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20/03/2023

JEFFREY D. SACHS
La crise bancaire globale et l'économie mondiale

Jeffrey D. Sachs (bio) , 19/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La crise bancaire qui a frappé la Silicon Valley Bank (SVB) la semaine dernière s'est propagée. Nous nous souvenons avec effroi de deux contagions financières récentes : la crise financière asiatique de 1997, qui a entraîné une profonde récession en Asie, et la grande récession de 2008, qui a provoqué un ralentissement mondial. La nouvelle crise bancaire frappe une économie mondiale déjà perturbée par les pandémies, la guerre, les sanctions, les tensions géopolitiques et les chocs climatiques.


Emad Hajjaj

La crise bancaire actuelle trouve son origine dans le resserrement des conditions monétaires par la Fed (Réserve Fédérale US) et la Banque centrale européenne (BCE) après des années de politique monétaire expansionniste. Ces dernières années, la Fed et la BCE ont maintenu des taux d'intérêt proches de zéro et ont inondé l'économie de liquidités, notamment en réponse à la pandémie. L'argent facile a entraîné une inflation en 2022, et les deux banques centrales resserrent à présent leur politique monétaire et augmentent les taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation.

Les banques comme la SVB reçoivent des dépôts à court terme et les utilisent pour réaliser des investissements à long terme.

Les banques paient des intérêts sur les dépôts et visent des rendements plus élevés sur les investissements à long terme. Lorsque les banques centrales augmentent les taux d'intérêt à court terme, les taux payés sur les dépôts peuvent dépasser les revenus des investissements à long terme. Dans ce cas, les bénéfices et le capital des banques diminuent. Les banques peuvent avoir besoin de lever davantage de capitaux pour rester sûres et opérationnelles. Dans des cas extrêmes, certaines banques peuvent faire faillite.

Même une banque solvable peut faire faillite si les déposants paniquent et tentent soudainement de retirer leurs dépôts, un événement connu sous le nom de panique bancaire (“bank run”). Chaque déposant se précipite pour retirer ses dépôts avant les autres déposants. Comme les actifs de la banque sont immobilisés dans des investissements à long terme, la banque n'a pas les liquidités nécessaires pour fournir de l'argent liquide aux déposants paniqués. Le SVP a succombé à un tel bank run et a été rapidement reprise par le gouvernement usaméricain. 

Les retraits massifs de capitaux sont un risque courant, mais ils peuvent être évités de trois manières. Premièrement, les banques doivent conserver suffisamment de capital pour absorber les pertes. Deuxièmement, en cas de bank run, les banques centrales devraient fournir aux banques des liquidités d'urgence, mettant ainsi fin à la panique. Troisièmement, l'assurance des dépôts par l'État devrait calmer les déposants. 

17/09/2022

LUIS CASADO
Réveille-toi, Bernard Maris ! Ils sont devenus fous...

Luis Casado, 16/9/2022
Traduit  par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Les nouvelles de l'économie sont un film d'horreur. L'inflation bat des records, le déficit énergétique promet un hiver glacial en Europe et des prix de luxe pour l'électricité et le gaz. Mais tout cela était prévisible. Sauf que le populo préfère mater le foot…

Bernard Maris, un économiste, un vrai...

Plus d'une fois, j'ai rendu hommage à celui qui fut, involontairement, mon mentor en économie, le grand Bernard Maris. Son livre Lettre ouverte aux gourous de l'économie qui nous prennent pour des imbéciles devrait être une lecture obligatoire à Harvard et à Chicago, grâce à quoi il n'y aurait pas d'économistes à la moirmol et le monde irait mieux.

La lecture de Maris permet de démêler l’embrouillamini. Si vous poussez le vice jusqu'à lire Frédéric Lordon et même Jacques Sapir, tout l'édifice théorique de l'économie standard - celle qui justifie la misère, la faim et la pénurie pour les moins-que-rien et la richesse, l’ennui et l'abondance pour les privilégiés - s'effondre comme un château de cartes.

Ainsi j'ai su que pour la théorie économique standard, le temps n'existe pas, ou bien que lorsqu'il y a contradiction entre la théorie et la réalité, c'est la réalité qui se trompe (George Stigler, prix Nobel d'économie 1982), et un tombereau d’autres calembredaines, comme par exemple que les monopoles et les cartels n'existent pas, sans parler du caractère ontologique de l'information par excellence : les prix.

Si, comme la grande majorité des économistes, vous ne connaissez rien à l'économie, ne vous inquiétez pas. En électricité, vous pouvez déduire tout l'enchaînement théorique à partir de la formule u=R*i : il suffit de se donner la peine. En économie, il suffit de connaître la loi de l'offre et de la demande (si les prix augmentent, l'offre augmente, si les prix baissent, la demande augmente) et de savoir que toute intervention extérieure au marché est de la merde. Apprenez-le par cœur et exigez votre diplôme à l'Université du Chili, ou à la Catholique, à Harvard ou à la London School of Economics, en vous épargnant des années d'études inutiles et le bonbon qu'elles coûtent.

Les dogmes susmentionnés ont disparu au combat, au milieu de la crise toute fraîche d'hier et des inquiétantes menaces de stagflation confirmées par les banques centrales pour demain.

Un élément majeur du désastre dans lequel nous sommes plongés concerne la très célèbre loi de l'offre et de la demande dans le domaine de l'énergie. Sa rareté, générée par l'incurie, l'incompétence et l'irresponsabilité de gouvernements ineptes et inaptes, a conduit le G7 - groupe qui réunit les sept pays selon eux-mêmes les plus importants de la planète, à savoir l'Allemagne, le Canada, la France, l'Italie, le Japon, le Royaume-Uni et les USA - à plafonner le prix de l'énergie, bordel de merde. Oui, comme vous l'avez lu. Ce n'est plus la loi de l'offre et de la demande qui fixe les prix, mais sept sommités de l’espèce jeanfoutriste qui n'ont même pas eu la délicatesse d'informer le FMI, ni la Banque mondiale, ni Harvard, ni la London School of Economics, qui ont abrogé la loi en laissant comme deux ronds de flan les économistes idiots (pléonasme).

L'économiste suisse Michel Santi a annoncé la bonne nouvelle le 13 septembre dernier, comme suit :

« La limitation des prix du pétrole décidée il y a quelques jours par le G7 est une mesure originale, inédite, que nous devons prendre très au sérieux. »

J'ai pris Michel au sérieux, au point de publier quelques-unes de ses notes. Je chante donc la palinodie et je reconnais que ce mammifère n'est qu'un économiste de plus. Il ose affirmer que la mesure - qui envoie aux huitième et neuvième cercles (Fraude et Trahison) de l'enfer la théorie économique - est originale et inédite. Ni l'un ni l’autre. Faut-il donner des exemples pour le prouver ? Non content de se rendre responsable de cette connerie, Michel abonde dans la bêtise :

« Les pays membres de ce club exclusif refuseront donc d'acheter leur pétrole à la Russie à un prix dépassant un certain niveau qui sera fixé ultérieurement. La Russie pourrait prendre de l'avance et refuser de vendre du pétrole à des nations qu'elle juge hostiles. Nous devons cependant écarter immédiatement cette hypothèse car les revenus liés au pétrole ont représenté ces dernières années jusqu'à 40% des revenus du Kremlin ».

Mais la Russie n'a rien dit. C'est la Norvège, pays membre de l'UE, aujourd'hui principal fournisseur d'énergie en Europe, qui a été la première à déclarer que la limitation du prix du pétrole, ils pouvaient se la mettre là où je pense : « Cela ne résoudra pas la question de fond - a déclaré Jonas Gahr Støre, Premier ministre norvégien - qui est que nous n'avons pas assez d'énergie ».

Ce qui m'amène à considérer que la théorie qui condamne toute intervention extérieure au libre marché, même lorsque cette intervention vise à corriger les défauts du libre marché, n'est pas si bête.

L'une des principales raisons de la catastrophe énergétique qui a mis les pays de l'UE au bord de l'effondrement est liée à « l'organisation du marché de l'énergie » qui a obligé à introduire le marché libre dans des pays qui n'avaient aucun problème. Compte tenu des résultats (les « libres concurrents» facturent jusqu'à treize fois le prix de revient de l'énergie qu'ils revendent), l'UE entend modifier « l'organisation du marché libre ». Vous me suivez ?

De sorte que l'autre principe fondateur de la libre concurrence, celui qui déclare que « toute intervention extérieure au marché est du caca », est aussi allé aux orties, à cause des libre-marchistes.

Ce qui est curieux, c'est que Bernard Maris avait prévu toute cette mascarade et publié son livre il y a 20 ans, affirmant à l'époque (2003) que la théorie économique était morte depuis au moins 30 ans. Il y a donc un demi-siècle que la théorie du libre marché est devenue ce qu'elle est, une arnaque, grâce au labeur de nombreux économistes libre-marchistes - Sonnenschein, Mantel, Debreu, Nash et bien d'autres - qui, en essayant de prouver la théorie de l’équilibre général (loi de Walras) dont on parle tant, ont prouvé exactement le contraire.

Si demain matin vous entendez à la radio, ou lisez dans la presse, que l'inflation et la récession perdurent et nous conduisent à un giga-abîme, pensez un instant à Bernard Maris, assassiné par des intégristes islamistes à Paris, chez Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015.


   

 

 

 

 

25/12/2021

LUIS CASADO
Le « retour de l'inflation » (ah bon, elle était partie ?)

 Luis Casado, 24/12/2021
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

« Les banques centrales face à la peur de l'inflation ». Ce sont les gros titres de la presse mondiale. Bon, dit Luis Casado, nous ferions bien de nous demander ce qu'est l'inflation. Parce que c’est un sujet aigre-doux. Et ils pourraient nous mettre un nouveau but depuis le milieu du terrain.

 Famille pauvre : une famille pauvre est une famille qui, compte tenu de ses revenus et du pourcentage de ceux-ci qu'elle consacre à l'alimentation, ne parvient pas à satisfaire ce besoin. Le revenu familial par habitant se situe entre la valeur d'un et de deux paniers alimentaires.

Famille indigente : il s'agit d'une famille qui, même si elle consacre la totalité de ses revenus à l'alimentation, ne parvient pas à satisfaire ce besoin. Le revenu familial par habitant est inférieur à la valeur d'un panier alimentaire.

 (Glossaire économique. Université pontificale catholique du Chili)

« Les habitants des campagnes vendoient très cher leurs denrées pour des assignats, et venoient à Paris les changer contre de l'argent ». Gouache de Jean-Baptiste Lesueur. Musée Carnavalet, Paris

La presse financière internationale, à commencer par le Wall Street Journal de Rupert Murdoch, s'inquiète des signes indiquant que le vieux démon de l'inflation se réveille d'un long sommeil.

Les banques centrales (BC) ont un mandat qui se résume généralement à la lutte contre l'inflation, et au cours des dernières décennies - pour des raisons qui ne doivent rien aux BC - l'inflation avait disparu de la carte. Craignant la déflation, un fléau encore plus grave, les banques centrales se sont fixé un « objectif de taux d'inflation annuel" de 2 %, en s'inspirant largement du jugement de l'alchimiste suisse Theophrastus Phillippus Aureolus Bombastus von Hohenheim, plus connu sous le nom de Paracelse (1493-1541), qui a inventé cette sentence : un peu de poison ne tue pas.

Mais pourquoi 2 % ? Une bonne question à laquelle la réponse est : et pourquoi pas ?

En économie, il n'existe pas de « constantes universelles » invariantes dans l'espace-temps, comme celles de Planck, de Boltzmann ou d'Avogadro. Les notions arbitraires, en revanche, abondent. Leur fondement scientifique est le célèbre principe de L'Oréal : « Parce que je le vaux bien ».

La précision ne fait pas partie du monde de l'économie : aucun économiste ne songerait à définir la vitesse de la lumière comme la distance qu'elle parcourt dans le vide pendant le temps déterminé par 9 192 631 770 oscillations d'un atome de césium. Et compter les oscillations, une par une, pour être sûr du calcul,  encore moins.

L'économie use et abuse des constructions, pures créations de la pensée dont l'existence dépend de l'esprit d'un économiste, aussi taré soit-il.

La pauvreté, par exemple, est une construction. Chacun définit la pauvreté, ou le seuil de pauvreté, comme il l'entend. Au Chili, par exemple, ils ont défini un panier alimentaire de base :

Sa valeur est de 19,103 pesos [19€] pour les zones urbaines et de 14,720 pesos [14€] pour les zones rurales (octobre 2000). Cela signifie que si une famille a un revenu par habitant inférieur à la valeur d'un panier alimentaire de base, elle est considérée comme indigente. Si le revenu par habitant se situe entre la valeur d'un et de deux paniers, la famille est considérée comme pauvre. Si le revenu par habitant est supérieur à la valeur de deux paniers alimentaires de base, la famille est considérée comme non pauvre.

Elle est pas belle, la science économique ?