Luis E. Sabini Fernández,
15/10/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Le sionisme, intronisé officiellement en Israël et officieusement dans des gouvernements clés dans le monde, comme celui des USA, a abordé la “solution du problème palestinien” de diverses manières.
Nous arrivons au XXIe siècle avec la théorie “Sharon” - « leur rendre la vie impossible »-, de sorte que ce ne soient pas les Israéliens qui doivent résoudre activement la question, mais les Palestiniens eux-mêmes qui semblent prendre les décisions. Comme celle de partir, par exemple.
Exemples de cette politique : ne pas les laisser ajouter ne serait-ce qu’une pièce de 3m x 3 à une maison palestinienne ancestrale, ne pas leur permettre de recueillir ne serait-ce que de l’eau de pluie et leur vendre l'eau (qui dans la région est un bien rare, à 4 ou 5 fois sa valeur commerciale pour les Juifs, qui, en outre, ont en moyenne des revenus beaucoup plus élevés) ; ne pas permettre la reconstruction de maisons détruites par des bombardements et de l'artillerie dans des attaques successives que l'armée « de défense » israélienne a menées, non pas contre des armées ou des casernes palestiniennes inexistantes, mais contre les maisons, les écoles, les hôpitaux, les mosquées, les installations sanitaires ou industrielles qui existent, par exemple dans la bande de Gaza. Mitrailler, parfois avec de l'artillerie lourde, des barques de pêcheurs, à peine elles s'éloignent de la côte, parfois même alors qu’ils sont tout près du rivage.
Porter au désespoir le traitement médical de Palestinien·nes, parfois malades, parfois parturientes. Profiter justement des besoins médicaux de la population palestinienne, avec ses propres hôpitaux maltraités et bombardés, pour les contraindre à recevoir des soins médicaux si les patients ou des membres de leur famille fournissent en échange des informations à la “sécurité israélienne”. Cette méthode tordue d'avilissement des relations et des comportements affaiblit les Palestiniens et renforce Israël parce que le délateur se retrouve prisonnier des deux côtés.
Le fin du fin de la politique consistant à leur “ rendre leur vie impossible” a finalement été atteint avec l '« Accord du siècle » de 2020. Oubliés le show d'un Yasser Arafat avec un Is Yitzhak Rabin flanqué de Bill Clinton (Oslo, 1993) ; ou celui de Taba (Sinaï, 2000) entre Barak et Arafat ou le menuet ne menant à rien entre Abbas et Sharon (Jérusalem, 2005).
L'Accord du Siècle a été signé entre les chefs des USA et d'Israël ; Donald Trump, Jared Kushner (son gendre juif et « ministre de tout », comme on l'appelait à la Maison Blanche trumpienne) et Benjamin Netanyahou : c'était un accord sur Palestine/Israël, mais sans Palestiniens ; en tout cas, avec la perspective de les “voir” disparaître.
Mais la réalité est têtue. Outre l'énorme population que les sionistes ont réussi, par la terreur, à arracher de la Palestine (en gros, la moitié de sa population), des millions d'autres Palestiniens ont refusé d'abandonner leur terre. Ils ont eu l'expérience des expulsions et massacres antérieurs (ce que les premiers expulsés, ceux de 48, n'ont pas pu faire faute de précédents).
Les chiffres de morts n'ont jamais cédé.[1] La mort de Palestiniens a été une constante dans la vie quotidienne, aussi bien dans les territoires occupés que dans ce que l'ONU reconnaît comme État d'Israël.
On estime qu'en 2021, il y a eu 317 morts, 71 mineurs (beaucoup plus que les années précédentes, sauf ceux avec des invasions ou une répression généralisée (comme 1987, 2000, 2005, 2008/2009, 2014…)
En 2022, certaines sources révèlent que la violence et la mort de Palestiniens par des Israéliens ont augmenté, par exemple la commissaire aux DH de l'ONU Michelle Bachelet s'alarme du nombre d'enfants palestiniens tués par des militaires israéliens et le 11 août, elle a demandé qu’Israël rende des comptes.
Cet aspect du conflit entre Israël et les Palestiniens implique « de nombreux enfants palestiniens, victimes innocentes tuées par erreur - mais aussi parfois froidement et sans aucun motif - par des militaires israéliens ». [2]
« Les attaques visent souvent des lieux publics qui sont souvent transformés en abris pour les civils, comme les écoles, les hôpitaux, etc. Outre les vies perdues, des dizaines de milliers d'enfants sont blessés et certains d'entre eux deviennent handicapés à vie. » (ibid.)
« Le Hamas n'hésite pas non plus à utiliser les enfants palestiniens de la bande de Gaza […] pour lutter contre Israël. Il glorifie le martyre et incite les enfants à se suicider pour défendre la cause palestinienne. Avec le slogan « Mourir pour Dieu est la victoire », on encourage les enfants à s'engager activement dans le conflit. » (ibid.)
Pour sa part, B’Tselem, une organisation juive de défense des droits humaions, précise : « La politique israélienne d'ouverture de feu létale, gratuite et illégale a causé la mort de centaines de Palestiniens l'année dernière. Environ 70% sont morts dans la bande de Gaza lorsque la politique criminelle de bombardement de zones densément peuplées a été appliquée » (4 janvier 2022). Il suffit d'ajouter que cette « politique criminelle de bombardement de zones densément peuplées » n'est pas récente ; elle a des antécédents atroces, traduits en massacres de milliers d’habitants palestiniens, comme par exemple en 2008 et 2009 (opération qu'Israël a baptisée avec une atroce sincérité « Plomb durci »).
Le 1er juillet 2022, le Haut-Commissariat aux DH de l'ONU signalait la mort de soixante Palestiniens tués par Israël […], un « impact alarmant », sans toutefois indiquer la période ou le moment de ces morts. Il ajoute que « dans de nombreux incidents mortels ayant fait l'objet d'une enquête », l'ONU a constaté qu'Israël aurait utilisé « une force meurtrière d'une manière qui semble totalement contraire au droit international ». Comme le souligne Amnesty International dans son rapport 2022 sur la Palestine, « Israël considère et traite les Palestiniens comme un groupe racial inférieur non juif ».[3] Il est clair qu'Israël ne considère pas les Palestiniens comme des êtres ayant des droits civils, mais comme des ennemis de guerre avec lesquels il ne s'efforce pas non plus de respecter les conventions militaires en temps de guerre (ne pas achever les morts, ne pas tuer les enfants…).
Et ce mois-ci, nous avons eu le rapport de Tor Wennesland, Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient.
Tor Wennesland est norvégien. C'est-à-dire qu'il vient de la société qui a été secouée dans son tréfond lorsque son compatriote Anders Behring-Breivik, en 2011, dans une opération, à laquelle on ne connaît pas d'autres participants, a assassiné au moyen d'une voiture piégée dans la capitale, Oslo, 8 habitants, et, au moyen d'un fusil et d’un FM, en a tué 69 de plus, tous des jeunes Norvégiens parmi lesquels quelques enfants d’immigrés, dans un camp de la social-démocratie sur l'île d’ Utøya …
Interrogé sur ce qui s'était passé, vu le caractère totalement politique des massacres, interrogé sur ses sympathies nazies, il les a niées avec véhémence, précisant qu'il était un fervent admirateur d'Israël et de sa politique.
Wennesland connaît ou devrait connaître la haine abyssale qu'a semée Israël.
« Je suis alarmé par la détérioration de la sécurité, y compris l'augmentation des affrontements armés entre les Palestiniens et les forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie, Jérusalem-Est comprise. Depuis le début de 2022, au moins une centaine de Palestiniens, dont des enfants, ont été tués au milieu d'une augmentation marquée des opérations militaires israéliennes menées en Cisjordanie occupée par Israël, y compris dans la zone A [censée être administrée exclusivement par des Palestiniens, en dehors de la juridiction israélienne]. Au cours de la même période, 16 Israéliens ont été tués à l'intérieur d'Israël dans une vague d'attaques par des Palestiniens et des Arabes israéliens [Wennesland pratique ici une distinction historiquement fallacieuse, puisqu' il s'agit dans les deux cas d'habitants de la Palestine historique, qui ont été séparés juridictionnellement, mais pas socialement ou culturellement]. La violence croissante en Cisjordanie crée un climat de peur, de haine et de colère. Il faut réduire immédiatement les tensions pour ouvrir la voie à des initiatives visant à établir un horizon politique viable. » [4]
Les bonnes intentions de Wennesland sont certainement en conflit avec le projet biblico-sioniste d'Israël. Et il est difficile d'imaginer une voie de dépassement depuis l'ONU, le réseau politique mondial créé par les USA pour définir le monde depuis 1945.
L'ONU, comme toute œuvre humaine, intègre des personnes avec les meilleures intentions et les actions en découlant - je pense aujourd'hui à Bachelet ou Wennesland ou à l'excellent Richard Falk -, mais si leurs efforts se heurtent « trop » aux pouvoirs en place, la personne désignée est retirée ou éliminée, comme cela s'est passé avec le médiateur dans la guerre israélo-arabe de 1948 désigné par l'ONU, le Suédois Folke Bernadotte.
Entretemps, Israël continue d’aggraver la répression : il vient d’arrêter une journaliste palestinienne, mère de deux enfants de 4 et 5 ans, fouillée au milieu de la nuit, terrorisant les créatures ; interrogée pendant dix heures continues, avec réquisition corporelle incluse, la déshabillant complètement pour augmenter l'humiliation. Son crime : avoir interviewé deux prisonniers politiques palestiniens qui venaient d'être libérés lors d'un échange de prisonniers.[5]
Lorsque finalement, malgré la tentative initiale d'Israël de nier la responsabilité de la mort de la journaliste Shireen Abu Aqleh, il a été démontré que les tireurs d'élite israéliens étaient les vrais assassins de la journaliste faisant son travail, et bien que le Département d'État usaméricain ait déclaré qu'il « ne voyait aucune raison de croire que c'était intentionnel mais plutôt le résultat de circonstances tragiques » [6] (un beau bavardage qui ne dit rien), la réaction des dirigeants israéliens a été de proclamer leur droit illimité de tuer qui ils veulent. Benny Gantz, actuel ministre de la Défense, a précisé : « C'est le chef d'état-major et c'est lui seul qui décide et continuera à décider de la politique d'ouverture de feu ». Et pour en rajouter une couche le Premier ministre Yair Lapid (s'adressant aux dirigeants usaméricains) dira : « Personne ne va nous dicter contre qui nous ouvrons le feu. »
Une telle arrogance après l'atrocité contre une journaliste qui a certainement irrité la direction israélienne, comme Abu Aqleh, amène à se poser la question : pourquoi Israël est-il à l'ONU s'il ne suit que sa propre loi ?
Quiconque a un minimum de logique et de courage civil devrait se le demander.
[1]Quelques exemples à des moments critiques : 1) en 2000, lors de l'Intifada Al Aqsa, déclenchée par la descente d'Ariel Sharon avec un millier de policiers dans l'enceinte de la mosquée Al Aqsa, la réaction et la répression qui en a résulté ont entraîné, par exemple, la mort de cent Palestiniens à Ramallah, y compris de nombreux enfants, générant des réactions désespérées parmi les survivants, comme tuer des soldats israéliens avec les mains ou donner lieu à de nombreuses immolations. Et 2) quand des guérilleros palestiniens enlèvent un soldat israélien, vers 2005 - qu'ils échangeront enfin sain et sauf contre des prisonniers palestiniens dans des prisons israéliennes (certains emprisonnés depuis de nombreuses années)– les forces de sécurité israéliennes perquisitionnent une série de lieux ou de sites « suspects » avec le mot d'ordre public de sauver le soldat Gilad Shalit. Au cours de ces « procédures », les Israéliens ont assassiné environ deux cents Palestiniens de tout âge : un indice clair des méthodes de recherche policière : à proprement parler, la recherche était un alibi pour déchaîner la fureur et montrer la puissance du commandant en chef, défié par l'enlèvement.
[3]BBC News, 1/2/2022.
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