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16/04/2023

Le fugitif de l’affaire Ayotzinapa interviewé par un magazine israélien : accusé de dissimulation, Tomás Zerón dénonce les persécutions politiques du gouvernement mexicain

National Security Archive (Archives de la sécurité nationale), 14/4/2023
Document établi par Kate Doyle et Claire Dorfman

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Fondées en 1985 par des journalistes et des universitaires usaméricains pour lutter contre la montée du secret gouvernemental, les National Security Archive combinent un éventail unique de fonctions : centre de journalisme d’investigation, institut de recherche sur les affaires internationales, bibliothèque et archives de documents usaméricains déclassifiés (“la plus grande collection non gouvernementale au monde” selon le Los Angeles Times), principal utilisateur à but non lucratif de la loi usaméricaine sur la liberté de l’information, cabinet juridique d’intérêt public défendant et élargissant l’accès du public aux informations gouvernementales, défenseur mondial du gouvernement ouvert, et indexeur et éditeur d’anciens secrets.

 

Washington, D.C., 14 avril 2023 - La tournée de réhabilitation de Tomás Zerón a commencé.


Cette semaine, le magazine israélien Sheva Yamim (7 Jours) a publié une interview extraordinaire et exclusive de l’ancien fonctionnaire mexicain accusé d’avoir orchestré la dissimulation de l’une des violations des droits humains les plus tristement célèbres du pays. Dans l’article, Zerón, l’ancien enquêteur principal sur les disparitions des étudiants d’Ayotzinapa en 2014, parle de son enfance, de sa carrière dans les forces de l’ordre au Mexique et de sa vie actuelle à Tel Aviv, révélant des détails qui n’ont jamais été publiés dans un média mexicain.

Il fournit également un compte rendu intéressé de son rôle dans la direction de l’enquête sur l’affaire Ayotzinapa - l’enlèvement et la disparition de 43 étudiants le 26 septembre 2014 - qui a choqué le Mexique par son audace, par l’incapacité du gouvernement à résoudre l’affaire et par des preuves indiquant qu’il faisait obstruction à sa propre enquête.

Lorsque les garçons ont disparu, Zerón dirigeait l’Agence des enquêtes criminelles (AIC), considérée comme le FBI mexicain. Aujourd’hui, il est accusé de multiples crimes liés à l’enquête sur l’affaire Ayotzinapa, notamment d’obstruction à la justice et de torture de suspects. Interpol a lancé une notice rouge à son encontre et le gouvernement mexicain du président Andrés Manuel López Obrador le considère comme un fugitif.


Notice rouge dInterpol concernant Tomás Zerón de Lucio, qui est actuellement en fuite en Israël et fait lobjet dune demande dextradition du Mexique, où il doit répondre daccusations liées à son rôle dans létouffement de lenquête sur le massacre dAyotzinapa.

Dans l’entretien qu’il a accordé à Sheva Yamim, supplément du week-end de l’un des plus grands quotidiens israéliens, Yediot Ahronoth, Zerón affirme catégoriquement qu’il est innocent. Il continue d’insister sur l’exactitude de ses découvertes en 2014 et 2015 - découvertes qui ont servi de base à l’explication largement discréditée de la “vérité historique” pour les attaques contre les étudiants. Il considère les accusations portées contre lui comme une campagne de persécution politique menée par le président du Mexique.

Au-delà de ce que l’article nous apprend sur la vie et les hauts faits de Tomás Zerón, son interview par le magazine israélien - accompagnée d’une belle photographie - est un coup de maître en matière de relations publiques. Il semble également qu’il s’agisse de sa tentative la plus forte pour se débarrasser des problèmes judiciaires auxquels il est confronté dans son pays d’origine.

L’article commence par la description d’une rencontre improbable à Tel Aviv entre Zerón et un émissaire du président Lopez Obrador, Alejandro Encinas, le sous-secrétaire aux droits humains du Mexique et l’homme qui a supervisé les nouveaux efforts du gouvernement pour résoudre l’affaire Ayotzinapa depuis décembre 2018.

À l’insu d’Encinas, la réunion a été secrètement enregistrée.

« Vers dix heures du matin du 16 février [2022], une équipe de trois experts du renseignement et de la surveillance secrète est arrivée au “Greco Ozari”, un restaurant grec renommé du nord de Tel-Aviv... Ils se sont assis à côté de l’une des tables, ont commandé quelque chose à manger et à boire, mais ont surtout cherché le meilleur endroit dans le restaurant où ils pourraient installer les caméras et les microphones. »

L’article ne révèle pas qui a ordonné l’enregistrement.

Une fois assis dans le restaurant, comme l’a précédemment rapporté le New York Times, Encinas a tenté de minimiser les accusations portées contre Zeron et de le convaincre d’aider à résoudre l’affaire, assurant Zerón que ni lui [Encinas] ni le président Lopez Obrador ne voulaient qu’il aille en prison. Encinas a presque supplié Zerón de lui fournir des informations sur ce qui était arrivé aux étudiants, en lui promettant le soutien du président. Dans l’interview accordée à Sheva Yamim, Zerón se moque de la tentative maladroite d’Encinas : « Il devait être très naïf, ou peut-être désespéré, s’il pensait pouvoir me convaincre, avec ces promesses et ces mots, de retourner dans un endroit (le Mexique) où une campagne de persécution politique, entièrement basée sur des mensonges, est menée contre moi. »

Cette rencontre a peut-être anéanti toute chance qu’Israël renvoie Zerón au Mexique. Bien que López Obrador ait froissé des diplomates en critiquant publiquement Israël pour ne pas avoir renvoyé Zerón, l’article montre clairement que ce sont les propres mots d’Encinas lors de la conversation enregistrée secrètement qui sont les plus préjudiciables à la requête du Mexique. Comme le dit un haut fonctionnaire israélien dans Sheva Yamim, ces commentaires pourraient être “le dernier clou dans le cercueil” de la demande d’extradition.

Dans l’entretien, Zerón, 60 ans, raconte qu’il a grandi dans une famille de la classe moyenne à Mexico, qu’il est l’un des quatre fils d’un père comptable et d’une mère femme au foyer.

« Je ne suis jamais allé dans une école privée », dit-il. » J’ai toujours fréquenté des écoles publiques ». Enfant, il rêvait d’une carrière militaire, mais après le lycée, sous la pression de sa famille, il a continué à étudier l’administration des affaires à l’université. Il a ensuite obtenu une maîtrise en droit, bien qu’il n’ait jamais été agréé en tant qu’avocat. Il a commencé sa carrière dans les affaires - Zerón a été l’importateur qui a introduit au Mexique la marque de mode française Lacoste, par exemple - mais la récession au Mexique a fini par avoir raison de lui ».

L’article décrit comment, à la suite de la perte de son entreprise, Zerón « s’est retrouvé à travailler pour la police fédérale mexicaine » en 2007, travaillant « principalement dans le domaine économique ». Parce qu’il « ne s’entendait pas avec le secrétaire à la sécurité publique » - Genaro García Luna, qui a été condamné en février 2023 par un tribunal fédéral usaméricain pour trafic de drogue et corruption - il a été licencié, selon l’article. (En revanche, des journalistes mexicains ont décrit Zerón comme un “disciple” de García Luna et ont rapporté qu’il avait été licencié pour mauvaise planification lors d’une violente confrontation avec des criminels armés à Cananea, Sonora, en 2007).

« C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à travailler pour la police de l’État de Mexico... C’est là qu’il a fait connaissance avec le monde du renseignement. “J’ai dit à la personne qui m’a recruté que je ne connaissais rien au renseignement”, raconte Zerón. Il m’a répondu : “Pas de problème, tu apprendras” ».

Il devait être un excellent élève. Bien que sa réputation en matière de collecte de renseignements, d’espionnage et de surveillance audio et vidéo clandestine ne soit pas mentionnée dans l’article du magazine israélien, les journalistes mexicains font état depuis des années du penchant de Zerón pour la collecte secrète d’informations sur ses amis comme sur ses ennemis. Dans une enquête publiée en 2020 dans le magazine d’information Emeequis, par exemple, des sources du système judiciaire fédéral ont déclaré que Zerón avait appris « le pouvoir de l’objectif caché » lorsqu’il travaillait pour l’État de México, et a conservé un disque dur contenant « des centaines d’heures d’enregistrements secrets entre Tomás Zerón et des hauts fonctionnaires des administrations Felipe Calderón et Enrique Peña Nieto, capturés dans des situations compromettantes », y compris « des pots-de-vin, des paiements pour des faveurs louches » et « des mises à jour sur des affaires qui ont été résolues de sorte que des innocents sont allés en prison... ».

Selon Sheva Yamim, c’est au cours de son apprentissage dans le domaine du renseignement que Zerón a découvert Israël pour la première fois.

« Dans le cadre de sa formation, il s’est rendu en Israël en 2008 et y a suivi un cours de deux semaines sur la guerre et le renseignement. À son retour au Mexique, il s’est avéré être un agent de renseignement efficace, et ses responsabilités se sont accrues. Lorsque le gouverneur de l’État, Enrique Peña Nieto, a été élu président du Mexique, Zerón a rejoint la capitale avec lui et a été nommé chef de l’AIC, une nouvelle agence gouvernementale chargée de l’application de la loi, définie comme le "FBI mexicain" ».

Au Mexique, Zerón est peut-être surtout connu pour son lien avec l’achat du célèbre logiciel espion israélien Pegasus, qui a été utilisé par deux gouvernements successifs pour espionner non seulement des criminels, mais aussi des journalistes, des avocats, des militants des droits humains et même des défenseurs de la santé publique. Sheva Yamim rapporte :

« Zerón a été très impressionné par les technologies qu’il a vues lors de sa formation en Israël et dans les enceintes fermées de la Drug Enforcement Administration (DEA) américaine à Mexico, et il voulait que les services répressifs mexicains subissent une révolution technologique. À l’époque où il occupait un poste de haut niveau dans les services de renseignement et de répression mexicains, une série de contrats ont été signés avec des sociétés de renseignement israéliennes pour l’achat de systèmes de surveillance et de piratage destinés aux services de renseignement et de répression mexicains, notamment le système Pegasus de la société NSO pour la pénétration des réseaux téléphoniques. La signature de Zerón figure sur au moins un des contrats avec NSO. Ces systèmes ont été très utiles dans la guerre contre les cartels de la drogue, mais ils ont également été utilisés, selon les rapports de divers journalistes internationaux, pour surveiller les militants des droits humains, les personnalités de l’opposition politique et même les parents éplorés des jeunes disparus d’Ayotzinapa. »

Le magazine ne s’attarde pas sur l’utilisation abusive du logiciel espion par le Mexique pour cibler les citoyens, mais transmet le récit de Zerón sur son importance pour “attraper les criminels”, y compris, bien sûr, El Chapo.

Dans le magazine israélien, la biographie de Zerón évolue en douceur, passant d’un travail dans le “domaine économique” pour la police à un rôle central dans la capture du célèbre baron de la drogue et chef du cartel de Sinaloa, Joaquín “El Chapo” Guzmán Loera. L’article décrit Zerón comme une “rockstar du système judiciaire mexicain” après la capture d’El Chapo. « Je me souviens de la date à laquelle nous l’avons capturé - le 22 février 2014 », dit Zerón, qui a personnellement informé le président du Mexique de la bonne nouvelle. »

Le récit du début de la carrière de Zerón ne mentionne pas certaines des affaires désastreuses auxquelles il a été associé, notamment l’étrange affaire “Paulette”, lorsqu’il était directeur de la section des enquêtes et des analyses du bureau du procureur de l’État et qu’il a coordonné les efforts de renseignement liés à la disparition d’une enfant handicapée de quatre ans, Paulette Gebara Farah, de son domicile en 2010. Malgré les recherches intensives et très médiatisées menées par les enquêteurs dans l’appartement de la famille, le corps en décomposition de l’enfant a été retrouvé enveloppé dans des draps sous son lit, neuf jours après sa disparition. La décision du procureur général de l’État de déclarer que la mort de Paulette était un accident a suscité l’indignation et la suspicion.

Zerón raconte à Sheva Yamim son expérience dans la supervision de l’enquête sur l’affaire Ayotzinapa. Sa version suit fidèlement le récit que lui et le procureur général de l’époque, Jesús Murillo Karam, ont fait lors d’une conférence de presse à Mexico le 27 janvier 2015, lorsqu’ils ont annoncé la “verdad histórica” (vérité historique) sur l’affaire. Selon leur récit, les 43 étudiants ont été sortis des bus à Iguala par des policiers corrompus travaillant avec un groupe criminel local, les Guerreros Unidos. Les policiers les ont remis à des membres du gang, qui les ont emmenés dans une décharge à ciel ouvert dans la ville voisine de Cocula, où ils les ont tués par balles. Ils ont transporté les corps en bas d’une montagne d’ordures de 40 mètres et les ont brûlés dans un gigantesque feu de joie jusqu’à ce que leurs restes soient réduits à des fragments d’os et à des cendres avant d’être jetés dans la rivière San Juan.

L’article n’aborde pas les nombreuses questions sur la “vérité historique” soulevées par les familles des 43 étudiants et ne mentionne même pas les conclusions du groupe de cinq experts indépendants (GIEI) suggérant que Zerón pourrait avoir placé des preuves sur le site de la rivière San Juan, le témoignage de l’expert en incendie José Torero, qui a prouvé qu’un feu de joie de la nature décrite n’aurait pas pu incinérer 43 corps en une nuit, ou la contradiction posée par la découverte, en 2020, de restes d’étudiants à plus d’un kilomètre du dépotoir.

Interrogé sur les accusations selon lesquelles il aurait torturé des détenus pour les forcer à dire ce qu’il voulait entendre, Zerón nie avoir torturé qui que ce soit, malgré une vidéo dans laquelle on l’entend menacer de jeter un détenu du haut d’un hélicoptère, et une autre vidéo dans laquelle il dit à un autre qu’il le tuerait s’il lui disait des “mamadas” (conneries). « Lors de notre entretien, M. Zerón a déclaré que ces propos avaient été tenus dans le feu de l’action : “Vous parlez à ce meurtrier méprisable, vous comprenez ce qu’il a fait et avec quel sang-froid il a massacré ces pauvres étudiants, et vous explosez” ».

Pour Tomás Zerón, la décision d’accorder une interview à Sheva Yamim - pour parler de certains aspects de son passé, de sa vie personnelle et de sa carrière - était un exercice calculé de relations publiques. Il est probable que Zerón se soit senti à l’aise pour parler avec un journaliste israélien qui ne connaissait pas bien le Mexique et qui aurait peut-être été moins enclin à le presser sur certains détails de son passé. (Plusieurs erreurs dans l’article témoignent d’un manque de connaissance du Mexique. Par exemple, l’article fait référence à l’élection présidentielle de 2018, que « Peña Nieto a perdue en grande partie à cause de l’assassinat des étudiants ». Il n’y a pas de réélection au Mexique et Peña Nieto n’était donc pas candidat en 2018).

Ce n’est pas la première fois que Tomás Zerón tente de diffuser un message pour redorer son blason. Le 3 juin 2020, moins de trois mois après son inculpation au Mexique, un article a été publié sur Yahoo ! Finance vantant les mérites de Tomás Zerón en tant que courageux agent de la force publique injustement pris pour cible par un gouvernement corrompu. Intitulé « Tomás Zerón de Lucio (TZL) : Le héros persécuté du Mexique », l’article était une tentative maladroite de mobiliser le soutien en faveur de l’ancien enquêteur en fuite, avec des fautes d’orthographe, un langage maladroit qui n’a manifestement pas été écrit par un anglophone de naissance, et qui est présenté comme provenant d’Accesswire, une société de relations publiques qui place des contenus sur des sites ouèbe et auprès d’organismes de presse.

Les relations publiques et les équipes juridiques de Zerón se sont nettement améliorées au cours des années écoulées. Son profil dans Sheva Yamim n’est pas très différent, dans certains détails, de celui décrit dans Yahoo ! Finance, mais le nouvel article est plus long, bien écrit et comporte de bien meilleures photos.

Aujourd’hui, selon Sheva Yamim, Zerón est partenaire d’un restaurant mexicain à Tel Aviv. Il aime les longues promenades, les visites de sites historiques et la musique. « Je fais beaucoup de sport ici et je dors bien », explique-t-il. Après des années de travail intensif, j’ai maintenant du temps pour moi... ».

« Ma vie en Israël est aujourd’hui consacrée à la réflexion sur le sens de la vie, à la pensée et à l’apprentissage... En Israël, j’ai appris que certaines des bonnes choses de notre vie sont celles qui nous sont données gratuitement : la liberté, la sécurité, la nature, la santé et la véritable amitié. »

Tomás Zerón ne pourra peut-être jamais retourner au Mexique en raison de l’inculpation pénale qui pèse toujours sur lui. Mais il semble, d’après cet article, qu’il ait trouvé un nouveau foyer en Israël.

L’article publié dans le Sheva Yamim de Yediot Aharonot comporte deux titres : Ronen Bergman et Itay Ilnai. Bergman a contribué à l’élaboration d’un rapport détaillé sur la réunion secrètement enregistrée qui a eu lieu en février 2022 entre Alejandro Encinas et Tomás Zerón à Tel-Aviv, dont il a parlé dans un article publié en octobre dernier dans le New York Times. Ilnai a interviewé Zerón pour l’article de Sheva Yamim et a rendu compte de la conversation.

Afin de permettre la lecture et l’analyse de l’article, les Archives de la sécurité nationale ont fait traduire l’article en anglais à partir de l’original hébreu. La traduction reflète le texte original publié dans Sheva Yamim. Afin de préserver l’intégrité de l’article, les Archives de la sécurité nationale n’ont pas signalé ou corrigé les erreurs dans l’article traduit. Toutefois, par souci de clarté, il convient de noter que le journaliste de 7 Jours  a interviewé Zerón en anglais, puis a traduit l’entretien en hébreu pour le publier. Les National Security Archive ont ensuite traduit l’article hébreu en anglais et l’ont distribué à des journalistes et à des organisations au Mexique, dont certains ont par la suite traduit des parties de l’article en espagnol pour leurs lecteurs. [Voir La Jornada du 15 avril]

Plus important encore, l’analyse mexicaine et usaméricaine de l’article du Yediot Aharonot n’aurait pas été possible sans les efforts du traducteur Emmanuel Auerbach-Baidini, qui mérite toute notre reconnaissance pour sa traduction fidèle et complète du texte hébreu original.

20/02/2023

“Aucun étranger ne sera autorisé à exploiter le lithium au Mexique” : AMLO signe le décret de nationalisation


Alonso Urrutia, La Jornada, 19/2/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Bacadéhuachi, Sonora - Dans cette communauté nichée dans la Haute Sierra de Sonora, le président Andrés Manuel López Obrador a signé le décret déclarant une zone de réserve minière de lithium de 234 855 hectares couvrant les municipalités d'Arivechi, Divisadero, Granados, Huásabas, Nacori Chico et Sahuaripa. La secrétaire à l'Économie, Raquel Buenrostro, a souligné que ces terres « présentent le plus grand potentiel d'exploitation du lithium de tout l'État. Si la nationalisation du pétrole a été un tournant, on se souviendra de la nationalisation du lithium comme du tournant qui a donné lieu à la nouvelle politique industrielle ».

 
Rogelio Ramírez de la O, Alfonso Durazo, Rocío Nahle, Raquel Buenrostro et Cresencio Sandoval ont accompagné le Président pour présenter le décret sur le lithium. Photo Présidence

Poursuivant sa tournée de travail, centrée sur le secteur de l'énergie, Lopez Obrador a une fois de plus fait appel à l'histoire, évoquant Lázaro Cárdenas pour souligner sa décision : « toutes proportions gardées et à une autre époque, il s'agit de nationaliser le lithium afin qu'il ne puisse pas être exploité par des étrangers. Ni de la Russie, ni de la Chine, ni des USA. Le pétrole et le lithium appartiennent à la nation, à vous, à tous ceux qui vivent dans cette région, à tous les Mexicains ».

Accompagné de son cabinet économique, il a rappelé que le Congrès avait déjà approuvé une réforme juridique contre laquelle, a-t-il dit, les conservateurs ont commencé à déposer des recours juridiques, car ils voudraient que le Mexique soit une colonie. « La seule chose est qu'ils ne vont pas pouvoir le faire avec leurs recours ou avec leurs controverses dans le système judiciaire. La décision a déjà été prise, la loi a été approuvée par le pouvoir législatif et le lithium appartient à la nation ».

Maintenant, a-t-il dit, vient le défi technologique, car contrairement aux gisements de lithium de Bolivie, du Chili ou d'Argentine, où ce minéral se trouve dans les roches, dans le cas du Sonora, il est mélangé à l'argile, de sorte que les techniciens mexicains travaillent déjà à déterminer la technique pour parvenir à la séparation des deux éléments.


 López Obrador a souligné l'importance du lithium pour la transition énergétique imminente dans la technologie automobile. Il a rappelé que les USA, le Canada et le Mexique se sont engagés à encourager cette conversion vers l'utilisation d'énergies propres. Dans cette logique, « nous ne pourrions pas avancer vers cet objectif si nous n'avons pas le lithium, si nous n'avons pas les batteries, et la matière première pour les fabriquer est le lithium ».

Lopez Obrador et la directrice du ministère de l'Énergie, Rocío Nahle, ont signé un accord chargeant le ministère de « donner suite à la déclaration de la zone de réserve minière de lithium ».

Le président a expliqué que cette décision s'inscrit dans le cadre des engagements du Mexique en faveur des énergies propres, qui comprennent également la centrale solaire de Puerto Peñasco, dont la première étape a été inaugurée ce vendredi et qui, à la fin de sa construction (il y aura trois étapes), aura la capacité d'alimenter 300 000 foyers de Sonora et de Basse-Californie. Il a assuré qu'il s'agit de décisions prises en pensant aux générations futures, « nous sommes déjà sur la voie de la sortie et nous pouvons même dire merci à la vie qui nous a tant donné » [allusion à la chanson de Violetta Parra, NdT].

Le président a rappelé une autre décision impliquant un effort conjoint entre les USA et le Mexique : l'accord du président Joe Biden ordonnant l'établissement d'une production de puces en Arizona pour mettre fin à la dépendance à l'égard des importations de puces en provenance d'Asie.

Il a déclaré qu'en raison de la pandémie, cette dépendance est devenue un problème qui a stoppé la production, non seulement de voitures, mais aussi d'appareils ménagers. La décision de Biden aura un impact sur le Mexique, car sa proximité avec Sonora complète le développement industriel de cet État.

Le gouverneur Alfonso Durazo a été plus explicite sur le potentiel de développement de l'exploitation du lithium, car Sonora est l'État qui possède les plus grandes réserves de ce minéral dans le pays, « qui va être un pilier du développement national ». Il a expliqué qu'en août 2021, Biden a publié un accord stipulant que d'ici 2030, au moins 50 % des voitures vendues aux USA devront être électriques.

L'intérêt pour l'État ne réside pas seulement dans le fait que cela va stimuler l'exploitation du lithium, mais aussi dans le fait que les voitures électriques impliquent également l'utilisation de cuivre et de graphite dans leur production. À Bacadéhuachi, nous avons le plus grand gisement de lithium et Sonora est également « le principal producteur de graphite du pays et le deuxième producteur de cuivre au monde et le premier au Mexique ».


 
NdT

Le décret du 23 août 2022 portant création de la société Litio para México (LitioMx) stipule entre autres que son objectif est de « gérer et contrôler les activités nécessaires à la production, la transformation et la distribution des dérivés du lithium, ce pour quoi elle pourra s'associer à d'autres institutions publiques et privées». Comme on le voit, une nationalisation…élastique. En novemre dernier le minsitre des AE Marcelo Ebrard avait annoncé que la production de batteries au lithium commencerait dans le deuxième semestre de 2023, en partenariat avec des entreprises chinoises, sud-coréennes, chiliennes et usaméricaines. Le gisement du Sonoroa est évalué à 1,7 million de tonnes, ce qui met le Mexique au 10ème rang mondial.

 

 

04/01/2022

RYAN DEVEREAUX
Plata y plomo: La demanda histórica de México contra las empresas de armas usamericanas

Ryan Devereaux, The Intercept, 27/12/2021
Traducido del inglés por
Sinfo Fernández, Tlaxcala

 Alejandro Celorio Alcántara no se sorprendió cuando finalmente llegaron las respuestas. Como alto asesor jurídico de la Secretaría de Relaciones Exteriores de México, Celorio dirigía un equipo de abogados que el pasado agosto presentó una demanda histórica, por la que acusaba a algunas de las empresas de armas más conocidas de Estados Unidos de negligencia letal a escala masiva. Con el objetivo de conseguir 10.000 millones de dólares en concepto de daños y perjuicios por una década y media de tiroteos y asesinatos, este litigio sin precedentes pretendía tener éxito allí donde las víctimas de la violencia armada al norte de la frontera casi tienen garantizado el fracaso, por lo que se pedía a un tribunal federal de Massachusetts que responsabilizara a diez empresas con sede en Estados Unidos  por el impacto de sus productos en el extranjero.

Las pistolas de Smith & Wesson Corp. se exhiben en el stand de la compañía durante la reunión anual de miembros de la Asociación Nacional del Rifle (NRA) en Indianápolis, Indiana, el 27 de abril de 2019. (Foto: Daniel Acker/Bloomberg/Getty Images)

Al volver de almorzar el 22 de noviembre, fecha del plazo de respuesta de los demandados, el abogado-diplomático mexicano se encontró con que las empresas habían hecho exactamente lo que se esperaba, argumentando que una ley de 2005 que la Asociación Nacional del Rifle (NRA, por sus siglas en inglés) considera uno de sus mayores logros legislativos, que concede “amplia inmunidad” a las empresas de armas en los juicios por violencia armada, no está limitada por las fronteras. Se extiende a todas partes, argumentaron, incluido México. El mensaje de las empresas, según la lectura hecha por Celorio, era simple: “No nos importa lo que hacemos. No nos importa que a otros no les guste cómo lo hacemos. Vamos a seguir haciéndolo”.

El “velo de impunidad”, como Celorio lo definió, era de esperar. Sin embargo, lo que sí le llamó la atención fue la posible filtración de la política en lo que México insiste en que es un desafío legal apolítico. Los fabricantes, holdings y distribuidores acusados en la demanda de 139 páginas presentada por México incluyen a Smith & Wesson, Barrett Firearms Manufacturing, Beretta U.S.A., Beretta Holding, Century International Arms, Colt's Manufacturing Company, Glock, Glock GES.M.B.H., Strum, Ruger & Co., Witmer Public Safety Group e Interstate Arms. En una presentación conjunta, en la que instan al tribunal a desestimar la demanda, las firmas que representan a las empresas -entre ellas uno de los mayores bufetes del mundo, Jones Day, que representó al presidente Donald Trump en sus esfuerzos por anular las elecciones de 2020- argumentan que “en el fondo, este caso implica un choque de valores nacionales”.

“La lectura que hacemos es que van a tratar de politizar esto”, dijo Celorio a The Intercept. “Están aumentando ya el coste político de que el juez falle a favor de México. Le están diciendo: ‘Eres estadounidense. Si dejas pasar este litigio, no guardas en tu corazón los valores americanos’”.

La historia de la demanda de México contra las empresas de armas de Estados Unidos, que lleva en curso más de dos años, se desarrolla en varios niveles a la vez. El litigio en sí pone a prueba si las protecciones legales inscritas en la Ley de Protección del Comercio Legal de Armas (PLCAA por sus siglas en inglés) que el presidente Joe Biden instó al Congreso a derogar en su estrategia nacional para prevenir la violencia con armas de fuego a principios de este año, se extienden a países extranjeros. Si la impugnación tuviera éxito, supondría un golpe histórico para los fabricantes de armas estadounidenses. Con limitadas excepciones, la PLCAA ha proporcionado un escudo casi impermeable a la industria de armas pequeñas con sede en Estados Unidos. Para las empresas de armas, la ley representa un baluarte vital contra las demandas que pueden acabar con la industria. Para los defensores del control de las armas, que señalan casos como el de las víctimas de la masacre del teatro de Aurora (Colorado), que fueron condenadas a pagar 203.000 dólares a un distribuidor de munición tras perder un juicio por motivos de la PLCAA, es el epítome de una marca profundamente estadounidense de impunidad de las empresas de armas.

Una niña se une a los defensores de la reforma de las armas que celebran una conferencia de prensa frente al Capitolio de Estados Unidos en Washington, DC, el 14 de abril de 2016. (Foto: Win McNamee/Getty Images)  Foto: Win McNamee/Getty Images)

La lucha legal también tiene como telón de fondo un dramático momento histórico en la relación de seguridad entre Estados Unidos y México. El año anterior y el año posterior a la aprobación de la PLCAA tuvieron lugar dos acontecimientos clave. En primer lugar, en 2004, el Congreso permitió que expirara la prohibición federal de las armas de asalto en Estados Unidos. En segundo lugar, en 2006, el gobierno mexicano anunció el despliegue del ejército en las calles en una “guerra” contra el narcotráfico. La administración Bush apoyó la campaña con un paquete de ayuda a la seguridad de miles de millones de dólares conocido como Iniciativa Mérida, comenzando así una era de colaboración binacional sin precedentes en el frente más violento de la guerra contra las drogas.