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29/03/2022

JORGE MAJFUD
Qui est piégé dans la guerre froide ?
Réponse à un article du Monde sur la « gauche latina pro-Poutine »

Jorge Majfud, 29/3/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le quotidien Le Monde a publié le 27 mars un vaste réquisitoire contre les « intellectuels de gauche » latino-américains, selon lequel nous n'approuvons pas l'invasion de Poutine mais rejetons sur l'OTAN la responsabilité d'avoir provoqué le conflit. Ignacio Paco Taibo II a été accusé d'avoir dénoncé « la nouvelle censure des éditeurs russes par la Foire internationale du Livre de Guadalajara », ce qui ne signifie pas non plus qu'il approuve la censure russe des médias occidentaux.


En ce qui me concerne, le journal français offre un échantillon d'interprétations légères du genre: 

« Dans une série de tribunes publiées dans le quotidien argentin Pagina 12, l’intellectuel uruguayen Jorge Majfud porte la voix de cette gauche qui reste très discrète sur le sujet, et expose « pourquoi une bonne partie de la gauche mondiale soutient Poutine ». « Poutine est trop intelligent pour les leaders d’Occident », lance-t-il, tirant le fil de la posture anti-OTAN et anti-Etats-Unis avec ceci : « L’unique argument que les pouvoirs hégémoniques comprennent est celui des bombes atomiques. »

Et le journal d’enfoncer le clou :

« La guerre russe, « c’est tristement simple », est une « réaction » à une « action largement exercée par Washington », écrit-il encore.

Je ne suis ni la voix de la gauche, ni discrète et encore moins timide. Dites-le à ceux qui nous menacent et nous accusent d'être des radicaux, simplement parce que nous ne nous alignons pas sur le radicalisme belliciste des gentils ou le deux poids deux mesures qui conduit des personnages infâmes comme Condoleezza Rice à affirmer que l'invasion « viole les lois internationales ». Ou un George Bush encore plus néfaste, qui a condamné Poutine pour avoir lancé une guerre “sans provocation et sans justification." Ou le président Joe Biden, déclarant que Poutine est “un criminel de guerre”, un titre qu'il n'accepterait jamais pour aucun ancien président de son pays.

Sans compter les doubles standards classiques des racistes camouflés qui ont magiquement ouvert les frontières de l'Europe pour accueillir les réfugiés ukrainiens, une politique qui aurait été tout à fait correcte si ces mêmes frontières n'avaient pas été fermées à ceux qui fuyaient le chaos de l'Afrique et du Moyen-Orient, chaos produit par les invasions, les pillages, les massacres et les guerres des puissances nord-occidentales pendant deux siècles. Sans parler de l'ouverture magique des frontières par Washington pour accueillir 100 000 réfugiés ukrainiens, ou des rapports sur les facilités que les Ukrainiens trouvent pour traverser la frontière avec le Mexique, cette même frontière qui a toujours été fermée aux réfugiés du sud, enfants et femmes, réfugiés du chaos créé par Washington en Amérique centrale, dans les Caraïbes et au-delà, avec ses dictatures et ses massacres depuis avant, pendant et après la guerre froide. C'est le cas d'Haïti, bloqué et ruiné depuis qu'il est devenu le premier pays libre des Amériques en 1804 et saigné à blanc jusqu'à hier, par la France, par les dictatures des Duvalier, par la terreur des paramilitaires de la CIA, les coups d'État contre Aristide ou l'imposition néolibérale qui ont ruiné le pays, pour ne citer qu'un exemple. Lorsque ces personnes ont fui le chaos, elles ont été pourchassées comme des criminels. En 2021, nous avons assisté à la chasse aux Haïtiens à la frontière, à cheval, comme on chassait les esclaves au XIXe siècle.

Les journalistes des chaînes occidentales ont été encore plus directs, qui ont rapporté la tragédie des Ukrainiens comme quelque chose d'inadmissible, vu que ce sont des "chrétiens blancs", des "gens civilisés", des "blond·es aux yeux bleus". Ou des hommes politiques, comme le député polonais du parti au pouvoir Dominik Tarczyński, qui a fièrement confirmé qu'ils étaient ouverts à l'immigration ukrainienne parce qu'ils étaient des "gens pacifiques", mais qu'ils n'accueilleraient pas un seul réfugié musulman. Zéro. Sur des chefs nazis violents comme Artiom Bonov, réfugiés dans son pays, silence radio.

Comme exemple à suivre, Le Monde a salué "le jeune président chilien, Gabriel Boric" qui a « condamné sans ambages « l’invasion de l’Ukraine, la violation de sa souveraineté et l’usage illégitime de la force » ». En d'autres termes, si vous ne comprenez pas que la réalité est un match de football et que vous devez être à cent pour cent dans un camp sans critiquer l'autre, c'est parce que vous êtes dans un camp sans critiquer l'autre.

Ce n'est pas un hasard si, depuis des générations, les puissances impériales n'ont pas accepté d'être appelées par ce nom. Pour elles, ce n'est pas le moment de mentionner l'impérialisme occidental. Ce n'est jamais le bon moment pour parler d'impérialisme, à moins qu'une autre puissance militaire ne songe à faire de même.

Le Monde nuance lorsqu'il me cite à nouveau sur un point que nous répétons depuis des mois avant la guerre : « Que l’on considère que l’OTAN est le premier responsable du conflit en Ukraine ne signifie pas que l’on soutient Poutine, ni aucune guerre… ». Mais dans sa façon de penser, ce n'est là qu’un détail sans importance. La thèse est autre : la critique de l'OTAN est due au fait que « l'anti-américanisme reste ancré dans le sous-continent ». Comme le vieil argument enfantin selon lequel « ils nous détestent parce que nous sommes riches et libres ».

Récemment, John Mearsheimer, professeur à l'université de Chicago et expert de la région, a accusé les USA d'être responsables de la guerre en Ukraine dans The Economist et The New Yorker. Il y a quelques jours, Noam Chomsky m'a rappelé que non seulement il avait mis en garde, il y a des années, contre le danger d'une guerre si on ne maintenait pas la neutralité de l'Ukraine, mais aussi que « George Kennan, Henry Kissinger, le chef de la CIA et pratiquement tout le haut corps diplomatique qui connaissait un tant soit peu la région étaient du même avis. C'est fou ».

C'est fou, mais il y a une explication : la cupidité sans limite des marchands de mort, contre lesqujels le président et général Eisenhower lui-même avait mis en garde dans son discours d'adieu comme étant un danger majeur pour la démocratie et les politiques des USA.

Maintenant, que nous soyons d'accord avec Kissinger et la CIA elle-même sur les causes du conflit ne signifie pas que nous soyons d'accord sur les objectifs. Un exemple que j'ai signalé dans mon livre La Frontière sauvage résume tout : la CIA a inoculé à la population latino-américaine l'idée que les dictatures fascistes d'Amérique latine devaient combattre le communisme et que, par exemple, Salvador Allende allait faire du Chili un nouveau Cuba, alors que ses agents et analystes rapportaient le contraire : s'ils n'avaient rien fait, il est fort probable qu'en raison de la politique de ruine de l'économie chilienne menée par Washington, Allende aurait perdu les élections suivantes. Mais l'objectif était de créer un laboratoire néolibéral sous la tutelle d'une dictature, comme si souvent auparavant. La CIA a promu dans la presse latino-américaine et même dans les rues avec des tracts et des affiches un discours auquel elle ne croyait pas et dont elle se moquait même. Aujourd'hui encore, la « menace communiste » inexistante est répétée avec fanatisme par ses majordomes, des politiciens pro-oligarchie à la presse et ses journalistes honoraires et mercenaires.

Pour se faire une idée de la poursuite de cette manipulation médiatique, il suffit de considérer que les agences secrètes occidentales disposent de budgets plusieurs fois supérieurs à ceux qu'elles avaient en 1950 ou 1990 et qu'elles ne les utilisent pas uniquement pour former des milices néonazies en Ukraine, ce qu'elles ont appelé, comme dans tant d'autres pays, « autodéfense ». Des forces d'autodéfense qui n'ont pas servi à empêcher une invasion russe ou la chose même que le président Zelenski veut maintenant négocier, la première exigence de la Russie : la neutralité de l'Ukraine.

Alors, est-ce que ce sont les critiques de gauche qui sont piégés dans la guerre froide ou les mercenaires des grandes entreprises, de l'OTAN et des multiples interventions impérialistes ?

17/03/2022

GILAD ATZMON
Idées fausses
Comment ils se sont tous plantés à propos de l’Ukraine

Gilad Atzmon, 16/3/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Jérusalem 1973

Ashraf Marwan est une figure controversée au sein de la communauté du renseignement israélien. Certains le considèrent comme le meilleur espion arabe d'Israël, d'autres comme un maître de l'espionnage égyptien qui a trompé l'armée israélienne avant la guerre de 1973, qui a été un désastre militaire pour l'État juif. En juin 2007, Marwan est « tombé » du balcon de sa maison à Londres. Sa femme et de nombreux commentateurs ont accusé le Mossad de cet assassinat.


 Marwan était né en 1944 dans une famille égyptienne influente. À l'âge de 21 ans, il épouse Mona Nasser, la deuxième fille du président Gamal Abdel Nasser, et s'assure une place dans les coulisses du pouvoir dans le Caire des années 1960.

Après sa défaite humiliante lors de la guerre de 1967, l'Égypte a commencé à préparer son armée à reprendre la péninsule du Sinaï. Marwan était au courant des secrets les mieux gardés de l'Égypte : ses plans de guerre, les comptes rendus détaillés des exercices militaires, la documentation originale des contrats d'armement conclus par l'Égypte avec l'Union soviétique et d'autres pays, les tactiques militaires, les comptes rendus des réunions du haut commandement, les transcriptions des conversations privées de Sadate avec les dirigeants mondiaux, etc. Tout cela lui a permis de fournir à Israël des informations inestimables sur la guerre à venir.

Les renseignements fournis par Marwan au Mossad sont parvenus jusqu'aux bureaux des dirigeants politiques et militaires israéliens et ont façonné le soi-disant « concept » stratégique d'Israël après 1967, à savoir la conviction que l'Égypte de Sadate ne lancerait pas de guerre contre Israël si ses exigences minimales n'étaient pas satisfaites. Sans avions d'attaque à longue portée et sans missiles Scud à longue portée, Israël a été amené à croire que l'Égypte ne pourrait pas surmonter la supériorité aérienne israélienne et ne lancerait pas une guerre.

Les rapports que Marwan a fournis à Israël contenaient des informations précieuses qui, bien qu'exactes, ont systématiquement contribué aux idées fausses d'Israël sur les aspirations, les plans et les capacités de l'Égypte.

En avril 1973, Marwan persuade le Mossad que l'Égypte prévoit une attaque contre Israël à la mi-mai. En conséquence, Israël a mis son armée en alerte rouge, mais la guerre de mai n'a jamais eu lieu. Fin septembre, Marwan convainc à nouveau le Mossad d'un plan d'attaque égyptien, mais cette fois le Mossad a perdu sa crédibilité et jusqu'à la dernière minute, les chefs militaires de Tsahal traitent les informations de Marwan avec suspicion. Ils l'ont pratiquement ignoré.

Quelques heures avant qu'elle ne commence, Marwan a fourni au Mossad un dernier avertissement qu'une guerre était sur le point d'être lancée. Tard le 5 octobre 1973, Tzvi Zamir, le chef du Mossad, rencontre Marwan à Londres et apprend qu'une guerre va commencer le lendemain à 18 heures. La guerre a effectivement commencé le lendemain, quatre heures plus tôt que prévu. La guerre de 1973 est considérée par Israël comme sa bévue militaire la plus humiliante et la plus scandaleuse. Israël n'était absolument pas préparé. Les bataillons de Tsahal sur la ligne de front ont été exposés à un assaut égyptien et syrien de grande envergure. Ils ont été anéantis en quelques heures. Certains affirment à juste titre que c'est uniquement parce que les armées égyptienne et syrienne avaient des plans limités en termes de gains territoriaux qu'Israël a survécu militairement à cette guerre et existe encore aujourd'hui. La plupart des commentateurs militaires israéliens s'accordent à dire que ce ne sont pas les généraux des FDI qui ont sauvé le pays, mais les soldats sur le terrain qui ont combattu héroïquement, dos au mur.

Le général Eli Zeira, alors directeur des renseignements militaires israéliens, est considéré comme l'un des principaux responsables de la bévue militaire de 1973. Zeira affirme que ce sont les informations trompeuses de Marwan qui ont conduit Israël à se méprendre sur les véritables intentions de l'Égypte. Zeira affirme que Marwan était un « agent double » ou, plus exactement, un habile maître de l'espionnage égyptien, qui a brillamment réussi à tromper les Israéliens en leur donnant une « fausse idée » du conflit. Ceux qui croient que Marwan a été assassiné par le Mossad ont tendance à accepter l'opinion du général Zeira.

Kiev 2022

Pendant des mois et des mois, l'USAmérique, la Grande-Bretagne et l'OTAN ont averti les Ukrainiens que la Russie préparait une guerre. Les USAméricains, en particulier, ont clairement indiqué qu'ils étaient au courant d'informations, qui, bien qu'elles ne puissent être partagées avec le grand public, indiquaient que Poutine préparait une attaque imminente. Naturellement, peu de gens ont cru à ces avertissements usaméricains répétés : au jour d’aujourd’hui, les services de renseignement usaméricains et britanniques ont été impliqués dans trop de bévues et de mensonges spectaculaires (dont les fantaisistes ADM en Irak et les attaques chimiques en Syrie) pour que personne, y compris les Ukrainiens, ne prenne ces institutions militaires au sérieux. Il était également évident que, plus encore que l'Ukraine ou la Russie ne souhaitait ou n'avait besoin d'un conflit militaire, c'est Washington et Londres qui en souhaitaient un. L'Ukraine est devenue une plaque tournante énergétique à la suite de la découverte d'importantes réserves de gaz et de pétrole sur son territoire. L'Occident y voyait une alternative à la Russie en tant que principal fournisseur de gaz à l'Europe.

Comme ce fut le cas avec Marwan en 1973, quelqu'un a « aidé » le Pentagone à élaborer un « concept » de « campagne russe imaginaire ». Dans le plan de guerre délirant des USAméricains, Poutine s'emparerait des régions russophones de l'Ukraine à l'est et pourrait également tenter de s'emparer d'un peu de terrain au sud pour créer un passage terrestre vers la Crimée. Cette guerre aurait pris fin en peu de temps car ses objectifs militaires étaient limités. L'Ukraine accepterait les gains territoriaux russes car ils lui permettraient de se débarrasser de ses régions les plus problématiques et les plus contestées. La Russie serait condamnée mais, dans ce scénario, lorsque la paix prévaudrait, l'Ukraine serait en mesure de rejoindre l'UE et peut-être même l'OTAN et, surtout, de devenir le premier fournisseur d'énergie de l'Europe.

Ce « concept » de guerre pourrait bien avoir été induit par une personnage de Poutine/Marwan. Il a induit les USAméricains et les Britanniques en erreur et leur a permis de construire une vision stratégique et géopolitique totalement erronée. L'armée ukrainienne a été assez stupide pour suivre le scénario des services de renseignement du Pentagone et a déployé ses unités d'élite à l'Est. Ces unités se sont préparées à une guerre express sur des territoires contestés mais définis. Mais ce n'est pas la guerre qui s'est produite. Au contraire, ce qui s'est passé a été tragique pour l'Ukraine et son armée. Juste avant l'invasion russe du 24 février, il est apparu clairement que la Russie avait étendu ses exercices militaires au Belarus. Quelques jours plus tard, la Russie a lancé sa campagne militaire. Le principal effort de la Russie a été lancé depuis le Belarus et visait la capitale ukrainienne, Kiev, et non les régions orientales comme prévu. En une simple manœuvre, l'armée russe a réussi à isoler la majeure partie de l'armée ukrainienne, loin de la capitale et sans voies d'approvisionnement ni soutien logistique de l'Ouest.

16/03/2022

GILAD ATZMON
La guerre de Poutine pour les nuls (au pouvoir)

Gilad Atzmon, 13/3/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Poutine n'est pas un général d'armée. C'est un leader moderniste, un maître espion et un stratège entraîné qui comprend que la guerre est une continuation de la politique par d'autres moyens (Clausewitz). Par conséquent, si nous voulons comprendre les motivations de Poutine, nous devons nous abstenir d'essayer d'évaluer la campagne militaire de la Russie en termes de « stricts objectifs militaires ».  Nous devrions plutôt considérer la campagne militaire comme un instrument politique destiné à entraîner un changement géopolitique mondial et régional, et ce à une échelle gigantesque.

Il est clair que l'armée de Poutine fait de son mieux pour éviter les pertes civiles. Elle utilise des tactiques de siège, par opposition à la doctrine barbare usaméricaine du « Shock and Awe » [Choc et effroi]. En outre, l'armée russe s'efforce de ne pas démanteler l'armée ukrainienne.  Au lieu de cela, elle encercle les villes et exclut l'armée ukrainienne de l'est et du sud du pays. L'armée russe a démantelé la capacité de l'Ukraine à se regrouper, sans parler de contre-attaquer.  Les analystes militaires occidentaux s'accordent à dire que la preuve évidente de l'incapacité croissante de l'armée ukrainienne est que celle-ci n'a pas réussi à endommager sérieusement le convoi russe de 60 km de long en route vers Kiev, malgré le fait que le convoi soit resté immobile pendant plus de 10 jours. Au cours des dernières 24 heures, la Russie a clairement fait savoir à l'Occident que toute fourniture militaire occidentale à l'Ukraine sera traitée comme une cible militaire légitime. En d'autres termes, l'armée d'élite ukrainienne dans l'Est est désormais une force militaire défunte ; elle peut défendre les villes, elle peut organiser des attaques de guérilla contre la logistique militaire russe étirée, mais elle ne peut pas se regrouper en une force de combat capable de modifier le champ de bataille.

L'armée de Poutine, comme le reconnaissent les experts militaires, jouit d'une puissance de feu massive. Ce n'est un secret pour personne que l'artillerie russe est une force mortelle et qu'aucune force ne peut l'égaler dans le monde. La justification militaire de cette situation est claire. L'URSS n'a jamais fait confiance à la qualité et à la loyauté de ses fantassins. Tout en comptant sur l'impact de masse des soldats, sur leur nombre absolu, elle a également inventé les moyens, la technologie, les tactiques et la doctrine pour gagner la bataille à distance, en préparation de l'arrivée en masse de troupes. C'est l'artillerie rouge qui a mis à terre l’ armée du 3ème Reich. De même, l'URSS et la Russie moderne sont réputées pour leur capacité à raser les villes ennemies. La Russie apprécie cette puissance, mais elle s'est abstenue, jusqu'à présent, de déployer cette capacité en Ukraine. Elle a montré cette capacité plutôt que de la déployer. Selon les analystes militaires, la Russie n'a même pas commencé à utiliser sa puissance aérienne supérieure, si ce n'est pour assurer sa supériorité aérienne totale sur l'Ukraine.

La tactique de l'armée russe a consisté à exercer une pression à la périphérie des villes, en démontrant sa puissance militaire, puis en ouvrant des couloirs pour les convois humanitaires. Et c'est là l'astuce. La Russie crée un flot de réfugiés vers l'ouest. En raison de l'interdiction faite par le gouvernement ukrainien aux hommes de 18 à 60 ans de quitter le pays, il s'agit de femmes et d'enfants. Jusqu'à présent, il y a environ 2,5 millions de réfugiés ukrainiens, mais ce nombre pourrait augmenter de façon spectaculaire. Et la question qui se pose est la suivante : l'Allemagne sera-t-elle heureuse d'accepter un autre million de réfugiés qui ne constituent pas une force de travail ? Qu'en est-il de la France et de la Grande-Bretagne, des USA, du Canada, de tous ces pays qui ont poussé Zelenski et l'Ukraine dans une guerre mais se sont empressés d'abandonner le peuple ukrainien à son sort ?

Tôt ou tard, pense Poutine, l'Europe acceptera toute sa liste de demandes et lèvera la liste des sanctions, et pourrait même la dédommager pour ses pertes sur les ventes de pétrole et de gaz, tout cela dans une tentative désespérée d'arrêter le tsunami de réfugiés ukrainiens. Le temps que les armes se refroidissent, de nombreux Ukrainiens pourraient en fait préférer rester en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne et en Pologne. Cela conduira, du moins dans l'esprit de Poutine, à un changement démographique de l'équilibre ethnique en faveur des groupes ethniques russes en Ukraine. Dans le contexte d'un tel changement, Poutine sera en mesure de dominer la situation dans l’ État voisin par des moyens politiques et même démocratiques.

Le plan de Poutine n'est pas nouveau.  Il a déjà réussi en Syrie.