se considéraient comme faisant partie d'une lutte mondiale contre le capitalisme et le colonialisme et pour le socialisme et un monde meilleur.

Les contributions, les observations, l'expérience et l'originalité de Davis dans le cadre de cette tradition ont souvent été négligées même si ses contemporains masculins des années 1960 ont été examinés de manière exhaustive. Pourquoi ? En tant que femme queer noire, Davis ne s'intègre pas dans des versions de l'histoire radicale qui valorisent de façon prévisible les hommes noirs - de Martin Luther King Jr. à Malcolm X, Fred Hampton et Huey Newton - comme sujets dignes et compliqués.

De nombreuses biographies et documentaires ont ignoré non seulement Davis et d'autres femmes, mais aussi les mouvements auxquels elles et des milliers de personnées ordinaires étaient attachés. Une série de biographies critiques qui sont apparues peu après l'arrestation de Davis n'ont pas réussi à capter sa croyance que sa radicalisation politique était l'expérience typique des autres jeunes Noirs. Toni Morrison a qualifié l'un de ces portraits de « vue cyclopéenne d'Angela Davis qui laisse au lecteur une biographie totalement inutile, en quelque sorte offensante dans son regard borgne ».

Une autre raison pour laquelle Davis a été négligée est son appartenance au Parti communiste. Les communistes ont longtemps été accusés d'invoquer l'antiracisme pour recruter des Noirs à leur cause sans s'intéresser véritablement à leur bien-être. Richard Wright, un ancien membre, a décrit sa désillusion avec le parti dans American Hunger ; Ralph Ellison, dans Invisible Man, s'est demandé si l'engagement des communistes envers l'antiracisme était vraiment réel.

Pour sa part, en 1968 Davis a rejoint une branche entièrement noire du parti à Los Angeles, dont les membres avaient une réputation locale en tant que bons et fiables militants. Dans son écriture, comme les femmes communistes noires qui l'ont poursuivie, elle est allée bien au-delà de la ligne du parti, en théorisant sur l'imbrication de la race, de la classe et du genre dans la vie des femmes noires des années avant que « intersectionnalité » ne soit dans les salles de classe et sur chaque chyron nerveux. Elle a même critiqué le parti en tant qu’ organisation nationale : il n'a pas accordé « une attention suffisante aux dimensions nationales et raciales de l'oppression du peuple noir, et donc submergé les caractéristiques spéciales de notre oppression sous l'exploitation générale de la classe ouvrière ».

Elle a quitté le parti en 1991 à cause de ce qu'elle décrit comme un manque de démocratie interne. Tout au long, elle était lucide dans sa compréhension de ses lacunes, mais la longévité de son mandat signifiait qu'elle pouvait être rejetée comme son porte-parole. Son adhésion avait également causé de la rancœur chez certains Afro-USAméricains pris dans la peur du rouge de longue date.

Depuis cinq décennies maintenant, Davis est une écrivaine prolifique et une intellectuelle public, expliquant à un large public comment l'inégalité raciale façonne la vie des Noirs. Son essai prophétique révolutionnaire « The Black Woman' s Role in the Community of Slaves » (1971), dédié à George Jackson et écrit à partir de la prison du comté de Marin en attendant d'être jugée, portait autant sur la résistance des femmes noires à l'esclavage que sur la critique acerbe du Rapport Moynihan de 1965 sur la pauvreté noire, qui offrait une vision déformée des matriarches noires émasculant les hommes noirs, idée qui était devenue populaire parmi les hommes noirs dans le mouvement révolutionnaire.

Davis avait été sceptique à l'égard du mouvement des femmes, le jugeant essentiellement blanc et de classe moyenne. Puis, en prison, elle a vu comment la race et la pauvreté chevauchaient le genre et rendaient les femmes détenues, en particulier celles qui étaient enceintes, particulièrement vulnérables à l'État. Cela l'a persuadée d'intégrer le genre dans ses analyses politiques - tout comme la théorie concoctée par les procureurs selon laquelle Davis a participé au siège du tribunal pour libérer son amant, George Jackson (une femme bafouée !). À l'époque, les écrits de Davis étaient des interventions nécessaires pour construire l'unité entre les hommes et les femmes noirs au sein du mouvement. Ce n'est que plus tard qu'ils ont fini par être considérés comme du « féminisme noir ».

Davis a presque quatre-vingts ans. Elle reste politiquement active et très visible, une source d'inspiration pour les jeunes militant·es et organisateur·trices internationaux·ales. Elle n'a pas disparu dans le milieu universitaire après son procès, pas plus qu'elle n’a renoncé à ses idées radicales. Au lieu de cela, au cours du demi-siècle qui s'est écoulé depuis son acquittement, elle a continué à faire campagne contre les prisons et au nom des détenu·es. Elle a également continué d'embrasser la politique de l'internationalisme, de défendre l'autodétermination pour les Palestiniens, de dénoncer les abus de la police au Brésil et de lutter contre le néolibéralisme en Afrique du Sud. Elle reste controversée : en 2019, le Birmingham Civil Rights Center a annoncé qu'il honorait Davis, puis a annulé le prix dans ce qui a été largement considéré comme une réaction à son soutien à la campagne de Boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël, seulement pour rétablir le prix plus tard ce mois-ci.

Aujourd'hui, près de cinquante ans après sa première publication en 1974, Davis a sorti une nouvelle édition d'Angela Davis : An Autobiography, un texte historique de la politique noire de gauche. Aujourd'hui, il est populaire de voir le socialisme comme une préoccupation des jeunes hommes blancs ; la réédition nous rappelle la longue tradition de l'implication des Noirs dans les organisations socialistes et communistes, et de l'éclat de cette éminente femme noire radicale. Il préserve le texte des deux premières éditions avec quelques corrections mineures de faits : Davis reconnaît dans une nouvelle préface longue et perspicace que ses vues ont évolué ou que son langage aujourd'hui serait différent. (« Je ne suis que trop consciente des façons dont les suppositions masculinistes m'ont empêché de comprendre l'impact des régimes carcéraux sur les femmes », écrit-elle au sujet de ses observations homophobes sur les relations queer derrière les barreaux.) Une autobiographie reste un document important pour comprendre l'ampleur de la radicalisation politique dans les années 1960 ainsi que sa lignée étendue, car l'histoire personnelle de Davis est intimement liée à celle du mouvement noir de la fin de la Seconde Guerre mondiale à nos jours.

Davis est née à Birmingham, en Alabama, en 1944. Après une éducation élémentaire dans les écoles noires locales sans ressources, elle a poursuivi ses études dans des écoles privées blanches d'élite du Nord-Est. Sa famille n'était pas riche mais avait des liens à l'extérieur du Sud qui lui donnaient, ainsi qu'à ses frères et sœurs, accès à un monde au-delà du Birmingham jimcrowisé - des liens qui passaient presque entièrement par des membres noirs du Parti communiste. Elle a ensuite étudié la philosophie en Europe ; à vingt-cinq ans, elle était professeure adjointe à l'UCLA.

Ce n'était pas, se plaignaient certains critiques de An Autobiography, l'expérience des Noirs ordinaires. Mais Davis a vu quelque chose de général dans son histoire de vie : la contradiction entre les proclamations officielles des USA comme société libre et démocratique et le racisme quotidien qu'elle et ses pairs ont enduré. C'est ce qui l'a radicalisée. « Certes, depuis 1959–1960, les Noirs dans leur ensemble dans ce pays ont fait d'énormes progrès dans la conscience de la nécessité de la libération, et je pense que j'en fais partie », a-t-elle déclaré à Ebony en 1972. « Tout comme je pouvais signaler des centaines, des milliers d'autres hommes et femmes noirs de mon âge qui ont connu presque le même type de développement. »

Pendant les quinze premières années de la vie de Davis, le gouvernement fédéral a utilisé tout son pouvoir pour marginaliser le Parti communiste et criminaliser sa participation. Dans une série de procès entre 1949 et 1958, 108 communistes ont été reconnus coupables d'avoir prôné le renversement du gouvernement et condamnés cumulativement à plus de quatre cents ans de prison. En 1947, le président Harry Truman a signé un décret établissant un programme fédéral de fidélisation des employés afin d'éliminer les communistes qui travaillaient peut-être dans la bureaucratie. Près de cinq millions de travailleurs fédéraux ont fait l'objet d'enquêtes. En 1950, la loi McCarran exigeait que les membres des « organisations d'action communiste » s'inscrivent auprès du procureur général. Ces efforts législatifs et d'autres ont contribué à créer un climat de suspicion et de récriminations. Des listes noires ont été créées qui compilaient les noms des vrais communistes et aussi de toute personne jugée sympathisante de la cause, coûtant à des milliers de personnes leurs moyens de subsistance.

Pour Davis, ces persécutions étaient personnelles. Sallye Davis, sa mère, avait été une dirigeante du Southern Negro Youth Congress (SNYC), une organisation cofondée par des membres noirs du Parti communiste et qui faisait campagne contre la taxe de vote et pour le droit de vote. Sallye Davis avait organisé, au nom des Scottsboro Boys, neuf jeunes Noirs accusés à tort d’avoir violé deux femmes blanches. On en sait moins sur l'activité politique du père d'Angela Davis, Frank, mais John Abt, l'avocat du Parti communiste, a écrit dans son autobiographie que Frank l'avait contacté personnellement pour lui demander de la représenter lorsqu'elle était emprisonnée à New York.

Beaucoup des amis d'enfance les plus proches de Davis, dont Claudia et Margaret Burnham, avaient des parents qui étaient des leaders noirs dans le parti. (Margaret, tout en travaillant comme avocate pour le Fonds de défense juridique de la NAACP, était un membre central de l'équipe juridique de Davis).

Dorothy Burnham - dont des écrits figurent dans Organize, Fight, Win- avait quitté New York pour Birmingham avec son mari, Louis, pour se joindre à la lutte contre le racisme et Jim Crow. L'anticommunisme était un phénomène national, mais la répression était particulièrement aiguë dans le Sud, où les fonctionnaires blancs attribuaient les revendications de droits civils à l'agitation extérieure des provocateurs communistes. À la fin des années 1940, Bull Connor, le fonctionnaire local réputé pour avoir fait lâcher des chiens sur des enfants noirs lors de manifestations en 1963, a forcé les Burnham à quitter Birmingham pour retourner à New York.

Lorsque Davis a commencé à fréquenter l'école secondaire à New York, son réseau d'amitié s'est élargi pour inclure les enfants des principaux membres du parti. Parmi eux, Harriet Jackson, fille de James Jackson et Esther Cooper Jackson, anciens dirigeants de la SNYC. Elle est aussi devenue amie de Mary Lou Patterson, la fille de William Patterson, surtout connu pour sa pétition de 1951 aux Nations Unies, « We Charge Genocide », qui a été soumise à Paul Robeson et qui a soutenu que le racisme du gouvernement usaméricain était un crime punissable, et avec Bettina Aptheker, dont le père était le célèbre historien du parti Herbert Aptheker, le plaignant dans une affaire de la Cour suprême de 1964 qui a contesté avec succès la constitutionnalité des interdictions fédérales de passeport pour des membres du parti.

Dans son autobiographie, Davis souligne que, précisément parce qu'elle a associé le Parti communiste avec les parents de ses amis, cela lui a d'abord semblé être une vieille organisation conservatrice. Mais ces relations contredisaient aussi les représentations officielles et populaires des communistes comme faux-jetons. Cela n'avait jamais été son expérience, ce qui signifiait qu'elle était jusqu'à un certain point imperméable à l'anticommunisme de son époque. Elle compare son expérience de la lecture du Manifeste communiste au lycée à celle d'être frappée par « un éclair ». Il offrait un moyen de donner un sens aux règles et règlements déconcertants qui maintenaient Jim Crow intact :

Les yeux lourds de haine sur Dynamite Hill ; le rugissement des explosifs, la peur, les pistolets cachés, la femme noire en pleurs à notre porte, les enfants sans déjeuners, l'effusion de sang dans la cour d'école, les jeux sociaux de la classe moyenne noire, Shack I/Shack II, l'arrière du bus, les fouilles policières, tout ça s’est combiné. Ce qui avait semblé être une haine personnelle de ma part, un refus inexplicable des Blancs du Sud d'affronter leurs propres émotions, et une volonté obstinée des Noirs d'acquiescer, est devenue la conséquence inévitable d'un système impitoyable qui s'est maintenu en vie et bien en encourageant la méchanceté, la concurrence et l'oppression d'un groupe par un autre.

Davis a passé une partie de ses années universitaires à Paris, à la Sorbonne, et a finalement suivi un programme d'études supérieures à Francfort. Là, elle a embrassé son statut de protégée de l'intellectuel marxiste Herbert Marcuse, dont elle avait assisté à des conférences pendant sa dernière année à Brandeis [première université financée par la communauté juive, Boston, NdT], en entreprenant des études doctorales de philosophie à l'Université Goethe (Francfort) avec des théoriciens dont Theodor Adorno et Jürgen Habermas. Entretemps, sa politique radicale s'approfondissait. À Paris, elle avait rencontré la résistance algérienne à l'occupation française, et maintenant en Allemagne, elle était sous l'influence du mouvement étudiant de masse. Mais elle avait ses propres batailles à mener à la maison.

Davis retourna aux USA en 1967. Elle se rendit à San Diego pour poursuivre ses études avec Marcuse, qui enseignait alors à l'UCSD. Elle a également décidé de se joindre aux activités politiques du mouvement de libération des Noirs à Los Angeles. Surtout après ses expériences à Francfort, cela signifiait faire partie d'une organisation. « En 1968, j'ai réalisé à quel point j'avais besoin de trouver un collectif », écrit-elle.

L'activité individuelle - sporadique et déconnectée - n'est pas un travail révolutionnaire. Le travail révolutionnaire sérieux consiste en des efforts persistants et méthodiques à travers un collectif d'autres révolutionnaires pour organiser les masses pour l'action. Comme je me considérais depuis longtemps comme un marxiste, les alternatives qui s'offraient à moi étaient très limitées.

Ne trouvant aucun point d'entrée clair ou facile dans le mouvement noir, elle dut créer le sien. Davis a aidé à organiser un syndicat d'étudiants noirs à l'UCSD et, ce faisant, a développé des liens avec l'organisation au-delà du campus. Mais elle découvrit rapidement à quel point le terrain du mouvement noir était compliqué. Dans les années qui ont suivi les émeutes de Watts à Los Angeles, le Congrès noir, qui représentait les nombreux groupes différents travaillant dans le mouvement, était devenu le centre de l'organisation radicale en Californie du Sud. C’était une bagarre constante pour positionner son groupe comme faisant partie de la direction du congrès, essayant de distinguer son groupe du reste en invoquant sa supériorité politique ou son zèle révolutionnaire.

Ces divergences pouvaient dégénérer en violence politique et ce fut bel et bien le cas. À l'automne 1967, lors d'une conférence de jeunes Noirs visant à promouvoir l'unité à Los Angeles, une fusillade a éclaté entre des membres de l'Organisation culturelle nationaliste américaine, dirigée par Ron Karenga, le créateur de Kwanzaa, et un groupe appelé United Front. Les tensions pouvaient facilement avoir été manipulées par des informateurs du FBI ou d'autres personnes voulant perturber l'activité organisationnelle de la gauche noire. « Au milieu du chaos qui a suivi la fusillade », se souvient Davis, « j'ai lu la littérature, participé à certains ateliers et découvert que la seule chose que nous avions vraiment en commun était la couleur de peau. Pas étonnant que l'unité fût fragile. »

Davis a finalement rejoint le Student Non-Violent Coordinating Committee (SNCC), qui, en Californie du Sud à la fin des années 1960, était très différent de l'organisation étudiante de défense des droits civiques qui avait été fondée en 1960 en Caroline du Nord. La branche de Los Angeles du SNCC était issue d'un compromis négocié entre le Black Panther Political Party et le Black Panther Party for Self-Defense , qui avait été formé en Californie du Nord en 1966. Davis rappelle dans son autobiographie qu'une panthère d'Oakland a exigé

que votre putain de parti se débarrasse du nom de Black Panther Party. En fait, vous feriez mieux de le changer pour le putain de Parti des Chattes Roses. Et si vous n'avez pas changé de nom d'ici vendredi prochain, on va tous vous buter.

Avec l'aide de James Forman, qui dirigeait le SNCC à l'échelle nationale, le chapitre de la côte Ouest est né.

Le SNCC s'est rapidement implanté dans la communauté en s'organisant contre les brutalités policières et en développant un programme d'éducation politique dont Davis était responsable. En quelques mois, le groupe était devenu populaire et influent. Davis l'appellerait « l'une des organisations les plus importantes de la communauté noire de Los Angeles ». Mais les succès ont été de courte durée. Au fil du temps, deux problèmes se sont développés qui ont engendré de profonds conflits politiques.

Le premier était le sexisme, qui sapait le travail quotidien du groupe. Davis décrit des hommes, inquiets de leur leadership au sein de l'organisation, accusant des dirigeantes de comploter pour un « coup d'État matriarcal ». « On m'a beaucoup critiquée (…) pour avoir fait le travail d'un homme », écrit-elle.

Je me suis familiarisée très tôt avec la présence généralisée d'un syndrome malheureux parmi certains militants noirs - à savoir confondre leur activité politique avec une affirmation de leur malveillance. Ils ont vu - et certains continuent de voir - la virilité noire comme quelque chose de distinct de la féminité noire. Ces hommes considèrent les femmes noires comme une menace à leur réalisation de la virilité, en particulier les femmes noires qui prennent l'initiative et travaillent pour devenir des leaders à part entière.

Le deuxième problème était l'anticommunisme. Les hommes qui constituaient la direction du chapitre local du SNCC s'opposaient à la proéminence de Franklin Alexander au sein du groupe parce qu'il était communiste. Finalement Alexander a été expulsé. Il ne s'agissait pas seulement de conflits sectaires, mais d'un conflit motivé par des divergences politiques de fond. Le rôle de Davis dans la direction de l’« école de libération » a été critiqué parce qu'elle enseignait le marxisme dans le cadre de ses cours d'éducation politique, où les chefs de groupe croyaient qu'il serait préférable d'enseigner aux gens des compétences commerciales pratiques qui pourraient aider à leur survie à la place.

La plupart des lois utilisées pour intimider les communistes au niveau national avaient été déclarées inconstitutionnelles à la fin des années 1960. Mais la stigmatisation sociale de l'appartenance au parti est restée, même parmi les étudiants et la gauche radicale noire émergente. Le Parti communiste a été harcelé par le gouvernement usaméricain, et sa propre direction répressive - avec ses positions toujours changeantes et équivoques, son opposition sectaire intense aux opposants politiques, et son soutien rigide et non critique à l'Union soviétique - a également terni sa réputation parmi les intellectuels et les militants.

Et pourtant, les crises de plus en plus profondes au sein de la gauche révolutionnaire noire - direction autoritaire ; sexisme suffocant, y compris la subordination des femmes dirigeantes ; lignes politiques erratiques ; une tendance à glorifier la violence au lieu d'organiser la lutte de masse - ont néanmoins ouvert la voie à Davis dans le parti. En 1968, son entrée est venue par une branche entièrement noire de Los Angeles appelée le Che-Lumumba Club. Le chapitre de Los Angeles du SNCC comprenait non seulement Franklin Alexander, mais aussi sa compagne, Kendra, une autre cadre du parti. Davis était amoureuse de la sophistication politique de Charlene Mitchell, la sœur aînée de Franklin, une organisatrice du parti qui s'est portée candidate à la présidence des USA sur un ticket du Parti communiste en 1968.

D'après l'expérience de Davis, non seulement les dirigeantes, les organisatrices et les penseuses politiques du parti - les communistes californiens étaient dirigés par la dissidente Dorothy Healy -, mais tous ses camarades la traitaient comme une égale, respectueux de son sens de l'organisation et de ses contributions politiques. Selon elle, le Parti communiste avait une compréhension claire de l'oppression et de l'exploitation sous le capitalisme, et il centrait également sa doctrine sur la construction d'un mouvement de masse multiracial enraciné dans la classe ouvrière. L'engagement de longue date de Davis envers l'organisation multiraciale provient de l'influence de ses parents et, comme elle l'a expliqué dans l’anthologie Feminist Freedom Warriors (2018), elle avait besoin de quelque chose de plus grand que le Black Panther Party :

Mes expériences au sein du Parti communiste m'ont donné ce cadre global, cette façon de m'identifier non seulement aux luttes de travailleurs et aux luttes qui étaient menées par des personnes d'autres origines raciales et ethniques, des travailleurs blancs, et ainsi de suite, mais aussi du monde.

Ce n'était pas tant un impératif moral que le seul moyen logique de réussir une révolution aux USA. Tout ce qui n'impliquait pas « les masses » était désespérément utopique.

Son rejet du nationalisme noir a mis Davis en contradiction avec les courants dominants de la gauche radicale noire. Elle a été « troublée » quand, en 1968, elle a entendu Stokely Carmichael dire à une conférence de Black Power à Los Angeles que « en tant que peuple noir…nous devons oublier le socialisme, qui est une création européenne, et commencer à penser au communisme africain ». Aux USA, écrit-elle :

lorsque les Blancs sont considérés indistinctement comme des ennemis, il est pratiquement impossible d'élaborer une solution politique…. J'ai appris que tant que la réponse noire au racisme resterait purement émotionnelle, nous n'irions nulle part.

Une Autobiographie a été écrite à l'instigation de l'éditrice de Davis à Random House, Toni Morrison. Davis craignait qu'à vingt-huit ans, elle ne soit trop jeune pour écrire des mémoires, mais Morrison l'encouragea à écrire une « autobiographie politique ». Dans la première édition du livre, Davis écrit qu’

il met l'accent sur les personnes, les événements et les forces de ma vie qui m'ont propulsé vers mon engagement actuel. Un tel livre pourrait servir un but très important et pratique. Il y avait la possibilité que, après l'avoir lu, plus de gens comprendraient pourquoi tant d'entre nous n'ont pas d'autre alternative que d'offrir nos vies - nos corps, notre connaissance, notre volonté - à la cause de notre peuple opprimé.

Elle espérait également que d'autres « pourraient être inspirés à rejoindre notre communauté de lutte croissante ».

Sa réticence à se concentrer sur elle-même dans sa propre autobiographie n'a pas disparu. « Je suis plus convaincue que jamais que nous devons nous engager dans une critique implacable de notre centrage sur l'individu », avertit Davis dans sa nouvelle préface. Elle est une autoanalyste réticente, tiraillée entre raconter son histoire et refuser l'indulgence séduisante de réduire des événements historiques importants à sa propre implication. Son récit est moins motivé par le besoin que les gens comprennent son moi émotionnel que de se situer au sein d'un mouvement politique plus large et d'utiliser son expérience pour faire la lumière sur les expériences de sa génération.

L'autobiographie a donné à Davis l'occasion de reprendre son histoire de vie, que les médias traditionnels avaient grossièrement déformée pendant son incarcération. Ces évaluations de la psychologie pop de Davis se sont reportées aux critiques originales du livre. « S'il y a une Angela Davis séparée de la femme communiste, écrit l'écrivain noir Julius Lester, Davis ne la connaît pas et a peu envie de le faire…. Sa volonté est si forte que, parfois, elle est effrayante. » La recherche de la « vraie » ou « autre » Angela Davis sent le sexisme, tout comme l'hypothèse que sa vie n'a pas été entièrement consommée par la politique - qu'il doit y avoir un intérieur construit autour d'autres désirs.

Il est difficile d'imaginer qu'une telle question soit posée à Malcolm X. « Si ce livre concernait un homme », écrivait Morrison en réponse à un rapport d'un lecteur exprimant son inquiétude quant au manque d’« humanité » dans le manuscrit,

certains problèmes de crédibilité ne se poseraient jamais. La vraie question que vous posez est :  pourquoi elle ne pense pas et ne se comporte pas comme une femelle ?… Comme ça serait bien si Angela était une vraie Jane Fonda et non Jeanne d'Arc.

Pour les critiques masculins de Davis, son manque « effrayant » de désir sexuel ou romantique et sa position inadaptée dans le monde de la politique révolutionnaire l'ont transformée en une figure exotique et ont permis de rejeter ses contributions politiques et intellectuelles. Cette perception n'est pas seulement inexacte - elle écrit intimement sur son amour pour George Jackson, pour commencer -, elle continue également à marginaliser le travail des femmes radicales de l'époque.

L'un des engagements les plus complets avec les idées de Davis peut être trouvé dans le livre primé d’Ibram Xolani Kendi' Stamped at the Beginning (2016), qui utilise sa vie pour comprendre les cinquante dernières années de la lutte contre le racisme. Et pourtant, Kendi interprète mal la politique de Davis pour expliquer ses propres idées. Kendi et Davis partagent « l'antiracisme » comme objectif politique, mais ils veulent dire des choses très différentes par ce mot. Pour Kendi, le racisme est le produit de politiques publiques erronées qui produisent des disparités dans la vie sociale, politique et économique. En conséquence, il voit la résolution de ces disparités dans la prise du pouvoir électoral par les « antiracistes » afin que leurs idées puissent guider la politique publique, en les transformant finalement dans le « bon sens ». Mais cette solution dépend de l'hypothèse essentiellement libérale que changer les idées, sans changer la structure de la société, est la voie de la transformation sociale.

Pour Davis, en revanche, la racine du problème dans la société usaméricaine n'est pas le racisme mais le capitalisme. Le racisme est au cœur de la fonction du capitalisme parce qu'il divise ceux qui ont le plus grand intérêt à le combattre, y compris les travailleurs et les pauvres blancs. Sans aucun doute, le capitalisme rend la vie plus difficile pour ceux qui ne sont pas blancs. Mais de l'avis de Davis, « l'antiracisme » signifie développer une stratégie politique pour tout changer, et pas seulement monter à des positions de pouvoir dans la structure existante. Quand l’organe de la Nation of Islam Muhammad Speaks a demandé à ses lecteurs à Harlem en 1971 de soumettre des questions pour Davis, un certain nombre d'entre eux ont demandé pourquoi elle était communiste. Elle y a répondu dans un article qu'elle a écrit pour Ebony alors qu'elle était emprisonnée en Californie. « Je suis communiste parce que je suis convaincue que les souffrances séculaires des Noirs ne peuvent être atténuées par l'arrangement social actuel », a-t-elle écrit. « Le capitalisme ne peut pas se réformer. Les Noirs plus que quiconque devraient comprendre la vérité de cette déclaration. »

Davis a finalement quitté le Parti communiste, mais pas sa croyance que le capitalisme est à l'origine de l'oppression et de l'exclusion dans la société usaméricaine. C'est une croyance qui a animé son militantisme et son organisation en tant qu'abolitionniste de la prison. Elle a participé à la création en 1997 de l'organisation d'abolition des prisons et de la police Critical Resistance. Elle est également retournée en classe, et a ensuite enseigné dans le programme d'histoire de la conscience à l'Université de Californie à Santa Cruz pendant quinze ans (ceci après que Reagan eut dit, en 1970, qu'elle n'enseignerait plus jamais dans le système californien). En 2018, Davis a fait don à Harvard de son énorme collection de papiers personnels, reflétant, selon ses mots, « cinquante ans d'implication dans des collaborations militantes et savantes cherchant à étendre la portée de la justice dans le monde ».

Le pouvoir de An Autobiography réside dans la compréhension par Davis des forces énormes rassemblées contre les rêves de sa génération d'une nouvelle société et les idées et les actions de sa cohorte qui ont ralenti leur élan vers l'avant. Elle raconte comment la suprématie masculine a sapé le leadership des femmes noires et introduit l'autoritarisme et l'intolérance dans des débats plus généraux sur la politique, la stratégie et les tactiques du mouvement. Aujourd'hui, la lutte pour la libération des Noirs a pris une nouvelle forme et existe dans un contexte tout à fait différent, mais l'agression sans fin contre la vie des Noirs continue de rendre cette poursuite nécessaire.

Une Autobiographie confirme certaines des choses que nous savons, y compris les efforts impitoyables des responsables usaméricains pour enterrer un mouvement. Mais il montre aussi comment le sexisme et le sectarisme démantèlent les coalitions potentielles et sapent les solidarités cruciales. En écrivant sur ses propres expériences, Davis saisit pourquoi tant de ses pairs sont devenus radicalisés. Des centaines de milliers d'USAméricains noirs se sont livrés à des émeutes et à des rébellions dans les années 1960, tentant littéralement d'anéantir le statu quo. L'ampleur de leur lutte, entreprise dans un contexte de résistance mondiale au colonialisme et à la suprématie blanche, a donné aux jeunes radicaux l'impression que le changement révolutionnaire était à leur portée.

« Nous sentions que nous avions l'énergie des étalons et la confiance des aigles alors que nous nous précipitions dans les quartiers de Los Angeles - dans les rues, dans les maisons, les campus, les bureaux – pour conduire, marcher, rencontrer, saluer », écrit Davis au sujet de son organisation précoce avec le SNCC.

Nous avons vécu l'apogée de la fraternité et de la sororité en faisant quelque chose d'ouvert, de libre et au ras du sol pour notre propre peuple. Ce n'était pas une manipulation sournoise de l'establishment, marquée par le compromis et le gradualisme. Il ne s'agissait pas non plus de l'héroïsme individuel d'une personne dont l'indignation avait atteint le point de non-retour. Notre position était publique et notre engagement était envers notre peuple - et pour certain·es d'entre nous, envers la classe.



05/09/2022

ANNAMARIA RIVERA
Déconstruire le langage raciste
Au-delà du “hate speech”


Annamaria Rivera , Comune-Info, 5/9/2022
Traduit par
Fausto Giudice

Les lexiques frelatés, la rhétorique et les représentations négatives d'autrui ou la propension à dissimuler des mesures et des institutions racistes et anticonstitutionnelles derrière des euphémismes sont, à la fois, l'une des causes et l'un des effets de ce système complexe et multidimensionnel que nous appelons racisme : un système, souvent sournois, d'inégalités juridiques, économiques, sociales et de statut ; un système généralement caractérisé par de fortes inégalités de pouvoir entre les groupes sociaux concernés.

Par conséquent, pour contrer le racisme, il est utile, mais pas suffisant, de déconstruire et de démasquer les mots et la rhétorique qu'il utilise ou qu'il invente, endosse ou affirme comme s'il s'agissait de vérités indiscutables. Même s'il est insuffisant à lui seul, le travail d'écologie des mots représente un des moyens pour tenter de décomposer ce qu'Étiennne Balibar appelait la communauté raciste, ou du moins d'en ébranler la compacité et essayer ainsi de la mettre en crise.

Cela dit, je trouve que le terme de hate  speech (discours de haine), qui est devenu officiel au niveau international, est très problématique. Ce n'est pas un hasard s'il a été inventé aux USA par un groupe de juristes à la fin des années 1980, dans un pays où le terme “race” est utilisé couramment, comme s'il était neutre. La croyance selon laquelle toutes les insultes, les déclarations, les phrases offensantes et discriminatoires sont des expressions de haine est, à mon avis, tout à fait infondée.

Même si nous élargissions le sens du mot “haine” à l'hostilité, l'aversion, le rejet, l'antipathie, l'inimitié envers certains individus et groupes, nous ne serions pas en mesure de comprendre toute la gamme des motivations qui inspirent les mots, les phrases et les discours racistes et discriminatoires, y compris les discours sexistes et homophobes. Si nous voulions vraiment attribuer les motifs du discours raciste commun à la sphère des sentiments et des émotions, nous serions forcés de constater que c'est souvent le mépris, le dédain, la dérision et la moquerie qui prévalent.

La croyance de plus en plus répandue selon laquelle le racisme systémique peut être démantelé en combattant les discours de haine détourne l'attention et l'énergie du caractère concret des luttes et de la capacité à communiquer de l'antiracisme.

Ce n'est pas une coïncidence si, en Italie, l'un des premiers lemmes inventés pour nommer les immigrants et les réfugiés en bloc a été l'expression napolitaine vu' cumprà (“tu veux acheter ?”) : on croyait qu'il s'agissait de la phrase typique avec laquelle le vendeur ambulant étranger typique [sénégalais, bien sûr, NdT] s'adressait aux passants et elle était basée sur la généralisation arbitraire selon laquelle tous les migrants sont au mieux de misérables colporteurs. Par ailleurs, les représentations véhiculées par les médias et parfois par les institutions elles-mêmes tendent le plus souvent à occulter ou à minimiser le rôle productif réel joué par les travailleur·ses migrant·es et donc leur contribution à l'économie des différents pays européens.

En outre, je ne crois pas du tout que ces hommes politiques et représentants d'institutions, qui ont l'habitude de proférer les pires insultes et obscénités racistes (les entrepreneurs politiques du racisme, comme je les ai appelés par le passé) soient mus par une quelconque passion ou un quelconque sentiment. Au contraire, ils sont guidés par une idéologie et une stratégie très précise : ils visent à obtenir un consensus, en détournant le ressentiment populaire, principalement dû aux conditions économiques et sociales vécues, vers des boucs émissaires.

Il existe un autre paradoxe qui caractérise les discours de haine. Dans certains pays européens, dont l'Autriche et l'Espagne, la “race” est mentionnée avec insistance parmi les motifs. Il en va de même pour les organismes internationaux tels que le CERD et la CEDH, c'est-à-dire respectivement le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (des Nations unies) et la Convention européenne des droits de l'homme.

Pourtant, c'est à partir du début des années 1940 que les biologistes, les généticiens et surtout les anthropologues culturels tels que Franz Boas, Fernando Ortiz et Ashley Montagu ont commencé à démontrer l'absence totale de fondement scientifique de la “race”. Par conséquent, on pourrait paradoxalement dire que ceux qui continuent aujourd'hui à en perpétuer le mythe sont eux-mêmes racistes, même s'ils s’en prennent aux discours de haine.

On peut dire la même chose des expressions “de couleur” ou “basé sur la couleur", comme s'il s'agissait d'une réalité et non d'une perception historiquement et culturellement déterminée. En réalité, c'est le discours dominant qui décide qui est noir, qui est blanc, qui est de la “race juive”, qui est d'une autre “race”. Aux USA, toute personne ayant ne serait-ce qu'un huitième de “sang noir” est considérée comme noire, même si son apparence est résolument “blanche”. Pour n'en citer qu'un autre exemple de désignation, l'Afrique du Sud de l'apartheid a inventé la catégorie des blancs honoraires (les Japonais, en particulier), pour les basanés de condition de classe supérieure. 

Gringoire, 1937


Détective, 1938

 D’autre part, tout le monde peut être racisé : en Italie, pendant un bon nombre d'années, et encore aujourd'hui en Grèce, les principales victimes du racisme étaient les Albanais, puis aussi les Roumains. À propos de ces derniers, en 2006, le journaliste d'un journal de droite a osé écrire : « Ils sont considérés comme la race la plus violente, la plus dangereuse, la plus autoritaire, capable de tuer pour une poignée de centimes, qui terrorise notre pays depuis des années. Pourtant, cette race se prépare même à entrer dans l'Union européenne ». (Augusto Parboni : « Un groupe ethnique toujours dans les faits divers. Ils ont un monopole criminel sur le clonage [de cartes de crédit, NdT] et la prostitution », Il Tempo, 3 octobre 2006).

2013

Plus tard, le 10 avril 2017, ce sera Luigi Di Maio, leader du M5S et plusieurs fois ministre, qui postera une affirmation similaire sur Facebook : « L'Italie a importé 40% de ses criminels de Roumanie » .   On lui doit aussi la définition navires des ONG engagés dans la recherche et le sauvetage en mer, comme « taxis de la Méditerranée », une formule suivie du classique « Qui les paie ? Et pourquoi le font-ils ? », posté onze jours plus tard.     

Depuis un bon nombre d’ années, en Italie comme dans d'autres pays européens, un racisme institutionnel gagne du terrain, si extrême et insistant qu'il alimente, par l'utilisation décisive des médias et des réseaux sociaux, des formes répandues de xénophobie populaire. Corollaire et en même temps agent de ce processus, la détérioration progressive du langage public, qui semble désormais débarrassé de tout frein inhibiteur.

La chute de l'interdit a fait que peu de gens ont été choqués lorsque Beppe Grillo a publié sur son blog en 2006 une longue citation de Mein Kampf d'Hitler contre « les bouffons du parlementarisme ». Et lorsque Matteo Salvini, leader de la Ligue du Nord, a osé déclarer en public en 2008 que les rats « sont plus faciles à éradiquer que les gitans parce qu'ils sont plus petits », faisant écho, peut-être inconsciemment, à l'une des métaphores zoologiques typiques de l'antisémitisme le plus classique. Ce qui ne l'a pas empêché de devenir ministre de l'Intérieur dix ans plus tard.

Mais c'est aussi le même lexique réglementaire et bureaucratique qui désigne parfois les migrants par des épithètes stigmatisantes et infériorisantes : " clandestins ", " extra-communautaires ", " badanti " [aides à domicile]... En particulier, le mot clandestin a joué un certain rôle dans le renforcement de l'axe répressif et discriminatoire des politiques d'immigration en Italie : le seul pays européen dans lequel ceux qui ne sont pas en règle en ce qui concerne leur permis de séjour sont définis de manière péjorative : ailleurs on dit, de manière plus ou moins neutre, sans papiers, indocumentados et autres. Ces politiques, à leur tour, ont fini par entériner la rhétorique qui tourne autour de l'équation qui assimile l'immigrant au “clandestin”, et donc au criminel.

Une autre tendance consiste à utiliser le lemme ethnie (en fait un synonyme euphémique de race) pour définir l'origine des immigrants, au lieu d'utiliser le critère neutre, ou du moins symétrique, de la nationalité. Et ceci avec des résultats grotesques : dans la meilleure presse italienne, récemment même dans le manifesto, un journal de gauche, il nous est arrivé de lire des articles sur l'ethnie latino-américaine ou même l'ethnie chinoise (alors que nous ne lisons jamais l'ethnie européenne ou l'ethnie nord-américaine).

Dessin de Jiho

Il existe également un jargon du sens commun raciste apparemment innocent qui utilise des mots connotés idéologiquement comme s'ils étaient neutres. On pense au néologisme buonismo (et buonista angélisme et angéliste), par lequel il est d'usage de stigmatiser les politiques égalitaires et inclusives, les actes et les discours de solidarité envers les migrants et les réfugiés, et les minorités. C'est un lemme qui appartient à la même famille sémantique que pietista, utilisé en Italie pendant le fascisme comme une accusation contre les Italiens qui, après l'approbation des lois anti-juives, ont essayé de défendre, protéger, sauver leurs concitoyens juifs.

Au fait et en conclusion : pensez aux souverainismes qui traversent la plupart des pays européens, à la réémergence de formes explicites d'antisémitisme en même temps que d'anti-islamisme : verbal et même factuel (des affaires récurrentes du foulard en France aux attaques contre les synagogues et les mosquées). Tout cela rend d'autant plus nécessaire le travail d'une “écologie des mots”, à condition qu'il soit mené dans le cadre d'une activation capillaire de la société civile.