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05/05/2024

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
70 ans après la bataille de Dien Bien Phu : la contribution du Vietnam à la lutte anticoloniale

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 4/5/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le 7 mai, on commémorera le 70e anniversaire de la victoire du peuple vietnamien dans la bataille de Dien Bien Phu, qui a mis fin au pouvoir colonial français dans toute la péninsule indochinoise. Cette bataille, ainsi que la guerre d'indépendance algérienne qui s'est achevée en 1962* et la bataille de Cuito Cuanavale qui s'est achevée en novembre 1988 par l'action conjointe des forces cubaines et angolaises dans le sud de l’Angola, ont été les défaites les plus retentissantes infligées à la puissance coloniale européenne dans la seconde moitié du 20e siècle.



« Tout le peuple va à la guerre », premier volet de la peinture panoramique Bataille de Dien Bien Phu, de 132 mètres de long, peinte en 9 ans par 100 artistes pour le Musée historique de la Victoire de Dien Bien Phu

En décembre 1953, le président Ho Chi Minh envoie un message aux cadres et aux combattants du Front de Dien Bien Phu. Il leur indique que leur mission est de marcher jusqu'à l'endroit où se trouve un fort contingent français qu'ils doivent anéantir afin d'étendre la résistance et de libérer les compatriotes qui sont encore sous le joug de l'ennemi.

Dans sa lettre, le Président Ho rappelle les grands succès et les brillantes victoires de ce front. Aujourd'hui, après les campagnes d'éducation politique et d'entraînement militaire, ils ont fait de nouveaux progrès. Dans cette situation, ils doivent lutter avec plus de courage et, malgré les difficultés, ils doivent imposer leur conviction inébranlable dans la victoire.

 

Le drapeau « Déterminé à combattre, déterminé à vaincre » de l'Armée populaire vietnamienne flotte sur le toit du bunker de commandement du général français De Castries dans l'après-midi du 7 mai 1954, marquant la victoire complète de la campagne de Diên Biên Phu.

 

Dien Bien Phu est une ville située dans la vallée de Muong Thanh, au milieu d'une région montagneuse du nord-ouest du Viêt Nam, à environ 320 km de Hanoi. C'est la capitale de la province de Dien Bien et elle se trouve à environ 35 km de la frontière avec le Laos. La vallée de Muong Thanh est entourée d'une région de jungles, de rizières et de lacs.

Deux mois avant la lettre du président Ho aux combattants, en octobre, le général Vo Nguyen Giap a été convoqué au quartier général du haut commandement, où résidait le président Ho, pour discuter du plan militaire pour la campagne d'hiver-printemps 1953-1954. Le QG était situé dans le village de Khuoi Tat, dans la province de Thai Nguyen, au nord-est du pays. Outre le président Ho, Truong Chinh et Pham Van Dong, tous deux membres du Bureau politique du Parti communiste vietnamien (PCV), et le général Hoang Van Thai assistent à la réunion. En janvier, le général Giap est nommé commandant en chef du front de Dien Bien Phu, tandis que le général Hoang Van Thai est nommé chef d'état-major du front de Dien Bien Phu. 

Les images de l'oncle Ho et du général Vo Nguyen Giap apparaissent dans de nombreuses œuvres promotionnelles sur Dien Bien Phu.
Giap et l'Oncle Ho

 

À partir du mois de mai, l'armée française d'occupation a un nouveau commandant, le général Henri Navarre, qui se caractérise par une activité intense et une brutalité sans retenue à l'égard de la population civile. Son plan consiste à concentrer au Viêt Nam une force mobile d'une ampleur sans précédent, en plus de sa proposition de pacifier le sud du pays, en évitant une confrontation dans la région septentrionale, à la frontière de la Chine. Les Français prévoient de rester à l'offensive, en frappant à l'arrière afin d'immobiliser et d'épuiser l'armée populaire vietnamienne. Le plan Navarre, élaboré et financé en collaboration avec le Pentagone usaméricain, vise à anéantir le principal contingent militaire vietnamien en 18 mois et à transformer le pays en colonie et en base militaire pour la France et les USA.

Lors de la réunion d'octobre, le président Ho a calmement déclaré que l'ennemi s'était concentré pour se renforcer et qu'il fallait donc le forcer à se disperser et à réduire ses forces. À cette fin, le Comité central du Parti communiste vietnamien a émis une directive. Afin de maintenir et de développer l'initiative, une partie des forces régulières serait utilisée, en coordination avec les troupes régionales, pour attaquer les points stratégiques considérés comme les points faibles de l'ennemi, l'obligeant à se disperser pour se défendre. Il s'agit ainsi de créer une situation nouvelle, dans laquelle la dislocation de l'armée française doit être observée en permanence afin de pouvoir, le moment venu, concentrer les troupes, éliminer les forces les plus importantes de l'ennemi et changer le cours de la guerre.

Des dispositions ont également été prises pour intensifier la guérilla, défendre les zones libérées avec des troupes locales et coordonner étroitement les forces révolutionnaires au Laos et au Cambodge.

En application de cette résolution, en décembre 1953, l'armée vietnamienne a pris l'initiative de libérer d'importantes zones dans le nord-ouest du pays, en même temps que d'autres zones dans le sud et le centre du Laos et dans le nord-ouest du Cambodge, atteignant ainsi l'objectif de disperser les forces de l'ennemi et de le forcer à recomposer son plan en l'empêchant de mener des opérations dans certains territoires où il les avait préparées, en étant contraint de retirer des troupes du sud pour renforcer le nord, ce qui a entravé son plan de concentration de ses forces. Tout cela a préparé le terrain à son anéantissement, car il a été contraint d'abandonner des positions, des avant-postes et des bases aériennes, ce qui a entraîné de lourdes pertes pour la puissance coloniale.

Comme le dit le général Giap dans ses mémoires : « ...les Français n'ont jamais pu résoudre la contradiction concentration-dispersion de leurs forces ». L'offensive vietnamienne visait à approfondir cette contradiction. Elle se manifeste par le fait que l'armée française a besoin de se disperser pour occuper l'ensemble du territoire contesté, mais, « en se dispersant, elle se trouve en difficulté. Ses unités dispersées devenaient des proies faciles pour nos troupes, ses forces mobiles se réduisaient sans cesse et le manque de troupes s'accentuait... ».

Dans cette situation et dans le but de maintenir une bonne position au nord-ouest, les Français, avec l'appui des USA, s'emploient à construire et à renforcer avec une extrême rapidité une gigantesque base militaire à Dien Bien Phu,  située dans une zone stratégique où ils concentrent une bonne partie des forces et des moyens pour en faire la zone fortifiée qui deviendra un rempart pour la mise en œuvre du plan Navarre, l'extension et la prolongation de la guerre.

Dans ce contexte, le bureau politique du PCV a décidé de vaincre et d'anéantir l'ennemi à Diên Biên Phu, en mettant en place une série de mesures visant à la victoire. Des milliers de volontaires, de troupes locales et régionales et de forces régulières ont uni leurs forces pour vaincre la suprématie de l'armée coloniale en matière de technique et d'armement. Des centaines de kilomètres de routes rurales ont été ouvertes au milieu de la jungle et des montagnes, transportant les armes, les munitions et les fournitures logistiques nécessaires à la bataille finale sur des itinéraires presque inaccessibles.



L'arme de la victoire vietnamienne furent les "chevaux de fer", les vélos utilisés pour le transport des armes, des équipements, de la nourriture, des blessés. 20 000 vélos furent utilisés par les dizaines de milliers de paysans, de minorités ethniques et de porteurs assurant le soutien logistique aux 60 000 combattants . De marque française Peugeot ou tchécoslovaque Favorit, ces vélos renforcés pouvaient transporter jusqu'à 300 kgs de marchandises. Le “record” du transport à vélo appartient au porteur Ma Van Thang, qui a transporté au total 3 700 kg de marchandises sur  2100 km de routes montagneuses. Ce vélo est exposé au musée de la Victoire de Dien Bien Phu 5PHOTO 1°. Le 2è “record”, 345kg, appartient à Trinh Ngoc. Son vélo est exposé au musée de la province de Thanh Hóa (photo 2)


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 Le 7 mai, après 55 jours de combats acharnés, l'armée vietnamienne est parvenue à détruire l'ensemble du système de fortification de Dien Bien Phu, anéantissant ou capturant jusqu'à 16 000 soldats ennemis, y compris tous leurs officiers. Au total, sur l'ensemble de la campagne, 112 000 soldats ennemis ont été liquidés, libérant des zones stratégiquement importantes et reprenant les trois quarts du pays, tandis que des succès similaires ont été obtenus au Laos et au Cambodge.

Face à la défaite et à la possibilité d'une disparition totale, les Français se retirent au sud du 18e  parallèle. La victoire de Dien Bien Phu signifie la libération de tout le nord du pays, créant les conditions de sa réunification ultérieure, qui devra attendre 19 ans de combats, cette fois contre les USA, qui créent un gouvernement fantoche au sud.

En juillet 1954, les accords de Genève sont signés : la France officialise le retrait de ses troupes, reconnaît l'indépendance du Viêt Nam, du Laos et du Cambodge et établit une ligne de démarcation au niveau du 17e parallèle.

La victoire de Dien Bien Phu et les accords de Genève qui en ont découlé ont mis en évidence la défaite totale de la France et ont constitué un stimulant pour tous les peuples en lutte contre le colonialisme et le néocolonialisme. Ils ont également forcé l'ajournement des plans impérialistes élaborés à Washington pour l'Asie du Sud-Est.

Les USA n'ont pas respecté les accords, ce qui a créé une nouvelle situation qui, comme nous l'avons mentionné plus haut, a exigé 19 années supplémentaires de lutte jusqu'à la défaite totale de l'empire USaméricain, la réalisation de la réunification nationale tant attendue, la paix et le début progressif de la marche du pays vers le socialisme sous la direction du parti communiste du Viêt Nam, fondé par Ho Chi Minh.

NdT

*Ce fut la nouvelle de la victoire de Dien Bien Phu qui décida un groupe de militants indépendantistes algériens, pour la plupart anciens combattants de l'armée française pendant la deuxième guerre mondiale, à préparer l'insurrection qui éclata le 1er novembre 1954, entrant dans l'histoire sous le nom de “Toussaint rouge”.

 Works All pour la campagne Dien Bien Phu

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
A 70 años de la batalla de Dien Bien Phu: la contribución de Vietnam a la lucha anticolonial

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 4-5-2024

Este 7 de mayo se celebra el septuagésimo aniversario de la victoria del pueblo vietnamita en la batalla de Dien Bien Phu que dio al traste con el poder colonial francés en toda la península indochina. Esta batalla, junto a la guerra de independencia de Argelia concluida en 1962* y la batalla de Cuito Cuanavale finalizada en noviembre de 1988 por la acción conjunta de las fuerzas cubano-angolanas en el sur de este país, significaron las derrotas más contundentes propinadas al poder colonial europeo en la segunda mitad del siglo XX.

“Todo el pueblo va a la guerra”, primera parte del cuadro panorámico de 132 metros de largo Batalla de Dien Bien Phu, pintado a lo largo de 9 años por 100 artistas para el Museo histórico de la Victoria de Dien Bien Phu

En diciembre de 1953, el presidente Ho Chi Minh,  envió un mensaje a los cuadros y combatientes del Frente de Dien Bien Phu. En ella les decía que tenían la misión de marchar hacia ese lugar donde se emplazaba un fuerte contingente francés al que debían aniquilar a fin de ampliar la resistencia y liberar a los compatriotas que aún sufrían el yugo del enemigo.

En su misiva, el presidente Ho recordaba los grandes éxitos obtenidos y las brillantes victorias de ese Frente. Ahora, después  de las campañas de educación política e instrucción militar, habían conseguido nuevos progresos. En esa situación, debían combatir con mayor valentía y a pesar de las dificultades, tenían que imponer su convicción inquebrantable en la victoria.

La bandera del Ejército Popular Vietnamita “Decidido a luchar, decidido a vencer” ondeó desde el tejado del búnker de mando del general francés De Castries en la tarde del 7 de mayo de 1954, marcando la victoria completa de la campaña de Diên Biên Phu.

Dien Bien Phu es una ciudad ubicada en el valle Muong Thanh  en medio de una zona montañosa al noroeste de Vietnam, a unos 320 Km de Hanoi. Es la capital de la provincia de Dien Bien y está situada a unos 35 Km de la frontera con Laos. El valle de Muong Thanh  está rodeado por una región de selvas, campos de arroz y lagos.

Dos meses antes de la carta del presidente Ho a los combatientes, en octubre, el general Vo Nguyen Giap fue citado al Cuartel General del Alto Mando donde residía el presidente Ho, para discutir el plan militar de la campaña invierno primavera 1953-54. El Cuartel general se encontraba en la aldea de Khuoi Tat en la provincia Thai Nguyen al noreste del país. Además del presidente Ho, en la reunión participaron Truong Chinh y Pham Van Dong, ambos miembros del Buró Político del Partido Comunista de Vietnam (PCV) y el general Hoang Van Thai. En enero, el general Giap fue designado comandante en jefe del Frente de Dien Bien Phu mientras que el general Hoang Van Thai  fue nombrado jefe de Estado Mayor de ese Frente. 

Les images de l'oncle Ho et du général Vo Nguyen Giap apparaissent dans de nombreuses œuvres promotionnelles sur Dien Bien Phu.
Giap y el Tío Ho

Desde mayo, el ejército francés de ocupación tenía un nuevo jefe: el general Henri Navarre que se caracterizaba por su intensa actividad y una brutalidad sin límites contra la población civil. Su plan consistía en concentrar una enorme fuerza móvil sin precedentes en Vietnam que sumaba a su propuesta de pacificación del sur del país, evitando una confrontación en la región septentrional, fronteriza con China. Los franceses se planteaban mantenerse a la ofensiva, propinando golpes en la retaguardia a fin de inmovilizar y desgastar al ejército popular de Vietnam. El Plan Navarre elaborado y financiado en conjunto con el Pentágono estadounidense tenía como objetivo aniquilar en 18 meses al principal contingente militar vietnamita y transformar el país en colonia y base militar de Francia y Estados Unidos.

En la reunión de octubre, el presidente Ho transmitiendo serenidad  dijo que el enemigo se había concentrado a fin de reforzarse, por lo que había que obligarlo a dispersarse y reducir su fuerza. Con este propósito, el Comité Central del Partido Comunista de Vietnam emitió una  directiva. Con el fin de mantener y desarrollar la iniciativa, se utilizaría una parte de las fuerzas regulares para que, actuando de manera coordinada con las tropas regionales, atacar los puntos estratégicos que se consideraban de mayor debilidad del enemigo, obligándolo a dispersarse para defenderse. De esta forma, se crearía una nueva situación, en la que se debería observar permanentemente la dislocación del ejército francés para que, una vez se presentara la ocasión, concentrar las tropas, eliminar las fuerzas más importantes del enemigo  y cambiar el curso de la guerra.

Asimismo, se emitieron disposiciones para intensificar la guerra de guerrillas, defender las zonas liberadas con las tropas locales y estrechar la coordinación con las fuerzas revolucionarias de Laos y Camboya.

En cumplimiento de esta resolución, en diciembre de 1953, el ejército vietnamita tomó la iniciativa, liberando importantes zonas del noroeste del país, al mismo tiempo que otras zonas en el sur y el centro de Laos y el noroeste de Camboya también fueron liberadas, logrando el objetivo de dispersar las fuerzas del enemigo y obligándolo a recomponer su plan al impedir que pudiera realizar operaciones  en algunos territorios donde las había preparado, siendo impelido a retirar tropas del sur para reforzar el norte, impidiendo su plan de concentración de fuerzas. Todo esto fue creando las condiciones para su aniquilamiento, al tener que abandonar posiciones, puestos avanzados y bases aéreas que redundaron en cuantiosas pérdidas para el poder colonial.

Como dijo el General Giap en sus memorias:  “…los franceses nunca pudieron resolver la contradicción concentración-dispersión en sus fuerzas”. Hacia al ahondamiento de esa contradicción apuntó la ofensiva vietnamita. La misma se manifestaba por el hecho de que el ejército francés necesitaba dispersar para ocupar todo el territorio en disputa, pero, “al dispersar se encontraba en dificultades. Sus dispersas unidades se convirtieron en fácil presa para nuestras tropas, sus fuerzas móviles se reducían continuamente y la escasez de efectivos se hizo más marcada…”

En esta situación y con el objetivo de mantener una buena posición en el noroeste, los franceses con apoyo de Estados Unidos se dieron a la tarea de construir y reforzar con extrema rapidez una gigantesca base militar en Dien Bien Phu ubicada en una zona estratégica en la que concentraron una buena cantidad de fuerzas y medios para convertirla en la zona fortificada que debía transformarse en baluarte  para la aplicación del Plan Navarre, extendiendo y prolongando la guerra.

En este contexto, el Buró Político del PCV decidió derrotar y aniquilar al enemigo en Dien Bien Phu para lo cual dispuso una serie de medidas encaminadas a la victoria. Se impuso como tarea principal el apoyo multisectorial al ejército por lo cual miles de voluntarios, tropas locales, regionales y fuerzas regulares concatenaron esfuerzos para sobrepasar la supremacía técnica y en armamentos del ejército colonial. Así, se abrieron centenares de kilómetros de caminos rurales en medio de la selva y la montaña, trasladando por rutas casi inaccesibles el armamento, las municiones y los abastecimientos logísticos necesarios para la eventual batalla.



El arma de la victoria vietnamita fueron los “caballos de hierro”, las bicicletas utilizadas para transportar armas, equipos, alimentos y heridos. 20.000 bicicletas fueron utilizadas por las decenas de miles de campesinos, minorías étnicas y porteadores que prestaban apoyo logístico a los 60.000 combatientes. Fabricadas por Peugeot de Francia o Favorit de Checoslovaquia, estas bicicletas reforzadas podían transportar hasta 300 kg de mercancías. El “récord” de transporte en bicicleta pertenece al transportista Ma Van Thang (foto 1), que transportó un total de 3.700 kg de mercancías a lo largo de 2.100 km de carreteras montañosas. Esta bicicleta está expuesta en el Museo de la Victoria de Dien Bien Phu. El segundo “récord”, de 345 kg, pertenece a Trinh Ngoc. Su bicicleta está expuesta en el museo de la provincia de Thanh Hóa (foto 2).
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El 7 de mayo, después de 55 días de feroces combates, el ejército vietnamita pudo destruir todo el sistema de fortificaciones de Dien Bien Phu, aniquilando o capturando hasta 16 mil efectivos enemigos incluyendo todos sus oficiales. En general, durante toda la campaña, se liquidaron 112 mil soldados enemigos, liberando zonas estratégicas relevantes y recuperando las tres cuartas partes del país al tiempo que éxitos similares se obtenían en Laos y Camboya.

Ante la derrota y la posibilidad de desaparición total, los franceses se retiraron al sur del paralelo 18. La victoria de Dien Bien Phu significó la liberación de todo el norte del país, creándose condiciones para su posterior reunificación que habría de esperar 19 años más de lucha, ahora contra Estados Unidos que creó un gobierno títere en el sur.

En julio de 1954 se firmaron los Acuerdos de Ginebra mediante los cuales, Francia formalizaba el retiro de sus tropas, reconocía la independencia de Vietnam, Laos y Camboya y se establecía una línea de demarcación en el paralelo 17. De igual manera, se pactó la realización de elecciones a efectuarse en julio de 1956 para avanzar hacia la reunificación del país.

La victoria de Dien Bien Phu y los posteriores Acuerdos de Ginebra que de ella emanaron, expusieron una derrota total de Francia y significaron un estímulo para todos los pueblos que luchaban contra el colonialismo y el neocolonialismo. Así mismo, obligaron a posponer los planes imperialistas diseñados en Washington para el sureste de Asia.

Estados Unidos no cumplió los acuerdos, creando una nueva situación que, como se dijo antes, exigieron otros 19 años de lucha hasta la total derrota del imperio norteamericano, logrando la ansiada reunificación nacional, la paz y el inicio sostenido de la marcha del país hacia el socialismo bajo la conducción del Partido Comunista de Vietnam, fundado por Ho Chi Minh.

NdE

* Fue la noticia de la victoria en Dien Bien Phu lo que impulsó a un grupo de independentistas argelinos, en su mayoría veteranos del ejército francés durante la Segunda Guerra Mundial, a preparar la insurrección que estalló el 1° de noviembre de 1954 y que pasó a la historia como el “Día Rojo de Todos los Santos”.

Works All pour la campagne Dien Bien Phu

12/01/2024

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Yémen : un peuple indomptable

Sergio Rodríguez Gelfenstein, Blog, 4 et 11/1/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

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En 2015, le Yémen, pays méconnu de nombreux Occidentaux, a lancé une guerre pour défendre sa souveraineté, menacée par une alliance interventionniste menée par l’Arabie saoudite. Le peuple yéménite a dû payer de la vie de près de 400 000 de ses enfants le maintien de son indépendance. Beaucoup se sont demandé comment un pays considéré comme le plus pauvre d’Asie occidentale a pu résister et vaincre une coalition composée de pays parmi les plus riches de la planète.


Mary Zins, 2018

Bien que le conflit dure depuis près de dix ans, il semble avoir atteint une situation qui pourrait conduire à une éventuelle cessation du conflit. Bien que la situation reste tendue et que des actions de guerre de toutes sortes se poursuivent, les actions militaires ont diminué au cours des derniers mois. Il ne s’agit plus d’une guerre totale, mais il n’y a pas non plus de paix. Avec la médiation de la Chine, l’Arabie saoudite et l’Iran se sont réconciliés, ouvrant la voie au règlement de plusieurs conflits en Asie occidentale et dans le nord de l’Afrique [Soudan]. Celui du Yémen est apparemment l’un d’entre eux.

Aujourd’hui, après l’invasion israélienne de Gaza, le Yémen, avec le Hezbollah libanais et d’autres forces révolutionnaires arabes et musulmanes, a joué un rôle actif dans la solidarité avec la Palestine. Une fois de plus, le Yémen a surpris tout le monde en prenant des décisions qui ont un impact non seulement local, mais aussi régional et mondial. Une fois de plus, le monde s’est demandé comment cela avait pu se produire. Je fournirai  ici quelques éléments qui permettront aux lecteurs de connaître le Yémen, la lutte historique et l’héroïsme de son peuple, afin de les aider à comprendre la portée et la dimension de la décision du Yémen de soutenir la juste lutte du peuple palestinien avec toutes les ressources à sa disposition.

La République du Yémen occupe une position stratégique sur la planète, dans une région où se croisent les routes commerciales reliant l’Asie, l’Afrique de l’Est et la Méditerranée. Son territoire, situé sur les rives de la mer d’Arabie et aux portes de la mer Rouge, donne sur le détroit de Bab el Mandeb, ce qui lui confère une position privilégiée sur le globe, surtout depuis le XXe siècle, lorsque, d’une part, d’importants gisements d’énergie (pétrole et gaz) ont été découverts dans la région et, d’autre part, compte tenu de l’énorme croissance économique et du développement de l’Asie orientale, qui ont transformé le Yémen en un passage obligé pour la plupart des échanges commerciaux du monde.

Les cités antiques du territoire ont été unifiées dans l’Antiquité au sein du royaume biblique de Saba. La lutte pour la libération et l’indépendance des habitants de l’actuelle région du Yémen a commencé dès le 1er siècle de l’ère chrétienne, lorsqu’ils ont dû affronter l’Empire romain. La puissante Rome a été vaincue dans sa tentative de domination.

Contrairement au reste de la péninsule arabique, le Yémen d’aujourd’hui possédait une végétation prodigieuse qui procurait à sa population une grande richesse en raison des vastes possibilités de consommation et de commerce qu’elle offrait. C’est ainsi que le mathématicien et géographe grec Ptolémée aurait appelé le Yémen “l’Arabie heureuse”.

Atlas Teatrum Orbis Terarum, Abraham Ortelius, Anvers, 1570

Au cours de l’histoire, les Yéménites ont dû lutter contre les Himyarites qui, convertis au judaïsme en 380, ont persécuté la population majoritairement chrétienne jusqu’à l’intervention des Éthiopiens au VIe siècle. L’islam est arrivé dans la région au cours du VIIe  siècle et a commencé à façonner une culture basée sur l’entrelacement de diverses formes de connaissances qui ont apporté de grandes contributions à l’humanité.

Cependant, pendant de nombreux siècles, le Yémen est resté en marge du développement culturel et économique instauré par l’Islam. C’est au XVe siècle que le territoire de l’actuel Yémen a commencé à prendre une valeur stratégique. Dans leur quête d’expansion commerciale, les Européens ont commencé à dominer des territoires à travers le monde. Les premiers Européens à arriver dans la région sont les Portugais, qui dominent le pays afin de contrôler la voie maritime qui leur permet de faire le commerce des épices entre l’Asie et l’Europe via la mer Rouge.

Carte du royaume d’Yémen dans l’Arabie heureuse, Guillaume Delisle, 1715

Le XVIe siècle a vu le début de la conquête ottomane avec l’occupation d’une partie de la côte de la mer Rouge, tandis que l’intérieur et la côte sud restaient indépendants, gouvernés par un imam. Peu après, les Britanniques font leur apparition dans la région, en établissant un comptoir de la Compagnie des Indes orientales dans le port de Mokha, sur la mer Rouge [d’où le terme moca, ou mocca, pour désigner une variété de café, NdT].  

Vue de Moka du côté de la mer. Dessin anonyme publié en 1737 après la première expédition militaire française des deux navires Le Curieux et Le Diligent contre ce port

Au XIXe siècle, les Britanniques ont étendu leur présence en occupant toute la pointe sud-ouest du pays, s’installant en 1839 à Aden, le meilleur port de la région, tandis qu’en 1872, les Turcs ont réussi à consolider leur emprise sur l’intérieur du pays en installant une monarchie héréditaire de facto portant le nom d’un imam local. Cette division a de fait scindé le Yémen en deux pays.

Dans les années 1870, avec l’ouverture du canal de Suez et la consolidation de la domination turque sur le nord du Yémen, Aden revêt une importance nouvelle pour la stratégie globale de la Grande-Bretagne : c’est la clé de la mer Rouge et donc du nouveau canal.


Au début du XXe siècle, la Turquie et le Royaume-Uni ont tracé une frontière entre leurs territoires, rebaptisés respectivement Yémen du Nord et Yémen du Sud.  En 1934, la Grande-Bretagne a pris le contrôle de toute la partie sud du pays jusqu’à la frontière avec Oman.


 Pendant la Première Guerre mondiale, l’imam s’allie à l’Empire ottoman et lui reste fidèle jusqu’à la fin de la guerre. La défaite des Turcs permet au Yémen de retrouver son indépendance en novembre 1918. Cependant, la Grande-Bretagne, après avoir reconnu l’indépendance du Yémen, fait d’Aden un protectorat en 1928 et, en 1937, une colonie. Une fois de plus, les Yéménites ont dû recourir à la lutte armée pour obtenir leur indépendance. En 1940, le mouvement nationaliste “Yémen libre” voit le jour pour lutter contre le contrôle du pays par les imams qui se sont alliés à la Grande-Bretagne.



La révolution de 1967

 La lutte a pris des voies distinctes au nord et au sud. En 1962, la République arabe du Yémen est créée au nord, tandis qu’au sud, le Front de libération nationale, créé en 1963, s’empare d’Aden en 1967 et proclame l’indépendance, initiant une révolution socialiste.

Soldats britanniques des Northumberland Fusiliers, fer de lance de la contre-insurrection britannique, en action à Aden  en 1967

Le Yémen du Sud est rebaptisé République démocratique populaire du Yémen, il ferme toutes les bases britanniques en 1969, prend le contrôle des banques, du commerce extérieur et de l’industrie maritime, tout en entreprenant une réforme agraire. En matière de politique étrangère, il a maintenu une alliance étroite avec l’Union soviétique. Il a également encouragé une lutte antisioniste ouverte et un soutien au peuple palestinien.

En octobre 1978, lors d’un congrès bénéficiant d’un soutien populaire considérable, le Front de libération nationale fonde le Parti socialiste yéménite. En décembre, les premières élections populaires depuis l’indépendance sont organisées pour désigner les 111 membres du Conseil révolutionnaire du peuple.

Dès les premières années de son existence, la République démocratique populaire du Yémen a été confrontée à l’hostilité constante de l’Arabie saoudite, qui cherchait à contrôler certaines parties du territoire, en particulier celles où des gisements de pétrole avaient été découverts. Les tensions ont été exacerbées par la présence militaire croissante des USA en Arabie saoudite.

Pendant ce temps, au nord, le Front démocratique national (FDN), qui regroupe toutes les forces progressistes du pays, mène une lutte armée contre Ali Abdullah Saleh, arrivé au pouvoir en 1978. Alors que le FDN est sur le point de prendre le pouvoir, l’Arabie saoudite intrigue pour détourner le conflit en une guerre contre la République démocratique populaire du Yémen. La médiation des pays arabes aboutit à un cessez-le-feu et à un accord sur la reprise des négociations de réunification, suspendues depuis 1972.

        

Enfin, le 22 mai 1990, les deux républiques se sont unies pour former la République du Yémen, qui a fait de Sanaa (ancienne capitale de la République arabe du Yémen) sa capitale politique et d’Aden (ancienne capitale de la République démocratique populaire du Yémen) sa capitale économique. Lors d’une session conjointe des assemblées législatives des deux États à Aden, un conseil présidentiel dirigé par le général Ali Abdullah Saleh a été élu. L’unification du Yémen n’a pas été bien accueillie par l’Arabie saoudite, qui a entamé une politique de soutien à la sécession. En mai 1994, des sécessionnistes ont proclamé une république yéménite dans le sud du pays, mais ont été vaincus par les forces loyales au gouvernement.

Entre juin et août 2004, un mouvement exprimant les croyances d’une branche spécifique de l’islam d’orientation chiite est apparu : les zaïdites, dont le chef était le religieux Hussein al-Houthi. En son honneur, après sa mort au combat en septembre de la même année, le mouvement a pris le nom de Houthi, Huthi ou Ansar Allah (partisans de Dieu). Bien que ce mouvement soit l’expression d’une minorité au Yémen, son histoire n’est pas récente puisqu’elle remonte au milieu du VIIIe siècle. Le zaïdisme se caractérise par l’éducation supérieure de ses membres et est associé à la lutte pour la justice et à la défense de l’éthique musulmane. Cette idéologie, ainsi que la marginalisation à laquelle ils ont été soumis après avoir perdu le pouvoir en 1962, constitueront le substrat sur lequel la pensée houthie se développera à l’avenir.

La lutte des Houthis contre le gouvernement pro-occidental et pro-saoudien d’Ali Abdullah Saleh a été longue et sanglante. Ils ont dû prendre les armes à cinq reprises entre 2006 et 2008 pour défendre leur territoire dans le nord du pays jusqu’à ce qu’ils commencent à étendre leur base de soutien et l’espace géographique qu’ils contrôlent. En 2009, Saleh, tentant d’arrêter les Houthis, s’est tourné vers l’Arabie saoudite pour obtenir son soutien.

Pour les Houthis, le fait qu’un pays comme l’Arabie saoudite, aux tendances wahhabites extrêmement conservatrices, soit présent et interfère dans les affaires du pays était perçu comme une menace pour la souveraineté de la nation en général et pour la leur en tant que minorité en particulier.  À partir de ce moment, leur lutte, qui avait un caractère strictement interne, s’est transformée en une confrontation contre l’intervention étrangère.

Bien que les combattants houthis aient initialement subi de lourdes défaites, y compris (comme mentionné ci-dessus) la chute de leur principal dirigeant, ils se sont renforcés au fil du temps et, à partir de 2011, sous la nouvelle direction du frère cadet d’Al Houthi, Abdul Malik, ils ont commencé à infliger des revers importants à l’ennemi. La rhétorique anti-impérialiste et antisioniste a été renforcée en identifiant l’Arabie saoudite comme un partenaire dans la mise en œuvre des plans usaméricains et israéliens dans la région.

Le mal nommé “printemps arabe” a été particulièrement influent dans la croissance du soutien à la pensée houthi dans sa lutte contre le gouvernement répressif de Saleh. Au Yémen, le tremblement de terre qui a secoué une partie importante du monde arabe a suscité une réaction beaucoup plus organisée que dans les pays voisins. Face à la force des protestations, Saleh a fui le pays et s’est réfugié en Arabie Saoudite, pour être remplacé par son vice-président, Abdo Rabu Mansour Hadi, qui a tenté de ramener l’ordre dans le pays en concluant un accord avec les factions opposées à Saleh “pour que tout change sans que rienne  change”, en laissant de côté le mouvement houthi.

Fin 2014, les Houthis ont décidé de lancer une offensive sur la capitale. Dans ce contexte, Saleh - dans une tentative étonnante de reconquête du pouvoir - a établi une alliance avec les Houthis pour affronter Hadi. Les Houthis, qui n’avaient pas soutenu les accords de paix signés par Hadi, se sont alliés à leur plus grand ennemi pour prendre la capitale. La Garde républicaine, une force loyale à Saleh, a encouragé les Houthis à entrer dans Sana’a. Hadi s’est réfugié à Riyad, la capitale saoudienne, d’où il “commande” les territoires non encore contrôlés par Ansar Allah, agissant de fait comme une marionnette de la monarchie wahhabite.

Une fois au pouvoir, les Houthis ont formé un comité révolutionnaire pour diriger le pays.  Ils ont également été contraints de combattre simultanément les forces terroristes d’Al Qaïda et l’Arabie saoudite, qui les protège.

Estimant que les Houthis n’avaient pas respecté les accords qui, selon lui, lui permettaient de reprendre le pouvoir, Saleh s’est retourné contre eux, avec le soutien de l’Arabie saoudite. Lorsque la trahison a été consommée, les Houthis ont attaqué la maison de Saleh, le tuant au passage.

Depuis Riyad, Hadi a demandé une intervention saoudienne au Yémen. En réponse à cette demande, la monarchie saoudienne a organisé une coalition de pays sunnites pour lancer l’opération “Tempête décisive” en 2015, structurée autour de frappes aériennes sur les principales enclaves contrôlées par les Houthis, qui ont fait des milliers de morts.

Cette action était envisagée comme une offensive définitive pour prendre le contrôle du pays afin de lancer une seconde opération appelée “Restaurer l’espor”, qui se concentrait davantage sur le rapprochement diplomatique. En revanche, les actions terrestres, aériennes et maritimes de l’alliance ont été renforcées par un blocus naval qui a empêché l’entrée de l’aide internationale, plongeant le pays dans la pire crise humanitaire de l’histoire jusqu’au déclenchement des actions sionistes actuelles à Gaza, toutes deux avec le soutien explicite des USA.

Les Houthis, utilisant une large marge de manœuvre basée sur une connaissance de plus en plus grande du terrain et maniant des tactiques de guérilla inspirées - selon eux - de la lutte de libération au Vietnam et des “mouvements de résistance en Amérique latine”, ont démontré une grande capacité à frapper une armée d’invasion manquant de volonté, de moral, de discipline et de motivation pour se battre. De même, le large éventail de soldats de la coalition, qui a inclus la participation d’un très grand contingent de mercenaires engagés par des sociétés privées, a sapé la capacité de combat de l’alliance dont l’Arabie saoudite est le fer de lance.

Riyad a reçu des coups durs même sur son territoire, car les opérations de combat d’Ansar Allah ont pénétré profondément dans la géographie saoudienne grâce à un système avancé de drones et de missiles à longue portée qui ont frappé des casernes des forces armées, des raffineries de pétrole et des infrastructures critiques à des distances éloignées de la frontière commune.

Rahma Cartoons, Turquie

 II

Les médias transnationaux ont fait circuler l’idée que les Houthis agissent sous l’influence du gouvernement iranien. Si ni l’Iran ni les Houthis n’ont nié leur appartenance à un axe de résistance à l’impérialisme, au colonialisme et au sionisme qui intègre également des forces politiques du Liban, de la Syrie, de Bahreïn et de la Palestine elle-même, simplifier l’équation à une relation de “subordination” est à la fois superficiel et banal, compte tenu de l’histoire des luttes du peuple yéménite.

En Asie occidentale, l’agressivité croissante d’Israël et la présence interventionniste des USA ont polarisé la situation politique. Le récent accord règlement du différend entre l’Iran et l’Arabie saoudite, ainsi que d’autres accords qui ont rapproché l’Égypte et la Turquie, le Qatar et l’Arabie saoudite, entre autres, après des années d’éloignement, et l’enlisement de la guerre au Yémen, indiquent l’affaiblissement du pôle impérialiste-sioniste et le renforcement de la résistance.

Dans ce contexte, le Yémen et le mouvement houthi jouent un rôle décisif, tant sur le plan historique que géographique. Il convient de noter qu’Ansar Allah n’a jamais caché ses relations avec l’Iran. Ils sont unis par leur appartenance commune à la branche chiite de l’islam. Tant le fondateur du mouvement Ansar Allah que son frère, qui le dirige aujourd’hui, ont passé une partie de leur vie à Qom (Iran), se formant politiquement et idéologiquement, tout en étudiant la doctrine chiite, basée sur l’idée que la succession légitime de Mohammed appartient aux descendants de son gendre Ali, par opposition aux sunnites qui estiment que les successeurs de Mohammed doivent être les compagnons du prophète. Sunnite vient de “Ahl al-Sunna”, qui se traduit par “les gens de la tradition” et chiite vient de “Chiat Ali”, qui signifie “partisans d’Ali”.

Mais cela ne signifie pas que les Yéménites sont de simples “accessoires” de l’Iran. Au-delà du soutien financier, militaire, communicationnel et politique qu’il a reçu de Téhéran, le mouvement Ansar Allah a fait preuve d’autonomie et d’autodétermination dans la conception et l’exécution de ses actions, que ce soit dans la guerre contre l’Arabie saoudite et ses alliés depuis 2015 ou aujourd’hui dans le soutien à la cause palestinienne.

Il faut savoir qu’en plus de son aide à la Palestine, le Yémen est en conflit direct avec Israël pour le soutien que l’entité sioniste a apporté aux Émirats arabes unis (EAU) lors de la guerre lancée en 2015 qui leur a permis d’occuper les îles stratégiques yéménites de Socotra, situées en mer d’Arabie à quelque 350 kilomètres au sud des côtes du pays, afin d’y établir une série de bases d’espionnage dans le but de collecter des renseignements dans toute la région, en particulier dans le détroit de Bab El Mandeb.

Hamzeh Hajjaj

Il est important de noter que la base israélo-émiratie de Socotra profite également aux USA, car elle leur permet de contrôler le port de Gwadar au Pakistan, qui fait partie du corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), dans le cadre duquel Pékin a développé un port afin que les marchandises qui y sont déchargées puissent être expédiées par voie terrestre vers la Chine, en particulier vers sa région occidentale.

Mais, pour ce qui est des événements actuels, les actions du Yémen en faveur de la Palestine ont commencé presque immédiatement après le 7 octobre. Le 19 octobre, un navire de guerre usaméricain a abattu des missiles et des drones tirés par les Houthis contre Israël, selon des informations du Pentagone publiées à l’époque.

Quelques jours plus tard, le 27 octobre, six personnes ont été blessées lorsque deux drones ont atterri au-dessus de Taba, ville égyptienne frontalière d’Israël, après avoir été interceptés par l’armée de l’air israélienne. Le 31 octobre, les Houthis ont revendiqué une attaque de drone contre l’entité sioniste. L’armée houthie a déclaré avoir intercepté un missile lancé depuis le sud.

Le porte-parole militaire des Houthis, le général Yahya Sari, a déclaré dans un communiqué télévisé que le groupe avait lancé un “grand nombre” de missiles balistiques et de drones en direction d’Israël et qu’il y aurait d’autres attaques à l’avenir “pour aider les Palestiniens à remporter la victoire”. En réponse, le conseiller en chef à la sécurité nationale d’IsraÊL, Tzachi Hanegbi, a déclaré que les attaques des Houthis étaient intolérables, mais il a refusé de donner des détails lorsqu’on lui a demandé comment Israël réagirait.

À la mi-novembre, Ansar Allah a annoncé que ses forces armées attaqueraient tous les navires battant pavillon israélien ou exploités ou détenus par des sociétés israéliennes. Quelques jours plus tard, le général Sari a déclaré que « les forces armées yéménites continueront d’empêcher les navires de toutes nationalités à destination des ports israéliens de naviguer en mer d’Oman et en mer Rouge jusqu’à ce qu’ils transportent la nourriture et les médicaments nécessaires aux Palestiniens de la bande de Gaza ».

Ossama Hajjaj

En réponse à cette décision, et après les premières attaques contre des navires à destination d’Israël, quatre grandes compagnies maritimes (la plus grande compagnie de transport de conteneurs au monde, Mediterranean Shipping Co [MSC], basée en Suisse, la compagnie danoise Maersk, la compagnie française CMA CGM et la compagnie allemande Hapag-Lloyd) ont suspendu le passage de leurs navires par la mer Rouge. Ces compagnies transportent environ 53 % des conteneurs maritimes du monde et environ 12 % du commerce mondial en termes de volume. Il convient de noter que 30 % du trafic mondial de conteneurs passe par le Bab El Mandeb.

En réponse, les USA ont décidé, le 19 décembre, de créer une alliance navale pour lancer une opération baptisée “Guardian of Prosperity”, censée « assurer la liberté de navigation en mer Rouge ». En pratique, cela signifie déclarer la guerre au Yémen et militariser la mer Rouge. Mais le pays arabe n’a pas fléchi dans sa position. Ses forces armées ont affirmé que « toute attaque contre les biens yéménites ou les bases de lancement de missiles du Yémen ferait couler du sang sur toute la mer Rouge », affirmant qu’elles possédaient « des armes capables de couler vos porte-avions et vos destroyers ».

Liu Rui, Global Times

L’escalade des actions depuis lors est manifeste. Dans un discours prononcé le 20 décembre, le chef d’Ansar Allah, Sayyed Abdul Malik Al Houthi, a déclaré que la responsabilité du monde islamique dans le conflit en Palestine était grande, en particulier celle de la région arabe, qui est « le cœur de ce monde" » À cet égard, il a déploré la position arabo-islamique lors des sommets organisés pour discuter de la question, en particulier celui qui s’est tenu en Arabie saoudite. Al Houthi a qualifié cette position de faible. Il a déclaré que les peuples arabes et musulmans devraient s’engager à soutenir la Palestine, tout en déplorant l’approche de certains pays à l’égard de ce qu’il a appelé la « conspiration contre la Palestine ». Le dirigeant yéménite a déclaré que son pays n’attendait pas des USA et des pays européens une position ou un rôle positif à l’égard de la Palestine. Pour ces raisons, il a estimé que la perspective de l’axe de la résistance devrait viser à élever le niveau de soutien militaire à la Palestine.

Dans ce contexte, Al Houthi a averti qu’Ansar Allah « attaquerait les navires de guerre usaméricains si ses forces étaient attaquées par Washington après le lancement de l’opération Prosperity Guardian ». Selon Al Houthi, les USA n’essaient pas de protéger la navigation mondiale, mais cherchent à militariser l’espace maritime.

Toutefois, les USA ne sont pas parvenus à un consensus sur la manière de mener à bien les missions de l’alliance navale ainsi créée. Les désaccords avec les pays arabes appelés à rejoindre la coalition ont empêché une réponse cohérente aux attaques des Houthis contre les navires transitant par la mer Rouge. Deux pays clés de la région impliqués dans la longue guerre contre le Yémen - les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite - ont des positions opposées à l’égard des Houthis, ce qui a constitué un obstacle majeur au plan usaméricain visant à mettre fin aux attaques maritimes. L’une des possibilités envisagées par Washington est une réponse militaire aux Houthis, mais certains alliés arabes ont refusé de le faire. Ils préfèrent insister sur la voie diplomatique et renforcer la protection maritime des navires.

Les analystes spécialisés consultés sur le sujet s’accordent à dire que les objectifs de l’opération sont vagues si l’on considère que les commandants navals n’ont pas reçu de missions précises. De même, les navires de guerre de la coalition, bien qu’équipés d’un armement de pointe, ne peuvent que se limiter à repousser les attaques de missiles en escortant les navires marchands, ce qui est discutable étant donné que l’arsenal de missiles du Yémen est inépuisable à la lumière des actions entreprises au cours des huit dernières années, De plus, « ni les dirigeants des compagnies maritimes mondiales, ni les capitaines des navires marchands, ni les assureurs ne seront prêts à jouer à la loterie », selon Ilya Kramnik, expert russe des forces navales.

De même, Michael Horton, cofondateur de Red Sea Analytics International, une société de conseil indépendante qui se consacre à l’analyse impartiale de la dynamique de la sécurité en mer Rouge, a noté que les Houthis « n’ont déployé qu’une fraction de leurs armes, n’utilisant pas de missiles à plus longue portée, de drones plus avancés et de mines marines difficiles à détecter ».

Dans cette situation, le vice-amiral usaméricain Kevin Donegan a noté que « les USA ont également accepté comme normales les attaques persistantes [...] des Houthis ». Selon le New York Times, cette situation a contraint le président Biden à faire un choix difficile concernant les futurs plans de dissuasion à l’égard des Houthis. Pour ce faire, il doit se demander si l’Arabie saoudite ne cherche pas une escalade du conflit qui pourrait faire échouer une trêve durement négociée avec les rebelles. Pour sa part, Tim Lenderking, l’envoyé spécial des USA pour le Yémen, a déclaré à la mi-décembre : « Tout le monde cherche un moyen de désamorcer les tensions ».

De l’autre côté du conflit, le 24 décembre, le commandant des Gardiens de la révolution iraniens, le général de division Hossein Salami, a annoncé que le blocus naval d’Israël pourrait évoluer vers un blocus naval total si la mer Méditerranée, le détroit de Gibraltar et d’autres voies d’eau étaient fermés. À ce jour, le Yémen a déjà réussi à bloquer la quasi-totalité du port israélien d’Eilat, sur la mer Rouge, qui ne fonctionne qu’à 15 % de sa capacité. Il convient de noter que les milices d’Ansar Allah ont réussi à frapper un navire israélien en mer d’Oman, près de l’Inde, loin du territoire yéménite. De son côté, l’Iran dispose de drones et de missiles hypersoniques à longue portée qui, en cas de guerre totale contre le sionisme, pourraient facilement viser les navires commerciaux traversant la Méditerranée en direction des ports israéliens.

De même, en préparation d’une bataille plus large contre Israël, l’armée yéménite a annoncé qu’elle disposait de 20 000 soldats réservistes entraînés, prêts à combattre aux côtés des forces armées du pays contre l’entité sioniste et la coalition dirigée par les USA.

Le 28 décembre, le Yémen a mis en garde les USA et ses partenaires contre la militarisation de la mer Rouge et a déclaré qu’il intensifierait ses attaques contre ses ennemis si le blocus de Gaza se poursuivait. Dans ce contexte, un jour plus tôt, les hauts commandants des forces armées du Yémen se sont réunis pour discuter des derniers développements régionaux et examiner l’état de préparation au combat des troupes. À l’issue de la réunion, ils se sont déclarés prêts à exécuter les ordres du chef d’Ansar Allah.

Le 4 janvier, après qu’un contingent naval yéménite s’est retrouvé face à face avec des forces militaires usaméricaines en mer Rouge, perdant trois petits bateaux et dix combattants, le commandant des forces de défense côtière yéménites, le général de division Mohhamed Al Qadiri, a averti que le Yémen ne se réservait pas le droit de répondre, mais qu’il répondrait en déterminant la cible dans chaque cas sur les îles, en mer Rouge et dans « les bases où sont stationnés les sionistes et les USAméricains ».

Si les USA et leur alliance décident finalement de défier directement les Houthis en mer Rouge, ils devront faire face à une vaste guerre navale dans le golfe d’Aden, la mer d’Arabie et l’océan Indien. Si cela devait se produire, cela déclencherait une spirale de confrontation inarrêtable aux dimensions incalculables.

En tout état de cause, le Yémen a déjà réussi à utiliser sa position stratégique en tant que force dans les équilibres mondiaux et à s’affirmer comme un élément important de l’équation conflictuelle en cours et à exprimer l’une des formes les plus courageuses de soutien au peuple palestinien face à la machine de guerre israélienne soutenue par les USA et le Royaume-Uni, constituant ainsi une monnaie d’échange importante contre le sionisme et son mentor usaméricain.

Contrôler le canal de Suez, c’est contrôler 90 % du commerce mondial, ce qui affecte directement Israël en frappant son économie. En ce sens, les Houthis ont réussi à faire ce qu’Israël et les USA ont jusqu’à présent essayé d’éviter à tout prix : « transformer le génocide à Gaza en une crise mondiale ».

Le journaliste libanais Khalil Harb, citant la Banque mondiale dans un article du magazine en ligne The Cradle, a écrit qu’Israël importe et exporte « près de 99 % des marchandises par voie fluviale et maritime » et que « plus d’un tiers de son PIB dépend du commerce de marchandises ».

Pour sa part, le journaliste brésilien spécialisé en politique internationale Eduardo Vasco a souligné qu’en plus de l’impact direct du mouvement Houthi en Asie occidentale, ses actions « paralysent l’économie mondiale, c’est-à-dire le fonctionnement même du régime capitaliste, qui est à l’origine du problème de la guerre d’agression au Moyen-Orient ». Dans ce contexte, Vasco estime que les UA et Israël ne peuvent pas attaquer directement le Yémen parce qu’il pourrait y avoir des représailles contre les alliés des USA dans la région 3principalement contre leurs champs pétroliers, ce qui aggraverait brutalement la crise économique avec une crise pétrolière (qui a déjà commencé) ». C’est pourquoi, alors que les Émirats arabes unis souhaitent une action forte contre les Houthis, les Saoudiens se montrent prudents.

En dernière heure et presque au moment de conclure cet article, on apprend que le Yémen a attaqué un navire usaméricain transportant des fournitures pour Israël, en réponse aux récentes attaques usaméricaines contre les forces navales yéménites.

Répondant également aux déclarations du secrétaire d’État usaméricain Anthony Blinken, le vice-ministre des affaires étrangères du Yémen, Hussein Al Ezzi, a réaffirmé « la sécurité de la navigation vers toutes les destinations, à l’exception des ports de la Palestine occupée », démentant catégoriquement les fausses informations diffusées par Washington, Londres et Berlin au sujet de la sécurité de la navigation.

Les lignes qui précèdent illustrent la capacité et la détermination du peuple yéménite à jouer un rôle de premier plan dans la guerre d’Israël contre la Palestine. En fait, elles montrent que, bien qu’il s’agisse d’un petit pays globalement et régionalement marginalisé par rapport au développement économique, il conserve une volonté de se battre qui exprime le sentiment séculaire d’exister en tant que nation indépendante, défiant les principales puissances mondiales en entravant et en empêchant l’exécution de leur politique impériale dans la région par le biais de leur soutien inconditionnel à Israël.

Mahmoud Rifai