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09/03/2023

AVNER GVARYAHU
À Huwara, nous avons vu notre vrai visage

Avner Gvaryahu, Haaretz, 6/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Avner Gvaryahu est le co-directeur exécutif de Shovrim Shtika/ Breaking the Silence (Briser le silence), une ONG de vétérans de l’armée israélienne ayant servi dans les territoires occupés depuis 1967. Né de parents sionistes religieux à Rehovot, il a un diplôme en travail social de ‘l’Université de Tel-Aviv et une maîtrise en droits humains de l’Université Columbia (USA). Il a fait son service militaire de 2004 à 2007, dans les parachutistes (comme son père), comme sergent d’une unité d’opérations spéciales de snipers, principalement autour de Naplouse et de Jénine, après quoi il a rejoint Breaking the Silence, constatant que « le problème n’était pas le soldat individuel mais l’ensemble du système d’occupation ». Le groupe fasciste étudiant Im Tirtzu l’a qualifié d’“agent étranger”. @AGvaryahu FB

Il y a une semaine, quelque 400 colons sont entrés dans le village de Huwara, en Cisjordanie, ont mis le feu à des maisons avec leurs occupants à l’intérieur, ont tiré sur des journalistes et ont apparemment abattu un Palestinien de 37 ans. David Ben-Gourion a dit un jour que lorsque nous aurons un voleur juif, une prostituée juive et un meurtrier juif, nous saurons que nous avons un pays.

 Soldats et colons à ‘Huwara le lendemain du pogrom, la semaine dernière. Photo : Moti Milrod

Et voilà. Nous avons même des pogromchiks* juifs, et ils bénéficient du soutien total des députés, des ministres, des maires et des journalistes. Personne ne paie le prix - ni les auteurs, ni ceux qui les soutiennent. Avant que vous ne vous en rendiez compte, nous n’en parlerons plus. Nous parlerons d’une déclaration d’un politicien quelconque. Comment le sais-je ? Parce que c’est arrivé tant de fois auparavant.

 

Amog Cohen, désormais député de Force juive, a un passé très lourd : membre de l’unité Yoav de la police "anti-émeutes" qui terrorise les Bédouins du Néguev, il se vante ouvertement de ses méfaits, comme ci-dessous, contre la famille Al Touri, qui a porté plainte (sans suite). Il a aussi créé une milice armée pour « pour sauver le Néguev israélien », financée par une collecte organisée par le même groupe qui a recueilli des fonds pour soutenir les frais de justice de Netanyahou


Vous vous souvenez du député d’Otzma Yehudit, Almog Cohen ? Il venait à peine de déclarer que le député de Yesh Atid, Merav Ben-Ari, avait une voix de femme de ménage et qu’il fallait parler aux Arabes comme on parle à des moutons, et il a été oublié à cause de la loi interdisant les aliments au levain dans les hôpitaux pendant la Pâque. Il s’est cependant excusé. Mais seulement à Ben-Ari, parce qu’avec les Arabes, c’est le « langage qu’ils comprennent parfaitement », a-t-il dit, mais ne chipotons pas.

11/12/2022

GIDEON LEVY
Le gouvernement d'extrême droite de Netanyahou amorcera la fin de l'apartheid israélien

 Gideon Levy, Haaretz, 11/12/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

À côté de toutes les descriptions apocalyptiques - dont certaines sont sûrement justifiées - de ce qui attend Israël après la prestation de serment du nouveau gouvernement, il faut laisser la place à une autre vision, plus optimiste : le nouveau gouvernement pourrait rapprocher la fin de l'apartheid, certainement plus près que ne l'aurait fait un quelconque gouvernement centriste.

Les députés israéliens d'extrême droite Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich à la Knesset à Jérusalem. Photo : POOL/ REUTERS

Bien que ce ne soit ni son désir ni son intention, ce gouvernement d'extrême droite est le seul susceptible de troubler l'eau stagnante dans laquelle Israël se vautre depuis des décennies, de faire éclater certains de ses mensonges et tromperies, de montrer le vrai visage d'Israël aux Israéliens et au monde entier et peut-être de provoquer un bouleversement salutaire qui modifiera le statu quo apparemment éternel.

Les premiers signes de cette évolution s'accumulent et suscitent l'espoir. Le débat public en Israël s'est réveillé, après avoir été comateux pendant des années. La conversation en Occident montre également des signes d'un changement d'attitude à l'égard de son précieux Israël, l'État intouchable.

Il ne s'agit pas de la théorie selon laquelle plus les choses sont mauvaises, mieux c'est. Il ne s'agit pas non plus d'un désir de tout détruire pour reconstruire, ou de punir un État qui mérite d'être puni. Il s'agit d'une approche sobre, qui reconnaît qu'Israël est devenu un État d'apartheid au moment où l'occupation est devenue permanente, et que l'apartheid est un phénomène intolérable auquel Israël ne mettra jamais fin de son propre chef.

Quiconque comprend cela ne peut qu'espérer une secousse brutale qui rappellera aux Israéliens : mes amis, vous vivez dans l'Afrique du Sud d'avant Mandela, même si certains veillent à vous le cacher. Le sixième gouvernement de Benjamin Netanyahou apportera la bonne nouvelle. Vous ne pourrez plus être trompés. Peut-être apportera-t-il aussi la secousse.

Si nous avions à nouveau un gouvernement centriste, tout le monde serait tellement satisfait. Les Israéliens continueraient à croire qu'ils vivent dans une démocratie, le monde croirait que l'occupation est temporaire et découle des besoins de sécurité du seul État juif au monde. Après tout, Israël a un gouvernement, et il croit que le “conflit” doit être résolu. Il y a même une solution sur l'étagère : deux États, chantons “Kumbaya”.

Le nouveau gouvernement dira “non” à tout cela. Il n'y a aucune solution, aucune intention de mettre fin à l'apartheid ; l'occupation n'est pas liée à la sécurité, mais plutôt à la croyance en l'exclusivité juive sur cette terre et à des pulsions messianiques. L'annexion est déjà là, et maintenant nous allons balancer tout cela à vos gueules surprises. Le monde est quelque peu abasourdi par ce gouvernement ; comme beaucoup de bons Israéliens qui pensaient que tout allait bien, il ne sait pas quoi en faire.

Amos Harel a écrit que donner à Bezalel Smotrich des pouvoirs en Cisjordanie pourrait conduire à des sanctions internationales contre Israël et mettre fin au semblant de contrôle judiciaire de l'occupation. Mordechai Kremnitzer a écrit que la fraude systématique qu'Israël commet à l'égard de la communauté internationale a disparu, et qu'il est désormais clair que la principale considération d'Israël est de s'emparer de plus en plus de territoires (Haaretz en hébreu, 7 décembre). En d'autres termes, la fin du bluff. Tous deux reconnaissent la supercherie, mais tous deux mettent en garde contre le fait qu'elle soit mise à mal par le terrible nouveau gouvernement, en raison du prix international qu'Israël devra payer pour avoir arraché le masque.

Cette approche est déroutante. S'il est évident que nous sommes en présence d'un apartheid et que personne en Israël n'y mettra fin, alors nous devrions regarder avec nostalgie vers les sanctions, le seul moyen autre que la guerre qui puisse mettre fin à l'apartheid. Le gouvernement Netanyahou-Smotrich est le seul qui puisse accélérer ce processus, et tous ceux qui ne veulent pas d'un apartheid éternel devraient s'en réjouir.

Nous sommes harcelés par le doute. La communauté internationale, menée par les USA, fera tout pour continuer à se mentir à elle-même et éviter de punir Israël, même après 55 ans d'occupation. Il y a des sanctions qui risquent de faire très mal à chaque Israélien. Mais en toute honnêteté, y a-t-il une autre option qui puisse nous donner de l'espoir ?

 

08/11/2022

TAMAR KAPLANSKY
Le racisme fait partie de l'ADN de cet endroit (Israël)

Tamar Kaplansky, Haaretz, 7/11/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Tamar Kaplansly (Paris, 1973) est une journaliste, traductrice et musicienne franco-israélienne.

Les lamentations et les accusations ont commencé dès que les résultats des premiers sondages de sortie des urnes ont été communiqués. Merav Michaeli est à blâmer, tous ceux qui ont voté par idéologie plutôt que “stratégiquement” sont à blâmer, et bien sûr - ces ingrats, les Arabes, sont à blâmer. Grâce à eux, Benjamin Netanyahou, un homme qui a fait et continuera à faire tout son possible pour faire annuler son procès criminel, revient au pouvoir, avec le kahaniste Itamar Ben-Gvir et le raciste messianique Bezalel Smotrich à ses côtés.

Ben-Gvir guide le retour des kahanistes à la Knesset. Meir Kahane (1932-1990) fonda la Ligue de Défense Juive, un groupe terroriste, et le parti Kach, par la suite interdit en Israël pour racisme. Dessin d’Amos Bidermann, Haaretz

Ne vous y trompez pas : les 14 sièges de la Knesset revendiqués par les kahanistes messianiques sont une nouvelle épouvantable, même si elle était prévisible. La surprise feinte et la recherche de boucs émissaires du côté des perdants sont moins compréhensibles.

Nous ne devrions pas être surpris par la montée d'une droite ultra-extrémiste comme le "“Nouveau Sionisme”. Non seulement parce qu'un vide idéologique - que vous l'appeliez “Tout-sauf-Bibi” ou un “parti centriste” - n'est pas une alternative à une idéologie solide, qui est exactement ce que la droite ultra-extrémiste a à offrir ; non seulement parce que le camp qui s'appelle lui-même “centre-gauche” en Israël est dans l'ensemble un groupe bourgeois privilégié qui ignore les parties les plus faibles de la société ; et non seulement parce qu'un voyou violent comme Itamar Ben-Gvir, qui n'aurait jamais dû recevoir une arme, est devenu la coqueluche des studios médiatiques.

Ce qui s'est passé dans ces élections, et essentiellement dans les autres élections de ces dernières décennies où Israël s'est déplacé vers la droite, c'est que le racisme intégré au sionisme est revenu mordre le cul de ses adhérents. Vous ne pouvez tout simplement pas avoir le beurre et l'argent du beurre.

On ne peut pas se dire “de gauche” tout en accordant ou en refusant des droits sur la base de l'appartenance ethnique ; on ne peut pas déplorer les vues rétrogrades des droitiers sur les questions relatives aux LGBT et aux femmes tout en justifiant l'inégalité intrinsèque à l'égard des Palestiniens, tant dans les territoires occupés depuis 1967 qu'à l'intérieur des frontières |façon de parler, NdT] de l'État ; on ne peut pas parler de paix tout en soutenant continuellement la puissante et sainte armée, sans aucun doute, chaque fois qu'il y a une autre opération inutile ou un blanchiment officiel d'un incident de tir ; vous ne pouvez pas parler de paix et ignorer Al-Araqib, et Dahamsh, et les 36 villages non reconnus (ou, d'ailleurs, les quartiers mizrahis ouvriers de Ha'argazim et Hatikva à Tel Aviv qui font face à l'expulsion, et le deal méprisable par lequel lequel Ron Huldai [maire travailliste de Tel Aviv depuis 1998, NdT] et Yitzhak Tshuva [Président d'El-Ad Group, propriétaire du Plaza Hôtel à New York et du conglomérat Delek Group, NdT] ont rasé ce qui était jusqu'à récemment le quartier pauvre de Givat Amal).

Vous ne pouvez pas, car les droits humains avec astérisque, ça n'existe pas. Ou vous pouvez le croire, mais alors vous ne pouvez pas appeler ça “gauche”. Lorsque le camp qui s'appelait lui-même “gauche” a commencé à comprendre cela, beaucoup se sont mis à l'appeler “centre”, pour découvrir que le problème ne vient pas seulement de la marque. C’est juste que ça ne marche pas. Point barre.

Le racisme qui est si allègrement attribué à la droite fait partie de l'ADN de cet endroit. Celui qui a délibérément relevé le seuil électoral pour empêcher un cinquième des citoyens d'être représentés n'était pas Ben-Gvir : c'était le ministre des finances Avigdor Lieberman. Celui qui a qualifié les Palestiniens de “shrapnel dans les fesses” n'était pas Smotrich : c'était le Premier ministre suppléant Naftali Bennett. Celui qui s'est vanté de renvoyer Gaza à l'âge de pierre n'était pas le rappeur israélien d'extrême droite The Shadow, mais le ministre de la défense Benny Gantz ; celui qui a justifié la dernière guerre choisie en disant que les Israéliens étaient assiégés (bonjour l'ironie) n'était pas Orit Struck [députée de Sionisme Religeux, colon, mère de 11 enfants, NdT], mais la ministre [travailliste] des transports Merav Michaeli. Et celui qui, il y a près de dix ans, a inventé le terme ultra-raciste "“les Zoabi” n'était pas Yair Netanyahou ou son père, mais ce bon sioniste qui est “'un des nôtres” : Yair Lapid.

Vous rappelez-vous combien ils étaient furieux au Meretz contre la rebelle Ghaida Rinawie Zoabi, qui a osé voter contre la prolongation des règlements d'urgence qui permettent effectivement une politique d'apartheid - des systèmes juridiques distincts pour les différentes populations ethniques - en Judée et en Samarie, plutôt que d'avoir honte d'avoir voté en faveur ? C'est là que réside l'histoire.

Depuis la fondation de l'État, et certainement depuis 1967, le sionisme a été secoué par sa  contradiction interne. Le camp qui s'est effondré lors de cette élection a continué à claironner l'idée qu'il existe truc comme "“juif et démocratique”. Mais si un régime distribue des droits - des permis de construire à la citoyenneté (bonjour la loi du retour) sur la base d'un critère arbitraire de race, vous avez ici un racisme qui est intégré dans la loi et coulé dans les fondations. Appelez-le centre ou ce que vous voulez, mais le qualifier de démocratique est tout simplement un mensonge.

Beaucoup en Israël croient encore à ce mensonge. Ils parlent d'égalité, de paix et de démocratie, mais la vérité est que, dans les faits, ils pensent que les Juifs méritent plus. C'est pourquoi ils votent encore et encore pour des candidats qui excluent les représentants arabes en tant que partenaires à part entière - cela leur convient parfaitement. Et cela ne les dérange pas le moins du monde Et ils ne sont pas le moins du monde perturbés lorsque le tribunal bloque la possibilité d'une égalité civique totale, même si elle est évoquée. Une fois toutes les quelques années environ, quelque chose comme la loi sur l'État-nation est pondue, et alors ils font un peu claquer leur langue, mais autrement ils sont tout à fait à l'aise pour vivre dans un pays où la suprématie juive est la loi. Ce n'est que maintenant que les kahanistes sont soudainement devenus le troisième parti en importance à la Knesset qu'ils sont horrifiés et en état de choc.

Il n'y a aucune raison d'être choqué. Cela n'est pas arrivé tout d'un coup. Le peuple a parlé : quant à choisir entre une droite qui refuse de faire partie d'un gouvernement avec “les Zoabi” et une suprématie juive débridée, le peuple préfère l’original. Pas les masques.

S’en prendre aux Arabes insolents qui n'ont pas fait leur part pour sauver le pays qui les considère comme une menace démographique est tout simplement embarrassant. Si vous voulez présenter une alternative au kahanisme messianique, la première chose à faire est d'enlever le masque et de se regarder dans le miroir : c'est le sionisme, idiot. Tant que nous continuerons à justifier le racisme légal, quelle que soit l'excuse, nous soutenons la suprématie juive tout autant que Ben-Gvir. La tentative de nier cela est ce qui nous a conduit là où nous sommes aujourd'hui. Le temps est venu d'en assumer la responsabilité.

06/11/2022

GIDEON LEVY
L'armée de Ben-Gvir en Cisjordanie

 Gideon Levy, Haaretz, 6/11/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Deux soldats sur 10 ont voté pour Sionisme religieux, la liste qui comprend le parti Otzma Yehudit d'Itamar Ben-Gvir. Deux soldats sur 10 sont kahanistes. Deux soldats sur 10 sont en faveur du transfert, de l'annexion, de la mort aux terroristes, de la mort aux Arabes.

Soldats du bataillon haredi Netzah Yehuda priant dans une synagogue près de Jénine, en Cisjordanie, en 2014.Photo : Gil Cohen-Magen

Deux soldats sur 10 pensent qu'ils appartiennent à une nation supérieure et que les Palestiniens n'ont aucun droit ici. Ils pensent également que tout est permis aux soldats ; qu'ils sont toujours autorisés à tirer pour tuer, que les Arabes ne comprennent que la force et l'humiliation, qu'ils ne sont pas des êtres humains. Deux soldats sur dix sont kahanistes, mais parmi les soldats servant en Cisjordanie, ce nombre est beaucoup plus élevé.

Dans la brigade Kfir, et en particulier dans son bataillon Netzah Yehuda (“Éternité de Juda”), il y a certainement plus de kahanistes que dans la police aux frontières, l'unité 8200 du renseignement militaire ou le 140e     escadron (“Aigle doré”) de l'armée de l'air israélienne. Il n'est pas déraisonnable de penser qu'environ la moitié des soldats servant dans l'occupation ont voté pour Otzma Yehudit en votant pour Sionisme religieux. Pour eux, la décision n'est pas seulement théorique. Non seulement ils croient en Ben-Gvir, mais ils pratiquent ce qu'il prêche. C'est ce qui rend leur choix si horrible.

Des soldats israéliens arrêtent violemment un manifestant palestinien, dans le camp de réfugiés de Jalazoun, près de la ville de Ramallah en Cisjordanie, en 2015. Photo : Mohamad Torokman / REUTERS

L'avantage, cependant, du succès électoral de Ben-Gvir est qu'il fait remonter la vérité à la surface. Fini le temps des histoires de soldats tourmentés par leurs actes. Tout ce que nous avons toujours soupçonné sur le comportement brutal, parfois barbare, des soldats des FDI et des membres de la police aux frontières et de la police israélienne a été confirmé par le décompte des voix. Les électeurs de Ben-Gvir dans les FDI constituent l'une de ses plus grandes sources de soutien.

Quiconque voit le comportement des soldats dans les territoires ne peut qu'être surpris qu'Otzma Yehudit n'ait pas recueilli 100 % de leurs votes. Ben-Gvir les exhorte à être des stormtroopers [membres des Sturmtruppen, les troupes d’assaut allemande, NdT] et ils l'en remercient dans les urnes. Ils n'ont pas besoin d'entraînement, ils ne voient rien de mal à être des stormtroopers, surtout lorsque les réactions de leurs commandants à leurs actes vont de l'indifférence à l'encouragement. Ne vous y trompez pas : Les soldats du rang ne sont pas les seuls à avoir voté pour Ben-Gvir, certains de leurs commandants l'ont fait aussi. La tentative de prétendre que les soldats ont voté contre leurs commandants (Yoav Limor, Israel Hayom, 4 novembre) est un autre effort désespéré pour embellir et de tailler un uniforme d’apparat au magnifique haut commandement éclairé.

Prenez, par exemple, le commandant de la brigade régionale Menashe, le colonel Arik Moyal, un colon de Tapuah, qui a appelé à foutre son poing dans la gueule des “voyous” du camp de réfugiés de Jénine : pour quel parti a-t-il voté ? Et l'ancien commandant de la brigade régionale de Samarie, le colonel Roi Zweig, qui a déclaré aux étudiants de la Yeshiva Alon Moreh que le mouvement de colonisation et l'armée sont “une seule et même chose” ? Peu importe la façon dont ils ont voté, l'esprit est celui de Ben-Gvir ; l'heure, comme le disait son slogan de campagne, est l'heure de Ben-Gvir, parmi toutes les unités de Tsahal dans les territoires.

L'ancien soldat israélien Elor Azaria accueilli chez lui après avoir purgé neuf mois de prison militaire pour avoir tué un Palestinien blessé et invalide, en 2018.Photo : Ilan Assayag.

Les soldats qui assistent passivement aux pogroms et qui aident même les auteurs de ces actes sont la preuve de l'esprit de Tsahal. Le fait que le haut commandement accepte calmement les événements de ces derniers mois, y compris les meurtres de dizaines d'adolescents et de jeunes enfants, se contentant des mensonges et des dissimulations de l'unité du porte-parole de Tsahal, ne fait que prouver que Ben-Gvir est le véritable visage de Tsahal en Cisjordanie. Les élections l'ont confirmé.

Ces élections devraient mettre fin au mensonge selon lequel les FDI sont une armée morale. Les soldats et les commandants qui votent massivement pour un parti qui, en Europe, serait considéré comme néo-nazi, définissent l'image de l'armée. Depuis que les colons ont pris le contrôle des postes de commandement de l'armée, principalement en Cisjordanie, les FDI, qui ont toujours été politiques, sont devenues plus droitières que jamais.

Le fait que ceux qui sont au sommet n'aient pas levé le petit doigt pendant toutes ces années - et encore moins après l'affaire Elor Azaria, le dernier soldat à être poursuivi dans les FDI pour homicide involontaire - ne les exonère pas de leur responsabilité dans ce glissement vers la droite. Lorsque les soldats ne sont pas poursuivis pour homicide, même lorsque les preuves le réclament à cor et à cri, et lorsque les règles d'engagement ne sont pas seulement assouplies mais en pratique complètement annulées - lorsque tuer est autorisé et même souhaitable – c’est l'esprit de Meir Kahane qui est encouragé. Le chef d'état-major Aviv Kochavi et le reste du haut commandement peuvent détourner le regard et réciter de nobles déclarations sur les principes, mais ils sont responsables de l'établissement d'une nouvelle armée dans les territoires, l'armée de Ben-Gvir, la plus dangereuse des armées.

 Itamar Ben-Gvir vu par Carlos Latuff: "Épuration ethnique maintenant: demandez-moi comment !"

 

 

03/11/2022

GIDEON LEVY
Après avoir soutenu l'occupation des territoires palestiniens pendant 55 [ou 75] ans, à quoi donc la “gauche” israélienne s’attendait-elle exactement ?

Gideon Levy, Haaretz, 3/11/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

19/10/2022

GIDEON LEVY
L'espoir s’appelle Ben-Gvir

Gideon Levy, Haaretz, 16/10/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L’espoir s’appelle donc Itamar Ben-Gvir. C'est déjà évident, avant même qu'il ne remporte un quelconque succès à l'élection. Le nouvel épouvantail du centre-gauche produit déjà des résultats dont la vraie gauche ne pouvait que rêver. Le colon violent de la Colline des Patriarches d'Hébron, pourrait être enfin celui, d’entre tous, qui pourrait faire basculer le navire de l'apartheid et perturber son voyage tranquille.

Échange d'amabilités au siège de la Cour suprême en mars 2019. Ben Gvir  (Otzma Yehudit, Force ou Puissance juive) : « Terroriste, ta place n'est pas ici ! ». Ata Abou Medeghem  (liste arabe Raam-Balad). ; « Tu n'es qu'une ordure de raciste »

Les premiers signes de l'espoir ont déjà été observés aux USA. Le sénateur Robert Menendez, un « un supporter juré  d’Israël», c'est-à-dire un partisan aveugle de l'occupation, a mis en garde le chef de l'opposition, membre de la Knesset, Benjamin Netanyahou contre l'établissement d'une coalition de pouvoir avec l'extrême droite. Les principales organisations juives usaméricaines craignent qu'un gouvernement avec Ben-Gvir ne nuise au standing d'Israël. L'éditorial de Haaretz vendredi l'a rappelé, comme preuve du danger que représente Ben-Gvir. La vérité est tout le contraire : Ben-Gvir, c’est el’spoir.

Ben-Gvir mettra le standing d'Israël en danger – et que pourrions-nous vouloir de plus ? Après tout, c'est le but que poursuivent les groupes de défense des droits humains en Israël et dans le monde entier, qui cherchent à mettre fin à l'apartheid. L'apartheid ne s'effondrera pas tout seul. Un matin, Israël ne se réveillera pas et ne dira pas : « L'apartheid, c’est pas sympa. Mettons-y un terme. » Seule la pression internationale réveillera Israël.

La communauté internationale a refusé d'agir, à l'exception de déclarations creuses. De toutes les personnes, c'est notre Itamar, le joueur d'extrême droite qui sourit, qui crie, qui met tout son cœur et son âme dans le jeu, la gâchette la plus rapide de la Knesset, pourrait galvaniser le monde pour agir, et peut-être réveiller la gauche israélienne de son interminable hibernation. Un sénateur  ami a émis une menace, des organisations juives ont émis un avertissement, alors que Ben-Gvir n'a même pas encore été nommé ministre. Quand il prendra les rênes d'un ministère, le monde s'éveillera à une nouvelle réalité, pire que celle de la Hongrie et de l'Italie. La droite de Ben-Gvir est beaucoup plus extrême et violente que qui que ce soit dans son genre en Europe aujourd'hui.

Tout comme Israël a dans le temps rompu ses liens avec les pays européens où l'extrême droite était arrivée au pouvoir, les USA et l'Europe feront peut-être le même pas. Israël pourrait sentir qu'il y a un prix à payer pour l'apartheid. Pour la première fois de leur histoire, les Israéliens pourraient être punis pour l'occupation et ses crimes. Pour la première fois, ils seront peut-être obligés de les payer en image, en condamnations et en argent pour les armes. Et tout ça grâce à Ben-Gvir.

Ben-Gvir arrachera les masques. La gauche a créé les colons, David Ben-Gourion et Ephraim Katzir étaient ceux qui avaient prévu d'empoisonner les puits palestiniens, pas le punk violent Ben-Gvir. Et Ben-Gvir n'a pas inventé la cruauté de l'occupation, ni même Netanyahou ; au contraire, ce sont des personnages du Parti travailliste qui l'ont fait, dont certains ont remporté le prix Nobel de la paix.

Dans un avertissement contre Ben-Gvir, le Professeur Yoram Yovell a récemment présenté un scénario horrible : 400 bus vont dans l'année à venir déporter 200 000 Arabes israéliens, sous prétexte d'une guerre dans le nord si, Elohim nous en préserve, un gouvernement Ben-Gvir-Netanyahou est formé.

Le scénario de Yovell est terriblement réaliste, mais Ben-Gvir ne sera pas nécessairement celui qui sera derrière. La gauche est experte en transferts de population et en nettoyage ethnique, en 1948 et 1967, à Masafer Yatta et dans la vallée du Jourdain, et son expérience sera très précieuse lors du prochain transfert. Nous devons avoir plus peur de la gauche à cause de son passé que de Ben-Gvir à cause de ses menaces.

Le monde a embrassé le centre-gauche israélien à cause d'une illusion. Ben-Gvir y mettra fin. Un gouvernement avec Ben-Gvir pourrait resserrer son étranglement du peuple palestinien, mais rien ne peut être plus diabolique que le plan d'empoisonner les puits. Le monde a embrassé les généraux qui ont mené les assauts barbares sur Gaza  mais il peut rejeter Ben-Gvir. Bonjour le monde. Mieux vaut tard que jamais.

Si cela se produit, je tirerai mon chapeau à Ben-Gvir, l'homme que j'aime personnellement et dont je déteste les opinions, et je le remercierai du fond du cœur pour sa contribution à l'avancement de la justice.

 

11/07/2022

GIDEON LEVY
Le parti de gauche sioniste Meretz a une chose ou deux à apprendre du député kahaniste Ben-Gvir

Gideon Levy, Haaretz, 10/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

C’était une soirée froide, brumeuse, silencieuse et pluvieuse à l'entrée sud de Bethléem, le 20 mars 2019. Un conducteur palestinien s'est arrêté et est sorti pour vérifier sa voiture tandis que sa femme et ses deux filles en bas âge sont restées à l'intérieur. Un soldat qui les observait du haut de son mirador protégé au bout de la route a tiré et grièvement blessé l'homme devant sa femme et ses enfants.

Une voiture avec quatre jeunes hommes revenant d'un mariage s'est arrêtée pour les aider. Trois d'entre eux ont transporté l'homme à l'hôpital tandis que le quatrième, Ahmad Manasra, un étudiant, est resté sur place pour calmer la mère et les filles terrifiées et tenter de les éloigner de la scène infernale. Le soldat a continué à tirer, visant plusieurs fois Manasra et le blessant. L'étudiant a tenté de s'enfuir, se réfugiant derrière un bloc de béton sur le bord de la route. Le soldat a continué à tirer et a touché Manasra à la poitrine à 60 mètres de distance, le tuant.


Ahmed Jamal Manasra

Au cours de l’enquête, le soldat, instructeur de tir, a admis avoir visé la poitrine de Manasra : tirer pour tuer. Une femme soldat de son unité a témoigné qu' « il avait l'air de vouloir utiliser son arme. Si quelqu'un arrivait, il lui tirait dessus et lui faisait sauter la tête. Il parlait beaucoup de vouloir tuer des Arabes ».

L'avocat Shlomo Lecker a écrit dans Haaretz (28 juin) que le soldat, T.A., a été jugé pour meurtre, ce qui est rare pour un soldat des FDI qui tue un Palestinien. Dans le cadre d'une négociation de plaidoyer, l'accusé a été condamné à trois mois de travaux d'intérêt général. Il a échappé à toute sanction réelle, en partie parce que 12 officiers supérieurs de l'armée sont venus à son secours.

L'un d'entre eux était le général major à la retraite Yair Golan, qui, par le passé, a mis en garde contre certains « processus » se déroulant dans ce pays et rappelant d'autres scènes de la mémoire juive. Dans son mémoire au tribunal, Golan a écrit que le soldat n'était pas un criminel et ne devait être accusé d'aucun crime. Lorsque Lecker a tenté de montrer à Golan qu'il se trompait, en lui présentant les preuves contre le prévenu, Golan n'a pas pris la peine de lui répondre. Golan est maintenant candidat à la direction du Meretz.