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Sergio Rodríguez Gelfenstein
¿Qué hará Marcos Rubio? 

25/10/2022

JIM BOVARD
Le mirage de la barbouzerie washingtonienne
Sur les aveux tardifs du sénateur Pat Leahy

 Jim Bovard, libertarianinstitute.org , 24/10/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

James Bovard (1956) est un auteur et conférencier libertarien usaméricain dont les commentaires politiques visent des exemples de gaspillage, d'échecs, de corruption, de copinage et d'abus de pouvoir au gouvernement fédéral. Il est chroniqueur sur USA Today et est un contributeur fréquent de The Hill. Il est l'auteur de Public Policy Hooligan (2012), Attention Deficit Democracy (2006), Lost Rights : The Destruction of American Liberty (1994) et de 7 autres livres.  Il a écrit pour le New York Times, Wall Street Journal, Washington Post, New Republic, Reader' s Digest, The American Conservative et bien d'autres publications. Ses livres ont été traduits en espagnol, arabe, japonais et coréen. Ses articles ont été dénoncés publiquement par le chef du FBI, le maître général des postes, le secrétaire du HUD (Department of Housing and Urban Development), et les chefs de la DEA  (Drug Enforcement Administration), de la FEMA (Federal Emergency Management Agency), de l'EEOC (Equal Employment Opportunity Commission ) et de nombreux organismes fédéraux. (Comme l'a dit Mao Zedong, « être attaqué par l'ennemi n'est pas une mauvaise chose mais une bonne chose. »)

« Vous pouvez envoyer un homme au Congrès, mais vous ne pouvez pas le faire réfléchir », a dit l'humoriste Milton Berle dans les années 1950. Pour actualiser Berle : vous pouvez dépenser 60 milliards de dollars par an pour les agences de renseignement, mais vous ne pouvez pas obliger les politiciens à lire leurs rapports. Au lieu de cela, la plupart des politiciens restent incorrigiblement ignorants et désespérément poltrons lorsque les présidents entraînent l'USAmérique dans de nouveaux fiascos ultramarins.

Reporting for Duty, par Clifford K. Berryman, 2 avril 1917 : les représentants des 2 chambres au garde-à-vous devant le président Wilson, qui s’apprête à demander leur soutien pour la déclaration de guerre à l’Allemagne

La docilité du Congrès ouvre la voie à la guerre depuis au moins l'ère du Vietnam. En 1964, le président Lyndon Johnson a invoqué une attaque présumée du Nord-Vietnam contre un destroyer usaméricain dans le golfe de Tonkin pour faire adopter par le Congrès une résolution donnant à LBJ le pouvoir illimité d'attaquer le Nord-Vietnam. LBJ avait décidé plus tôt cette année-là d'attaquer le Nord-Vietnam pour relancer sa campagne de réélection. Le Pentagone et la Maison Blanche ont rapidement reconnu que les allégations fondamentales derrière la résolution du Golfe de Tonkin étaient fausses mais les ont exploitées pour sanctifier la guerre.

Lorsque l'histoire officielle des attentats du Golfe de Tonkin a commencé à se dévoiler lors des audiences secrètes du Sénat en 1968, le secrétaire à la Défense Robert McNamara a proclamé qu'il était « inconcevable que quiconque connaissait même à distance notre société et notre système de gouvernement puisse soupçonner l'existence d'une conspiration » pour amener l'USAmérique à la guerre sous de faux prétextes. Mais l'indignation ne saurait se substituer à des faits concrets. Le Sénateur Frank Church (Démocrate-Idaho) a déclaré : « Dans une démocratie, vous ne pouvez pas vous attendre à ce que les gens, dont les fils sont tués et qui seront tués, exercent leur jugement si la vérité leur est cachée. » Le président de la commssion, le sénateur J. William Fulbright (Dém-Arizona), a déclaré que si les sénateurs ne s'opposaient pas à la guerre à ce moment-là,  « nous ne sommes qu'une annexe inutile à la structure gouvernementale ». Mais d'autres sénateurs ont bloqué la publication d'un rapport d'état-major sur les mensonges derrière l'incident du golfe de Tonkin qui propulsait une guerre tuant 400 soldats usaméricains par semaine. Le sénateur Mike Mansfield (Dém-Montana) a prévenu : « Vous donnerez aux gens qui ne sont pas intéressés par les faits une chance de les exploiter et de les magnifier hors de toute proportion. » La même présomption a protégé chaque débâcle militaire subséquente des USA.

Des membres du Congrès paresseux et lâches ont perpétuellement ouvert la voie au carnage outre-mer. En octobre 2002, avant le vote sur la résolution du Congrès visant à permettre au Président George W. Bush de faire ce qu'il voulait de l'Irak, la CIA a remis une évaluation classifiée de 92 pages des armes de destruction massive irakiennes à Capitol Hill (le Congrès). Le rapport classifié de la CIA suscitait beaucoup plus de doutes sur l'existence des armes de destruction massive iraquiennes que le résumé de 5 pages que tous les membres du Congrès ont reçu. Le rapport était conservé dans deux salles sécurisées, l'une pour la Chambre des représentants et l'autre pour le Sénat. Seuls six sénateurs ont pris la peine de visiter la salle pour examiner le rapport, et seule une « poignée » de congressistes ont fait de même, selon le Washington Post. Le Sénateur John Rockefeller (Dém-Virginie occ.) a expliqué que les membres du Congrès étaient trop occupés pour lire le rapport : « ‘Tout un chacun dans le monde veut venir vous voir’ dans votre bureau, et aller dans la salle sécurisée n'est ‘pas facile à faire’. »

Des centaines de milliers d'USAméricains ont été envoyés à 9600 km de là parce que les membres du Congrès ne pouvaient pas se donner la peine de traverser la rue à pied. Les membres du Congrès ont agi comme si aller dans une pièce sécurisée pour parcourir un document de 92 pages équivalait à lire l'ensemble des 38 volumes de l'Encyclopedia Britannica à la lumière d’une bougie dans un placard moisi. La plupart des membres du Congrès avaient amplement le temps de prononcer des discours soutenant le sabre de Bush, mais pas le temps de passer au crible les prétendues preuves de la guerre. Les seules preuves pertinentes pour de nombreux membres du Congrès étaient les sondages montrant un fort soutien pour le président.

Illustration de POLITICO pour l'extrait des mémoires de Leahy qu'il a publié (cité ci-dessous)

De plus amples détails sur le chemin de la guerre en Irak ont été exposés dans les nouvelles mémoires du sénateur Patrick Leahy, The Road Taken. Leahy était l'un des rares sénateurs à se rendre dans la salle réservée pour lire certains documents confidentiels sur la guerre.  Alors que lui et sa femme se promenaient le dimanche dans leur quartier de McLean, en Virginie, en septembre 2002 :

« Deux joggueurs en forme se sont mis à nous suivre. Ils se sont arrêtés et ont demandé ce que je pensais des briefings de renseignement que j'avais obtenus… Je me suis soumis à la clause de non-responsabilité requise selon laquelle, si j'assistais à des briefings et que ceux-ci étaient classifiés, je ne pouvais pas reconnaître qu'ils avaient eu lieu et je ne pouvais pas dire qu’ils avaient eu lieu. Ils m'ont dit qu'ils comprenaient cela, mais ont demandé si les briefeurs m'avaient montré le Dossier Huit.

Il était évident, en voyant la mine que je faisais, que je n'avais pas vu un tel dossier. Ils ont suggéré que je devrais et que je pourrais trouver cela intéressant. Peu de temps après, je me suis arrangé pour voir le Dossier Huit, et cela contredisait une grande partie de ce que j'avais entendu de l'administration Bush.»

Y aurait-il eu un happy end ?   Non pas tout à fait ! Quelques jours plus tard, Leahy et sa femme marchaient et les mêmes joggueurs sont réapparus et ont demandé ce qu'il pensait de ce dossier secret. Leahy a commenté : « C'était la conversation la plus effrayante que j’ai vécue à Washington. Je me sentais comme une version sénatoriale de Bob Woodward rencontrant Gorge Profonde uniquement en plein jour. » Les joggueurs demandèrent alors si Leahy « s’était également fait montrer le Dossier Douze, en utilisant un mot de code…Le lendemain, j'étais de retour dans la salle sécurisée du Capitole pour lire le Dossier Douze, et cela contredisait encore les déclarations de l'administration, et en particulier du vice-président Cheney. »

Le dimanche suivant, Leahy et sa femme passaient devant l'ancienne propriété de Robert Kennedy lorsque des voitures noires avec de multiples antennes et des fenêtres obscurcies se sont garées. Leahy écrit :

« Un membre du cercle présidentiel rapproché s'est penché par la fenêtre arrière, saluant à la fois moi-même et [ma femme] Marcelle, et m'a demandé s'il pouvait me parler…Je suis monté dans la voiture avec lui pendant que les agents de sécurité sortaient de la voiture. Nous nous sommes assis là et nous avons discuté, et il a dit : « Je comprends que vous avez vu les dossiers huit et douze. » J'ai dit que oui, et je savais bien sûr qu'il les avait vus. Il a dit : “Je comprends aussi que vous allez voter contre la guerre.” J'ai dit : « Je vais le faire, parce que nous savons tous qu'il n'y a pas d'armes de destruction massive et que les raisons d'aller en guerre ne sont tout simplement pas là. » Il m'a demandé s'il pouvait m'en dissuader, et j'ai dit non, et nous avons mis fin à la conversation. J'ai commencé à sortir de la voiture, et il a dit qu'ils me raccompagneraient. « Merci, laissez-moi vous dire où j'habite. »

Le haut fonctionnaire anonyme de l'administration Bush a répondu : « Nous savons où vous habitez. » Leahy n'a pas demandé au mec s'il connaissait aussi tous les mots de passe de son ordinateur.

Leahy a voté contre la résolution Bush d'utiliser la force militaire contre l'Irak. Mais Leahy a attendu 20 ans pour révéler les magouilles internes qu'il avait vues sur la route de la guerre. Et Leahy refuse toujours de révéler le nom du « membre du cercle présidentiel » qui le harcelait ce matin-là à McLean. Jimmy Dore, animateur de podcast, s'est moqué que l'histoire de Leahy était « comme un thriller politique, mais à la fin rien ne se passe et rien n'est résolu ». Dore a commenté : « Il y a une guerre de toute façon et il ne dit rien pendant 20 putains d'années. Fin. Ont-ils au moins pris la peine de tester cette fin auprès du public ? » Edward Snowden a gazouillé sur l'histoire de Leahy : « Comment Leahy pouvait-il s'asseoir sur des informations classifiées qu'il savait pouvoir arrêter une guerre ? »

Mais les dissimulations sont souvent inutiles à Washington parce que peu de membres du Congrès y prêtent attention. Après la mort de quatre soldats usaméricains au Niger en 2017, les sénateurs Lindsey Graham (Républicain-Caroline du Sud) et Charles Schumer (Dém-New-York) ont admis qu'ils ne savaient pas qu'un millier de soldats usaméricains avaient été déployés dans ce pays africain [savaient-ils même pù se trouve ce pays ?, NdT]. Graham, membre de la Commission des services armés du Sénat, a admis : « Nous ne savons pas exactement où nous en sommes dans le monde militairement et ce que nous faisons. » Les troupes usaméricaines étaient engagées dans des combats dans 14 pays étrangers à l'époque, prétendument contre des terroristes. Mais la plupart des membres du Congrès ne peuvent probablement pas citer plus de 2 ou 3 pays où les troupes américaines se battent.

Alors que le gouvernement usaméricain est devenu beaucoup plus secret au cours des dernières décennies, les commissions du renseignement du Congrès auraient fourni un contrepoids aux agences qui se cachent derrière des rideaux de fer. Mais « commission  du renseignement » est peut-être le plus grand oxymore de Washington.

Les commissions du renseignement du Congrès font assaut de courbettes à la CIA et à d'autres agences. La Commission sénatoriale du renseignement a effectivement absous tous les mensonges de l'administration Bush sur la voie de la guerre contre l'Irak. Lorsque son rapport a été publié au milieu de 2004 (juste à temps pour stimuler la campagne de réélection de Bush), le président de la commission, le sénateur Pat Roberts (Rép-Kansas), a annoncé : « La commission a constaté que la communauté du renseignement souffrait de ce que nous appelons une pensée de groupe collective. » Et comme tout le monde avait tort, personne n'était en faute, surtout le vice-président Dick Cheney. (Antiwar.com avait raison bien avant le début de la guerre). La CIA n'a pas non plus payé le prix quand elle a été prise en train d'espionner illégalement l'enquête de la commission du renseignement du Sénat sur la torture de la CIA sous l'administration Obama.

Et puis il y a les récompenses officielles pour léchage de bottes. La CIA décerne publiquement sa médaille au sceau de l'Agence aux membres du Congrès qui augmentent son budget, dissimulent ses crimes et s'abstiennent de poser des questions embarrassantes. Pat Roberts en a obtenu une - avec la congressiste Jane Harman (Dém-Californie), le Sénateur John Warner (Rép-Virginie) et le congresssiste Pete Hoekstra (Rép-Michigan)- tous des larbins fiables de l'agence. Les Pères Fondateurs se retourneraient dans leurs tombes à l'idée que les agences fédérales décernent des prix aux membres du Congrès qui étaient censés les tenir en laisse. C’est comme si un juge se vante d'avoir reçu un prix de la fonction publique d'un mafieux qu'il a déclaré non coupable, en connivence avec lui.

Il y a des membres du Congrès intelligents, dévoués et respectés qui surmontent la léthargie et les obstacles bureaucratiques pour en apprendre assez pour reconnaître les folies des interventions proposées. Mais ces âmes vaillantes seront probablement toujours dépassées en nombre par le troupeau de sénateurs et de représentants bien plus enclins à parcourir les derniers sondages qu'à lire un rapport officiel plus long que les 140 signes d’un gazouillis


« ça doit être le signal au Sénateur Leahy qu'il est temps qu'il rentre à la maison » : le commentaire du dessinateur RJ Matson à l'annonce par Patrick Leahy, 82 ans, qu'il ne se représentera plus aux élections du 8 novembre 2022. 8 mandats de suite sur 48 ans, ça devrait suffire. Membre du Sénat le plus âgé et donc son président pro tempore, Pat était l'un des Watergate babies, ces Démocrates ayant été élus au Congrès et au Sénat en 1975, après la démission de Tricky Dicky Nixon. Il a, entre autres nombreux faits d'armes, joué des petits rôles dans six films de Batman. D'où le dessin de Matson. Le décor bucolique est celui du Vermont, dont Leahy est l'un des 2 représentants (l'autre étant Bernie Sanders).

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