Luis Casado, 8/3/2022
Traduit
par Fausto
Giudice, Tlaxcala
« Ah Dieu ! Que la guerre économique est jolie » est le titre d'un livre de l'inoubliable Bernrad Maris. Une guerre économique dans laquelle les petits soldats de plomb, c’est nous les sans-grade. Les multinationales s'occupent de la caisse et du profit. Les grandes puissances dirigent les opérations militaires. De ce point de vue, rien n'a changé. Les conséquences pour le personnel seront atroces, écrit Luis Casado.
Joe Biden et les sanctions contre la Russie, par Hamzeh Hajjaj, Jordanie
Si vous
pensez que le titre de cet article est inspiré du célèbre texte de John Maynard
Keynes "Les
conséquences économiques de la paix" (1919), vous avez tout à fait
raison.
Keynes ne
tourne pas autour du pot, même si ses positions ne lui valent aucun ami, ni
dans l'appareil bureaucratique britannique, ni parmi les nombreux
"faucons" favorables à des guerres auxquelles ils ne participent
jamais.
Keynes,
fervent partisan de la paix, a écrit que le traité de Versailles, signé à la
fin de la Première Guerre mondiale (28 juin 1919), ne serait qu'un terreau
fertile pour le nazisme et l'embryon d'une nouvelle guerre. Peu de temps après,
l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler et le déclenchement de la Seconde Guerre
mondiale ont corroboré l'intuition du grand économiste.
Bien sûr, il
y avait (il y a) des points de vue opposés. Comme celle de deux économistes
français, Antoine Parent et Gilles Vergnon, qui, en 2021, s'interrogeaient :
"Faut-il
désacraliser l'idole ?" (Revue de l'OFCE, 171, 2021/1).
Dans leur
article, ils écrivent :
« En effet, nous revisitons la lecture
canonique et
angélique de l’œuvre et la confrontons, notamment, à une lecture
tombée
dans l’oubli, celle d’Etienne Mantoux, qui soulignait en 1946 les
apories
et dangers du texte de Keynes (1919). Keynes fait-il dans
The Economic
Consequences
of Peace (ECP, 1919) une lecture prémonitoire du nazisme ou son
texte
a-t-il servi à l’Allemagne de prétex te pour ne pas payer le montant des
réparations
? Keynes (1919) est-il le chantre du pacifisme ou l’inspirateur de
l’appeasement et
du défaitisme qui facilita le réarmement de l’Allemagne nazie
dans
l’entre-deux-guerres ? »
Si l'on
comprend bien, le coupable de la Seconde Guerre mondiale, c’était John Maynard
Keynes, qui était aussi un salopard de traître aux intérêts de la couronne
britannique. Que faisait James Bond ?
(Soit dit en
passant, en 1919, un chancelier social-démocrate, Friedrich Ebert, a écrasé la
révolution de Berlin qui a mis fin à l'Empire et créé la République, massacrant
allègrement le mouvement ouvrier allemand. Ebert fait assassiner ses anciens
collègues du parti, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Pour cela, il n'utilise
ni la police ni l'armée : il fait appel à des milices d'extrême droite qui
deviendront plus tard les redoutables Schutzstaffeln, connues sous le nom de
SS. Antoine Parent et Gilles Vergnon, deux révisionnistes de l'histoire, ne
connaissent certainement pas l'histoire. Les sociaux-démocrates chiliens non
plus : ils reçoivent de l'argent de la Fondation Friedrich-Ebert).
La critique
grossière du texte de Keynes par Antoine Parent et Gilles Vergnon, 102 ans
après sa publication, est du genre "dans la mesure du possible", et
évoque ce que nous avons déjà entendu au Chili : « C'est le mieux qu'on
pouvait faire ». Leur conclusion, peu argumentée, est la suivante :
« Reste
que, quelles que soient les critiques que l’on puisse lui faire, il
n’y avait
guère d‘autre traité possible que le Traité de Versailles, et
celui-ci fut
d’emblée sapé par le retrait des États-Unis du
dispositif
prévu. Et il
n’y avait guère de défaite « acceptable » dans une Allemagne où l’on n’avait
pas le sentiment d’être réellement vaincu.
Comme l’a
écrit l’historienne canadienne Margaret Mc Millan,
« les
négociateurs
se sont trouvés aux prises avec la réalité, non avec le
possible,
avec ce qui était, et non avec ce qui aurait dû être » » (Op. cit.)
Une manière
très élégante de consacrer le découpage colonialiste du monde entier, ainsi que
le rejet arrogant des demandes des dirigeants du tiers monde qui ont été
allègrement ignorées. Parmi eux se trouvait un Asiatique insignifiant, mal
habillé, portant des sandales, qui gagnait sa vie à Paris en faisant la plonge
dans un restaurant. Personne ne l'a reçu. Ce pauvre homme est rentré dans son
pays pour entamer l'une des plus longues guerres de libération jamais
enregistrées, battant successivement le Japon, la France et les USA : le monde
l'a connu sous le nom de Ho Chi Minh.....
Les
économistes révisionnistes susmentionnés mentent. Travestir l'histoire est le recours
de ceux qui n'ont pas d'arguments.
Si
l'Allemagne n'a pas payé les réparations exigées à la fin de la Première Guerre
mondiale (comme elle n'a pas payé celles de la Seconde Guerre mondiale...),
c'est parce que ses ennemis, les USA, la France et la Grande-Bretagne, -
dénoncés par Keynes qui n'était autre que le représentant du ministère des
Finances britannique dans les négociations - étaient des empires coloniaux
cupides qui en ont profité pour se partager la planète, et ont tenté de saigner
l'Allemagne - éliminant ainsi un concurrent - en exigeant des réparations
financières insensées. C'est ce que Keynes dénonçait : le montant des
réparations exigées par les USA, la France et la Grande-Bretagne était destiné
à mettre l'Allemagne à genoux, ce qui allait entraîner l’exact contraire des
conséquences escomptées.
La lecture
du texte des économistes révisionnistes fait sourire ces jours-ci, alors que
l'Allemagne, sous prétexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, décide de
faire ce qui lui était interdit jusqu'à présent : se réarmer. Seul un
"économiste" peut s'en réjouir.
Course
aux armements
C'est l'une
des conséquences de la guerre : une accélération de la course aux armements en
Europe, dont les effets dureront des décennies. Pour ne pas être en reste avec
l'Allemagne, la France - dont le gouvernement assure à qui veut l'entendre
qu'il n'y a pas d'argent - annonce une augmentation substantielle de son budget
de défense.
Au moment où
l'Europe doit investir dans l'éducation, dans la santé, dans la recherche
scientifique, dans les infrastructures, pour inverser la désindustrialisation
qui nous a laissés sans emplois, sans masques et sans médicaments face au
Covid. Cette Europe qui doit investir dans le bien-être de sa population
vieillissante : celle qui a produit la richesse aujourd'hui accumulée dans quelques
mains et en particulier dans celles des patrons de l'industrie militaire.
Emmanuel
Macron, qui grâce au coup de Poutine se voit épargner de devoir faire le bilan
pathétique de son gouvernement, a dû prendre connaissance du rapport à
l'Assemblée nationale de Jean-Louis Thiériot, membre de la commission de la
défense nationale et des forces armées, qui affirme : « En cas de conflit
de haute intensité, l'armée française pourrait se retrouver à court de
munitions » (sic).
On a pu
alors entendre la question : « Maman, c’est quoi, un conflit de haute
intensité ? »