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12/03/2023

GIDEON LEVY
Sameh Aqtash était un travailleur humanitaire qui avait des amis colons. Cela ne l’a pas sauvé du pogrom

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 11/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Sameh Aqtash, travailleur humanitaire, venait de rentrer de Turquie dans son petit village de Cisjordanie après avoir organisé des transports de nourriture par camion pour les survivants du tremblement de terre. Il a été abattu au passage de colons pogromistes qui se dirigeaient vers la ville de Huwara.

Sameh Aqtash à Bursa. Photo Yeni Safak

 Voici Rim, à qui Sameh donne du lait au biberon. Dans cette vidéo familiale, on voit également une main douce et caressante qui la caresse doucement. Rim est une gazelle que Sameh Aqtash a trouvée dans la nature et qu’il a adoptée. Rim est le mot arabe qui désigne cette délicate créature, et c’est aussi le nom de la fille de Sameh, âgée de 8 mois. Aujourd’hui, il ne pourra plus s’occuper d’aucune d’entre elles : un Israélien armé - peut-être un colon, mais peut-être aussi un soldat - a abattu Sameh, 37 ans, la semaine dernière. Le mot “meurtre” est la meilleure façon de définir cet acte horrible.


Sameh donnant le biberon à un bébé gazelle. Photo : famille Aqtash

C’était la nuit où des colons se sont déchaînés dans la ville de Huwara, le 26 février, un jour après que deux colons israéliens ont été tués à proximité par des Palestiniens. Certains des membres de la foule déchaînée, empêchés de se joindre au pogrom par les barrages routiers de l’armée érigés avec un certain retard, ont décidé de déverser leur rage sur les habitants du minuscule et tranquille village voisin de Za’atara. Lorsque les villageois ont tenté de se protéger et de protéger leurs biens contre les émeutiers qui étaient sur le point d’envahir Za’atara, sous les auspices des Forces de défense israéliennes, quelqu’un a tiré sur Sameh et l’a tué.

C’était un individu singulier, un musulman pieux qui voyageait dans le monde entier et se portait volontaire pour aider les personnes dans le besoin. Quatre jours avant son assassinat, il était revenu d’un séjour de dix jours en Turquie, où il avait aidé les survivants du récent tremblement de terre. Il y a quelques années, il avait parcouru l’Asie et l’Afrique, aidant à construire des mosquées et à creuser des puits au Bangladesh et en Ouganda. Aujourd’hui, il est mort. Et sa mort risque de rester impunie.

04/03/2023

GIDEON LEVY
Choc, rage et désespoir à Huwara au lendemain du pogrom des colons


Gideon Levy,Haaretz; 4/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Une ville verrouillée, des rues désertes, des habitants enfermés chez eux - effrayés et furieux. Des colons à l’affût dans leurs voitures, des soldats à chaque coin de rue, des bâtiments brûlés et des carcasses noircies de voitures.

 Le camion-citerne d’épuration de Youssef Damaidi, lundi à Huwara. Des morceaux de métal et de verre en tombent après chaque coup de l’enfant Photo : Moti Milrod

Lundi matin, la tête décapitée d’une vache était suspendue à un crochet à l’entrée d’une boucherie de la rue principale de Huwara. C’était la seule chose suspendue à l’extérieur de la longue rangée de magasins, tous fermés, donnant à la ville de Cisjordanie l’apparence d’être sous couvre-feu. L’armée avait en effet interdit aux Palestiniens de circuler dans les rues ou d’ouvrir leurs commerces. La présence d’une troupe de reporters et de photographes portant des gilets pare-balles, des masques à gaz et des casques, évoquait des scènes de guerre.

Mais le choc, la rage et le désespoir du lendemain matin dominaient tout dans ces rues tranquilles. Tous ces sentiments étaient palpables malgré les fenêtres à barreaux de chaque maison, à travers lesquelles des femmes et des enfants effrayés jetaient un coup d’œil. Tous ces sentiments se reflétaient sur les visages des quelques habitants qui s’aventuraient à l’extérieur pour évaluer les dégâts, et émanaient également des fçades muettes de dizaines de bâtiments calcinés et de centaines de voitures brûlées, certaines réduites à une pulpe métallique gris terne.

Lendemains d’un pogrom

Les soldats israéliens sont toujours postés sur les toits des immeubles, ces mêmes soldats qui n’ont rien fait la veille pour empêcher des centaines de colons de se déchaîner dans la ville de Huwara, située aux environs de Naplouse. Le gouverneur palestinien de cette ville était arrivé un peu plus tôt pour examiner la scène, suivi par une visite du ministre israélien de la Défense. Pour le gouverneur, il s’agissait d’une visite de courtoisie sans importance ; après tout, il est impuissant à protéger ses sujets, leurs biens ou leur dignité.


Les conséquences du saccage des colons à Hawara, cette semaine.Photo : Moti Milrod

“Ibrahim Aluminum”, ”Peace Construction Materials” et ”Naji Air Conditioners” - des panneaux en hébreu sont accrochés à l’extérieur des petites boutiques. “Des vêtements pour toute la famille, des prix incroyables”, dit un autre panneau, également en hébreu. Toutes ces enseignes sont des monuments aux anciens clients, qui peuvent revenir ou pas.

La formidable route de contournement de Huwara, actuellement en construction, sera bientôt achevée, et les colons n’auront plus besoin de traverser la ville en voiture - sauf pour perpétrer des pogroms. Huwara est une cible commode pour les colonies violentes implantées sur la montagne qui la surplombe : de temps en temps, les colons descendent, brûlent, détruisent, parfois tuent - et repartent. Les maisons situées dans la partie nord de la ville, près des routes menant aux colonies d’Itamar et de Yitzhar, sont les plus susceptibles d’être attaquées.

Dimanche dernier, des colons se sont déchaînés ici pendant cinq heures d’affilée, n’hésitant pas à vandaliser les maisons et les commerces des habitants. Lorsque l’on se trouve à Huwara le lendemain matin, il est impossible de ne pas se demander comment 400 colons ont pu prendre d’assaut la ville pendant autant d’heures sans que personne ne les arrête ou ne protège les habitants - à moins que l’armée n’ait voulu que ce saccage ait lieu. Lorsque vous êtes à Huwara le lendemain matin, il est également impossible de ne pas imaginer ce qui se serait passé si 400 Palestiniens avaient attaqué les colonies de Yitzhar, en haut de la montagne, ou de Givat Ronen, Har Bracha et Itamar, incendiant les maisons et les voitures de leurs habitants par vengeance. Après tout, le sang bouillonne aussi à Huwara, tout comme il bouillonne à Har Bracha depuis l’attaque terroriste de dimanche dernier qui a tué deux frères de cette colonie, alors qu’ils traversaient en voiture la ville palestinienne voisine.

Des soldats et des colons israéliens à Huwara cette semaine.Photo : Moti Milrod

À l’entrée de la salle d’exposition du magasin de Raad et Hadi, qui vend des pièces détachées pour véhicules de luxe, une telle voiture était exposée : Il ne restait que la coquille nue et noircie de l’Audi qui avait été incendiée, ou peut-être était-ce une Skoda.

Huwara est en fait une rue principale qui a une ville. L’autoroute 60 la traverse sur toute sa longueur, comme elle traverse toute la Cisjordanie. Mais ce n’est qu’ici que cette artère principale passe par une localité palestinienne, du moins jusqu’à l’achèvement de la route de contournement - qui, avec un système ramifié de routes de contournement construites ces dernières années, déterminera l’avenir du projet de colonisation de manière bien plus décisive qu’une autre centaine d’avant-postes de colons qui y poussent. Construites sur des terres palestiniennes, bien sûr, ces routes servent à rapprocher encore davantage les colonies d’Israël, à faciliter leur intégration dans le pays et, d’une manière générale, à faciliter la vie de leurs résidents.

En attendant, il y a la carcasse calcinée de l’Audi et des centaines d’autres voitures qui ont connu le même sort dans toute la région de Hawara, leurs pneus ayant fondu en une bouillie noire. Certains de ces véhicules avaient été utilisés, d’autres étaient garés dans des décharges où les propriétaires espéraient les vendre pour leurs pièces détachées. L’un de ces parcs, le plus grand d’entre eux, ressemblait cette semaine à un cimetière de victimes d’un brasier.



Conséquences du saccage des colons à Hawara, cette semaine. Photo : Moti Milrod

L’odeur de la fumée flottait encore dans l’air lundi ; de la fumée s’échappait encore de quelques véhicules incendiés. Le silence momentané a été soudainement rompu par une vieille VW Golf verte arborant un drapeau israélien qui a dévalé l’autoroute 60. Comme tous ceux qui sont passés par ici ce jour-là, ses passagers ont chahuté les habitants en criant et en faisant des gestes. Une pierre a été jetée, la Golf s’est arrêtée. Les soldats se sont précipités pour intervenir, tout semblait sur le point d’éclater à nouveau en violence.

« Qui a jeté cette pierre ? », a crié un officier de l’armée, hystérique. « Sortez vos chiens d’ici », a rétorqué courageusement un homme de la région. Seule la présence de la presse locale et étrangère lui a apparemment épargné un passage à tabac ou une arrestation.

« Rédempteurs de la terre »- tel est le slogan collé sur la vieille Golf. Elle a été rejointe par quelques autres voitures de colons qui sont arrivées à toute vitesse, les passagers sortant avec empressement, apparemment prêts à se battre ou à jeter un coup d’œil aux dégâts qu’ils ont causés la veille. Le vintage semble être leur truc : au moins deux des véhicules des envahisseurs portaient les plaques d’immatriculation spéciales des voitures de collection.


Un bâtiment incendié pendant le pogrom de Huwara. Photo : Majdi Mohammed/AP

Ils sont là, les colons : des hooligans religieux costauds, grossiers et vulgaires, se promenant comme des seigneurs et affichant un comportement arrogant vis-à-vis des Palestiniens et des soldats. Bottes quasi-militaires, pantalons rentrés dans les bottes, T-shirts portant des inscriptions provocantes. Le conducteur de la Golf était masqué, peut-être dans le but de paraître plus menaçant. Tous ces gens savent qu’ils n’ont rien à craindre ici. Un soldat a posé doucement une main sur l’épaule de l’un d’entre eux et l’a escorté vers une voiture. Les colons que nous avons vus étaient presque certainement ici le dimanche.

« Je vous ai tous à l’œil, faites gaffe », a sifflé l’officier aux nombreux reporters et photographes palestiniens, qui essayaient d’obtenir un cliché des colons et des soldats, frères d’armes. « Eitan, dis à Sagi d’appeler Shapira », a-t-il hurlé.

Toutes les quelques minutes, un bus blindé presque vide passait, empruntant les routes habituelles desservant les colons. Les transports publics semblent être meilleurs ici qu’à Tel Aviv. L’entrée d’une grande villa brune au bord d’une route est carbonisée ; les restes des pneus qui l’ont incendiée gisent sur le chemin, un jeu de cartes est éparpillé sous quelques oliviers et un grill de barbecue se dresse désespérément. La maison est vide, ses occupants ont peur de revenir. Des poteaux de clôture se trouvent le long du chemin menant à la maison. Leur but est clair, mais une barrière aussi peu solide n’arrêtera probablement pas les pogromistes de la montagne.

Conséquences du saccage des colons à Hawara, cette semaine. Photo : Moti Milrod

Le mur extérieur d’une autre grande maison de la ville est noirci sur toute sa longueur - quatre étages de suie et de climatiseurs liquéfiés. Il est peu probable que cette structure, l’une des plus hautes de Huwara, soit habitable. Quelqu’un a déjà boulonné des tôles aux fenêtres du rez-de-chaussée, pour empêcher les pillages. Les dégâts économiques sont particulièrement visibles dans la rue principale. Les pots de fleurs brisés que les saccageurs ont jetés sur leur passage ajoutent une dimension apocalyptique à la scène.

Sur la route menant à Huwara se tient un groupe de femmes colons portant des drapeaux israéliens, gardés par des soldats dans un véhicule blindé. Ces jours-ci, à Huwara, il n’est permis d’arborer que le drapeau israélien - ostensiblement le symbole national des habitants de la ville. Le fait que seules les voitures des colons aient été autorisées à traverser la ville lundi était également une forme de justice poétique : la récompense allait aux pogromistes et la punition à leurs victimes, comme après le massacre perpétré contre les Palestiniens par le colon Baruch Goldstein en un autre temps et lieu.

La cabine du conducteur et le moteur du camion-citerne d’eaux usées appartenant à Yusuf Damaidi, 37 ans, ont été ravagés par les flammes dimanche. La citerne elle-même n’a pas été touchée. Le lendemain, de la fumée s’élevait encore de la partie avant et des eaux usées s’écoulaient de l’arrière. Le jeune fils de Damaidi frappe la cabine du conducteur avec un bâton, et des éclats de métal et de verre tombent sur le sol.


Une maison visée par le déchaînement des colons à Huwara, cette semaine.
Photo : AMMAR AWAD/Reuters

Un complexe appartenant à une autre famille (mais sans lien de parenté) nommée Damaidi, à l’est de Huwara, possède deux bâtiments de deux étages, revêtus de pierre et carrelés de marbre, une cour bien entretenue et une luxueuse résidence d’hôtes au milieu. Mais la maison d’hôtes, dont la construction a été achevée il y a tout juste quatre mois, nous a dit Radwan Damaidi, a été totalement ravagée par le feu dimanche - ce qui évoque pour nous des images de l’incident de 2015 dans le village de Douma, où une famille et sa maison ont été incendiées.

Radwan, son père et son frère possèdent un magasin qui vend de l’or à Naplouse et ils ont quelques voitures de luxe sur leur parking. L’une d’elles a été incendiée et la lunette arrière d’un 4X4 a été brisée par des colons. Au départ, raconte Radwan, ils étaient environ 25, qui ont sauté par-dessus le mur de pierre qui entoure le complexe ;. Ils sont ensuite partis, pour revenir avec des dizaines de hooligans en renfort. C’est alors qu’ils ont mis le feu à la maison d’hôtes et au beau coin salon dans la cour.

Le panier de za’atar frais qui était sur la table n’est plus qu’une bouillie de suie. Le vélo d’appartement de la maison d’hôtes n’est plus qu’une carcasse brûlée. Certaines des fenêtres des étages supérieurs de l’enceinte ont été brisées par des pierres lancées par les colons, et une partie d’un escalier en marbre a été fracassée. Quatre soldats se tenaient à l’entrée du complexe alors que le pogrom faisait rage et n’ont rien fait, dit Radwan. Ils pensaient peut-être que leur tâche était de protéger les colons. Fatma, la grand-mère de Radwan, s’est évanouie lorsque les colons ont fait irruption dans la cour de sa maison. Chez un voisin, une voiture a été carbonisée.

« C’est l’heure de Ben-Gvir », disait un autocollant sur l’une des voitures qui passaient en trombe dans la rue principale.

 

28/02/2023

GIDEON LEVY
Le pogrom mené par des colons israéliens à Huwara était une préfiguration d’un Sabra et Chatila 2

Gideon LevyHaaretz, 28/2/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

En 1982, l’armée israélienne n’a pas empêché les phalangistes de massacrer 600* hommes, femmes et enfants dans un camp de réfugiés palestiniens au Liban ; cette semaine, en Cisjordanie, personne n’a arrêté les colons phalangistes à Huwara.

Des soldats de Tsahal et des colons israéliens à  Huwara lundi. Photo : Moti Milrod

 

Dimanche après-midi, le jeune Radwan Dameidi a emmené sa femme et son enfant en bas âge de leur maison dans la ville de Huwara, en Cisjordanie, à la maison de la famille de sa femme à Naplouse. Dameidi possède un magasin d’or à Naplouse et vit dans une maison spacieuse à Huwara. Immédiatement après l’attaque terroriste de dimanche à  Huwara, au cours de laquelle deux Israéliens ont été tués, il a appris par les médias sociaux que les colons préparaient un acte de vengeance majeur dans la ville, il a donc rapidement transféré sa femme et son bébé dans un endroit sûr.

 

La journaliste de Haaretz, Hagar Shezaf, savait que les colons organisaient une marche de vengeance. Elle en avait entendu parler le dimanche après-midi alors qu’elle était à Paris. De Huwara à Paris, quiconque le souhaitait savait qu’une grande opération de vengeance était sur le point de secouer  Huwara. Il n’y avait qu’un seul acteur qui ne savait pas, ne voyait pas et n’entendait pas - ou peut-être entendait-il, savait mais l’ignorait : l’establishment militaire israélien.

 

Les forces de défense israéliennes, la police aux frontières et le service de sécurité Shin Bet ne se sont pas préparés à un quelconque pogrom et n’ont rien fait pour l’empêcher, soit par apathie et complaisance, soit parce qu’ils ont délibérément fermé les yeux. Selon une estimation de l’armée, au moins 400 voyous colons, dont certains étaient masqués et armés et d’autres munis de gourdins, de chaînes en fer et de jerricans ‘essence ont fait irruption à Huwara. Personne ne les a arrêtés, et personne n’a sérieusement essayé de le faire.

 

Radwan Dameidi dans sa maison à Huwara, lundi, après que des colons israéliens ont incendié la ville dans la nuit de dimanche à lundi : Moti Milrod

Lundi, la police aux frontières a déclaré que ses forces avaient en fait empêché les émeutiers juifs d’entrer dans Huwara et que les émeutiers avaient envahi la ville depuis un endroit qui relevait de la responsabilité de l’armée. Les journalistes militaires ont également expliqué que les soldats avaient tenté d’empêcher les colons d’entrer sur les routes de la ville et qu’ils étaient donc descendus des collines. D’une manière ou d’une autre, des centaines d’émeutiers ont envahi la ville dans le but de semer la destruction. Personne ne les a arrêtés et personne n’en a assumé la responsabilité.

 

Cela a montré une fois de plus à quel point les Palestiniens sont impuissants et qu’aucune entité sur terre ne protège leurs vies et leurs biens. Dimanche, on a également soupçonné que le fait que l’armée ferme les yeux n’était pas le fruit du hasard. Peut-être que les responsables des FDI voulaient en fait que les colons fassent leur travail pour eux, en punissant les Palestiniens et en obtenant un effet dissuasif avec un pogrom, comme l’avait demandé Zvi Fogel, député d’Otzma Yehudit [Force juive, dirigé par Itamar Ben Gvir, NdT].

"Je veux voir  Huwara fermé et brûlé"
 

Fermer les yeux de cette manière rappelle des souvenirs oubliés. En 1982, les FDI ont également fermé les yeux sur les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila au Liban, permettant ainsi aux milices phalangistes libanaises de commettre les terribles massacres qui y ont eu lieu. Il n’y a pas eu de massacre à Huwara, pas encore, mais personne ne pouvait savoir à l’avance comment les choses allaient se passer. Si les émeutiers avaient aussi voulu massacrer la population, personne ne se serait mis en travers de leur chemin dimanche. Personne n’a arrêté les phalangistes à Sabra et personne n’a arrêté les phalangistes à Huwara.

 

Dimanche, ils se sont contentés de semer la destruction. Mais attendez leur prochain acte de vengeance, surtout si personne n’est traduit en justice et puni pour le pogrom de dimanche. Sabra et Chatila 2 est en route et personne ne fait rien pour l’arrêter.

 

De la fumée et des flammes s’élèvent après que des colons israéliens se sont déchaînés dans la ville de  Huwara, en Cisjordanie, incendiant plusieurs maisons et voitures et blessant des dizaines de Palestiniens dimanche soir.Photo : HISHAM K. K. ABU SHAQRA / Anadol

Huwara ressemblait lundi à une ville fantôme, une ville assiégée en temps de guerre. C’était Kherson à Huwara. Les reporters étaient déjà en tenue de combat. Tous les magasins étaient fermés et les rues vides. Les habitants se sont blottis chez eux et rares sont ceux qui ont jeté un coup d’œil à travers les barreaux que presque toutes les fenêtres de la ville possèdent en raison des pogroms précédents.

 

Les visages de la poignée d’habitants dans la rue reflétaient leur colère et leur désespoir. Seuls les colons ont été autorisés à circuler dans les rues de la ville lundi, un autre signe évident d’apartheid, et la plupart d’entre eux l’ont fait de manière provocante et grossière - klaxons de victoire, doigt d’honneur et chants tels que “mort aux Arabes”, ”salopes” et autres épithètes.

 

Voitures brûlées à  Huwara lundi, après que des colons israéliens ont mis le feu à la ville palestinienne dimanche soir. Photo : Moti Milrod

 

D’autres se sont arrêtés, sont sortis de leur voiture sous les auspices des soldats et ont commencé à railler les habitants de près, à l’entrée de leurs maisons incendiées et de leurs voitures fumantes. Les habitants débordaient de rage mais n’osaient pas dire un mot. La main qu’un soldat armé a posé délicatement sur l’épaule de l’un des voyous a résumé la situation mieux que ne le feraient des milliers de mots.

 

Dimanche soir, lorsque Radwan Dameidi est rentré de Naplouse, où il avait laissé sa femme et son enfant à l’abri pour la nuit, il a été stupéfait de voir des dizaines de colons armés se déchaîner dans sa cour. Ils ont cassé des fenêtres et brûlé l’opulente maison d’hôtes de la famille, qui venait d’être achevée il y a quatre mois. Cette racaille a pillé sa Smart TV et mis le feu à son vélo d’exercice.

 

Quatre soldats se tenaient près de la maison et n’ont pas levé le petit doigt.

 

*Le rôle de l’armée israélienne et de son commandant Ariel Sharon dans le massacre de Sabra et Chatila (16-18 septembre 1982) reste controversé : il va de l’observation passive à la direction opérationnelle. Selon les sources, le nombre de victimes du massacre varie de 460 à 3 500, le chiffre de 2 000 étant souvent retenu. [NdT]

 

13/12/2022

  AMIRA HASS
Des documents internes révèlent que les colons israéliens sont déterminés à chasser les “Arabes” de Cisjordanie

Amira Hass, Haaretz, 12/12/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Un document interne de l'Administration civile*, sous la forme d'une carte et d'une feuille de calcul Excel, montre l'étroite coopération entre l'État et les colons pour déposséder les Palestiniens.

Un bâtiment de l'administration civile en Cisjordanie. Photo : Amira Hass

 

Le vendredi 2 septembre, le shabbat a commencé à 18 h 36 au Conseil régional de Samarie. À 18 h 41, le coordinateur foncier du conseil a signalé à l'Administration civile israélienne qu'un engin de terrassement était en train d'améliorer la route d'accès au village palestinien de Qusra, au sud-est de Naplouse.

 

Le fait qu'il ait violé le jour saint du repos en faisant ce rapport ne semble pas l'inquiéter : lors de trois sabbats différents, en août et en octobre, il a également fait état de travaux effectués par des Palestiniens dans le nord de la Cisjordanie, dans l'espoir que les inspecteurs de l'Administration civile les arrêtent. Une fois, il a évoqué les préparatifs de la mise en place de lignes électriques entre les villages d'Aqraba et de Majdal, à l'est de Naplouse ; une autre fois, une route était en cours de construction vers le village d'Asira al-Shamaliya, au nord de Naplouse ; et le troisième incident concernait le défrichage du sol près du village de Qafin, à l'ouest de Jénine.

L'urgence de signaler, en dehors des heures de travail officielles, une réparation mineure effectuée sur un tronçon de route menant à un village palestinien, témoigne d'un dévouement qui va bien au-delà du rôle d'un employé d'un organisme public - surtout dans une administration locale où de nombreux résidents sont des sionistes religieux, voire des ultra-orthodoxes.

 

Ces rapports sont soumis au moyen d'un formulaire en ligne intitulé « Rapport sur les violations présumées des lois sur l'urbanisme et la construction », une plate-forme informatisée qui a remplacé le centre d'appel de la « salle des opérations C », un organe de l'Administration civile créé fin 2020.

 

Son objectif explicite : accélérer les opérations de contrôle et de démolition des constructions palestiniennes sur environ 61 % de la superficie de la Cisjordanie - c'est-à-dire dans les territoires connus sous le nom de zone C, dont les pouvoirs de planification et d'administration devaient rester temporairement entre les mains d'Israël, selon les accords d'Oslo. En 1999, les pouvoirs de planification, de construction et d'administration dans la majeure partie de ce territoire étaient censés être transférés à l'Autorité palestinienne, mais Israël n'a pas respecté les accords.

 

Lorsque le centre d'appel a été lancé, en janvier 2021, il a été décrit dans une publicité sur le site Internet de la colonie de Kokhav Ya'akov (qui est construite sur les terres de Kafr Aqab) comme une “ligne de mouchardage”.

 

L'annonce se lisait comme suit : « Avez-vous vu des travaux de construction effectués par des Palestiniens qui vous semblent suspects et non autorisés ? Avez-vous rencontré un problème sanitaire causé par des Palestiniens qui traitent la loi avec mépris ? A partir de maintenant, vous avez votre propre ligne de dénonciation - adressez-vous à elle à tout moment, de toutes les manières possibles et déposez une plainte ».

 

Contrairement au centre d'appels, en principe destiné à l'usage de tous, le formulaire en ligne est utilisé principalement par les “coordinateurs fonciers” ou “inspecteurs fonciers” travaillant pour les conseils régionaux israéliens en Cisjordanie.

 

Un document interne de l'Administration civile, que Haaretz a récemment obtenu sous la forme d'une carte et d'une feuille de calcul Excel intitulée “Operations Room C”, répertorie 1 168 signalements par le biais du formulaire en ligne au cours d'une période d'environ huit mois cette année, du 1er mars au 19 octobre.

 

Le document donne un autre aperçu de l'implication intense des colons dans les opérations de l'Administration civile et de l'armée israélienne, depuis les expulsions des Palestiniens de la majeure partie du territoire de la Cisjordanie et l'empêchement de leurs travaux de construction et d'infrastructure, jusqu'aux efforts méticuleux pour s'assurer qu'ils ne dépassent pas les limites des enclaves qu'Israël leur a attribuées.

 

La récente demande du parti de “Sionisme religieux” de contrôler les organes qui gèrent la vie des Palestiniens et leurs terres en Cisjordanie n'est pas sortie de nulle part : elle est la suite naturelle de la pression exercée depuis des années sur le terrain, à la Knesset, dans les médias et dans les tribunaux, par le lobby de la colonisation qui, depuis une trentaine d'années, présente une image fausse selon laquelle le territoire désigné comme zone C appartient uniquement à Israël et aux Juifs.

 

Dans une colonne séparée de la feuille de calcul que Haaretz a obtenue, on trouve les commentaires des personnes qui ont réalisé les rapports, qui reflètent à quel point la construction et les autres travaux entrepris par les Palestiniens en Cisjordanie sont devenus criminels selon les critères établis par l'Administration civile et les colons.

 

Par exemple : « défricher et déblayer la terre dans un endroit rocheux qui n'a pas été cultivé au cours des 20 dernières années «  ; « préparer un terrain pour la construction près de la route » ; « rouleau compresseur, tracteurs et camion en train de paver une route au nord du village de Kafr Laqif «  ; « préparation apparente d'un fossé dans lequel poser un tuyau » ; « construction massive et préparation de parcelles de terre » ; « travail dans la carrière illégale où une confiscation a été effectuée il y a quelques mois » ; « des Arabes construisent actuellement une structure près d'Al-Tuwani » ; « construction manuelle d'un campement et installation d'une citerne d'eau » ; « creusement d'un puits » ; « pelleteuse travaillant pour le deuxième jour consécutif au sud du village de Beitillu » ; « Arabes travaillant à l'intérieur de la Ligne bleue [zone qu'Israël prévoit de déclarer terre d'État] » ; « Des Arabes plantent des arbres » ; « Des Arabes placent une maison préfabriquée près de Kiryat Arba «  ; «  véhicules - Arabes faisant des travaux de terrassement » ; «  pelleteuse à Beitillu travaillant pour le troisième jour consécutif  ; et « [une pelleteuse] transforme un chemin en route ».

 

L'heure (y compris les minutes et les secondes) à laquelle chaque rapport a été rédigé apparaît dans le document, ainsi que l'heure à laquelle il a commencé à être abordé par les autorités, le nom de la personne qui l'a signalé, son numéro de téléphone et les outils et machines qu'elle a observés.

12/08/2022

GIDEON LEVY
Pourquoi le militant palestinien Nasser Nawajah a subi un raid de l'armée israélienne et 14 heures de détention

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 12/8/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Une importante force de l'armée israaélienne a fait une descente dans le village du militant palestinien des droits humains Nasser Nawajah. Il a été emmené menotté et les yeux bandés en détention pendant 14 heures, tout cela pour un entretien de 15 minutes avec un agent du Shin Bet qui lui a conseillé de modérer son comportement.

Nawajah montre comment il a été arrêté. Le "capitaine" du Shin Bet l'a averti de ne pas ennuyer l'armée ou de "franchir les lignes rouges", mais n'a pas pu exiger que l'activiste cesse de documenter les événements.

N'y a-t-il vraiment pas d'arrestations à caractère politique en Israël ? Se produisent-elles uniquement en Syrie et en Russie ? Est-il possible qu'un militant des droits humains de Cisjordanie ait été placé en détention uniquement pour l'empêcher de documenter l'invasion d'un village palestinien par un groupe de colons ? Ce qui est arrivé samedi soir dernier à Nasser Nawajah, militant des droits humains et chercheur sur le terrain pour B'Tselem et Haqel - deux organisations israéliennes de défense des droits humains - ne peut être décrit que comme une arrestation politique.

Aucune autre description ne correspond à ce que le service de sécurité Shin Bet et les Forces de défense israéliennes, son sous-traitant pour les arrestations et les enlèvements, ont fait à ce jeune homme impressionnant et déterminé du village de Susya, dans les collines du sud d'Hébron. L'envoi de dizaines de soldats à son domicile tard dans la nuit, sa détention totalement injustifiée pendant 14 heures, menotté et les yeux bandés, le soldat qui l'a photographié pour avoir la photo d'un "terroriste", le traitement abusif et humiliant qu'il a subi - tout cela pour une très courte conversation avec le "capitaine Yassin", l'agent régional du Shin Bet.

« Pourquoi ne m'ont-ils pas convoqué par téléphone ? » demande Nawajah, le lendemain de sa libération inconditionnelle. Pourquoi ? Parce que Nawajah est un résistant non violent à l'occupation qui se présente n'importe où et n'importe quand dans les collines du sud d'Hébron et ailleurs en Cisjordanie, là où il y a des épisodes de violence des colons ou lorsque l'administration civile démolit des maisons. Il est toujours là, il filme et documente les événements pour B'Tselem et Haqel.

C'est précisément ce que le Shin Bet veut empêcher. À cette fin, un militant palestinien peut être enlevé chez lui, sans mandat, bousculé durant une nuit et une journée, laissé en détention par l'armée pendant des heures - puis relâché comme si de rien n'était.

Lundi dernier, lors de notre visite, au lendemain de la libération de Nawajah, les gens avaient afflué chez lui. Personne, dit-il, pas même lui, ne savait au moment de son arrestation combien de temps il serait détenu et de quoi il serait faussement accusé cette fois-ci, le samedi 6 août. La première fois qu'il a été détenu, suite à l'accusation diffamatoire concoctée par la journaliste israélienne Ilana Dayan et le cinéaste Omri Assenheim, dans le cadre d'une collaboration honteuse entre l'organisation de droite Ad Kan et l'émission télévisée d'investigation "Fact" de Dayan, c'était en janvier 2016. Il a été maintenu en détention pendant près de deux semaines avant d'être libéré - sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui. La détention au début de ce mois a été plus courte, et tout aussi dépourvue de motifs.

Nawajah est âgé de 40 ans, père de quatre enfants, originaire de l'ancienne Susya (Susya al-Qadima), dont les habitants palestiniens ont été expulsés en 1986 pour que leur village puisse être cédé à des colons. Les villageois ont alors été contraints de s'installer sur des terres privées, à environ un kilomètre de là, où ils ont créé une nouvelle communauté, également appelée Susya.

Nawajah n'a été scolarisé que pendant huit ans, après avoir été blessé par une munition non explosée laissée dans un champ alors qu'il se rendait à l'école dans la ville de Yatta. C'était une marche de cinq kilomètres, et il avait dû la faire tous les jours, sous la pluie et au soleil. Aujourd'hui, il regrette d'avoir abandonné l'école. « Si j'avais eu un diplôme, je serais allé beaucoup plus loin dans la vie », dit-il.


Nasser Nawajah

À 14 ans, il commence à faire des petits boulots en Israël. Le pire de tous, dit-il, était de gaver les oies dans deux mochavim [colonies coopératives juives « socialistes », NdT], Azaria et Ben Zakai. Après avoir pris conscience de l'ampleur de la souffrance qu'il infligeait aux oies, il a rêvé de devenir vétérinaire pour expier ses crimes contre ces créatures. Cela ne s'est pas produit : son affection et sa compassion pour les animaux demeurent, mais à un moment donné, il décide de transformer l'idée de protéger les animaux en une mission de défense des droits humains.

Cela s'est produit après le meurtre de Yair Har Sinai, de la colonie juive de Susya, en 2001. Les colons ont appréhendé Nawajah et un autre jeune homme de son village et les ont remis au Shin Bet et à l'armée. Il avait 17 ans à l'époque, et a enduré une nuit d'interrogatoires et de passages à tabac avant d'être relâché à l'aube.

De retour dans son village, il découvre à son grand étonnement qu'il n'existe plus. « Je monte sur la colline et je ne vois pas de village. Où est le village ? J'ai cru que j'avais perdu la tête à cause des interrogatoires. J'étais mal en point, j'étais en état de choc à cause d'eux - et il n'y a pas de village. Je me suis rapproché et j'ai vu des tas de tiges métalliques et de plastique déchiré, et des murs démolis. Mon village s'était transformé en un tas de ruines. L'armée était arrivée à 6 heures du matin et avait tout démoli ».

21/04/2022

GIDEON LEVY
Tous les Israéliens sont complices de l’occupation

Gideon Levy, Haaretz, 21/4/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

NdT- Le mardi 19 avril, des colons juifs emmenés par leurs députés du parti Sionisme religieux, ont effectué une « marche de Pessah » vers Homesh, le lieu emblématique des colons juifs en Cisjordanie. Avec 3 autres colonies (Ganim, Kadim, Sa-Nur), Homesh, située sur les terres palestiniennes du village de Burqa, au nord de Naplouse, a été évacuée et démantelée en 2005 dans le cadre du « Désengagement de Gaza ». Depuis lors, une série de tentatives de réinstallation de colons ont eu lieu, dont il reste aujourd’hui une yeshiva (école religieuse) et un « avant-poste ». J’ai respecté l’utilisation du terme « occupation » [כִּיבּוּשׁ, kibush] par l’auteur, désignant dans le langage courant israélien israélien l’occupation depuis 1967 de Jérusalem-Est, la Cisjordanie, Gaza et le Golan syrien, avec un sens implicite : que le territoire appelé Israël (la Palestine de 1948) ne serait pas sous occupation.-FG

 Nous tous, chaque Israélien, avons défilé à Homesh l’autre jour. Chacun d’entre nous, chaque Israélien, a participé à la parade du drapeau à Jérusalem mercredi. Nous tous, chaque Israélien, sommes des colons. Il n’y a pas d’autre façon de décrire la réalité. Quiconque pense qu’il ne s’agit que d’une petite minorité violente de colons avec laquelle la plupart des gens n’ont aucun lien, quiconque pense qu’il s’agit d’une partie éloignée de la terre, d’une arrière-cour sombre qui n’a aucun lien avec la vitrine, se ment complètement à lui-même.

Des Israéliens participant à la marche sur Homesh regardent les villages palestiniens voisins. Photo : Amir Levy

Comme il est agréablement faux de penser que ça ne peut pas être nous, que c’est eux ; comme il est agréablement faux de penser que nous, les éclairés, n’avons aucun lien avec cela, que le gouvernement ne fait que céder à leur folie.

Dans toute extorsion, il y a l’extorqueur et l’extorqué. Ce n’est pas nous, ce sont ces autres personnes avec les grandes calottes et les longues papillotes, avec les femmes en foulard et les écoles religieuses pour filles. Qu’est-ce que Homesh a à voir avec nous ? Ou le Mont du Temple ? Il est vrai que la plupart des Israéliens n’ont jamais mis les pieds dans l’un ou l’autre de ces endroits, et que beaucoup n’ont probablement aucune idée de l’endroit où se trouve Homesh, mais la vérité est que nous sommes tous là. Nous portons tous la responsabilité.

Chaque drapeau provocateur de Homesh, et tous ceux qui sont brandis sur le Mont du Temple, portent nos noms à tous. On ne peut pas s’asseoir à Tel Aviv en sirotant un café au lait de soja, en gloussant et en se plaignant : « Qu’est-ce qui va se passer avec ces colons ? Ils ruinent ‘notre’ pays ».  On ne peut pas non plus siéger dans un gouvernement qui supervise tout cela et dire que c’est un gouvernement de changement. Si quelqu’un a encore besoin de la preuve qu’il n’y a aucune différence entre ce gouvernement et ses prédécesseurs, il suffit de regarder Homesh.

Benny Gantz aurait dû fermer Homesh. Omer Bar-Lev aurait dû disperser les drapeaux. Yair Lapid est aussi monté à Homesh. Nitzan Horowitz a également participé à la marche des drapeaux et Merav Michaeli a également frappé des vieillards avec des bâtons sur la place de la mosquée. Ils sont partie prenante de toutes ces choses. Idit Silman et Itamar Ben-Gvir ne marchent jamais seuls. Il y a les FDI qui les protègent, la police israélienne qui ne les arrête pas et un gouvernement qui ne lève pas le petit doigt. Par conséquent, nous étions tous à Homesh.

C’est ce qu’on appelle être complice d’un crime. Pas seulement le fait de ne pas empêcher un crime, ce qui est aussi un délit pénal, mais l’aide à la commission du crime lui-même. L’article 26 du Code Pénal stipule : « est considéré comme partie au délit celui qui, présent ou non au moment où le délit est commis, accomplit ou omet d’accomplir un acte quelconque dans le but de permettre ou d’aider une autre personne à commettre le délit ». Faut-il en dire plus ? La manifestation provocatrice à Homesh était méprisable. C’est l’apartheid dans sa forme la plus pure et une gifle au visage de la Haute Cour de Justice. Elle témoigne d’un plus grand mépris de la loi que ce qu’impliquent les accusations portées contre Benjamin Netanyahou.

16/12/2021

GIDEON LEVY
Ce ne sont pas les colons, c'est l'État

 Gideon Levy, Haaretz, 16/12/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Laissez les colons « violents » tranquilles. Tout comme vous ne pouvez pas faire la différence entre les colonies légales et illégales parce qu'elles sont toutes illégales, vous ne pouvez pas faire la différence entre les colons violents et non violents. Ils sont tous violents, ce sont seulement leurs méthodes qui sont différentes.

 

Une voiture vandalisée par des colons dans les collines du sud d'Hébron, en septembre. Photo : Tomer Appelbaum

Le chroniqueur Rogel Alpher avait raison lorsqu'il a écrit cela, contrairement au rédacteur en chef de The Marker, Sami Peretz, qui a dépassé les bornes en défendant les colons et en brouillant la réalité en déterminant qu'il fallait faire la distinction entre la majorité non violente des colons et la minorité, qui fait ce qu'elle veut dans les collines de Samarie (Haaretz, 15 décembre).

Ils font tous ce qu'ils veulent dans les collines de Samarie, certains avec des gourdins et des haches, d'autres avec des villas sur des terres volées. La plupart des résidents d'Ofra, une colonie censée être « modérée » et bien établie, ont volé des terres privées et se sont installés dessus. Les autres se sont installés sur des terres qui n'étaient pas privées, mais pas moins volées. Ne sont-ils pas violents ? Que dire des fondateurs d'Evyatar, qui n'ont peut-être jamais tué une mouche ? À cause d'eux, neuf manifestants palestiniens ont été tués parce qu'ils n'ont pas accepté de garder le silence sur le vol de leurs biens restants. Ne sont-ils pas violents ?

Tous les colons sont violents dans l'acte même de pillage qu'ils commettent, et toute colonie est un acte de pillage méprisable, laid et illégal. Non seulement il est permis de généraliser, mais c'est un devoir de le faire. Quelle est la différence entre la voyoucratie individuelle et la voyoucratie institutionnelle ? Qu'est-ce qui blesse le plus la victime, les oliviers déracinés par un voyou colon ou sa terre volée par l'État ? Les coups infligés par les adolescents des avant-postes ou ceux infligés par les soldats ?