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19/07/2023

HERNÁN CANO
Sergio Rodríguez Gelfenstein, combattant au Nicaragua : « Le 19 juillet 1979 a été le plus beau jour de ma vie »

 

Hernán Cano, Sputnik Mundo, 18/7/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Hernán Cano est un journaliste argentin basé au Venezuela bolivarien. https://www.instagram.com/hernancanoperiodista/

43 ans après la victoire de la Révolution sandiniste, cet écrivain, chercheur et analyste politique vénézuélien a raconté dans une interview à Sputnik sa participation au Front Sud, avec un contingent internationaliste envoyé de Cuba par Fidel Castro. De même, il détaille comment, après le triomphe contre la dictature de Somoza, ce lieutenant des Forces armées révolutionnaires (FAR) s'est attelé à la tâche de créer l'armée nicaraguayenne. La vie de Sergio Rodríguez Gelfenstein est associée dès sa naissance à la révolution socialiste. De père guérillero, il fait ses premiers pas en politique avec le triomphe de Salvador Allende au Chili, jusqu'à ce que la dictature d'Augusto Pinochet mette fin à l'expérience de l'Unité Populaire avec le bombardement du Palais de La Moneda et un putsch sanglant. Rodríguez Gelfenstein a été lieutenant dans les FAR cubaines, combattant internationaliste au Nicaragua, bâtisseur de l'armée nicaraguayenne, et plus tard ambassadeur du Venezuela dans ce pays, dans l'un des rares moments où la terre de Sandino a eu un peu de paix. En dialogue avec Sputnik, ce chercheur et écrivain raconte avec passion les événements survenus il y a exactement 43 ans, lorsque le dirigeant cubain Fidel Castro lui proposa, ainsi qu'à un groupe de combattants latino-américains, la mission d'aller combattre au Nicaragua, ce qu'il accepta ,inspiré par la maxime guévariste de « combattre l'impérialisme où qu'il soit ».

Sergio Rodríguez Gelfenstein interviewé par Sputnik à Caracas - Photo Hernán Cano, Sputnik Mundo

Depuis ce jour, le Nicaragua est une collection de souvenirs indélébiles, éternels, d'un bonheur énorme qui exige un engagement continu envers la révolution. « Tout comme nous avons Bolívar, le Nicaragua a Sandino, et cela crée une empreinte, une façon d'être et de se regarder », dit Rodríguez Gelfenstein.

Et il rappelle que « ce n'est pas à Playa Girón que la première défaite de l'impérialisme en Amérique a eu lieu, mais au Nicaragua, lorsque le général Augusto César Sandino a expulsé l'armée d'invasion yankee ». Aujourd'hui, quatre décennies après ces années turbulentes, « le Nicaragua, Cuba et le Venezuela ont formé, non pas un axe du mal, mais un triangle qui poursuit la tradition de la lutte anti-impérialiste" » souligne-t-il.

Sergio Rodríguez Gelfenstein : Fidel nous a dit que l'équilibre au Nicaragua devait être rompu par le Front Sud.

- Quel est votre lien avec la révolution sandiniste ?

- Mon père a été emprisonné dans le stade national du Chili après le coup d'État contre Salvador Allende. Il est ensuite parti au Pérou et n'a pas pu rentrer au Venezuela car il avait des affaires en cours datant de l'époque où il était dans la guérilla. Dans ces conditions, après plusieurs offres, il a choisi de partir à Cuba. J'avais 17 ans, et quand je suis arrivé à La Havane, j'ai demandé une formation militaire, et avec un groupe de camarades chiliens, parce que j'étais aussi chilien, nous avons reçu une formation militaire dans l'armée régulière cubaine. C'était une époque où presque tous les soldats cubains partaient en mission internationaliste, par exemple en Afrique, et beaucoup d'entre nous ont demandé à être envoyés dans l'une de ces missions, mais Fidel, dans son infinie sagesse, nous a dit non, que nous devions attendre, que le temps viendrait pour nous, que nous n'étions pas des Cubains.

- Excusez-moi de vous interrompre, étiez-vous un officier des forces armées cubaines ?

- Oui, à l'époque, j'étais lieutenant, j'étais à la tête d'une batterie d'artillerie et j'avais la responsabilité de 64 soldats, de 6 obusiers de 122 mm, et je remplissais mes fonctions comme tout officier régulier de l'armée cubaine. C'était en 1979, j'avais 22 ans.

HERNÁN CANO
Sergio Rodríguez Gelfenstein, combatant in Nicaragua: ‘July 19 was the best day of my life’

Hernán Cano, Sputnik Mundo, 18/7/2022
Translated by John Catalinotto

Hernán Cano is an Argentine journalist based in Bolivarian Venezuela. https://www.instagram.com/hernancanoperiodista/



 After 43 years since the victory of the Sandinista Revolution, this Venezuelan writer, researcher and political analyst recounted in an interview with Sputnik his participation in the Southern Front, with an internationalist contingent sent from Cuba by Fidel Castro.

He also detailed how, after the triumph against the Somoza dictatorship, this lieutenant of Cuba’s Revolutionary Armed Forces (FAR) participated in the task of creating the Nicaraguan army.

Sergio Rodríguez Gelfenstein’s life has been associated with the socialist revolution since his birth. With a guerrilla father, he took his first steps in politics with the triumph of Salvador Allende in Chile [1970], until the dictatorship of Augusto Pinochet put an end to the Popular Unity experience with the bombing of La Moneda Palace and a bloody coup d’état [1973].


Sergio Rodríguez Gelfenstein was interviewed by Sputnik in Caracas - Credit Hernán Cano/Sputnik Mundo

Rodriguez Gelfenstein was a lieutenant in the Cuban FAR, an internationalist combatant in Nicaragua, a builder of the Nicaraguan army, and later ambassador to this country, in one of the few moments in which the land of Sandino had some peace.

In a dialogue with Sputnik, this researcher and writer passionately narrates the events that took place exactly 43 years ago, when Cuban leader Fidel Castro proposed to him and a group of Latin American fighters the mission of going to fight in Nicaragua, which he accepted, inspired by the Guevarist maxim of “fighting against imperialism wherever it is.”

The author conducted this interview with Venezuelan Sergio Rodriguez Gelfenstein for the news agency Sputnik in preparation for the July 20 anniversary of the 1979 Nicaraguan revolution. It’s introduction noted that Rodriguez Gelfenstein, whose guerrilla father was forced out of Chile by the 1973 coup led by Augusto Pinochet, was at 22 an officer in Cuba’s Revolutionary Armed Forces and participated at the last month of Nicaragua’s war of liberation with an international contingent fighting the Somoza dictatorship and later in the training of the national army.

Since that July 20, Nicaragua has been an accumulation of indelible, eternal memories, of enormous happiness that demand a continuous commitment to the revolution. “Just as we [Venezuelans] have Bolivar, Nicaragua has Sandino, and that creates an imprint, a way of being and looking at ourselves,” says Rodriguez Gelfenstein.

And he recalls that “it is not in Playa Girón where the first defeat of imperialism in America took place, but in Nicaragua [in 1933], when General Augusto César Sandino expelled the invading Yankee army.” Today, four decades after those convulsive years, “Nicaragua, Cuba and Venezuela have configured, not an axis of evil, but a triangle that continues with the tradition of anti-imperialist struggle,” he emphasizes.


Sergio Rodríguez Gelfenstein: Fidel told us that the balance in Nicaragua had to be broken by the Southern Front – Credit Hernán Cano/Sputnik Mundo

Hernán Cano- How did you connect with the Sandinista Revolution?

Sergio Rodriguez Gelfenstein- My father was imprisoned in the National Stadium in Chile after the coup d’état against Salvador Allende. Then he left for Peru, and could not return to Venezuela because he had pending cases from when he participated in the guerrilla struggle. 

Under those conditions, and after receiving several offers, he chose to go to Cuba. I was 17 years old, and when I arrived in Havana I requested military training. Together with a group of Chilean comrades, because I was also Chilean, we received military training in the Cuban regular army. 

It was the period when almost all the Cuban military were going on internationalist missions, for example in Africa, and many of us asked to be sent on one of those missions, but Fidel, in his infinite wisdom, said no, we should wait, that the time would come for those of us who were not Cubans.

HC- Excuse me for interrupting, were you an officer in the Cuban Armed Forces?

SRG- Yes, at that time I was a lieutenant, I was head of an artillery battery and I was in charge of 64 soldiers, with six 122mm howitzers, and I performed duties like any regular officer of the Cuban army. That was already 1979, I was 22 years old.

HERNÁN CANO
Sergio Rodríguez Gelfenstein, combatiente en Nicaragua: “El 19 de julio fue el mejor día de mi vida”

 Hernán Cano, Sputnik Mundo, 18/7/2022

Hernán Cano es un periodista argentino radicado en la Venezuela Bolivariana. https://www.instagram.com/hernancanoperiodista/

 

 A 43 años de la victoria de la Revolución Sandinista, este escritor, investigador y analista político venezolano relató en entrevista con Sputnik su participación en el Frente Sur, con un contingente internacionalista enviado desde Cuba por Fidel Castro.

Sergio Rodríguez Gelfenstein fue entrevistado por Sputnik en Caracas - Foto Hernán Cano, Sputnik Mundo

Asimismo, él detalló cómo luego del triunfo contra la dictadura de Somoza este teniente de la Fuerzas Armadas Revolucionarias (FAR) se puso a la tarea de crear el ejército nicaragüense.

La vida de Sergio Rodríguez Gelfenstein está asociada desde su nacimiento a la revolución socialista. De padre guerrillero, labra sus primeros pasos en la política con el triunfo de Salvador Allende en Chile, hasta que la dictadura de Augusto Pinochet puso fin a la experiencia de la Unidad Popular con el bombardeo al Palacio de La Moneda y un sangriento golpe de Estado.

Rodríguez Gelfenstein fue teniente de las FAR cubanas, combatiente internacionalista en Nicaragua, constructor del ejército nicaragüense, y luego embajador en este país, en uno de los pocos momentos en que la tierra de Sandino tuvo algo de paz.

En diálogo con Sputnik, este investigador y escritor narra apasionadamente los acontecimientos ocurridos hace exactamente 43 años, cuando el líder cubano Fidel Castro les planteó a él y a un grupo de combatientes latinoamericanos la misión de ir a combatir a Nicaragua, que aceptó inspirado en la máxima guevarista de "luchar contra el imperialismo donde quiera que esté".

Desde aquel día, Nicaragua es un cúmulo de recuerdos imborrables, eternos, de enorme felicidad que exigen un compromiso continuo con la revolución. “Así como nosotros tenemos a Bolívar, Nicaragua tiene a Sandino, y eso crea una impronta, una forma de ser y de mirarnos”, dice Rodríguez Gelfenstein.

Y recuerda que "no es en Playa Girón donde se produce la primera derrota del imperialismo en América, sino en Nicaragua, cuando el General Augusto César Sandino expulsa el ejército invasor yanqui". Hoy, 4 décadas después de aquellos años convulsos, "Nicaragua, Cuba y Venezuela han configurado, no un eje del mal, sino un triángulo que continúa con la tradición de lucha antiimperialista", destaca.

Sergio Rodríguez Gelfenstein: Fidel nos planteó que el equilibrio en Nicaragua lo tenía que romper el Frente Sur. Foto Hernán Cano/ Sputnik

— ¿Cómo te vinculas con la Revolución Sandinista?

— Mi papá estuvo preso en el Estadio Nacional de Chile tras el golpe de Estado contra Salvador Allende. Luego sale hacia Perú, y no podía regresar a Venezuela porque tenía causas pendientes de cuando había estado en la guerrilla. En esas condiciones, luego de varios ofrecimientos, él opta por irnos a Cuba. Yo tenía 17 años, y al llegar a La Habana solicito tener formación militar, y junto con un grupo de compañeros chilenos, porque yo también era chileno, recibimos formación militar en el ejército regular de Cuba. Era la época en que casi todos los militares cubanos iban a cumplir misiones internacionalistas, por ejemplo, en África, y muchos de nosotros solicitamos que nos envíen a una de esas misiones, pero Fidel, con su infinita sabiduría, decía que no, que esperemos, que ya iba a llegar el momento para nosotros, que no éramos cubanos.

13/07/2023

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
L’inéluctable dédollarisation du monde (II)

Sergio Rodríguez Gelfenstein,  13/7/2023
Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala

English version

Première partie

La semaine dernière, nous avons effectué un “voyage” à travers le processus de dédollarisation que nous avons qualifié d’inévitable. Aujourd’hui, nous poursuivons l’analyse en essayant de tirer quelques conclusions, tout en tenant compte du fait que l’alternative au dollar en tant que principale monnaie d’échange n’est toujours pas claire. Plusieurs options sont envisagées.


L’une d’entre elles découlera de la décision prise par les BRICS lors de leur sommet qui se tiendra en Afrique du Sud au mois d’août prochain. À cet égard, le gouverneur de la Reserve Bank of South Africa, Lesetja Kganyago, a déclaré que toute discussion visant à établir une monnaie commune conduirait à un autre débat, celui de la création et de la localisation d’une banque centrale. Le dirigeant sud-africain a exprimé son incertitude sur la question, disant qu’il ne savait pas comment on pourrait parler d’une « monnaie émise par un bloc de pays situés dans des lieux géographiques différents, parce que les monnaies sont nationales par nature ».

 Ce qui est certain, en revanche, c’est que lors du sommet, les pays membres du conglomérat discuteront - en tête de l’ordre du jour - des mesures nécessaires pour protéger la Nouvelle banque de développement (NDB) du groupe de l’hégémonie du dollar. Dans ce contexte, le Brésil a proposé de mettre en place des mécanismes de protection des transactions financières au sein de l’Union afin d’éviter
“l’abus de dollars”, selon le ministre des Affaires étrangères du pays, Mauro Vieira.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré que la dédollarisation avait déjà commencé, mais qu’il était nécessaire de développer d’autres initiatives pour donner forme au processus. Dans le cas de son pays, il a expliqué qu’il avait été obligé de « répondre fermement, par principe et de manière cohérente à la guerre qui nous a été déclarée ».

Dans le cadre de ce débat, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a soutenu la proposition de son homologue brésilien Lula da Silva de créer de “nouvelles monnaies d’échange”.

Dans le prolongement de l’article précédent sur les mesures concrètes qui ont été prises pour faire avancer le processus de dédollarisation, il est important de souligner l’annonce faite par le ministre russe des Finances, Anton Siluanov, selon laquelle plus de 70 % des accords commerciaux entre la Russie et la Chine utilisent désormais soit le rouble, soit le yuan. De même, les échanges de pétrole entre la Russie et l’Inde ont commencé à se faire en roupies. Un accord a également été signé entre la Russie et le Bangladesh pour la construction de la centrale nucléaire de Rooppur, qui sera financée en dehors du dollar. Le premier paiement de 300 millions de dollars sera effectué en yuans, mais la Russie essaiera de le convertir en roubles.

Même en Occident, le processus a commencé à éclore. La China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) et la société française Total ont signé leur premier contrat de GNL en yuans par l’intermédiaire de la Bourse du pétrole et du gaz naturel de Shanghai.

En Amérique latine, des signes positifs ont également été observés dans le cadre de la dédollarisation. Ainsi, il y a quelques semaines, la banque brésilienne Bocom BBM est devenue la première banque latino-américaine à participer directement au système de paiement interbancaire transfrontalier (CIPS), qui est l’alternative chinoise au système de messagerie financière occidental SWIFT. Ces derniers jours, il a également été convenu que le commerce bilatéral entre la Russie et la Bolivie accepterait désormais les règlements en pesos boliviens. Cette mesure est cruciale à un moment où la société russe Rosatom va commencer à jouer un rôle clé dans le développement des gisements de lithium de la Bolivie.

Lors du récent sommet du Mercosur qui s’est tenu à Puerto Iguazú, en Argentine, le 4 juillet, la Bolivie a souligné la nécessité de réduire la dépendance à l’égard du dollar, de diversifier les relations économiques et de renforcer les liens commerciaux et financiers entre les pays afin d’encourager les investissements nationaux et de promouvoir la coopération en matière de politique monétaire. Le président bolivien Luis Arce a affirmé que « la réduction de la dépendance au dollar, par le biais d’une plus grande intégration et coopération régionales, implique de modifier les termes de l’échange qui, jusqu’à présent, ne favorisent que le pays du nord ». Il a donc proposé de renforcer les liens commerciaux et financiers entre les pays, notamment en renforçant les monnaies au niveau régional, en encourageant les investissements nationaux et en promouvant la coopération en matière de politique monétaire et financière, ainsi qu’en recherchant des alliances stratégiques avec d’autres acteurs internationaux, tels que la Chine, qui offrent des alternatives au dollar dans le domaine du commerce et de l’investissement.

Dans une perspective plus large, le dirigeant bolivien a déclaré : « Nous ne pouvons pas ignorer, dans l’analyse de ce monde en transition, l’émergence d’un bloc eurasien et asiatique qui, organisé au sein des BRICS et d’autres mécanismes d’intégration, est projeté comme un espace pour la construction d’un nouvel ordre économique mondial ».

Parallèlement, en Asie, les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) ont également décidé, à l’issue de leur réunion des 30 et 31 mars en Indonésie, de réduire leur dépendance à l’égard du dollar usaméricain. À cette fin, ils ont convenu de « renforcer la résilience financière [...] par l’utilisation de monnaies locales pour soutenir le commerce et les investissements transfrontaliers ».

Dans la même logique, lors du récent sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), le président chinois Xi Jinping a jugé opportun d’augmenter le pourcentage de paiements en monnaies nationales au sein de l’organisation. Il convient de noter que la relation de Xi entre cette question et d’autres à l’ordre du jour international est extrêmement importante lorsqu’il a fait référence à la responsabilité de l’OCS de faire face aux “révolutions de couleur” et à l’ingérence de puissances extérieures dans les affaires des pays de la région.

Dans ce domaine, le dirigeant chinois a proposé aux pays de l’OCS d’augmenter leurs paiements en monnaie nationale, les exhortant à lutter contre les sanctions économiques unilatérales, l’hégémonisme et la politique de puissance. Il a également appelé à la “coopération plutôt qu’à la concurrence”, exposant l’engagement de son pays à travailler ensemble pour la sécurité mondiale. Manifestement, Xi a lié la question de la dédollarisation à celle de la sécurité et de la souveraineté mondiales, lui conférant ainsi un caractère stratégique.

Du point de vue de la Russie, la concrétisation de cette initiative passe par la mise en place d’une alternative au système d’échange de messages financiers SWIFT. À cet égard, le président du conseil d’administration de la banque russe VTB - l’une des plus grandes du pays - Andrei Kostine, a proposé à la Banque centrale de Russie de créer un nouveau système bancaire pour le Sud, dans le but de réduire la dépendance à l’égard de la réglementation internationale. Kostine a fait valoir que le moment était venu de procéder à une transformation plus profonde, car il ne suffisait pas que chaque pays s’attaque au problème individuellement. Il a estimé qu’il fallait « entreprendre une réforme fondamentale pour construire un nouveau système de paiement international et l’infrastructure nécessaire à un marché mondial des capitaux ».

Pour concrétiser cette décision, le directeur de la VTB a établi une feuille de route en quatre points : la première consisterait à établir une alternative à SWIFT, la plupart des grandes banques russes ayant été déconnectées en raison des sanctions occidentales. Bien que la Russie, la Chine et l’Inde disposent de leurs propres systèmes de messagerie financière, ceux-ci ne sont ni unis ni cohérents.

Le deuxième point propose de remplacer l’actuel système usaméricain de banques correspondantes par une interconnexion entre les banques qui rejoignent le partenariat grâce aux nouvelles technologies, telles que la blockchain.

De même, il est essentiel de rechercher de nouveaux outils pour attirer les capitaux, en évitant qu’ils ne proviennent de l’Union européenne, comme c’est le cas actuellement. De même, il faut construire une infrastructure parallèle qui ne soit pas située en Occident, ce qui crée une extrême faiblesse pour les ressources financières qui peuvent faire l’objet de sanctions et de blocus.

Enfin, pour éviter l’effet des sanctions, Kostine propose de créer un “hub” [plaque tournante] international dans un pays du golfe Arabo-Persique qui fonctionnerait comme une alternative de règlement des dépôts, en profitant du fait que cette région « a une forte concentration de capitaux ».

Cependant, ce processus ne peut être considéré comme une question technique ; son dépassement vient des implications politiques et géopolitiques qu’il génère. Au fond, il s’agit d’une expression de la crise de l’hégémonie usaméricaine qui a commencé dans l’avant-dernière décennie du XIXe siècle ou, si nous l’envisageons dans une perspective plus large, nous pourrions parler d’une crise de l’hégémonie anglo-saxonne qui a commencé en 1763 après la victoire anglaise sur la France dans la guerre de Sept Ans et s’est consolidée en 1815 après la défaite napoléonienne à Waterloo.

Cependant, force est de constater que nous n’en sommes qu’au début du processus. Bien qu’en net déclin d’un point de vue stratégique militaire face à la Russie et à la Chine, les USA conservent une force militaire puissante et un appareil culturel et médiatique qui favorise leur hégémonie. Toutefois, comme l’indique le sociologue argentin Gabriel Merino, « le déclin de 10 % au cours des dix dernières années du dollar en tant que monnaie de réserve et moyen de paiement mondial témoigne d’un processus qui risque de s’aggraver dans les années à venir ».

Merino ajoute que les conditions sont en train d’être créées pour le développement d’un scénario “multi-monnaie ou bloc monétaire”. Son argument est étayé par le fait que l’utilisation du dollar comme arme de guerre économique accélère ce processus. La secrétaire au Trésor usaméricain, Janet Yellen, a elle-même déclaré que : « Les sanctions économiques imposées par les USA, en particulier à la Russie, constituent un “risque” pour l’hégémonie du dollar, pour lequel les pays concernés cherchent des alternatives. ». Bien que, selon elle, ces alternatives soient difficiles à mettre en place.

Merino observe que « les cycles d’hégémonie du système capitaliste mondial, les étapes de sa crise et son expression dans l’orbite économique, s’observent d’abord dans la perte de la primauté productive de l’hégémon (de nouveaux “ateliers du monde” apparaissent), puis dans le commerce mondial et, enfin, dans la monnaie et la finance. Nous entrons probablement dans cette dernière phase et il y aura un conflit central, qui sera défini par rapport à un processus global ».

En d’autres termes, la voie de la dédollarisation doit être considérée - comme l’a dit le président Xi Jinping - comme un processus large, marqué par la nécessité de garantir la sécurité et la stabilité de la planète, ce qui est très complexe lorsque le système international évolue vers la multipolarité.

Une différence avec le passé est que cette approche ne se limite plus aux pays du Sud. La participation de la Chine, de la Russie et du groupe des BRICS en tant que protagonistes actifs du processus pourrait être la garantie que, cette fois-ci, il est possible d’avancer dans un processus qui fracturera définitivement l’un des piliers fondamentaux de l’hégémonie usaméricaine et occidentale.

07/07/2023

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
L’ inéluctable dédollarisation du monde (I)

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 5/7/2023
Original español
English
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Dans des articles précédents, nous avons dit que le pouvoir impérial repose sur trois piliers : son grand appareil militaire, sa supériorité incontestable en termes de contrôle de l’appareil culturel et médiatique mondial, et le pouvoir qu’il s’octroie d’être le détenteur et l’unique émetteur du dollar, la monnaie qui joue le rôle de principal instrument d’échange pour le commerce mondial.

Dans les prochains articles, nous nous concentrerons sur les deux premiers, dont la situation est différente et présente des particularités car, alors que la prédominance militaire commence à s’estomper, la prépondérance dans le domaine de la culture et des communications est devenue l’outil principal pour maintenir leur hégémonie.

Aujourd’hui, nous donnerons quelques indices sur l’évolution du processus de dédollarisation, qui semble être le plus actif et celui qui montre les progrès les plus rapides dans l’affaiblissement de la puissance mondiale des USA.

 

Les chiffres sont clairs : en 2001, les réserves mondiales en dollars représentaient 73 % du total ; en 2021, ce chiffre était tombé à 55 % et à 47 % l’année suivante. Cela montre que l’année dernière, la part du dollar dans les finances mondiales a chuté 10 fois plus vite que la moyenne des deux dernières décennies, ce qui est sans aucun doute un chiffre d’une portée extraordinaire. Selon l’analyste international brésilien Pepe Escobar, « il n’est pas déraisonnable de prévoir que la part du dollar dans le monde ne sera plus que de 30 % à la fin de 2024, ce qui coïncidera avec la prochaine élection présidentielle usaméricaine ».

Paradoxalement, ce qui a été à l’origine de cette chute brutale a été le gel à l’Ouest des réserves russes (plus de 300 milliards de dollars), ce qui a sonné l’alarme sur le fait qu’il n’était plus sûr de détenir des réserves en dollars à l’étranger. Dès lors, une véritable avalanche de dédollarisation s’est déclenchée et s’est manifestée par des décisions de pays et d’alliances internationales à travers le monde.

Bien que le processus ait suivi un développement graduel, le moment où il a atteint un niveau de profonde accélération pourrait être situé en avril de l’année dernière. Peut-être, si nous voulions fixer pour l’histoire un événement qui exprime le moment d’influence de ce cours, pourrions-nous le situer au moment où le président brésilien Lula da Silva a réfléchi à haute voix sur la question lors de son voyage en Chine en avril dernier : « Chaque nuit, je me demande pourquoi tous les pays doivent commercer avec le dollar [...] Pourquoi ne pouvons-nous pas commercer avec nos propres monnaies ? Qui a décidé que le dollar devait être la monnaie (mondiale) après la disparition de l’étalon-or ? Pourquoi pas le yuan, le real ou le peso ? »

Quelques jours plus tôt, le 30 mars, le Brésil et la Chine avaient annoncé un accord commercial qui leur permettrait d’utiliser les monnaies des deux pays, respectivement le yuan et le real. Cette décision, qui n’était pas la première, s’inscrivait dans une dynamique qui allait suivre, incitant d’autres pays d’Amérique latine et d’autres régions à faire de même.

Ainsi, l’Argentine, dans une situation de crise économique et financière profonde causée par un manque de devises étrangères aggravé par les impositions du Fonds monétaire international (FMI) et une négociation difficile du remboursement de la dette, a décidé de renoncer au dollar pour le paiement de sa dette, en se tournant vers le yuan chinois, non seulement pour commercer avec Beijing, mais aussi pour payer sa propre dette auprès du FMI.

Des processus similaires ont commencé à être décidés ailleurs dans le monde en avril. Ainsi, la Thaïlande et la Chine ont entamé des pourparlers en vue de promouvoir davantage leurs monnaies nationales pour le commerce bilatéral, qu’elles utilisent depuis des années pour les transactions entre les deux pays. De même, la Banque populaire de Chine a établi des mécanismes de coopération avec le ministère japonais des finances, la Banque centrale de Malaisie et la Banque d’Indonésie afin d’utiliser les monnaies nationales pour le commerce, les investissements et les paiements du secteur privé.

De même, d’autres pays comme la Russie, l’Arabie Saoudite, la Biélorussie, l’Iran et l’Egypte ont rejoint le processus de dédollarisation et encouragent l’utilisation des monnaies nationales pour le commerce bilatéral, ce qui a déclenché l’alarme à Washington, qui assiste impuissant à l’effondrement de l’un des piliers de sa domination mondiale. Dans ce sens, le sénateur républicain Marco Rubio a déclaré que « si cette tendance se poursuit, dans 5 ans, la Maison Blanche ne pourra plus sanctionner aucun pays ». De même, Janet Yellen, secrétaire au Trésor usaméricain, a déclaré qu’il serait difficile de cesser d’utiliser le dollar, mais qu’elle reconnaissait que si cela se produisait, les conséquences seraient très graves pour son pays. Elle a dû admettre que « les sanctions contre la Russie ont poussé des pays à cesser d’utiliser la monnaie américaine ».

Poursuivant ce qui, à la fin du mois d’avril, semblait être une évolution inévitable, le président syrien Bachar el-Assad a appelé à abandonner le commerce avec le dollar en proposant de remplacer la monnaie usaméricaine par le yuan chinois. Selon le dirigeant syrien, « ...la guerre entre l’Occident, dirigé par les USA, et les pays souverains est principalement économique, [et] il est donc nécessaire de se débarrasser des chaînes du commerce avec le dollar usaméricain ».

De même, le 22 avril, le Bangladesh et l’Inde ont décidé d’effectuer une partie de leurs transactions commerciales bilatérales dans leurs monnaies nationales respectives, le taka et la roupie. Selon Afzal Karim, directeur général de la Sonali Bank Limited, la principale banque commerciale publique du Bangladesh, cette décision repose sur la conviction que « le commerce bilatéral avec l’Inde en takas et en roupies réduira la pression exercée par le dollar usaméricain, ce qui sera bénéfique pour les deux pays ».

Dans ce contexte, les ministres des affaires étrangères des BRICS, réunis au Cap le 1er juin, ont abordé la question en discutant du lancement éventuel d’une monnaie commune pour faire avancer le processus de dédollarisation et de son éventuelle expansion, dans la perspective du sommet des chefs d’État et de gouvernement du bloc économique qui se tiendra en août prochain. À cet égard, le ministre sud-africain des relations internationales et de la coopération, Naledi Pandor, a déclaré qu’il s’agissait d’une question qui devait être discutée et “bien discutée”.

Si l’on considère que certains des pays impliqués jusqu’à présent dans le processus sont membres du groupe des  BRICS, que plus de 20 pays ont demandé à rejoindre ce conglomérat et qu’à ce stade, les cinq pays qui composent cette association produisent 32,1 % du PIB mondial contre 29,9 % pour le Groupe des Sept (G7), l’impact de ce qui se passe est d’une importance stratégique mondiale.

Suivant la tendance, l’Indonésie, l’une des plus grandes économies d’Asie du Sud-Est, s’est jointe à la décision du groupe des BRICS de s’éloigner du dollar et de commercer dans sa propre monnaie, initiant ainsi la diversification de l’utilisation des devises sous la forme de LCT [Local Currency Trading, commerce en monnaie locale]. Selon le gouverneur de la Banque d’Indonésie, Perry Warjiyo, l’orientation est la même que celle des BRICS, mais l’Indonésie a en fait pris des décisions plus concrètes, Jakarta ayant déjà mis en place des échanges en monnaie locale avec plusieurs pays tels que la Thaïlande, la Malaisie, la Chine, le Japon et la Corée du Sud.

Dans ce contexte, le yuan est devenu en mars l'instrument financier le plus utilisé pour les transactions transfrontalières de la Chine, dépassant pour la première fois le dollar avec une augmentation de 26 % par rapport au mois précédent, selon un calcul de Reuters basé sur les données de l'Administration d'État des changes de Chine.

En mai dernier, suivant cette ligne directrice de la finance internationale, le gouvernement zimbabwéen a entrepris de lancer une monnaie numérique adossée à l’or afin de réduire sa dépendance à l’égard du dollar et de protéger ses citoyens des fluctuations monétaires. Selon la Reserve Bank of Zimbabwe (RBZ), dans un premier temps, des pièces numériques adossées à l’or seront émises à des fins d’investissement, avec une période de consolidation de 180 jours, et seront remboursables de la même manière que les pièces d’or physiques existantes.

En Amérique du Sud, à la suite de la décision bilatérale entre le Brésil et l’Argentine de commercer en monnaies locales, la Bolivie a annoncé qu’elle étudiait la possibilité d’abandonner le dollar usaméricain et d’utiliser le yuan chinois pour effectuer ses transactions internationales. Lors d’une conférence de presse tenue le 10 du même mois, le président bolivien Luis Arce a déclaré que l’Argentine et le Brésil, les deux plus grandes économies de la région, effectuaient déjà des transactions en yuan dans le cadre d’accords avec la Chine, et a expliqué que, bien que la région ait traditionnellement été influencée par les USA, de nombreux pays commercent désormais davantage avec la Chine qu’avec les USA, ajoutant qu’il s’agirait d’une tendance dans la région. Sur la base de ce diagnostic, Arce a déclaré que « la Bolivie ne pouvait pas rester à l’écart de ce qui se passe tout en faisant du commerce direct avec la Chine, [et] qu’il n’était donc pas nécessaire de commercer en dollars ».

Dans le même ordre d’idées, le président vénézuélien Nicolás Maduro a déclaré que son pays devait s’adapter à un système dans lequel « la monnaie n’est pas utilisée pour asservir le peuple », raison pour laquelle il a estimé que le Venezuela devait « se joindre à l’initiative de dédollarisation du monde ». En même temps qu’il ordonnait à son cabinet d’étudier d’autres alternatives pour les échanges commerciaux afin d’éviter l’utilisation politique que les USA font de leur monnaie, le président bolivarien a expliqué qu’« à mesure que le monde devient plus multipolaire, polycentrique et équilibré, un panier [plus large] de monnaies apparaîtra pour les échanges commerciaux et les opérations financières ».

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27/04/2023

SERGIO RODRIGUEZ GELFENSTEIN
Vietnam, 48 ans après la défaite de l'impérialisme US


Sergio Rodríguez Gelfenstein, 27/4/2023
Original:
Vietnam, a 48 años de la derrota del imperialismo estadounidense
English:
Vietnam, 48 years after the defeat of US imperialism

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le 6 juin 1969, le Front national de libération du Sud-Vietnam (FNL) et d'autres organisations politiques et sociales ont convoqué un congrès des représentants du Sud qui a donné lieu à la création du Gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud-Vietnam (PRG), qui allait commencer à jouer un rôle décisif dans la formation du pouvoir révolutionnaire dans cette partie du pays.

Congrès national des députés


L'architecte Huynh Tan Phat (au centre) est élu président du GRP


Le GRP

Il faut dire que depuis 1970, la lutte au Laos et au Cambodge, également occupés par les USA, a gagné en force et les patriotes de ces pays ont commencé à coordonner leurs efforts avec le FNL pour le développement de la guerre révolutionnaire.


En 1972, le Parti communiste vietnamien (PCV) ordonne la préparation d'une offensive stratégique pour remporter des victoires militaires majeures, perturber la stratégie impérialiste de “vietnamisation de la guerre” et obliger les USA à recourir à la négociation.

Mais, au vu des succès militaires vietnamiens, Washington, sous l'administration de Richard Nixon, ordonne un renforcement de ses forces en mobilisant une importante force aéronavale afin de renforcer l'agression contre le Sud et de déclencher ce que l'on a appelé la deuxième guerre d'agression contre le Nord. Dans le même temps, le président usaméricain a été contraint de faire une volte-face surprise à l'approche des élections de novembre 1972, de sa réélection et du rejet croissant de la guerre du Viêt Nam dans l'opinion publique usaméricaine. Il tentait manifestement d'obtenir des succès militaires qui lui permettraient de négocier en position de force à Paris.

Cependant, n'ayant pas atteint les objectifs qu'il s'était fixés dans la guerre et face aux brillantes propositions de la diplomatie vietnamienne qui recueillaient un large soutien dans le monde et en particulier dans l'opinion publique usaméricaine elle-même, Nixon a été contraint d'accepter les propositions vietnamiennes afin de faire gagner du temps à ses troupes tout en renforçant l'armée fantoche. Mais une fois élu, Nixon a ouvertement rejeté les accords qu'il avait signés, déclenchant des bombardements génocidaires sur les principales villes vietnamiennes.

L'assaut aérien infernal des USA sur Hanoi et Haiphong a été repoussé avec succès par les forces armées vietnamiennes, obligeant Nixon, le 27 janvier 1973, à signer les accords de Paris sur la cessation de la guerre et le rétablissement de la paix au Viêt Nam.

Les accords de Paris signifiaient que les USA devaient retirer leurs troupes et celles de leurs satellites et respecter l'indépendance du Viêt Nam. Ils devaient également cesser d'intervenir dans les affaires intérieures du pays et reconnaître le droit à l'autodétermination du peuple et le statu quo du Sud-Vietnam. Le Viêt Nam a ainsi remporté une nouvelle grande victoire contre une puissance étrangère, qui n'était toutefois pas encore totalement consommée.

Bien que les accords de Paris aient constitué une étape importante dans le processus de libération du Viêt Nam, l'impérialisme usaméricain a continué à soutenir le régime fantoche de Saigon (désormais dirigé par Nguyen Van Thieu). Il entendait ainsi maintenir sa domination coloniale et préserver la division du pays. Mais Washington a mal diagnostiqué la situation, pensant que les accords avaient paralysé l'élan libérateur du peuple vietnamien. Au contraire, le prestige du FNL et du GRP s’accrut de jour en jour, tant sur le plan intérieur qu'international.

Pour donner une idée de l'ampleur de l'intervention militaire usaméricaine au Viêt Nam, la puissance de feu de ses soldats était six fois supérieure à celle qu'ils possédaient pendant la Seconde Guerre mondiale. Les USA ont dépensé 400 000 dollars pour chaque Vietnamien tué, soit 75 bombes et 150 obus d'artillerie par cadavre.

Le régime de Van Thieu devait faire face non seulement à la puissance et à la force révolutionnaires dans les zones libérées, mais aussi à une résistance populaire croissante dans les zones sous son contrôle. En outre, l'aide de Washington avait été considérablement réduite par rapport aux années précédentes. De même, une profonde crise économique a débuté au second semestre 1973 et s'est aggravée l'année suivante, caractérisée par une forte inflation, une forte dévaluation et la perte de devises étrangères.

Dans ces conditions, le GRP et le FNL ont réagi en multipliant les actions armées et en décidant d'appliquer sans délai les accords de Paris. Dès juillet 1973, le PCV a estimé qu'il était nécessaire de préparer les forces à une offensive pour s'emparer définitivement du pouvoir. À la mi-1974, le cours de la guerre avait changé de manière significative en ce qui concerne la croissance des forces armées révolutionnaires, les actions offensives en cours, la consolidation des routes d'approvisionnement logistique du nord au sud et l'augmentation des actions dans les villes.

Tous ces éléments, ainsi que d'autres conditions favorables, ont permis au PCV, en octobre 1974, de conclure qu’un rapport de forces favorable aux révolutionnaires avait été créée, et il a donc pris la décision historique de mobiliser le parti, l'armée et le peuple pour mener une attaque générale afin d'anéantir et d'écraser les troupes du régime de Van Thieu, de renverser le pouvoir ennemi tant au niveau régional que national, de prendre le pouvoir pour le peuple et de libérer le sud. Le PCV et sa commission militaire centrale se sont attelés à la tâche de planifier et d'organiser les futurs combats.

L'offensive et le soulèvement général débutent le 10 mars 1975 sur le plateau occidental du pays. Les premiers succès permettent d'avancer vers la plaine côtière centrale. La campagne de Hué-Da Nang, deuxième ville du Sud-Vietnam, où la plus puissante base militaire des forces armées du régime pro-yankee est anéantie, marque un tournant. L'offensive s'est poursuivie par des attaques et des soulèvements au nord et au nord-ouest de Saigon. Le 25 mars, 16 provinces avaient été libérées, laissant au F.L.N. le contrôle des trois quarts du territoire et de la moitié de la population du Sud-Vietnam. L'effondrement de l'armée ennemie est jugé total et les USA sont impuissants face à la forte offensive vietnamienne. Les conditions sont réunies pour la bataille finale : la bataille de Saigon.

La bataille pour la libération de Saigon a été appelée la “campagne Ho Chi Minh”. Le président et fondateur de la République démocratique du Viêt Nam était décédé le jour où le pays commémorait le 24e  anniversaire de son indépendance, le 2 septembre 1969. Il avait été décidé que la dernière ville libérée porterait son nom.

Des groupes militaires colossaux sont mobilisés pour renforcer ceux qui se trouvent déjà dans la zone de combat. Pendant ce temps, l'ennemi se prépare à conserver son dernier bastion, tandis que les USA déploient toutes sortes de manœuvres diplomatiques pour empêcher ou retarder l'issue évidente des événements. Le 18 avril, le président usaméricain Gerald Ford ordonne l'évacuation urgente de tous les USAméricains du Viêt Nam. Le 21 avril, alors qu'il tente de sauver la situation, Washington limoge Van Thieu tout en cherchant à négocier un cessez-le-feu bilatéral.

Mais il est trop tard. Le 26 avril est déclenchée la “campagne Ho Chi Minh”, un plan d'attaque à partir de cinq directions, coordonné avec les forces armées locales et le peuple insurgé. Les 28 et 29 avril, les colonnes révolutionnaires avancent impétueusement, encerclant les forces ennemies sur le périmètre de Saigon. 

Le premier tank vietnamien à entrer dans l'enceinte du palais présidentiel fantoche

Les colonnes d'attaque ont occupé les cibles les plus importantes de la ville et, à 11h30 le 30 avril, au milieu de la ruée du personnel du gouvernement et de l'ambassade usaméricaine, le drapeau de la révolution a été hissé sur le palais du gouvernement. Le 1er mai, l'ensemble de la partie continentale du Sud-Vietnam était sous contrôle. Au cours de la campagne, 400 000 soldats ennemis ont été anéantis, désintégrant une armée de plus d'un million d'hommes, ainsi que les forces de sécurité et de police.


La fin de la “campagne Ho Chi Minh” et la libération totale du Viêt Nam, dont nous commémorons aujourd'hui le 48e  anniversaire, sont le fruit d'une brillante opération militaire menée par les forces armées et le peuple vietnamiens sous la direction du parti communiste. L'impérialisme usaméricain a été vaincu dans ce qui a été qualifié de plus grand désastre militaire et politique de son histoire. De même, l'ensemble de l'appareil militaire, politique et administratif du régime créé par Washington au Viêt Nam a été détruit. Cinq administrations usaméricaines ont déployé des efforts colossaux pour empêcher la victoire du peuple vietnamien et n'y sont pas parvenues, couronnant ainsi vingt années de lutte glorieuse contre l'agression usaméricaine et pour la réunification du pays.


Départ du dernier hélicoptère yankee de Saïgon au petit matin le 30 avril 1975.F ilm super8 pris de l'hôpital Grall par le Dr Bourdais, réanimateur