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21/11/2023

Argentine : Javier Milei, une canaille toquée, envoyée à la Maison Rose par la racaille tiktokeuse

Fausto Giudice,, 21/11/2023

Le 10 décembre prochain, Javier Milei prendra ses marques à la Casa Rosada, la Maison rose, sur la Plaza de Mayo à Buenos Aires. Le 58ème président argentin s’y installera avec ses chiens clonés, sa sœur raspoutinienne et sa concubine télégénique. Il est censé y rester jusqu’en 2027, à moins qu’il ne s’enfuie en hélicoptère en cours de mandat, comme un de ses prédécesseurs, Fernando de la Rúa, le 20 décembre 2001. Dans ce pays accablé par une politique surréaliste, on peut s’attendre à tout.

Au vu de ses prestations publiques depuis quelques années, Milei mérite bien son surnom : El Loco, Le Fou. Il a tout fait, tout dit, tout déballé, sur son enfance malheureuse, la perte de son chien, sa pratique du yoga tantrique, brandissant la tronçonneuse avec laquelle il va décapiter la Banque centrale, le ministère des Femmes, celui de la Culture, celui de la Protection sociale, le musée de la mémoire de l’ex-ESMA. Il va interdire l’avortement, autoriser la vente d’enfants, la vente d’organes, l’armement des bons citoyens épris de légitime défense, il va privatiser le pétrole et le gaz de schiste, et j’en passe. Bref, il n’a pas de programme, mais il a proféré tout au long de la campagne des éructations à tort et à travers. Peu de temps avant le deuxième tour, se rendant compte qu’il était allé un peu trop fort, il a cherché à tranquilliser les électeurs : « Pas de panique, je ne vais pas privatiser la santé et l’éducation ».

Bref, El Loco est un patchwork : une dose de humpy-trumpy, une louche de bolsonase, une effluve de zelenskiade, le tout saupoudré de melono-abascaliades avec un zeste de marino-orbanité, le tout à la sauce porteña.

Et le clown a fait un tabac chez ceux d’en haut, ceux du milieu et, surtout ceux d’en bas.

Les descamisados -les sans-chemise, un terme méprisant pour désigner les gueux, repris à leur compte par les péronistes – avaient fait un triomphe à Juan Domingo Perón en 1946, 1951 et, après le putsch de 1955 qui l’envoya en exil, au début des années 1970. Puis le mouvement péroniste avait explosé, entre factions totalement opposées : d’un côté l’aile marchante révolutionnaire, teintée de marxisme et de théologie de la libération, et l’aile fasciste, dirigée par Lopez Rega, le Raspoutine de Perón et de sa veuve Isabelita, organisateur des commandos de tueurs de la Triple A, l’Alliance Anticommuniste Argentine.

Ressortant de l’ombre après la chute de la dictature en 1983, le péronisme n’a fait que dériver de leader en leader : Menem, Duhalde, Kirchner I (le mari, Néstor) et Kirchner II (la femme, Cristina) et enfin Alberto Fernández. 80 ans après sa naissance au lendemain de la Révolution de 1943, le péronisme est bel et bien mort. Ce qui fut en son temps un raz-de-marée ouvrier et populaire et qui choisit comme premier nom de parti l’inimitable « Parti Unique de la Révolution » avant de se renommer « Parti Justicialiste », puis de changer de nom avant chaque grande échéance électorale, est devenu un panier de crabes se bouffant entre eux dans la course aux fauteuils et aux strapontins.

Les descamisados d’aujourd’hui, les 42% de la population classés comme pauvres, ne sont pas ceux du siècle dernier. Pour 46 millions d’habitants, on compte 38,2 millions de téléphones « intelligents ». Pas étonnant donc que les tiktokeurs aient voté pour un toqué. L’alternative était Monsieur 648% d’inflation, le ministre de l’Économie Sergio Massa. En le présentant comme candidat à la présidence, le postpostpostnéonéopéronisme s’est fait hara-kiri. En témoignent les résultats du vote dans les villas miseria, équivalent argentin des favelas brésiliennes. Dans presque tous ces anciens bastions du péronisme, on a voté pour El Loco, sans comprendre que Le Fou était un Fou du Roi, et que ce roi s’appelle Macri, lequel, tapi dans l’ombre, va tirer les ficelles du nouveau pantin de la Maison rose dollarisée.

« L’homme descend du singe, l’Argentin descend du bateau », dit une vieille blague. Les Argentins vont-ils reprendre un bateau – ou un avion – pour un nouvel exode ? Ou bien vont-ils nous régaler d’une explosion sociale généralisée, un Argentinazo ? Qui vivra verra.

16/10/2023

CORA GAMARNIK
Buenos Aires, 17 octobre 1945 : “Les pattes dans la fontaine”, une photo qui insiste pour être révélée

 Cora Gamarnik , Haroldo, la revista del Conti, 14/10/2021
Photos : avec l’autorisation de l’
Archivo General de la Nación
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Cora Gamarnik (Buenos Aires, 1967) est une communicatrice sociale, docteur en sciences sociales, enseignante et chercheuse en photojournalisme argentine. Elle coordonne actuellement le domaine d'études sur la photographie à la faculté des sciences sociales de l'UBA. Auteure de El fotoperiodismo en Argentina. De Siete Días Ilustrados (1965) à l'agence SIGLA (1975) (Ediciones ArtexArte, Buenos Aires : 2020). @coragamarnik 

À partir de cette image emblématique de l'origine du péronisme, celle que nous appelons “les pattes dans la fontaine”, l'auteure analyse le processus historique et politique qui a commencé ce jour-là. Pourquoi cette photo a-t-elle occupé cette place ? Quelles significations ont fait l’objet de disputes autour de cette image ? Qu'y a-t-il en elle qui la rende spéciale ?

Juan Molina et son frère sont assis au bord de la fontaine de la Plaza de Mayo. Tous deux sont vêtus de manteaux sombres, ont les cheveux gominés, pantalons retroussés, pieds dans l'eau. Entre eux, on aperçoit le chapeau de l'un d'entre eux. Juan travaillait dans une usine de boissons gazeuses, mais il n'y est pas allé ce jour-là, son frère lui ayant dit qu’il “fallait aller sauver Perón”. Ils ont pris le train de Caseros à Palermo et de là, ils ont marché jusqu'à la Plaza de Mayo. Juan portait des chaussures orthopédiques, la marche depuis Palermo [6 km] fut épuisante. Il faisait très chaud ce 17 octobre 1945.

A côté d'eux, Armando Ponce, un jeune de 17 ans originaire de Santiago, a enlevé sa chemise et sa veste et s'est rafraîchi les pieds dans la fontaine. Armando était apprenti dans une atelier de confection et ce matin-là, le délégué l'a appelé à se rendre sur la place de Mai : « Perón est à Martín García et ils veulent le fusiller parce qu'il nous défend », leur a-t-il dit. Et ils y sont allés, pour trouver des milliers de personnes qui faisaient la même chose qu'eux. Ce n'est qu'à dix heures du soir, avant de rentrer chez lui, qu'Armando a pris son premier repas de la journée, une part de pizza à Chacarita. Ce jour-là, les travailleurs de tous les coins de la conurbation de Buenos Aires sont arrivés tant bien que mal sur la Plaza de Mayo. Pour beaucoup, c'était la première fois qu'ils venaient dans la capitale. Des milliers de personnes ont franchi le fleuve Riachuelo [affluent du Rio de la Plata] et l’avenue General Paz - frontières physiques mais aussi symboliques - parce qu'elles sentaient que ceux qui les défendaient étaient en danger.

À l'intérieur du bassin de la fontaine de la Plaza de Mayo se tiennent deux femmes et un homme. L'une d'elles, qui tourne le dos sur la photo, porte un tailleur à manches longues, une jupe et tient à la main une paire de chaussures à talons hauts. L'autre fille, très jeune, vêtue d'une robe et d'une veste, regarde vers l'arrière et porte un autre vêtement au bras, qui pourrait être un gilet. Elles ont mis des vêtements adaptés pour aller au centre-ville. D'autres ont improvisé des bandeaux et des mouchoirs en tissu pour éviter la transpiration. Des bérets, des chapeaux, des bretelles, des T-shirts, des vestes et des chemises. Jamais, comme sur cette photo, on n'a autant parlé de vêtements pour parler de politique. Il y a beaucoup plus de personnes sur la photo. Quelqu'un lit un journal, un garçon tient un mât avec le drapeau argentin. Il n'y a pas d'autre pancarte, pas d'autre drapeau. Dans la marge gauche de la photo, les protagonistes sont des enfants. Ils jouent autour du jet d’eau, l'un d'eux tient une espadrille cassée à la main, les autres sont pieds nus, en pantalons courts ou retroussés. Au loin, plusieurs d'entre eux ont réussi à escalader le monument à Belgrano. C’est sûr que de là-haut, on voit beaucoup mieux la scène.

Le 17 octobre 1945 a été cristallisé dans la photographie qu’on appelle “les pattes dans la fontaine”. Elle montre une scène à la fontaine qui n'existe plus et a pour toile de fond la Casa Rosada [le palais présidentiel]. Elle a été prise vers cinq heures de l'après-midi par un photographe anonyme. Le décor est la Plaza de Mayo, entourée des bâtiments emblématiques du pouvoir politique, religieux et économique de l'Argentine. Un espace presque sacré à l'usage exclusif de l'élite dans les années 1940.

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26/08/2023

Les BRICS, deuxième bureau

Fausto Giudice, 26/8/2023

Euardo Eurnekian, qui aura 91 ans le 4 décembre, est la deuxième fortune d’Argentine, évaluée à 1,9 milliard de $ par Forbes en 2023. Fils d’immigrés arméniens qui commencèrent dans le textile, il est le fondateur-président de Corporación América, une holding tout-terrain : gestion d’aéroports (76 en Argentine et dans le monde, dont l’Arménie, ce qui en fait le plus grand opérateur privé du monde), pétrole, gaz et énergie, agro-industrie, bière, médias, finances, infrastructures (notamment routières). Décoré « héros national » en Arménie en 2017, il ne lésine pas ses dollars durement gagnés, distribuant de l’aide humanitaire, des Malouines au Chili et d’Haïti en Arménie. Bref , « Eduardo Eurnekian est un modèle formidable. Sa vision dépasse largement les limites du champ d'action de l'entreprise. Nous devons l'imiter. Il est une lumière qui nous guide » ( Baruch Tenenbaum, créateur de la fondation Raoul Wallenberg). En 2019, il a été accueilli à … l’Académie Nationale des Sciences de l’Entreprise (ça ne s’invente pas) à Buenos Aires, occupant le fauteuil d’Otto Bemberg (1827-1895), le « Roi de la Bière » germano-argentin que Juan Domingo Perón comparera à Al Capone. Mais comme a dit Don Eurnekian, « Si vous travaillez pour gagner de l'argent, vous êtes foutu. On ne travaille pas pour gagner de l'argent. Un artiste ne peint pas pour gagner de l'argent. Et un bon homme d'affaires est comme un artiste. »

L’autre jour, notre artiste a été interrogé sur l’entrée de l’Argentine dans les BRICS, qui alimente bien sûr la fièvre électorale qui frappe l’Argentine. La mère Bullrich, candidate macriste à la présidentielle, ex-ministre du Travail de De la Rua et de l’Intérieur de Macri, donc de double sinistre mémoire, a aussitôt déclaré devant les patrons argentins et yankees réunis en « Conseil des Amériques » : « Pas question que moi, Présidente, l’Argentine fasse partie des BRICS », qui ne sont, avec Lula, Poutine et compagnie, qu’un ramassis de cocos, auxquels vont s’ajouter les horribles Iraniens, célèbres massacreurs de juifs argentins. Son de cloche plus tonitruant chez le clown qui risque bien de faire gicler Tatie Pato [son surnom quand elle était jeune Montonera] dès le premier tour pour affronter au deuxième tour le candidat kirchneriste Sergio Massa, j’ai nommé Javier Milei : « Je ne ferai pas de pacte avec les communistes. Je ne ferai de commerce ni avec le Brésil, ni avec le Venezuela, ni avec Cuba, ni avec le Nicaragua, ni avec la Chine. Ma priorité, ce seront les démocraties du monde, en premier lieu les USA et Israël ». Qu’on se le dise. Quand les Israéliens pourront acheter autant de soja et de viande de boeuf que les Chinois, les barbiers de Palermo et Belgrano vous raseront gratis, inutile de sortir vos dollars.

Et qu’a répondu Eurnekian aux questions sur l’entrée de l’Argentine dans les BRICS ? «En lo personal no me molesta. Veo bien el ingreso de la Argentina a los BRICS» : « Moi, personnellement, ça ne me dérange pas; je vois ça comme une bonne chose  ». Deuxième question : « ça ne risque pas de compliquer les relations de l’Argentine avec les USA ? ». Réponse du vieux renard arménien : « No va a empiojar nada, vos podés tener tu señora y tu amante, negro » : « ça ne va rien compliquer du tout, tu sais, mec, tu peux avoir ta légitime et ta maîtresse, tranquillement ». Les BRICS, deuxième bureau* de l’Argentine ?

*Deuxième bureau : expression congolaise pour désigner la maîtresse d’un homme marié

15/08/2023

ALEJANDRO GRIMSON
Argentine : nouvelle droite, nouveaux défis

Alejandro Grimson, Página 12, 15/8/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Alejandro Grimson (Buenos Aires, 1968) est un anthropologue argentin, professeur et directeur de thèses de doctorat en anthropologie sociale à l’Institut de Hautes Études Sociales de l’Université San Martín, chercheur principal au CONICET (Conseil national de recherches scientifique et technique). Spécialiste entre autres des inégalités, des discriminations, des migrations, des zones frontalières, des cultures politiques, des identiéts et de l’interculturalité, il est l’auteur de six livres. CV

Le résultat choquant des élections primaires de dimanche donne lieu à d'importants débats. Je considère qu'il est essentiel d'examiner au moins dix questions :

1) La croissance exponentielle de l'extrême droite est un phénomène mondial qui a commencé en 2015 et 2016 avec les triomphes de Trump et de Bolsonaro. Boric et Petro ont remporté leurs scrutins contre des candidats du même type et ces forces font partie de tous les parlements en Europe. Nous sommes dans une nouvelle étape historique, de grande instabilité économique et politique et de renforcement des forces d'extrême droite.

2) Au niveau mondial, cette droite radicalisée s'est manifestée de deux manières. Soit par l'émergence de nouvelles forces, comme Vox en Espagne, soit par la radicalisation des partis traditionnels, comme aux USA. En Argentine, les deux se produisent en même temps. Ces droites ont des agendas économiques différents dans le monde entier et ne cadrent pas toutes facilement avec les stéréotypes sur les vieilles extrêmes droites.

3) Dans le cas de l'Argentine, il s'agit de néolibéraux en surrégime. Ils ont des candidats liés à la dictature et d'autres qui font partie de la vie démocratique depuis des décennies. Au fond, ils sont xénophobes, l'écrasante majorité est anti-droits des femmes et anti-diversité, mais ils sont ambivalents parce qu'ils ne pensent pas tous de la même façon et aussi parce que pour l'instant ce ne sont pas ces aspects qui opèrent dans la société. Ce qui fonctionne, c'est l'invention d'une issue prétendument simple à une crise économique déjà insupportable. La “dollarisation”, la “caste” et la promesse de répression et d'ordre ont conduit à cette performance électorale.

14/08/2023

JOSÉ PABLO CRIALES
Élections primaires en Argentine : victoire de Javier Milei, ultra, libertarien et “anarcho-capitaliste”
Portrait d’un clown trumpo-bolsonarien

José Pablo Criales, El País, 13/8/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

José Pablo Criales est correspondant du quotidien espagnol El País en Argentine.

Enfant battu, ado colérique, le candidat d’extrême droite remporte les primaires en capitalisant sur le ras-le-bol et en fixant l’ordre du jour politique par son histrionisme


Brûler la Banque centrale “mettra fin à l’inflation” ; la vente d’organes peut être “un marché comme un autre” ; les politiciens “devraient être virés à coups de pied au cul”. C’est avec de telles propositions, criées sur des estrades, que l’économiste ultralibéral Javier Milei s’est emparé de l’agenda public argentin. Histrionesque, échevelé, mais en même temps très attentif à son image, le candidat d’extrême droite a imposé sa fureur anti-establishment dans le débat politique depuis la première fois qu’il a foulé un plateau de télévision en 2016. Sa colère a capté la frustration d’une société dégoûtée par la politique : d’animateur de talk-show à candidat à la présidentielle, Milei a été le candidat le plus voté lors des primaires de dimanche. Il a obtenu près de 32 % des voix, devançant le parti péroniste au pouvoir et une droite qui avait commencé à lui demander d’écrire son propre scénario. Milei n’a pas voulu faire de pacte. Son cri de guerre est contre tous les autres : « La caste a peur ».

Fils d’un chauffeur de bus devenu entrepreneur dans le transport et d’une femme au foyer, Javier Milei (Buenos Aires, 52 ans) a grandi dans un foyer violent. « Pour moi, ils sont morts », répétait-il à propos de ses parents en 2018, à l’apogée de sa carrière d’animateur de talk-shows télévisés. Milei avait alors passé une décennie sans parler à Norberto et Alicia, qui l’ont élevé au milieu des coups et des violences verbales. Inhibé à la maison, soutenu uniquement par sa grand-mère maternelle et Karina, sa jeune sœur, il s’est fait connaître pour ses colères à l’école. 

Selon son biographe non autorisé, le journaliste Juan Luis González, il était surnommé El Loco (le fou) à l’école catholique secondaire qu’il fréquentait, en raison de ses accès de colère qui, des décennies plus tard, ont fait de lui l’économiste préféré de la télévision et un député national. Milei a étudié à l’école Cardenal Copello de Villa Devoto, une banlieue résidentielle de la classe moyenne supérieure de Buenos Aires, où il a joué au football en tant que gardien de but dans les divisions inférieures de l’équipe Chacarita Juniors, a chanté dans un groupe qui reprenait les Rolling Stones, et où il n’y a aucun souvenir de petites amies ou d’amis.

Milei peut encore échouer dans sa course à la présidence le 22 octobre, mais il s’est vengé de la solitude de sa jeunesse par les acclamations populaires. Quelque 10 000 personnes l’ont applaudi lundi 7 août lors de la clôture de sa campagne. Le candidat, qui a fait sa carrière politique en menaçant de “virer les politiciens à coups de pied au cul” et en fulminant contre “la caste”, est revenu sur le chemin parcouru depuis qu’il a été le fer de lance de l’arrivée de l’extrême droite au Congrès argentin en novembre 2021. Depuis un an et demi qu’il siège parmi les députés, il n’a promu aucun projet et a tiré au sort parmi ses partisans chacun de ses salaires. Ses fidèles applaudissent ces deux gestes : Milei ne réchauffe pas le banc, il révèle l’inefficacité de la Chambre ; il n’est pas un populiste qui partage le gâteau, il dénonce les politiciens et leurs salaires chaque mois plus élevés. Alors que le stade à moitié plein entonnait le chant dont il a fait sa bannière, “Que se vayan todos” [Qu’ils dégagent tous], Milei a remercié six êtres : El Jefe, comme il appelle sa sœur Karina, son pilier affectif et la coordinatrice de sa campagne, et Conan, Murray, Milton, Robert et Lucas, les cinq mastiffs anglais qu’il appelle ses “petits enfants à quatre pattes”.

Économiste, titulaire d’une licence et d’une maîtrise d’universités privées de Buenos Aires, Milei a joué un rôle moteur dans le débat sur la dollarisation face à l’inflation galopante, sur l’ajustement des dépenses publiques qui, en Argentine, maintiennent un État fort auquel aucun politicien n’ose toucher, et sur la lutte contre la criminalité. Mais rien n’a autant fait parler de lui que sa vie privée.

C’est en partie sa responsabilité. Milei préfère souvent s’enliser dans des explications plutôt que de se sortir d’une situation délicate par un oui ou un non. Le biographe González affirme par exemple que Milei étudie la télépathie et dispose d’un médium pour communiquer avec l’aîné de ses mastiffs, mort en 2017, à qui il demande conseil. « Ce que je fais à l’intérieur de ma maison, c’est mon problème », a-t-il répondu dans une interview accordée à notre journal. « Et s’il est, comme on le dit, mon conseiller politique, la vérité est qu’il a enfoncé tout le monde ».

C’est sa réponse classique. En juin de l’année dernière, il a qualifié la vente d’organes de “marché de plus” lors d’un débat radiophonique. « La personne qui a décidé de vous vendre l’organe, en quoi a-t-elle porté atteinte à la vie, à la propriété ou à la liberté d’autrui ? Qui êtes-vous pour déterminer ce qu’il doit faire de sa vie ? », a demandé Milei, et la spirale s’est emballée. Quelques jours plus tard, un journaliste lui demande s’il adhère à une autre théorie qui postule la “vente d’enfants”. “ça dépend”, répond Milei, qui s’empêtre. “La réponse ne devrait pas être négative ?”, lui demande le journaliste. “Si j’avais un enfant, je ne le vendrais pas”, a-t-il répondu. « La réponse dépend des termes dans lesquels vous pensez, peut-être que dans 200 ans, on pourrait en débattre”.

Fin mai, il a frôlé le non-sens en relevant le gant de la dérision. « Javier Milei est un panéliste ébouriffé qui crie sur scène et couche avec huit chiens et sa sœur », a décrit Victoria Donda, ancienne députée de gauche et directrice de l’Institut national contre la discrimination sous l’actuel gouvernement péroniste, « Je n’ai pas huit chiens, j’en ai cinq », s’est-il borné à répondre sur le plateau d’une chaîne de télévision amie qui lui demandait une réponse.

Ce sont des sorties peu communes pour quelqu’un qui devrait être habitué aux chaînes de télévision, où il est arrivé le 26 juillet 2016 lors de l’un des talk-shows télévisés de minuit. « Il pourrait être ministre de la Culture, mais il sera ministre de l’Économie », l’ a présenté l’animateur d’Animales Sueltos, Alejandro Fantino. « Donne-moi la Banque centrale », a répondu Milei avec ironie, et il a monopolisé toute l’heure. Ce fut le moment inaugural de sa nouvelle vie. Milei avait passé des années à travailler dur. Il a été conseiller du général Antonio Bussi, un militaire qui a été gouverneur de la province de Tucumán pendant la dictature, puis député national ; économiste en chef de la Fundación Acordar, le groupe de réflexion d’un ancien gouverneur péroniste de Buenos Aires, Daniel Scioli ; et il a travaillé dans l’entreprise qui gère la plupart des aéroports argentins. Son ancien patron, Eduardo Eurnekian, l’un des hommes les plus riches du pays, est également propriétaire de la chaîne de télévision qui l’a rendu célèbre.

Ses contradictions ne semblent pas gêner un tiers du pays qui fête sa victoire ce dimanche. Il fulmine contre la “caste”, mais la connaît depuis longtemps ; libertarien, il s’oppose à l’avortement et à l’éducation sexuelle dans les écoles ; il a gagné l’affection d’une grande partie de la communauté immigrée, mais la menace d’un traitement différent en interdisant l’entrée des étrangers ayant un casier judiciaire et en expulsant ceux qui commettent des délits dans le pays. « Il m’est arrivé des choses très fortes qui dépassent toute explication scientifique », déclare Milei, qui a grandi dans le catholicisme et connaît bien la Bible. Aujourd’hui, l’un de ses grands conseillers est un rabbin et il dit qu’il “étudie” la possibilité de se convertir au judaïsme.

Il y a un an, beaucoup pensaient que sa campagne n’arriverait pas jusqu’à cet hiver austral. Le 10 juin 2022, par un froid glacial à Buenos Aires, Javier Milei a convoqué son premier grand meeting dans la banlieue de la capitale. Six mois s’étaient écoulés depuis son arrivée au Congrès, sa popularité était en plein essor et il commençait déjà à annoncer qu’il voulait être président. Le rassemblement fut un échec. Un peu plus d’un millier de personnes y assistèrent et les moqueries à l’égard de l’économiste libertarien, qui menaçait de mener une révolution nationale contre la “caste politique” depuis un stade vide au milieu de nulle part, furent intenses. Ce fut aussi le début de sa guerre politique : accompagné seulement de sa sœur et d’un ancien conseiller de presse du gouvernement néolibéral des années 1990, une partie de sa base commence à dénoncer le fait que le parti qu’ils avaient construit dans la boue, La Libertad Avanza, était coopté en faveur du recyclage de politiciens has been.

La justice enquête actuellement pour savoir si l’entourage de Milei a demandé des milliers de dollars en espèces en échange de places sur les listes pour les élections générales d’octobre, mais son parti est plus fort que jamais. Il a également renoué le dialogue avec ses parents. Il aura 53 ans le 22 octobre, jour de l’élection présidentielle. Il pourrait s’offrir le cadeau de sa vie.

La Libertad Avanza: la franchise de Milei :
-Je voudrai une place sur la liste de députés provinciaux
Ça fera 50 000 dollars. Vous ne voulez pas ajouter un maire et deux conseillers ?

 

 

06/07/2023

JUAN PABLO CÁRDENAS S.
La guerre de l’Araucanie

Juan Pablo Cárdenas S., Política y Utopía , 3/7/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

(À la mémoire de Duncan Livingston)

Un célèbre journaliste mexicain avait observé que le Chili était le pays des euphémismes, car nous sommes habitués à appeler les choses par un autre nom et nous n’utilisons pas les vrais adjectifs pour décrire par exemple les actes de corruption pure et simple. Ainsi, aujourd’hui encore, certains préfèrent appeler la dictature pinochétiste Gouvernement militaire, tout comme le coup d’État de 1973 a été connu pendant des années sous le nom de “pronunciamiento militaire”.

Les livres d’histoire continuent d’appeler la guerre et le génocide d’État contre le peuple mapuche (1851-1883) “pacification de l’Araucanie” : son coût en vies humaines est estimé à 60-70 000 indigènes, auxquels des milliers d’hectares ont été arrachés pour être distribués à des colonisateurs nationaux et étrangers. Une vaste dépossession qui a duré plusieurs décennies et dont les territoires sont toujours dominés par des entreprises forestières et agricoles privées.

Les gouvernements post-dictature ont fait quelques efforts pour restituer une partie des territoires usurpés aux Mapuches, mais il ne fait aucun doute que ce processus a été trop lent et qu’il a épuisé la patience des peuples natifs de la région. Personne ou presque n’ignore, en tout cas, que la lutte des Mapuches pour récupérer leurs terres ancestrales est juste, même si les derniers gouvernements ont censuré la radicalité de leurs actions pour récupérer ce qui leur a toujours appartenu.

Le gouvernement de Gabriel Boric a décidé de prolonger les états d’exception dans la macro-zone sud du pays, tout en mobilisant des milliers de militaires pour, par euphémisme, imposer “l’État de droit” dans ces régions secouées par la violence, les sabotages contre les entreprises usurpatrices et la récupération de leurs propriétés ancestrales.

Depuis la militarisation de la zone et la reconnaissance de l’incapacité des carabiniers à imposer seuls l’“ordre public”, nous vivons une nouvelle guerre interne. La confrontation de l’État avec les différents référents politiques de ce qui est considéré comme une nation qui aspire à récupérer ce qui lui a été enlevé, ainsi qu’à se donner des formes d’autonomie politique et administrative.


Héctor Llaitul en prison avec la version espagnole de L’An V de la Révolution algérienne de Frantz Fanon

Parmi ces organisations figure la Coordination Arauco Malleco (CAM), dont le principal dirigeant est emprisonné et fait l’objet de poursuites en vertu de la législation antiterroriste. On ne peut ignorer le fait que de nombreux dirigeants actuels reconnaissaient la pleine légitimité de la CAM et de son principal dirigeant, Héctor Llaitul. Cette appréciation a changé depuis l’arrivée à La Moneda des leaders étudiants qui ont marché avec les Mapuches dans les mobilisations sociales.

Pour les nouvelles autorités, aujourd’hui, Llaitul et ses partisans sont qualifiés de terroristes par le ministère de l’Intérieur et les militaires comme les policiers ont obtenu le droit de tuer s’ils le jugent nécessaire pour défendre les entreprises et les propriétaires privés menacés par l’action des rebelles ou des insurgés mapuches. Le CAM est même accusé d’actes tels que le vol de bois et certains incendies criminels, dont on craint à juste titre qu’ils soient souvent le fait des hommes d’affaires de la région eux-mêmes.

En ce sens, il y a déjà une longue histoire de victimes de montages policiers qui ont affecté les membres de la communauté du Wallmapu et les prisons se remplissent de détenus qui aujourd’hui, par le biais de grèves de la faim, demandent un traitement pénitentiaire digne et la reconnaissance de la jurisprudence internationale en ce qui concerne les minorités indigènes.

La répression brutale n’est pas reconnue comme un acte de guerre contre un groupe ethnique qui, bien sûr, a dû s’armer et recourir à des actes de violence pour faire reconnaître ses droits et persuader les entreprises de quitter la région afin que leurs territoires soient restitués à leurs propriétaires légitimes et ancestraux. Il faut également reconnaître que la cause mapuche est soutenue par de nombreux Chiliens et groupes du nord au sud du pays qui sont prêts à collaborer à leur résistance et à apporter des ressources pour faire face à l’occupation militaire.

Cela explique pourquoi, au cours des derniers mois, l’état d’urgence et les mouvements de troupes n’ont pas eu l’effet escompté par les dirigeants actuels et ont, au contraire, contraint les Mapuches à la lutte armée, au sabotage et à d’autres actions qui constituent un véritable scénario de guerre qui ne veut pas être reconnu comme tel et qui devrait l’être à l’avenir. Surtout si l’on tient compte du fait que, depuis cinq siècles, la lutte des Mapuches n’a jamais cessé et que leurs convictions n’ont jamais pu fléchir. Surtout maintenant que des millions de personnes dans ce pays reconnaissent leur identité mapuche, avec sa langue, ses valeurs et ses drapeaux. Et maintenant, des deux côtés de la Cordillère des Andes, tout un peuple qui se reconnaît comme frères et sœurs, attend de se rassembler et de revendiquer sa reconnaissance et ses droits.

Malheureusement, la nouvelle génération d’hommes politiques, sur ce sujet comme sur d’autres, ne fait rien d’autre que de prolonger les politiques et les mauvaises pratiques de leurs prédécesseurs au gouvernement. Et nous pouvons y observer un discours plus radical, même, que celui des dirigeants de la droite et du centre.

Si l’on parle tant actuellement du risque d’une nouvelle Explosion sociale, il serait bon de noter que cette fois-ci, c’est dans le sud que la mèche du mécontentement général pourrait s’allumer.

        

 

 

15/06/2023

JORGE FALCONE
Il y a un demi-siècle, le massacre d’Ezeiza en Argentine
20 juin 1973 : le jour où les péronistes d’en haut ont dit basta à la révolution

Jorge Falcone, Contrehegemoniaweb,  12/6/2023
Original :
Medio siglo de la masacre de Ezeiza: el día en que el peronismo le dijo basta a la revolución
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala


Jorge “Chiqui” Falcone (La Plata, 1953) est poète, journaliste, essayiste, communicateur audiovisuel et cinéaste spécialisé dans l’animation (IDAC, 1992). Il est professeur à l’université de Palermo au département audiovisuel et au département de recherche et de production de la Faculté de design et de communication, Ancien directeur des relations publiques de la Société argentine des écrivains, juré dans de nombreux concours littéraires et festivals de cinéma, il publie régulièrement des articles dans divers médias. Membre fondateur du Mouvement des cinéastes documentaires.



Chiqui au siècle dernier et de nos jours

Petit-fils du poète populaire de Magdalena (Province de Buenos Aires) Délfor B. Méndez, et fils du Dr Jorge Ademar Falcone, premier sous-secrétaire à la Santé publique (1947-1950), sénateur puis prisonnier politique, “Chiqui” était officier dans la structure de presse des Montoneros sous le pseudonyme de Hugo Conte. Sa sœur María Claudia a été assassinée à l’âge de 16 ans par la dictature lors de la tristement célèbre " Nuit des crayons" en septembre 1976 à La Plata.

Préambule
Après presque 18 ans de proscription des grandes majorités nationales, et surfant sur la crête de la vague de résistance qu’elle a engendrée, un couple d’amoureux arrive dans les bois d’Ezeiza passé midi, le Jour du Drapeau (20 juin) en 1973. Ils se connaissent depuis près d’un an à l’École supérieure des Beaux-Arts de La Plata. En pleine période de désorientation professionnelle, il entame une licence en sciences médicales, elle est en terminale d
arts plastiques. Ils sont à peine une goutte d’eau dans l’océan plébéien qui inonde les environs de l’aéroport international dans l’espoir de rencontrer l’homme qui, lors des déjeuners et des dîners de famille, leur a été présenté par leurs parents comme le leader incontesté de la nation argentine.

Photo de Juan José Rincón, secrétaire de presse de la Jeunesse péroniste de la République argentine (JPRA) d’Avellaneda, victime d’une tentative de lynchage depuis l’estrade où Perón devait parler, à son retour en Argentine, lors de l’événement violent connu sous le nom de massacre d’Ezeiza. Source : Jorge Zicolillo, (La era de los culatas. La derecha peronista y el patoterismo sindical. Buenos Aires, 2013

C’est une journée ensoleillée et la joie est générale. Ayant pris position avec le contingent militant de la tendance péroniste révolutionnaire de la région sud de Buenos Aires, lui se rend dans la zone des pîscines pour boire quelque chose. Elle reste avec les autres et engage une conversation avec une militante de Mar del Plata. Peu après, sans raison apparente, les gens se mettent à courir. Et, sentant qu’il se passe quelque chose de grave, il tente de s’approcher de l’endroit où il l’a laissée, s’abritant dans les arbres, et entendant pour la première fois de sa vie le son court et sec, sans aucune réverbération, de ce qui semblent être des coups de feu. Une Ford Falcon commence à être dévorée par les flammes. La foule rassemblée devant la scène principale, adoptant le comportement d’un gigantesque organisme unicellulaire, engloutit un tireur présumé. Les haut-parleurs appellent au calme. Puis, sans se soucier de rien, il court, angoissé, à la recherche de sa compagne. Il lutte pour la retrouver et la prend dans ses bras. La jeune femme tremble comme une feuille. Elle bredouille que son interlocutrice a une tache rouge qui s’élargit dans la poitrine, et qu’elle est tombée, inanimée. Une nouvelle volée de ce qui est manifestement des coups de feu est tirée, sifflant à proximité et soulevant des poignées de terre autour d’eux. Les coups de feu semblent provenir des arbres. Au milieu des tirs, une voix familière crie « les voilà, ce sont ceux avec le brassard rouge et noir ». Les deux jeunes se laissent tomber dans un fossé à sec et s’y abritent pour une durée indéterminée.

Elle, c’est Nilda Ema Eloy - à la mémoire de laquelle ce texte rend hommage - et lui, c’est le soussigné. Ce qui suit tentera de faire la lumière sur une circonstance que ces apprentis militants populaires, dans le feu de l’action, n’avaient pas su saisir.


Arrière-plan du massacre

Depuis le renversement du gouvernement populaire (de Pérón) et la restauration oligarchique qui s’en est suivie en 1955, la résistance contre le régime de facto s’est intensifiée, passant du sabotage de la production, des grèves et des prises d’usines à la généralisation des foyers de lutte armée.

Ces premières expressions de rébellion ont été menées par des militants politiques et syndicaux du péronisme originel, et celles qui ont suivi par une nouvelle génération de militants qui n’ont pas vécu cette “Nouvelle Argentine” dans laquelle “les seuls privilégiés [seraient] les enfants” [Pérón, 2 avril 1951], mais ont compris que son créateur synthétisait là le désir de la majorité des Argentin·es, et la possibilité de donner une continuité à cet “instant dans la Patrie du Bonheur” (sous-titre du film “Pulqui”, d’ Alejandro Fernández Mouján, 2007)


En 1973, le slogan Luche y Vuelve [Lutte et reviens, sous-entendu Perón, slogan lancé dans un meeting au Stade Nueva Chicago, le 28 juillet 1972,  par Rodolfo Galimberti, lideur de la Jeunesse Péroniste, NdT], qui n’a jamais eu besoin d’être traduit, a été massivement repris, car tout le monde s’accordait à dire que celui qui n’avait pas besoin d’être nommé garantirait la justice sociale tant attendue.

S’emparer de la tribune pour que la gauche ne contamine pas les masses

Après l’échec de ses tentatives de retour de Perón en 1964 et 1972, à la suite de l’“urnazo” [victoire électorale] du 25 mai 1973, qui a consacré Héctor J. Cámpora comme président, les conditions étaient réunies pour un retour réussi et définitif de l’ancien dirigeant dans sa patrie, un événement prévu pour le 20 juin de cette année-là.


Des nervis de droite armés sur la tribune; ils ont canardé les attroupements des formations spéciales péronistes de gauche

Pour célébrer cet événement tant attendu, une commission fut créée, dont la composition montrait un net déséquilibre dans le poids de chacun des secteurs en conflit au sein du mouvement péroniste. Juan Manuel Abal Medina - qui vient de publier sa version de cette période -, Norma Kennedy, le colonel (ER) Jorge Osinde, José Rucci et Lorenzo Miguel, responsables respectivement de la CGT et des 62 organisations péronistes, y ont participé. Ils décident que la loge d’accueil de Perón sera située à l’intersection de la route Ricchieri et de la route 205, afin de permettre l’accès et la participation des millions d’Argentin·es qui viendront à la rencontre de leur Líder. C’est ainsi qu’elle a été installée près du pont 12, à proximité de Ciudad Evita, tout près de l’aéroport où atterrirait l’avion.

Les lieux. En bleu, le pont où avait été installée la tribune. En rouge, le foyer-école. En jaune, l’autoroute Ricchieri (la flèche indique la direction de l’aéroport).
Source :

Dès le matin, les gardes désignés par la Commission d’organisation s’impatientent. Ils sont des centaines, des gros bras des services d’ordre syndicaux syndicalistes, des militants du Comando de Organización, de l’Alianza Libertadora, des militaires et des policiers à la retraite, et quelques mercenaires français engagés par Ciro Ahumada, un ancien capitaine de l’armée qui a participé à la résistance péroniste et qui, à un moment donné, a commencé à travailler pour les services de renseignement de l’État.

Ils étaient armés de fusils FAL, de mitraillettes Uzi, Ingram et Halcón. L’opération paramilitaire comprenait également une arrière-garde : quelques jours auparavant, ils avaient occupé Le Foyer École Santa Teresa, situé à quelque 600 mètres de la scène, qui abritait des centaines d’enfants en internat. Ces enfants ont été témoins de l’installation des nervis dans les chambres utilisées pour étudier et dormir.

La droite et la gauche péroniste s’affrontent à coups de feu à Ezeiza avant l’arrivée de Juan Perón en 1973

A la tête de l’opération, Alberto Brito Lima, issu de la résistance et des premiers groupes des Jeunesses péronistes, déterminé à rayer de la carte la tendance révolutionnaire du péronisme. L’opération est centralisée et surveillée en permanence par Osinde lui-même et Norma Kennedy, installés dans l’hôtel Internacional d’Ezeiza, et entourés d’hommes lourdement armés.

Détourner l’avion pour que le Líder ne rejoigne pas la génération qui a permis son retour

À la date de retour convenue, Vicente Solano Lima, président de la nation par intérim, a communiqué depuis Ezeiza avec l’avion présidentiel, qui survolait alors Porto Alegre, au Brésil :

- Écoutez, docteur, la situation est grave. Il y a déjà huit morts, sans compter les blessés par balle et les blessés plus ou moins graves. C’est l’information que j’ai reçue peu après midi. Deux heures se sont écoulées depuis et les affrontements risquent de s’intensifier. De plus, la zone la plus grave est précisément celle où Juan Domingo Perón va s’exprimer.

- Héctor J. Cámpora (depuis le cockpit de l’avion présidentiel) : Mais docteur, comment le peuple peut-il ne pas voir le général ?

- Lima : Comprenez-moi bien, s’ils viennent ici, on leur tirera dessus. Il est impossible de contrôler quoi que ce soit. Personne ne peut le faire.

Au moment de la réunion prévue, la fête s’est transformée en pandémonium. Il y eut des lynchages, des castrations et des pendaisons aux arbres, et l’avion qui ramenait Perón a atterri sur la base de Morón.


Dans les bois d’Ezeiza et aux abords de l’aéroport, la droite et la gauche péroniste s’affrontent le 20 juin 1973

Accompagner le feu balistique d’un feu médiatique

Ce qui aurait dû être une fête s’est soldé par 13 morts et 365 blessés.


Le massacre d’Ezeiza : il n’y a pas d’informations précises sur le nombre de morts

De nombreuses personnes ont quitté les bois d’Ezeiza du mieux qu’elles pouvaient sans savoir ce qui s’était passé, laissant derrière elles un véritable champ de bataille jonché de cartes d’identité perdues, de chaussures orphelines et, à l’occasion, de poupées piétinées. Il y avait un énorme sentiment de consternation face à la frustration du plus grand événement jamais vu en Argentine et au-delà, sans orateur, sans rien. Il n’y a pas eu une confrontation, comme l’affirme encore la presse malhonnête de notre pays, mais un massacre.

Il s’agissait d’un événement historique, et la tendance révolutionnaire du péronisme - dont la direction s’est également munie d’armes défensives - a eu la volonté politique de montrer clairement que le processus en cours avait une orientation transformatrice, marquée par les nouvelles générations. C’est pourquoi elle a mobilisé tout son peuple à l’intérieur du pays et à Buenos Aires, en déployant un effort d’organisation maximal, avec des bannières claires et sans slogans, juste une présence.

Le lendemain, Perón rend ce secteur responsable des événements et abandonne le discours en faveur d’un socialisme national [à ne pas confondre avec le national-socialisme, NdT] qu’il avait tenu pendant son exil.

Dans ces circonstances, la tension entre le peuple et l’oligarchie, qui s’était accrue au cours des années de résistance aux coups d’État militaires successifs, s’est déplacée vers le centre de gravité du mouvement péroniste.

Le chemin vers la débâcle de la nation argentine

Le 13 juillet 1973, le président Cámpora - alors très discrédité par les orthodoxes de son mouvement en raison de sa condescendance à l’égard des secteurs radicalisés de la jeunesse - est démis de ses fonctions par un auto-coup d’État institutionnel qui consacre Raúl Lastiri comme président intérimaire, lequel appelle à de nouvelles élections qui placeraient Perón sur le “Fauteuil de Rivadavia” [premier président -1826-1827 - des “Provinces Unies du Rio de la Plata en Amérique du Sud”, devenues la République argentine en 1860. En fait le fauteuil date de 1885, il est en noyer italien et a été acheté à la Maison Forest à Paris, NdT]

Le 1er octobre de la même année - le jour de son anniversaire et avant d’assumer son troisième mandat présidentiel - Perón a convoqué les membres de son gouvernement, les militaires et les hauts fonctionnaires de police à une réunion qui devait déboucher sur un “document réservé” publié par le journal La Opinión le lendemain. Ce document déclarait qu’il y avait une guerre et que l’État devait utiliser tous les moyens nécessaires pour faire face à l’ennemi.

 

Le logo de la Triple A et une caricature de son leader José López Rega, alias “El Brujo” (Le Sorcier) avec un masque de Perón


C’est à l’initiative de secteurs factieux motivés par cette orientation, et en liaison avec une Internationale de la Terreur, qu’est née l’Alliance anticommuniste argentine - plus connue sous le nom de Triple A -, un gang parapolicier d’extrême droite visant à liquider la gauche et l’aile radicalisée du mouvement péroniste. On estime qu’elle a assassiné entre 1 500 et 2 000 personnes et qu’elle a fonctionné jusqu’au coup d’État militaire de 1976. Elle comptait dans ses rangs des policiers, des ex-policiers, des militaires, des hommes de main de la bureaucratie syndicale et même des mercenaires croates. Le chef local du gang était José López Rega, secrétaire de Perón chargé du ministère de la protection sociale, d’où partaient de nombreux hommes armés pour mener à bien les opérations.

En janvier 1974, le gouvernement péroniste transmet au Congrès un projet de loi visant à modifier le code pénal. L’objectif est de freiner la guérilla de l’ERP [Armée révolutionnaire du peuple créée par le Parti révolutionnaire des travailleurs, trotskyste, NdT] qui, profitant de l’abrogation des lois répressives, a perpétré 185 actions armées entre juillet et décembre 1973, soit une moyenne d’une par jour. Les députés Montoneros s’opposent aux changements. Perón les reçoit et leur explique la nécessité des réformes. Mécontents, huit d’entre eux démissionnent.

Avant la fin du mois, un répresseur de triste mémoire a été convoqué par le ministre de la protection sociale de l’époque, le général Jorge Osinde, avec l’approbation immédiate du président Perón. Il s’agit d’Alberto Villar. Il est d’abord nommé chef adjoint, puis chef de la police et, par le décret 312/74, il est promu commissaire général. En même temps que Villar, un autre poids lourd et moraliste implacable reprend du service, le commissaire Luis Margaride, nommé surintendant de la sécurité fédérale. Pendant son bref intérim, Villar avait créé l’agence privée de sécurité et d’investigation Intermundo S.R.L., rebaptisée au fil des ans Escorpio, dont l’un des nouveaux propriétaires était le général Carlos Suárez Mason. L’une des premières tâches d’Intermundo fut de prendre en charge le créateur de l’Opus Dei, Monseigneur José María Escrivá de Balaguer, qui s’était rendu à Buenos Aires en 1973.

Le mercredi 27 février de la même année, une sorte de contre-Cordobazo a eu lieu, qui a renversé le gouverneur constitutionnel de la province de Cordoba, Ricardo Obregón Cano, et son vice-gouverneur Atilio López, qui n’ont pas pu communiquer avec le président Perón alors que des hordes de fascistes sous le commandement du lieutenant-colonel Antonio Navarro assiégeaient le siège du gouvernement.

Le “Navarrazo” est un coup d’État policier validé par le gouvernement national lorsqu’il est intervenu dans la province sans réintégrer les représentants démocratiques destitués. Il a été considéré comme un antécédent immédiat de la dictature instaurée le 24 mars 1976.

Il convient de rappeler que lors des élections du 11 mars 1973, le FREJULI (Front Justicialiste de Libération] a remporté une large victoire, avec pratiquement 50 % des voix pour Cámpora. Outre la présidence, cinq provinces sont remportées par des candidats liés au péronisme révolutionnaire, dont les provinces stratégiques de Buenos Aires, avec Oscar Bidegain comme gouverneur, et de Cordoba. Ces deux dernières sont rejointes par Mendoza, avec le gouverneur Alberto Martínez Baca, Salta avec le gouverneur Miguel Ragone et Santa Cruz avec le gouverneur Jorge Cepernic. Tous seront démis de leurs fonctions sous le gouvernement péroniste et, dans le cas de Ragone, il disparaîtra également.

Cordoba avait été l’une des provinces où la résistance populaire contre la dictature avait atteint l’un de ses points les plus élevés, sur la base de la convergence du mouvement syndical avec le mouvement étudiant. Le ticket péroniste pour le poste de gouverneur de la province était celui d’Obregón Cano et du dirigeant syndical combatif Atilio López. Tous deux avaient participé activement au “Cordobazo” de 1969 et aux mouvements de résistance contre la dictature. Obregón Cano s’est également imposé comme un candidat solide à la présidence en cas de décès de Perón, alors âgé de 78 ans.

Peu après le soulèvement, la journaliste Ana Guzzetti du quotidien El Mundo a interrogé Perón - désormais responsable de l’exécutif national - sur les activités des groupes para-policiers. D’abord perplexe, puis en colère, il lui confisque l’information et intente une action en justice. Le journal où elle travaillait a été fermé peu après et on a tenté de l’enlever.

Le même mois, une série de réunions entre Perón et les différents groupes de la Jeunesse Péroniste a eu lieu, auxquelles les Montoneros ont participé. Le 26 avril, Perón les reçoit à nouveau. Alberto Molinas, au nom de cette organisation politico-militaire, parle de l’imminence du 1er mai et l’avertit que “toutes nos organisations vont venir sur la Place de Mai et vont s’exprimer par des slogans et des chœurs. Il a ensuite longuement critiqué la “bureaucratie syndicale” et d’autres secteurs, et a dressé une liste de revendications à l’intention du gouvernement. Il termine en déclarant qu’ils se rendront sur la Place conformément à la promesse faite par Perón le 12 octobre de l’année précédente : " »Chaque 1er mai, j’irai sur la Place de Mai pour demander au peuple s’il est satisfait du gouvernement que nous sommes en train de mettre en place ».

Le 30 avril, les Montoneros ont publié un appel à rassemblement sur la Plaza de Mayo, avec cette liste de demandes au gouvernement.

Aux premières heures de la fête du travail, de grandes colonnes de bus ont convergé vers l’Acceso Norte dans la matinée et les manifestants se sont rendus à la faculté de droit sur l’Avenida Figueroa Alcorta, d’où ils ont défilé.

Plaza de Mayo, 1er Mai 1974. Les phrases de Perón qui ont déclenché le bordel : «Tout au long de ces vingt années, les organisations syndicales sont restées inébranlables, et aujourd'hui il s'avère que des imberbes prétendent avoir plus de mérites que ceux qui ont lutté pendant vingt ans [...] [Je promets de mener à bien la reconstruction] et la libération du pays non seulement du colonialisme qui frappe la République depuis tant d'années, mais aussi de ces infiltrés qui travaillent à l'intérieur et qui traîtreusement sont plus dangereux que ceux qui travaillent de l'extérieur, sans compter que la plupart d'entre eux sont des mercenaires au service de l'argent étranger». La messe était définitivement dite. Le compte à rebours commençait pour le putsch militaire de mars 1976 [NdT]


L’événement a été précédé d’un festival réunissant des artistes populaires. Les JP-Montoneros scandaient : « Nous ne voulons pas de carnaval/Assemblée populaire ». Au moment du couronnement de la reine du travail [sic : encore une curiosité péroniste, NdT], c’est l’épouse [Isabelita] du Líder qui a procédé au couronnement. Les colonnes de contestataires ont scandé : “No rompan más las bolas/Evita hay una sola” [Ne cassez plus les burnes/Evita, y en a qu’une].

À chaque fois qu’il est question de syndicats, les slogans : « On va en finir/on va en finir/avec la bureaucratie syndicale » et « Rucci, traître, salut à Vandor » [José Ignacio Rucci, métallo, lideur péroniste de la CGT, assassiné par balles en 1973 ; Timoteo Vandor, secrétaire général de l’Union des métallos, assassiné par balles en 1969, NdT].

Le slogan prédominant des Montoneros était : «Qué pasa/qué pasa General/está lleno de gorilas/el gobierno popular » [ Qu’est-ce qui se passe/qu’est-ce qui se passe, mon Général/ il est plein de gorilles/le gouvernement populaire]. Lorsque Perón est sorti sur le balcon, a demandé le silence avec ses mains et a commencé son discours : « Il y a dix-neuf ans aujourd’hui, sur ce même balcon et par une journée lumineuse comme celle-ci, j’ai parlé aux travailleurs argentins pour la dernière fois... », les tambours et les « qu’est-ce qui se passe, Général » l’ont empêché d’être entendu. Il prononce encore une phrase, qui n’est entendue par personne sur la place et, en colère, il s’emporte : « malgré ces imbéciles qui crient... ».

Dès lors, la place devient une foire d’empoigne, de coups de bâton et de coups de poing entre les colonnes syndicales et celles des Montoneros qui, spontanément débordés par la frustration de leur base, commencent à se retirer.

Parmi ceux qui sont restés sur place, le père Carlos Mugica et Don Arturo Jauretche. Sous les colonnes du Cabildo [ancien hôtel de ville], avec un groupe de la Jeunesse Péroniste de La Plata dirigé par Carlos Negri, le jeune militant Néstor Kirchner reste également sur place. Dès lors, un courant va germer qui, sous prétexte de fidélité au Líder, abandonnera toute perspective critique face à l’abandon progressif du programme voté en 1973 par les grandes majorités.

Cette interpellation du Líder a fracturé le mouvement, déclenchant une véritable guerre civile dans ses rangs, et confirmant que si le Souverain Pontife excommunie, la Sainte Inquisition brûle sur le bûcher.

Épilogue

Après la mort de Perón [1er juillet 1974], l’activité de la parapolice s’est multipliée de manière exponentielle.

Le mercredi 5 février 1975, Isabel Perón - sa veuve, qui lui a succédé à la présidence - et sept ministres de son gouvernement ont signé un décret “secret” à la Casa Rosada [palais présidentiel]. L’article 1 de ce décret autorise l’armée à mener « les opérations militaires nécessaires pour neutraliser et/ou anéantir les actions des éléments subversifs » à Tucumán.

Au fil des ans, on s’est demandé si l’ordre d’“anéantir les actions...” impliquait une “élimination physique”, mais c’est bien ce qui s’est passé.

En outre, le décret a accéléré l’autonomie des forces armées par rapport au système politique.

La table était donc mise pour mettre notre pays sur les rails en tant que wagon de queue d’un nouvel ordre international en gestation.

Parallèlement, dans le cadre de la transition entre l’ancien capitalisme productif et l’actuel capitalisme financier, le ministre de l’économie, Celestino Rodrigo, a annoncé, le 4 juin 1975, un méga ajustement qui précéderait les changements structurels perpétrés au cours de la dernière dictature génocidaire civilo-militaro-ecclésiastique par un fils chéri de l’oligarchie, José Alfredo Martínez de Hoz.

Le reste appartient à l’histoire : une lobotomie sociale de la pensée critique et une Argentine qui, après 40 ans d’ordre constitutionnel, a un taux de pauvreté de plus de 43 % et dont la classe politique n’exclut pas de payer la dette extérieure impayable avec des morceaux de territoire national, plaçant ainsi notre pays au bord de la désintégration.

S’il faudra encore du temps pour savoir s’il s’agit du chant du cygne du mouvement né en 1945 qui a fait de la Justice sociale son cheval de bataille, il est plus difficile d’ignorer que le cycle initié par la version kirchnériste en 2003 commence à se refermer, et la tentative de La Cámpora [organisation kirchnériste], de l’Instituto Patria [boîte à idées kirchnériste] et des Massistes [partisans de Sergio Massa, ministre de l’Économie actuel, kirchnéro-néolibéral]  de constituer un think tank autour de la toute nouvelle École Justicialiste “Néstor Kirchner” ne semble pas devoir inverser la tendance.

Un défi à relever pour les nouvelles générations qui osent être les dépositaires de l'héritage héroïque de la lutte du peuple argentin, afin de le mettre en œuvre pour un avenir plus heureux.



Marchandisage kirchnériste. Pan dulce [version argentine du panettone lombard/piémontais/tessinois] vendu à 30 € en décembre 2020. L'emballage de pan dulce était agrémenté d'une citation historique de l'immortelle Evita en 1950 : "La nuit de Noël appartient aux pauvres, aux humbles, aux descamisados [sans-chemise, défavorisés], car le Christ, méprisé par les riches qui lui ont fermé toutes les portes, est né dans une étable". On trouvait aussi un"vin péroniste", un malbec vendu à 30€ la bouteille. Ces initiatives de la Fédération des travailleurs de l'économie sociale ont donné des idées à des commerçants très peu sociaux. Entretemps, la production de "vin péroniste", un malbec de Mendoza, s'est industrialisée et une bouteille est vendue 50 €. Un salaire minimum argentin officiel est actuellement de 300 €, soit six bouteilles. Pas vraiment destiné aux humbles et aux défavorisés. Avis aux collectionneurs. [NdT]