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23/10/2022

JACK KHOURY
Israël est accusé d'avoir exécuté Tamer Al Kilani, un combattant de la Tanière des Lions

Jack Khoury, Haaretz, 23/10/2022
Traduit par Tlaxcala

Le groupe basé à Naplouse a accusé Israël de la mort du militant, Tamer Al Kilani, affirmant qu'un engin explosif avait été fixé sur sa moto.

Le groupe militant palestinien Anir Al Ousoud (La Tanière des Lions)  a imputé à Israël la mort de l'un de ses militants, Tamer Al Kilani, dans une explosion survenue tôt dimanche [à 1h30] dans la ville de Naplouse, en Cisjordanie.

Israël et l'Autorité palestinienne n'ont pas encore publié de déclarations officielles à la suite de l'incident, mais le groupe militant affirme qu'Israël a tué Al Kilani avec l'aide d'un résident local.

La Tanière des Lions a accusé Israël de la mort d'Al-Kilani, ajoutant qu'un jour de deuil a été déclaré à Naplouse. Selon le groupe, le militant a été tué après qu'un engin explosif a été fixé sur sa moto.

 

Une personne non identifiée peut être vue en train d'amener une moto dans une allée de Naplouse - la même moto qu'Al-Kilani conduisait lorsque l'explosion s'est produite.

Une vidéo montrant l'explosion fatale a été publiée et partagée sur les réseaux sociaux de la Tanière des Lions, dont Telegram [https://t.me/areennabluss]. Dans deux des vidéos, on peut voir une personne non identifiée amener une moto dans une allée de Naplouse, la même moto que celle que conduisait Al Kilani au moment de l'explosion. Selon le groupe, cela prouve que le militant a été assassiné et non tué accidentellement.

Les Palestiniens affirment qu'Al Kilani a été grièvement blessé après l'explosion et est décédé peu après.

Tamer Al Kilani. Il avait 33 ans


Les militants d’Anir Al Ousoud sont actifs dans la région de Naplouse, principalement dans la vieille ville et dans le camp de réfugiés de Balata. Leur objectif déclaré est d'affronter les soldats de l'armée israélienne lorsqu'ils entrent dans la ville ou qu'ils viennent escorter les fidèles du Tombeau de Joseph, à la périphérie de la ville. La plupart sont des hommes jeunes et laïques, âgés de 18 à 24 ans, qui ne fréquentent pas les mosquées et ne sont pas influencés par les personnalités religieuses.

 
Photo de groupe d'Arin Al Ousoud, septembre 2022

Logo de la chaîne Telegram du groupe (qui ne publie ses messages qu'en hébreu)

Les responsables de la sécurité israélienne pensent que le groupe est composé de personnes qui étaient auparavant membres d'autres factions et qu'une série d'événements les a conduits à se rebaptiser Anir Al Ousoud.

L'enterrement de Tamer Al Kilani. Jack Khoury écrit : "Naplouse. Des milliers de personnes aux funérailles de Tamer Al Kilani, le militant de la Tanière des Lions. Chaque événement de ce genre ne fait qu'augmenter la colère et la frustration

Pour le Mouloud, anniversaire de la naissance du Prophète de l’Islam, les Lions ont fait une opération de relations publiques dans la Vieille Ville de Naplouse, distribuant des bonbons

22/10/2022

MICHELE GIORGIO
Naplouse bouclée, la Cisjordanie pratiquement en état de guerre

Michele Giorgio, il manifesto, 22/10/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Territoires occupés : loin des projecteurs des médias, l'affrontement entre les forces israéliennes et palestiniennes s'aggrave de jour en jour. Une centaine d'attaques de colons en seulement 10 jours. Et Naplouse est prise en étau par l'armée d'occupation.

Des Palestiniens cherchent à s'abriter des gaz lacrymogènes lors d'affrontements avec des soldats israéliens à l'entrée ouest de la ville de Naplouse, en Cisjordanie, le 20 octobre 2022. - EPA/ALAA BADARNEH

Dans l'indifférence générale, sous les bâillements des commentateurs européens, Italiens en tête, qui considèrent les meurtres, les agressions et les affrontements comme de la “routine”, la Cisjordanie est désormais en état de guerre. Ou plutôt deux guerres. L'une entre les forces militaires israéliennes, engagées dans des raids quotidiens, et les groupes de combat palestiniens, plus organisés que par le passé et déterminés à ne pas les laisser entrer dans les villes et villages (jeudi soir à Jénine, un Palestinien de 19 ans, Salah al Buraiki, a été tué). Et une autre entre des colons israéliens de plus en plus libres d'agir comme bon leur semble et des paysans palestiniens déterminés à se défendre. 

Le quotidien de Tel Aviv Haaretz a rapporté hier que les services de sécurité ont enregistré 100 attaques violentes de nationalistes israéliens au cours des dix derniers jours seulement. En particulier, dans la ville de Hawara, point de passage obligé pour les colons établis dans certains bastions de l'extrémisme religieux de droite (comme Yizhar et Elon Moreh) et pour la population palestinienne autochtone du nord de la Cisjordanie. Le chef d'état-major Aviv Kochavi, souligne Haaretz, ne montre aucun intérêt pour les incidents si les personnes attaquées sont des Palestiniens. Mais lorsque des colons ont attaqué une unité de l'armée, il a décrit l'incident comme « un incident très grave, qui représente un comportement criminel honteux ».

Hier, l'attaque la plus grave a eu lieu contre des habitants de Qafin “coupables” de s'être rendus dans leurs oliveraies près d'une colonie. Une vidéo, diffusée par l'ONG Yesh Din, montre un soldat à Burin apprenant à un colon comment lancer des gaz lacrymogènes sur des Palestiniens, en plein affrontement. Plus tôt dans la semaine, des colons avaient attaqué une septuagénaire juive, Hagar Geffen, parce qu'elle aidait les Palestiniens de Kisan (Bethléem) à récolter les olives. Elle a été hospitalisée avec des côtes fêlées et une blessure à la tête.

21/10/2022

GIDEON LEVY
Des “arsim” avec des armes

Gideon Levy, Haaretz, le 20/10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 C'est ainsi que le haut commandement des Forces de défense israéliennes perçoit l'ennemi de l'armée en Cisjordanie : «des  arsim avec des armes ». (« Ars » signifie « proxénète » en arabe, et « voyou » en argot hébreu*.) Dans une série de briefings à huis clos et au moins une interview publique, les dirigeants de l'armée ont décrit la résistance à Jénine et la nouvelle organisation à Naplouse, la « Tanière des Lions», comme des activités d’« arsim ».

La chasse aux arsim près de Naplouse. Photo :  JAAFAR ASHTIYEH - AFP

Du chef d'état-major Aviv Kochavi au chef du commandement central Yehuda Fuchs et jusqu’au bas de l’échelle, ils voient les jeunes hommes armés qui s'opposent aux invasions de l'armée israélienne dans leurs villes et camps de réfugiés comme des arsim. Maintenant, les FDI éliminent les arsim. Six arsim de la Tanière es Lions ont déjà été tués et un a été capturé. Les permis d'entrée en Israël ont été retirés à 164 membres de leurs familles.

Les FDI sont en train d'éradiquer le phénomène des arsim. Une armée de beaux jeunes hommes proprets, les plus moraux de l'univers, face à l'armée des arsim.

C'est dur de savoir ce que veulent dire les officiers supérieurs quand ils parlent d'arsim. Il n'est pas politiquement correct d'appeler un Israélien un ars, mais bien sûr, c'est permis dans le cas d'un Palestinien. Le commandant de la brigade Menashe, le colonel Arik Moyal, a expliqué ce qui s'était passé à Jénine comme suit :

« Des bandes d'arsim qui ont du temps à perdre et jouent aux petits soldats. Ils forment toutes sortes d'unités, de confusion et d'autres absurdités pour leur propre compte … Il y a des arsim qui ont perdu leur sang-froid, et nous devons leur taper sur les doigts maintenant et en finir avec eux », selon l'officier colon de Tapuah, qui est maintenant celui qui a perdu son sang-froid

Mettons de côté ce langage arrogant et méprisable des officiers supérieurs de Tsahal, qui sont des m’as-tu-vu professionnels. Mettons aussi de côté l'humiliation de l'autre. La police des frontières et les policiers dans les unités d'occupation sont de merveilleux exemples de la définition tsahalesque des « arsim armés», certainement pas moins que les jeunes de Naplouse et de Jénine. Le terme « arsim armés » leur convient parfaitement. Ce n'est pas par hasard qu'Israël envoie ses propres « arsim » pour affronter les arsim palestiniens.

Il se peut que la « Tanière des Lions », la nouvelle organisation armée à Naplouse, dont le nom puéril aurait pu être craché par l'ordinateur de Tsahal qui sait donner des noms comme « Formation d’acier » et « Formation de feu » aux divisions de Tsahal, soit composée d'arsim. C'est comme ça quand on grandit dans un camp de réfugiés comme Balata ou Askar, avec un passé de réfugiés, un présent d'occupation et un futur de désespoir : on devient arsim.

Il est difficile de savoir lequel des arsim serait le plus violent s'ils devaient se battre à armes égales, mais dans des conditions d'occupation, les arsim israéliens sont certainement plus violents. Il y a aussi une concurrence sérieuse quand il s'agit de comportement d’arsouille [gredin, voyou, truand], et là je pense que c’est l'ars israélien qui gagne.

Beaucoup de soldats et de policiers dans les territoires ne savent plus comment parler aux Palestiniens, ils savent seulement leur aboyer dessus. Voir la nouvelle description grotesque des « combattants des carrefours/points de passage », voir la police des frontières à Jérusalem-Est ou les soldats de la brigade Kfir, dont le bataillon ultra-orthodoxe Netzah Yehuda, avec de leurs invasions nocturnes de chambres à coucher, de chambres d'enfants.

Il est difficile de penser à un comportement plus « arsimiesque » que cela. Peut-être qu'il est impossible de servir dans les territoires occupés depuis 1967 sans être un ars. Est-ce que le lieutenant-général Kochavi pense vraiment que les soldats qu'il envoie sur les Palestiniens sont moins “arsim” que les lions de la tanière ? De quelle manière exactement ? Plus éduqués ? Plus éthiques ? Plus humains ?

Dégradez dégradez les Palestiniens. Pour ce qui est de la disparité des forces entre la Tanière des Lions et « Netzah Yehuda », qui est le plus fort, le mieux armé, équipé et organisé ? Il y a pas photo. Mais le plus fort n'a aucun avantage éthique dans cette histoire, bien au contraire.

Les arsim de la Tanière prennent des mesures pour protéger leurs maisons, leurs camps et leurs villes, lorsqu'une armée étrangère les envahit. Ils peuvent perdre leur temps et jouer aux petits soldats, selon le diagnostic savant du commandant de brigade Moyal, mais lui et ses soldats n'ont aucun avantage sur eux. « Un soldat noir frappe un soldat blanc », a écrit le dramaturge Hanokh Levin** … « Pleurs dans les chambres et silence dans les jardins ».

NdT

*Le mot arabe ars (jeune berger et par extension, proxénète) a été approprié en hébreu israélien (féminin arsit, pluriel arsim) d’abord pour désigner méliorativement une personne rusée et intelligente. Il a évolué, à partir des années 1970, pour désigner péjopratovement une personne qui est, ou se comporte comme, un petit criminel, qui se vante et prétend être prospère, et, surtout, est apparemment d’origine sépharade (Al Andalous, Maghreb) ou mizrahie (terme fourre-tout englobant tous les juifs originaires du monde arabe, persan, caucasien, berbère, kurde, turc et indien)

**Hanokh Levin (1943-1999) a sans doute été le plus grand dramaturge israélien. Ses deux pièces satiriques Toi, moi et la prochaine guerre (1968) et La Reine de la baignoire (1970), un mix hébreu de Brecht et des Monty Python, mirent à mal l’euphorie suscitée chez les sionistes par la victoire de la Guerre des Six-Jours de 1967.

Une citation de Hanokh Levin, extraite de la pièce Le Patriote :

« Consignes de sécurité dans les territoires occupés

Bienvenue à la résidence du gouverneur militaire de Beit Jarjur.

Instructions de sécurité :

Un homme qui descend la rue en jetant des regards nerveux d'un côté à l'autre et par-dessus son épaule - sera suspecté d'être un terroriste arabe.

Un homme descendant la rue et regardant calmement devant lui - sera suspecté d'être un terroriste arabe à tête froide.

Un homme descendant la rue et regardant le ciel - sera suspecté d'être un terroriste arabe religieux.

Un homme descendant la rue et fixant le sol - sera suspecté d'être un terroriste arabe timide.

Un homme descendant la rue les yeux fermés - sera soupçonné d'être un terroriste arabe somnolent.

Un homme ne descendant pas la rue - sera suspecté d'être un terroriste arabe malade.

Tous les suspects énumérés ci-dessus doivent être arrêtés. En cas de tentative d'évasion, un coup de semonce sera tiré en l'air.

Le corps sera transporté à l'institut médico-légal. »

Sur Hanokh Levin, on peut lire en français Le Théâtre de Hanokh Levin-Ensemble à l'ombre des canons, de Nurit Yaari, Éditions théâtrales, 2008

 

26/08/2022

GIDEON LEVY
Salah Sawafta rentrait à la maison après la prière : il a été tué d’une balle israélienne dans la tête

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 26/8/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Salah Sawafta, 58 ans, quittait la mosquée et rentrait chez lui lorsqu'une balle dans la tête l'a tué. Le tir a probablement été effectué par l'un des tireurs d'élite des FDI depuis le quatrième étage d'un immeuble de bureaux, qui arrosaient la rue en contrebas de balles réelles. L'armée essaie maintenant de fuir ses responsabilités.

Le mariage de sa fille Dunya, 22 ans, était prévu pour aujourd'hui, vendredi. Des invitations avaient été envoyées à environ 1 000 personnes pour la célébration dans la salle de mariage Al-Kalah à Naplouse. Son nouveau costume était également prêt. Vendredi dernier, à la fin des prières du matin à la mosquée de Tubas, il a dit à ses amis qu'il se dépêchait de rentrer chez lui parce qu'il devait se rendre à Naplouse : il y avait encore des dispositions à prendre pour le mariage.

Quelques minutes après avoir quitté la mosquée et commencé à marcher vers la maison, il a reçu une balle dans la tête alors qu'il tentait de s'abriter dans la rue. La balle s'est logée dans son cerveau et a explosé ; il est mort peu après. Le mariage de sa fille a été annulé, bien sûr, et la famille a été plongée dans un profond deuil.

Salah Sawafta était mort.

Des douilles de balles ont été trouvées dans l'un des deux bureaux d'où des coups de feu ont été tirés dans la rue.

Il avait 58 ans, était un agriculteur qui vendait des aliments pour animaux, père de quatre filles et d'un fils, grand-père de deux enfants en bas âge. Tous les jours à l'aube, il se rendait à pied de son domicile, situé dans le centre de cette ville du nord de la Cisjordanie, à la vieille mosquée de Tubas - construite en 1818 - où il récitait les prières du matin avec les autres fidèles habituels, la plupart de son âge, avant de rentrer chez lui pour commencer sa journée de travail.

Salah Sawafta

Vendredi dernier n'a pas été différent. La veille au soir, il avait rencontré son fils, Mohammed, 26 ans, marié et père d'un petit garçon. Mohammed travaillait avec son père. Ils ont parlé, naturellement, du mariage qui approchait à grands pas, et se sont séparés à 22 heures. Le lendemain matin, Salah s'est réveillé après 4 heures. A 5h25, il était allongé sur le trottoir de la rue principale avec un trou dans la tête.

Dans le bâtiment d'en face, des tireurs d'élite des Forces de défense israéliennes avaient pris possession de deux bureaux au quatrième étage, l'un appartenant à une société d'ingénierie, l'autre à un avocat, et de leurs fenêtres avaient tiré sur la rue en contrebas. C'est l'un de ces soldats qui aurait tué Sawafta.

26/03/2022

GIDEON LEVY
Un ado part au boulot. Quelques minutes plus tard, son corps est criblé de 12 balles
Banalité du mal en Palestine occupée


Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 26/3/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Deux adolescents palestiniens circulaient à moto à Naplouse lorsqu'un convoi de la police des frontières est passé. Les officiers ont d'abord affirmé que les deux jeunes leur avaient tiré dessus, puis qu'ils avaient simplement pointé une arme, qui n'a jamais été retrouvée. Cela ne change rien au résultat : Les officiers ont tiré sur l'un des adolescents alors qu'il s'enfuyait, criblant son corps de balles.

Le père de Nader Rayan, Haytham, cette semaine, avec un poster de son fils mort. Il a compté les 12 blessures par balle sur le corps de Nader, toutes larges et profondes.

 Des images horribles, tout à fait effroyables, montrant le cadavre d'un garçon de 16 ans criblé d'impacts de balles. Le corps entier de Nader Rayan, fils d'une famille de réfugiés du camp de Balata jouxtant Naplouse, est parsemé de profondes blessures par balles saignantes, sa chair est à nu, son cerveau s'écoule, sa tête et son visage sont perforés. Les hommes de la police des frontières lui ont tiré dessus avec une folie pathologique, dans un accès de rage, sauvagement, sans retenue. Son père a compté 12 blessures par balle sur le corps de son fils, toutes profondes, larges, suintant le sang. Tête, poitrine, estomac, dos, jambes et bras : Il n'y a pas une partie du corps de son fils sans un trou béant.

Rien ne peut justifier ces tirs répétés sur un adolescent qui courait pour sauver sa vie, certainement pas une fois qu'il a été touché et qu'il gisait blessé sur la route. Pas même si le récit initial de la police des frontières, qui, pour une raison ou une autre, a été modifié comme par magie la semaine suivante, selon lequel le jeune ou son ami a tiré sur les pandores, est correct. Rien ne peut justifier un tir aussi déséquilibré sur un jeune.

L'incident s'est produit tôt mardi dernier, le 15 mars. À 6 heures du matin, le père de Nader, Haytham, un policier à la retraite de 48 ans, a quitté la maison pour aller chercher deux de ses neveux, qui sont orphelins de père, et les conduire à l'école à Naplouse. Il raconte qu'il a vu Nader encore endormi sur le canapé du salon. Il y a dix-huit ans, la famille s'est extirpée du camp de Balata et s'est installée de l'autre côté de l'artère principale qui mène à Naplouse, la route d’Al-Quds (Jérusalem). Selon la famille, Nader s'est levé quelques minutes plus tard, s'est habillé et a pris sa moto pour aller chercher son ami dans le quartier, en route vers le stand de café qu'ils avaient ouvert trois semaines plus tôt à Balata. Quelques minutes plus tard, Nader gisait mort sur le bord de la route, le corps criblé de balles.

Un énorme poster commémoratif de Nader est maintenant accroché chez lui, couvrant une grande partie du mur du salon, et en face, la photo de l'enfant en pleurs qui était autrefois un élément de base dans de nombreux foyers israéliens. Haytham, le père, a travaillé dans la police palestinienne jusqu'à prendre une retraite anticipée en 2017. Lui et sa femme, Samiha, ont eu six fils et trois filles. Nader avait abandonné l'école après la neuvième année, tout comme S., son bon ami et voisin. Il a d'abord travaillé dans une menuiserie qui remettait des meubles à neuf, et il y a quelques semaines, lui et S., ainsi que les frères aînés de Nader, Mohammed et Hassan, âgés de 25 et 23 ans, ont ouvert le modeste stand de café de Balata. Parmi leurs clients figurent des travailleurs qui partent le matin et reviennent le soir.

     

Nader a quitté la maison ce matin-là à 6h15, sur sa moto noire, délabrée et sans permis, et a pris S., qui l'attendait déjà, pour se rendre à leur nouveau commerce dans le camp. Suivant leur routine matinale, ils ont pris la route qui descend de leur quartier jusqu'à la route de Jérusalem et l'ont traversée. Soudain, dit l'ami, ils ont vu un convoi de véhicules blindés venant de la direction du camp.

Une vidéo de 90 secondes qui circule sur les médias sociaux montre ce qui s'est passé ensuite. Le convoi avance sur la route, la moto avance de l'autre côté. Il est 6 h 19. Soudain, la moto s'arrête, le passager saute et commence à courir. Immédiatement après lui, le conducteur descend également, abandonnant la moto sur la route, et commence à courir avec son ami vers la ruelle qui descend de la route principale. La ruelle les avale.

Le convoi blindé s'arrête. Quelques très longues secondes s'écoulent jusqu'à ce que la porte arrière d'un des véhicules s'ouvre. Cinq membres de la police des frontières en sortent et courent dans la ruelle à la poursuite des jeunes, qui sont hors du champ de la caméra. Un autre véhicule blindé apparaît de l'autre direction et descend la ruelle en grondant dans le sillage des jeunes. Une voiture qui arrive sur les lieux est chassée à la pointe de fusils par un agent de la police des frontières. Il n'y a pas de jets de pierres sur la route, qui est par ailleurs vide et calme à cette heure matinale.

Un mémorial sur le site où Nader a été tué

Le convoi blindé revenait de Balata après avoir effectué un raid nocturne dans le but d'arrêter un habitant, Amar Arafat, recherché pour possession d'un fusil. Après avoir placé Arafat en garde à vue et confisqué son fusil, la force retournait à sa base.