22/10/2022

MICHELE GIORGIO
Naplouse bouclée, la Cisjordanie pratiquement en état de guerre

Michele Giorgio, il manifesto, 22/10/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Territoires occupés : loin des projecteurs des médias, l'affrontement entre les forces israéliennes et palestiniennes s'aggrave de jour en jour. Une centaine d'attaques de colons en seulement 10 jours. Et Naplouse est prise en étau par l'armée d'occupation.

Des Palestiniens cherchent à s'abriter des gaz lacrymogènes lors d'affrontements avec des soldats israéliens à l'entrée ouest de la ville de Naplouse, en Cisjordanie, le 20 octobre 2022. - EPA/ALAA BADARNEH

Dans l'indifférence générale, sous les bâillements des commentateurs européens, Italiens en tête, qui considèrent les meurtres, les agressions et les affrontements comme de la “routine”, la Cisjordanie est désormais en état de guerre. Ou plutôt deux guerres. L'une entre les forces militaires israéliennes, engagées dans des raids quotidiens, et les groupes de combat palestiniens, plus organisés que par le passé et déterminés à ne pas les laisser entrer dans les villes et villages (jeudi soir à Jénine, un Palestinien de 19 ans, Salah al Buraiki, a été tué). Et une autre entre des colons israéliens de plus en plus libres d'agir comme bon leur semble et des paysans palestiniens déterminés à se défendre. 

Le quotidien de Tel Aviv Haaretz a rapporté hier que les services de sécurité ont enregistré 100 attaques violentes de nationalistes israéliens au cours des dix derniers jours seulement. En particulier, dans la ville de Hawara, point de passage obligé pour les colons établis dans certains bastions de l'extrémisme religieux de droite (comme Yizhar et Elon Moreh) et pour la population palestinienne autochtone du nord de la Cisjordanie. Le chef d'état-major Aviv Kochavi, souligne Haaretz, ne montre aucun intérêt pour les incidents si les personnes attaquées sont des Palestiniens. Mais lorsque des colons ont attaqué une unité de l'armée, il a décrit l'incident comme « un incident très grave, qui représente un comportement criminel honteux ».

Hier, l'attaque la plus grave a eu lieu contre des habitants de Qafin “coupables” de s'être rendus dans leurs oliveraies près d'une colonie. Une vidéo, diffusée par l'ONG Yesh Din, montre un soldat à Burin apprenant à un colon comment lancer des gaz lacrymogènes sur des Palestiniens, en plein affrontement. Plus tôt dans la semaine, des colons avaient attaqué une septuagénaire juive, Hagar Geffen, parce qu'elle aidait les Palestiniens de Kisan (Bethléem) à récolter les olives. Elle a été hospitalisée avec des côtes fêlées et une blessure à la tête.

À quelques kilomètres de Burin se trouve Naplouse, la deuxième plus grande ville de Cisjordanie (environ 200 000 habitants), qui est isolée depuis 13 jours par un large cordon militaire, à l'intérieur duquel les barrages routiers sont partout. On ne peut en sortir que pour les urgences et avec des autorisations spéciales. L'objectif, expliquent les autorités israéliennes, est de “lutter contre le terrorisme” et d'accroître la pression sur le groupe armé Arin Al Ousoud (Tanière des Lions), responsable du meurtre d'un soldat et qui se dit prêt à repousser les incursions de l'armée dans la ville. « Nous sommes obligés de rouler sur des routes de terre et de montagne pour sortir de Naplouse », nous dit Amir, un fonctionnaire de Ramallah, « ou d'attendre dans de longues files aux barrages militaires avant de pouvoir passer avec un permis spécial ». Les troupes israéliennes ont fermé le poste de contrôle de Hawara, principale entrée de Naplouse, et la route de Deir Sharaf, qui mène à Jénine et Tulkarem, avec des monticules de terre et des cubes de béton. L'armée met en place un poste de contrôle permanent dans le village de Surra, qui mène à Qalqilya. Les restrictions concernent également Beit Furik et Beit Dajan, la région d'Awarta. La route d'Asira al-Shamaliah est en fait la seule ouverte dans les environs de la ville.

Sami Hijjawi, premier citoyen de Naplouse, explique que l'armée, après des contrôles stricts, permet une entrée limitée dans la ville mais pas de sortie, sauf dans quelques cas et avec des attentes de 2-3 heures. Les entreprises, a-t-il ajouté, sont pénalisées par la fermeture. Les bureaux publics et les entreprises privées ne fonctionnent que partiellement car les employés vivant dans d'autres centres ne peuvent pas entrer dans la ville. Yassin Dwaikat, président de la Chambre de commerce, estime qu'environ 40 000 personnes par jour se rendent à Naplouse, le poumon économique du nord de la Cisjordanie.

La ville compte quatre zones industrielles, des grossistes, des importateurs et des sociétés de services, ainsi qu'un hôpital bien équipé et une université, Al Najah, la plus importante après Bir Zeit, où étudient des milliers de jeunes Palestiniens, dont beaucoup n'ont pas assisté aux cours depuis environ deux semaines. La main de fer n'est pas près de s'arrêter. Dix jours avant les élections pour la Knesset, le Premier ministre Lapid et le ministre de la Défense Benny Gantz n'ont pas l'intention de paraître faibles aux yeux des électeurs israéliens.

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