Ze'ev Binyamin
Begin, Haaretz, 22/10/2021
Traduit par Fausto
Giudice, Tlaxcala
Ze'ev Binyamin « Benny »
Begin (Jérusalem, 1943) est un géologue et politicien israélien, qui a été brièvement
ministre et député successivement des partis Hérout, Likoud et, actuellement, Tikva Hadasha (Nouvel Espoir). Il est
le fils de Mieczysław
Wolfovitch Biegun, plus connu sous le nom de Menahem Begin, qui fut le chef du
groupe terroriste Irgoun et des partis Hérout et Likoud et Premier ministre d’Israël,
revendiquant l’héritage de Vladimir Jabotinsky, le chef de l’aile « révisionniste »
(droitière) du mouvement sioniste.
Dans son
livre "Les Nuits blanches", mon père, Menahem Begin, a décrit son
amitié avec Mikhaïl Garine, un juif souffreteux et un ardent communiste avec
qui il a partagé une couchette dans un goulag soviétique en 1941. On pensait
que Garine avait disparu, comme des millions d'autres victimes dans ces camps
de travail forcé. Puis, il y a quelques mois, un contact a été établi avec le
petit-fils de Garine.
Au printemps 1941, au pied des montagnes de
l'Oural, sur les rives de la rivière Pechora, non loin du cercle polaire, dans
l'un des nombreux goulags soviétiques, deux prisonniers politiques juifs se
rencontrent : un communiste nommé Garine e et un sioniste nommé Begin. Le
premier a été condamné pour s'être livré à une "activité trotskyste
contre-révolutionnaire" ; le second a été reconnu coupable - en raison de
ses activités sionistes - d'être un "élément socialement dangereux pour la
société". Tous deux ont été condamnés sans procès, en vertu de l'article
58 du code pénal soviétique, à huit ans dans un "camp de travail
correctionnel". Avec d'autres prisonniers, tant politiques que criminels
(ces derniers étant connus sous le nom d'Ourki-truands), tous deux ont
déchargé des rails de chemin de fer et d'autres équipements des péniches sur la
rivière. Ils ont participé à la construction de la ligne ferroviaire du nord de
la Russie, longue de 1 000 kilomètres, qui s'étend de Kotlas à Vorkouta, au
bord de l'océan Arctique.
Dessin Eran Wolkowski
Begin, maigre et frêle après
avoir passé neuf mois dans une prison soviétique à Vilna, puis avoir été
transporté au camp de Pechora par train de marchandises sur 2 000 kilomètres, a
décrit la santé de son nouvel ami dans "Nuits blanches", un récit de
son arrestation et de son incarcération dans le camp de travail et le système
pénitentiaire soviétiques : "un mauvais cœur, une température élevée
constante et un pouls rapide". Les chances que l'un des deux
hommes sorte vivant du camp de travail forcé sont minces.
Le récit de la vie
de Garine e a laissé une profonde impression sur Begin ; ses paroles sont
restées gravées dans la mémoire de mon père. En effet, il a cité Garine dans
son livre de 1950 "La Révolte : L’histoire de l’Irgoun", et plus
tard, il a développé leur rencontre dans "Les Nuits blanches" Les nuits blanches: mes souvenirs
des camps soviétiques; traduit de l'anglais par Jacques Hermone et
Patricia Lerand, éditions Albatros, 1978),
où la description de la vie de Garine est citée en détail :
« Sais-tu quel âge j'avais lorsque j'ai
rejoint le Parti ? Je n'avais pas plus de 17 ans quand je suis devenu bolchevik
et que j'ai commencé à travailler pour la Révolution. Pendant la guerre civile,
j'étais dans la Garde rouge et j'ai pris part à de nombreuses batailles contre
les Blancs. J'ai été fait prisonnier. Les Blancs m'ont battu et torturé
horriblement, mais ils n'ont pas réussi à obtenir quoi que ce soit de moi...
Lorsque la guerre civile s'est terminée, on m'a confié diverses tâches au sein
du parti en Ukraine. J'étais encore jeune, mais je travaillais dur et me
consacrais corps et âme au Parti. Quelle époque ! Je travaillais pour le parti
et j'étudiais à l'université. Lorsque j'ai terminé mes études, on m'a confié
des postes encore plus élevés... J'ai travaillé pendant quelques années au
secrétariat du Parti en Ukraine. J'ai fini par en devenir le secrétaire
général. De ce poste, j'ai été transféré à un poste encore plus élevé. J'ai été
convoqué à Moscou et intégré à la rédaction de la Pravda. Je suis devenu
rédacteur en chef adjoint du journal du parti.
Mikhaïl Davydovitch Garine et sa femme Alexandra
Zakharovna Vasilyeva (1902-1938) vers 1921, date de leur mariage. Elle a laissé
des mémoires en deux tomes, Punis sans
culpabilité et Et les tulipes
poussent sur les pierres
« En 1937, l'année où ils
sont devenus fous, ma femme a été arrêtée. Je ne t’ai pas parlé de ma femme.
Nous nous sommes rencontrés alors que nous étions tous deux étudiants. Ma femme
était aussi membre du parti, et un membre très actif. Ma femme n'est pas juive,
mais quelle différence cela fait-il ? Notre vie de famille était merveilleuse.
Nous avons eu un fils et une fille. Ma femme m'aidait dans mon travail, et je
l'aidais. Son principal intérêt était la science. Dans son travail
scientifique, elle allait de succès en succès. Elle est devenue maître de
conférences à l'université, puis à l'Institut Krasni Professori [Institut du
professorat rouge]... Et tout à coup, en 1937, elle a été arrêtée...
l'interrogateur l'avait accusée de trotskisme et avait exigé des aveux. Elle
n'a pas avoué. Elle n'avait jamais été trotskyste ».