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27/06/2023

LUIGI PANDOLFI
Le Mécanisme européen de stabilité (MES) remet en cause l’architecture même de l’UE, mais Meloni n’a pas compris ça

Luigi Pandolfi, il manifesto, 23/6/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

English The ESM calls into question the EU’s architecture, but Meloni doesn’t get it

Luigi Pandolfi (Cosenza, Italie, 1972), diplômé en sciences politiques, blogueur, collabore avec divers journaux et magazines en ligne. Auteur de nombreux livres. @LuigiPandolfi1

Lorsque Giorgia Meloni affirme qu’“il ne sert à rien de ratifier la réforme du MES si l’on ne sait pas ce que prévoit le nouveau pacte de stabilité et de croissance”, elle est totalement à côté de la plaque. Le problème se situe à Francfort plus qu’à Bruxelles

Il ne fait aucun doute que le MES constitue pour Meloni une béquille pour démontrer sa fidélité aux préceptes de son improbable souverainisme (sa subalternité face aux USA sur la guerre en Ukraine l’a réduit à un simulacre), peut-être aussi une arme de chantage dans les différents jeux ouverts en Europe (PNRR, Pacte de Stabilité). À tel point que son refus de ratifier sa dernière version ne s’accompagne pas, comme il le devrait, d’une critique de fond publique et courageuse des mécanismes qui encadrent le fonctionnement de l’union monétaire.

L’Europe est le seul endroit au monde où une banque centrale opère pour vingt pays différents, avec leurs caractéristiques politiques et économiques différentes, avec des intérêts économiques et commerciaux différents - et parfois contradictoires - à l’échelle nationale et internationale. Ils ne croissent et n’exportent pas tous de la même manière, certains ont une dette stratosphérique et d’autres non, et même l’inflation les divise actuellement.

La banque centrale, dans ce cadre, veille aux taux d’intérêt, à la stabilité des prix (elle essaie), à la solidité du système bancaire. Tout au plus, lorsque la situation est exceptionnelle (dernière crise financière mondiale, pandémie), elle s’essaie à ce que l’on appelle les “politiques monétaires non conventionnelles”, consistant le plus souvent à injecter davantage de liquidités dans le système (secteur bancaire).

La règle d’or, en somme, est de se tenir à l’écart des États et des gouvernements. Il est absolument interdit d’acheter directement des obligations d’État des États membres ou de leur accorder des “découverts” ou des “facilités de crédit”. En Europe, parler de monétisation des déficits publics (l’État couvre son déficit budgétaire en vendant ses obligations à la banque centrale, qui crée à son tour de l’argent frais pour les acheter), ainsi que d’annulation de la dette détenue par la BCE (les obligations achetées par les banques nationales dans le cadre de l’assouplissement quantitatif), est une hérésie.

C’est le marché qui décide pour les États. Si, pour une raison quelconque, un pays membre devait avoir des difficultés à se financer par le biais du placement de ses obligations d’État, la banque centrale ne pourrait que lever les bras au ciel. C’est pourquoi a été créé le Fond de sauvetage des États, une organisation financière calquée sur le FMI, qui s’adresse aux États comme une banque commerciale s’adresse à une entreprise privée ou à un citoyen. De l’argent contre des garanties précises, sous certaines conditions. Ils les appellent “programmes d’ajustement macroéconomique”, mais c’est une manière soft de parler de réduction des dépenses sociales et de politiques de privatisation/libéralisation débridées. La Grèce, l’Espagne, le Portugal, Chypre, l’Irlande en savent quelque chose. Comptes équilibrés, sociétés dévastées.

C’est le principe qui est mauvais. Autant l’indépendance des banques centrales est officiellement déclarée dans tous les pays du monde, autant il n’y a pas de pays au monde avec un certain degré de développement où il y a une imperméabilité absolue de la banque centrale aux décisions des politiques. La FED est “indépendante”, mais elle répond également au Congrès et est de facto soumise à l’influence du président usaméricain.

Le plus important, cependant, est que la FED est un prêteur en dernier ressort pour le gouvernement usaméricain. En cas de besoin, elle peut financer directement le gouvernement. Sans conditions. Comme la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon, ou la Banque populaire de Chine. Si la Russie, suite aux sanctions qui lui ont été imposées par l’Occident, s’était retrouvée dans la situation des pays européens avec la BCE, elle serait déjà en faillite. Le problème est donc beaucoup plus structurel. Il met en cause l’architecture de l’Union. Dont, avec la réforme de l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE), le MES est devenu un autre “pilier”.

Une sorte de constitutionnalisation de la suprématie de la finance sur la politique, les gouvernements, la démocratie.

Mais il ne semble pas que le débat en Italie soit à la hauteur du problème. Comme sur d’autres sujets, c’est la logique des alignements internes qui prévaut, l’habituel conformisme idéologique envers les décisions prises par les structures européennes, qui est très souvent contrebalancé par une dissidence non articulée et de façade. Lorsque Giorgia Meloni affirme qu’“il ne sert à rien de ratifier la réforme du MES si l’on ne sait pas ce que prévoit le nouveau pacte de stabilité et de croissance”, elle est totalement à côté de la plaque. Le problème se situe à Francfort plus qu’à Bruxelles.


 

16/05/2023

LUIS CASADO
Il condottiero...

Luis Casado, Politika, 15/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Cela fait maintenant plus de 60 ans que j'ai fréquenté le Liceo Neandro Schilling à San Fernando. Je ne l'ai jamais oublié, car il a été pour moi - et il l'est toujours - la meilleure preuve de l'excellence de l'enseignement public, laïque et gratuit. Un must.

En écoutant des opéras, un air de Boris Godounov est apparu, et je me suis souvenu que M. Benavides, notre professeur de musique, nous avait parlé de Moussorgski, ainsi que de Rimski-Korsakov et d'autres compositeurs russes.

Ma belle professeure de français avait la gentillesse d'inviter chez elle deux ou trois de ses élèves, dont moi, et de nous faire écouter La vie en rose et Je ne regrette rien de la voix d'Édith Piaf. A cette époque, il n'était pas courant d'avoir un “tourne-disques”. Loin de moi l'idée que, grâce à la dictature et à ses crimes, je finirais par m'ancrer à Paris.

Don Heriberto Soto, professeur d'histoire, a abordé le sujet du Moyen-Âge européen et a évoqué les condottieri. Les quoi ? Au Moyen Âge, un condottiero était un aventurier, un chef de soldats mercenaires mis au service de ceux qui avaient les moyens de les payer. Les mercenaires ont joué un rôle important au service des empires tout au long de l'histoire.

La créativité règne en maître sur le terrain. Les tirailleurs sénégalais étaient des troupes d'infanterie coloniales françaises recrutées en Afrique subsaharienne. Les premiers soldats noirs au service de la France étaient d'anciens esclaves de confiance - les “laptots” - recrutés au XVIIIe siècle pour assurer la sécurité des navires de la Compagnie générale des Indes, qui faisait commerce avec l'Afrique. Mercenaires et affaires allaient souvent de pair.

Les USA en savent quelque chose. Le coût des guerres perdues - Vietnam, Irak, Afghanistan... - est stupéfiant. Plus de 8 000 milliards de dollars pour les guerres au Moyen-Orient après les attentats contre les tours jumelles le 11 septembre 2001, conflits qui ont fait environ 900 000 morts (Watson Institute of Public and International Affairs - Brown University - Boston).

Les USA ont donc renforcé l'OTAN, dont Mon Général disait qu'elle n'était qu'un masque derrière lequel l'Empire cachait sa domination et ses desseins. De Gaulle avait raison. Au fur et à mesure que l'Empire se rétrécit, l'OTAN s'étend. Première cible : la Russie.

Comme vous le savez, la Russie est désormais capitaliste. La querelle usaméricaine ne porte pas sur l'idéologie, mais sur le contrôle de la planète. Le premier objectif était d'encercler la Russie par l'OTAN : tous les pays voisins devaient adhérer à l'Alliance, acheter des armements aux USA, oublier l'industrie européenne de l'armement et obéir.

La Russie a prévenu que mettre en péril ce qu'elle considère comme sa sécurité conduirait à des problèmes, mais c’est tombé dans des oreilles de sourds. Les USA, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la France et d'autres membres de l'UE ont participé aux manœuvres. Angela Merkel a reconnu que les accords de Minsk, censés mettre fin à l'agression ukrainienne contre deux provinces russophones, n'étaient rien d'autre qu'un prétexte pour armer les fous de Kiev : les mercenaires.

Si, en Europe, la plupart des dirigeants politiques se sont reconvertis en clowns, les USA ont trouvé à Kiev un clown dont ils ont fait un condottiere : Volodymyr Zelinsky.



À l'échelle historique, les sociaux-démocrates allemands Bernstein et Kautsky, qui ont trahi la cause des peuples, sont de vieux godillots comparés à des contemporains comme Tony Blair, Felipe Gonzalez, Josep Borrell et Jens Stoltenberg. Ces deux derniers méritent une reconnaissance particulière : Jens Stoltenberg est secrétaire général de l'OTAN et Josep Borrell secrétaire aux Affaires étrangères de l'Union européenne. Tous deux comptent parmi les promoteurs les plus enthousiastes de la guerre en Ukraine.

Dit comme ça, ça ne veut rien dire. Mais il faut savoir qu'à l'heure où nous écrivons ces lignes, l'“aide” militaire usaméricaine à Kiev s'élève à plus de 73 milliards de dollars. Pour leur part, les pays de l'UE ont apporté une “aide” de l'ordre de 65 milliards d'euros supplémentaires.

Les USA sont aux prises avec une dette publique qui a atteint son plafond - 31 000 milliards de dollars - et qui constitue un danger de déstabilisation de l'économie du monde entier. Le Congrès usaméricain doit voter pour augmenter le niveau de la dette fédérale, une procédure utilisée 78 fois depuis les années 1960, souvent sans débat. Le risque est que les USA se retrouvent en défaut de paiement le 1er juin. Cette fois, les Républicains ne semblent pas prêts à donner plus de mou à Mister Biden.

De leur côté, les pays de l'Union européenne affirment, les uns après les autres, qu'il n'y a pas d'argent pour les écoles, pas d'argent pour les hôpitaux, pas même d'argent pour les investissements. Alors, ils font comme la France : ils dansent sur la musique des investisseurs étrangers et baissent leur froc...

Pendant ce temps, le clown transformé en condottiero parcourt l'Europe pour demander des armes, des avions de chasse, des missiles et tout ce qui lui passe par la tête, tout en cachant dans d'autres pays le bakchich qu'il prend chaque fois que Kiev reçoit de l'argent.

L'objectif immédiat des USA est de soumettre la Russie, puis la Chine.

C'est pour ça qu'ils utilisent ces condottieri....

Cimetière d'Irpin, Ukraine, avril 2022. Photo Zohra Bensemra / REUTERS

 

11/03/2023

GIANFRANCO LACCONE
Durabilité, consommateurs et Made in Italy*

Gianfranco Laccone, ClimateAid.it, 9/3/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Relier des faits apparemment éloignés, comme l’image de la production italienne et le changement climatique, n’est pas difficile si l’on a l’habitude de regarder la réalité en perspective et d’essayer de comprendre où elle va finir par aboutir. 

J’aborde cette question parce que les institutions italiennes et européennes vont bientôt légiférer sur la manière, le lieu et les raisons de produire des biens manufacturés de manière durable, en les intégrant dans un système d’économie circulaire. Ce débat est en cours au sein de notre Parlement, avec une enquête sur le “Made in Italy”, et il est bien avancé au sein des institutions européennes, qui sont désormais sur le point de lancer (si la médiation de la présidence suédoise porte ses fruits) un règlement-cadre pour l’élaboration de spécifications d’éco-conception {éco-design) pour les produits durables (abrogeant ainsi la directive 2009/125/CE actuellement en vigueur.


 En gros, on discutera de ce qu’il faut faire pour soutenir les marques italiennes et l’UE interviendra pour réglementer l’éco-conception, un secteur de production fondamental pour ceux qui prétendent, comme les entreprises italiennes, être des diffuseurs de qualité et d’originalité.

Je tiens pour acquis que les productions et les produits manufacturés affectent le changement climatique, qu’ils soient originaux et le fruit de l’ingéniosité locale ou fabriqués à l’aide de méthodes et de matériaux introduits artificiellement dans une région. La question est de savoir ce qu’il faut faire pour réduire leur impact sans provoquer des effets secondaires de plus en plus désastreux : qu’il s’agisse d’impacts négatifs tels que la pollution par des matériaux et résidus toxiques ou la destruction de la stabilité sociale, ou même d’impacts écologiquement positifs mais sans réelle articulation sociale (par exemple des produits trop chers pour être diffusés en masse), on tentera de réglementer et de contrôler leur organisation et leur diffusion, dans le but d’atteindre les objectifs de l’Agenda 2030 - de facto étendu à 2050 - en améliorant la condition sociale dans l’UE et, pour notre part, en faisant du Made in Italy une marque communautaire. Si seulement !

Le Made in Italy joue un rôle clé dans notre économie, par exemple dans des secteurs tels que l’agroalimentaire, le textile, l’habillement et la chaussure qui couvrent une grande partie des produits manufacturés et représentent les exportations italiennes en expansion. Son image est un élément d’affirmation sur les marchés, car elle permet de vendre certaines productions très particulières (produits sélectionnés parmi les vins, les vêtements, les chaussures, par exemple) comme des productions d’élite, entraînant également le prix et l’image des autres productions italiennes vers des niveaux plus élevés, en particulier à l’exportation. Un effet sonore, obtenu lorsqu’un produit est formellement imité, évoquant ses caractéristiques, sans utiliser ses ingrédients et sans reproduire les processus de production et les propriétés considérées comme “authentiques”, qui existe dans le Made in Italy lui-même et ne doit pas être sous-estimé. Il doit être corrigé car il est à la base d’un “effet papillon”, négatif à bien des égards, et pour le combattre, il suffirait d’étudier, d’innover et de produire selon les règles qui, à moyen terme, seront les seules à être utilisées pour la vie sur la planète.

Ici commencent les notes douloureuses car la propension actuelle des entreprises italiennes à innover est limitée : elle ne concerne qu’un tiers d’entre elles, et nous pensons que pour ceux qui veulent être à l’avant-garde dans le monde, il serait nécessaire que 75% des entreprises aient une telle propension. Les entreprises italiennes souffrent d’un manque d’évolution numérique et de niveaux de sécurité et de pollution souvent inférieurs aux normes de l’UE (je pense, par exemple, au secteur de la production animale dans la vallée du Pô). En outre, dans le système de production italien, il existe une condition particulière, la diffusion des petites entreprises, qui est sa croix et son bonheur : elle représente sa limite pour faire face à l’augmentation des coûts et, d’autre part, sa grande opportunité pour devenir un exemple de production durable et d’économie circulaire. En effet, ce n’est qu’au niveau local que l’on peut trouver les fondements de la circularité avec un faible impact environnemental, et en Italie, avec ses conditions spécifiques très répandues de climat, de territoire, de distribution sociale et d’organisation de la communauté, les conditions sont réunies pour une grande expérimentation de méthodes innovantes, circulaires et durables dans une économie avancée complexe.

09/02/2023

SERGIO RODRIGUEZ GELFENSTEIN
Les boulettes de Borrell, une expression transparente de la pourriture européenne

Sergio Rodríguez Gelfenstein , 8/2/2023
Original :
Los desatinos de Borrell, expresión transparente de la putrefacción europea
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Mardi 7 février, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est senti obligé de répondre à une affirmation du Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, concernant deux pays que le ministre russe des Affaires étrangères avait visités lors de sa tournée en Afrique. Dans son discours d’ouverture de la conférence du Service européen d’action extérieure sur la manipulation de l’information et l’ingérence étrangères, Borrell a affirmé que la tournée du ministre russe des Affaires étrangères au Mali et en Érythrée était possible parce que ces pays étaient « faciles pour eux, mais d’autres pas ne sont pas si faciles », ce qui dénote une forte connotation colonialiste, discriminatoire et raciste que ni Borrell ni la “diplomatie” européenne ne peuvent cacher.


Face à l’opinion catégorique de l’ancien ministre espagnol des Affaires étrangères, Lavrov a souligné que ces déclarations reflètent « des instincts néocoloniaux qui ne s’éteindront pas et empêchent clairement » l’Occident de comprendre les réalités du monde moderne. Il a également suggéré aux pays européens d’être “plus modestes”.

On pourrait se demander s’il s’agit d’un lapsus ou d’une mauvaise interprétation des propos de Borrell. La réponse catégorique est non. De tels points de vue sont une combinaison d’arrogance coloniale et d’arrogance impériale mêlée à une forte dose d’ignorance structurelle et d’idiotie mentale. Un mélange sans aucun doute très explosif en effet.

Passons en revue quelques perles émanant des neurones atrophiés du “socialiste” Borrell, de peur que l’on dise que - bien que je ne sois pas catholique - je viole le 8e  commandement qui dit : « Tu ne témoigneras pas faussement contre ton prochain. ».

En novembre 2018, alors qu’il était encore ministre des Affaires étrangères du gouvernement espagnol, Borrell a assuré lors d’un forum organisé par l’université Complutense que le « niveau d’intégration politique plus élevé » des USA était dû au fait qu’ »ils ont très peu d’histoire derrière eux », celle-ci se limitant à « tuer quatre Indiens ». Le gouvernement américain n’a pas pipé mot, donnant une approbation tacite à cette déclaration.

Plus tard, le 12 novembre 2021, dans un souci d’originalité, Borrell a tenté d’esquisser une proposition de politique étrangère et de sécurité pour l’Europe, en rédigeant un article intitulé « Une boussole stratégique pour l’Europe », dans lequel il indique que « la sphère politique de l’UE se rétrécit et nos valeurs libérales sont de plus en plus remises en question. Dans la “bataille des récits”, l’idée que les valeurs universelles ne sont en fait que des constructions occidentales a gagné du terrain. L’ancienne hypothèse selon laquelle la prospérité économique conduirait toujours au développement démocratique a été réfutée ».

Ces mots sonnent comme un hymne à la défaite et à l’échec de ses propres préceptes de valeur. Cela explique peut-être son recours à la violence, à la guerre, aux sanctions et aux blocus comme instruments pour imposer ses “valeurs libérales” par tous les moyens.


Plus récemment, et déjà dans le contexte de l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, la bave inculte et malavisée de Borrell a pris un caractère de cascade, menaçant désormais le monde entier. Le 26 août de l’année dernière, lors de la session finale des cours d’été de l’Université internationale Menéndez Pelayo de Madrid, il a déclaré : « La guerre est à un moment décisif et ce n’est plus la Russie qui prend l’initiative en ce moment, la Russie a déjà perdu la guerre ».

Six mois plus tard, avec plus de 120 000 km² de territoire récupéré par la Russie (près de 20 % de la superficie totale de l’Ukraine), 165 052 morts parmi les soldats ukrainiens, les formateurs et les soldats et mercenaires de l’OTAN, 234 000 blessés, 302 avions, 212 hélicoptères, 2 750 drones, 6 320 chars et véhicules blindés, 7 360 systèmes d’artillerie et 497 systèmes antiaériens ukrainiens détruits (selon les chiffres donnés par eux-mêmes, qui doivent être bien plus nombreux), il n’est pas crédible que la Russie ait perdu la guerre.

06/02/2023

FAUSTO GIUDICE
Pour pouvoir résister à une invasion russe, les Danois devraient bosser au lieu de prier

 Fausto Giudice, Basta Yekfi, 6/2/2023


Il y a au Royaume du Danemark quelque chose de pourri, on le sait depuis Shakespeare. La Première ministre social-démocrate, Mette Fredriksen, gouverne depuis quelques semaines avec le soutien de la droite (libéraux et modérés), une première depuis 40 ans. Elle ne peut compter sur une majorité parlementaire qu'avec les voix des béni-oui-oui des colonies (Groenland et Iles Feroë). Elle a neutralisé l’extrême-droite en reprenant l’essentiel de son programme en matière d’immigration et d’asile, qu’on peut résumer par « zéro immigrés, zéro réfugiés ». En présentant sa coalition bancale en décembre, elle l’a commentée ainsi : « il y a beaucoup de compromis, mais surtout beaucoup d’ambitions ». Parmi les ambitions, atteindre les fameux 2% en 2030.

Explication : le budget de la défense danoise était en 2022 de 27 milliards de couronnes, environ 3,6 milliards d’euros, soit 1,34% du PNB. L’objectif que Washington cherche à imposer aux pays du protectorat européen depuis des années est qu’ils consacrent 2% de leur budget à la défense. Le Danemark, fidèle toutou de l’OTAN depuis 1945, s’attelle donc à cette tâche. Pour y arriver en 2030, le Danemark doit trouver le fric quelque part. Qu’à cela ne tienne, il n’y a qu’à supprimer un jour férié : si les Danois bossent 7,4 heures de plus par an, on récupère 3 milliards de couronnes (403 millions d’Euros). Et Madame Fredriksen, dont le parti avait tenté le coup une première fois il y a dix ans, subissant un échec, remet quand même ça : supprimons donc le Store bededag*, le Grand Jour de Prière, un truc inventé par l’Église luthérienne d’État (à laquelle appartiennent 79% des Danois), et qui tombe le quatrième vendredi après Pâques. En trois siècles et demi, le Store bededag est devenu une part constitutive de la danité (ou danitude) : ce jour-là, on se balade en famille, on rend visite aux amis, bref on se repose. Et éventuellement, on prie.

Là, les Danois ont vu rouge et la confédération syndicale FH (Fagbevægelsens Hovedorganisation, 1 287 901 membres en 2022 , y compris celles et ceux du Syndicat des soldats) lance une pétition « Maintenons le Store bededag » qui a recueilli à ce jour 466 482 signatures**, et appelle à une manifestation le dimanche 5 février. Succès massif.

50 000 manifestants dans un pays de 5,9 millions d’habitants avec une capitale de 600 000 âmes, c’est vraiment une grosse manif. Mette, touche pas aux petits pains chauds ! Et suis donc le conseil de Mogens Glistrup, le défunt combattant truculent contre l’impôt : dissous l’armée danoise et remplace-la par un répondeur téléphonique disant en russe : « On se rend, on se rend »…

Dimanche à Copenhague. Voir plus de photos

Notes

*Le Store Bededag a été institué en 1686 par Hans Bagger, évêque de Roskilde.  Il a décidé qu’à la place d’avoir plusieurs petites journées de prières durant toute l’année, il valait mieux les grouper dans une journée : le Jour de Prières. Ce jour-là, toute activité était interdite afin de se consacrer exclusivement au recueillement et à des occupations spirituelles. Les boulangers ont alors pris l’habitude de confectionner, la veille, des petits pains. Comme le lendemain ils étaient devenus un peu durs, ils étaient alors réchauffés ; la coutume s’est ainsi répandue de consommer des petits pains chauds, varme hveder, le Grand jour de prière. (Source)

** Texte de la pétition :
“Bas les pattes de notre jour férié !
La vie ne se résume pas au travail et aux feuilles de calcul. La journée de prière est notre jour de congé commun, où nous pouvons nous détendre ou passer du temps avec notre famille et nos amis. C’est ainsi que les choses devraient se passer au Danemark à l’avenir. Il n’est pas normal que le gouvernement supprime les jours fériés ou les jours de congé au-dessus de nos têtes. Et supprime même la compensation pour les employés qui ont tout le temps travaillé toute la journée de grande prière.” (Source)



06/10/2022

SERGIO RODRIGUEZ GELFENSTEIN
The conflict in Ukraine as an expression of the change of epoch

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 6/10/2022
Translated by
Fausto Giudice, Tlaxcala  

During my recent visit to Argentina and Uruguay, the sponsoring institutions of my trip organized a tour in which there were 14 presentations of the book "NATO vs. the world" that we wrote together with Jorge Elbaum. Likewise, 7 talks and conferences were held on the subject. In not a few of them, attendees reiterated the query about why the book has the subtitle that I now use for this article: "The conflict in Ukraine as an expression of the change of era", and asked for more on the subject.

 

1º edición
Páginas: 160
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Precisely, for Jorge and for me, it was a priority to make known in the book some remarks that explained why we had come to the conclusion that beyond the results obtained from the war development of the conflict, in reality the most important thing was that the main consequence of this was the confirmation of the beginning of that change of era the former Ecuadorian president Rafael Correa was talking about a few years ago.

In the same way, we assumed that this consequence was what gave global character to the confrontation, since its aftermath was going to impact the entire planet. Thus, the clash was much more than a confrontation of Ukraine against Russia and even of the United States and NATO against Russia.

In this sense, unlike the Second World War when the United States waited until the end for a debacle of the Soviet Union in front of the Nazi army before bursting in mid-1944 when the final result of the conflict after the Soviet victory in Stalingrad in February 1943 was indisputable and categorical, now the “new Normandy Landing” expressed in support of the coup d 'état in Ukraine in 2014, was the detonator of a war of expansion that already lasted 8 years.

In the course of the process, the United States not only supported the extermination of the Russian-speaking population of eastern Ukraine, but also cooperated in the dismantling of the armed forces of that country to transform it into an executing body under the mandate of the Nazi organizations that, with the support of the government of that country, began the “otanization” of that armed component to turn it into a ram of the expansion of NATO, a terrorist military structure that threatens all of humanity.

The obligatory Russian response to safeguard the physical integrity of the inhabitants of the oppressed territories also added as objectives the denazification and demilitarization of Ukraine, thus emulating the objectives agreed by the triumphant powers in the Second World War with regard to Germany, when they met in the German city of Potsdam between 17 July and 2 August 1945.

At the end of the meeting, the president of the United States rushed back to Washington to - just a few days later - order the launch of atomic bombs on the harmless cities of Hiroshima and Nagasaki when Japan had already surrendered. In this way, it subordinated - through the most horrible event in the history of mankind - the surrendered and disarmed Japanese empire, which until today has remained attached to the military and political device of the United States.

With Europe, the United States was more subtle: it resorted to buying the wills of the European elites by creating the so-called Marshall Plan, an instrument more susceptible than the atomic bomb to be disclosed by Hollywood as an expression of USAmerican "cooperative values". But the purpose was the same, so Europe became a useful tool of Washington's eagerness to dominate the world.

09/09/2022

SERGIO RODRIGUEZ GELFENSTEIN
Ukraine : une guerre en minijupes ?

 Sergio Rodríguez Gelfenstein, 8/9/2022
Traduit par
Fausto Giudice,
Tlaxcala

Ce n’est pas suffisamment connu, mais il y a peut-être peu de scientifiques du social qui aient théorisé autant et aussi bien sur la guerre que Vladimir I. Lénine. Étudiant la Première Guerre mondiale, il a écrit : « Le prolétariat lutte et luttera toujours sans relâche contre la guerre, mais sans oublier un seul instant que les guerres ne pourront disparaître que lorsque la division de la société en classes aura complètement disparu ». Le leader soviétique a également enseigné que : « Dans la guerre, c'est celui qui a le plus de réserves, le plus de sources de force, le plus de soutien parmi le peuple qui gagne ».

Manifeste socialiste de Zimmerwald contre la guerre, septembre 1915 : « la guerre qui a provoqué tout ce chaos est le produit de l'impérialisme, des efforts des classes capitalistes de chaque nation pour satisfaire leur appétit d'exploitation du travail humain et des trésors naturels de la planète... ils enterrent, sous des montagnes de décombres, les libertés de leurs propres peuples, en même temps que l'indépendance des autres nations. »

De même, l'un des plus brillants stratèges militaires contemporains, le général vietnamien Vo Nguyen Giap, a souligné le fait que les victoires au combat étaient étroitement liées aux « activités de production, de communication, de transport, de culture, de santé et autres ». Ainsi, le général Giap a considéré que « la victoire multilatérale [...] est le résultat de la lutte héroïque de tous les compatriotes de toutes les branches, services et régions qui ont consacré leurs efforts prodigieux, défié les bombes et les balles et surmonté d'innombrables difficultés ».

Il est donc nécessaire de comprendre que le phénomène de la guerre est très complexe, notamment parce que le facteur subjectif joue un rôle décisif pour forger des victoires en cas d'absence ou d'insuffisance des éléments matériels qui en constituent l'aspect objectif.

À l'époque moderne, bien que les instruments technologiques jouent un rôle de plus en plus important, l'outil principal et concluant reste la composante humaine qui participe au conflit. Quels que soient les développements technologiques, l'objectif de la guerre reste l'occupation d'un territoire, ce qui n'est possible que lorsque les soldats d'une armée et les officiers qui les commandent prennent le contrôle effectif de l'espace géographique.

Seuls ceux qui ont participé à une guerre connaissent la barbarie qu'elle implique. Dans la guerre, le meilleur et le pire de l'être humain se déchaînent, le meilleur parce que la décision de donner sa vie pour une chose à laquelle on croit dépasse toute analyse de la subjectivité qui pourrait motiver une telle action. Cela ne s'applique certainement pas aux mercenaires et aux tueurs à gages qui ne se battent que pour l'argent et les émoluments qu'ils peuvent obtenir. Mais la guerre libère aussi le pire de la condition humaine, à savoir le besoin de tuer pour survivre.

Il est bien connu que ce qui sépare un politicien ordinaire d'un homme d'État, c'est essentiellement sa capacité à gérer avec succès les éléments de défense et de sécurité, en premier lieu, à être capable de diriger les forces armées ; il est également fondamental de posséder le génie et la compétence pour mener la politique étrangère et les relations internationales. Tout le monde peut faire le reste, surtout s'il est bien conseillé. J'ai eu la chance de rencontrer le commandant en chef Fidel Castro, le plus grand génie militaire du XXe siècle en Amérique latine, et je sais de quoi je parle.

Je veux ici parler de la conduite de la guerre en Ukraine et sur l'élément décisif de la direction et du commandement stratégiques dans le conflit, qui ne se joue pas seulement sur le terrain de la guerre. D'une part, le président russe Vladimir Poutine a montré des signes clairs de sa capacité à gérer la guerre « comme une continuation de la politique par d'autres moyens ».


On ne peut pas en dire autant de ceux qui gèrent la guerre depuis l'autre côté. Lorsque le chef de la “diplomatie” européenne, Joseph Borrell, affirme que la fin du conflit interviendra sur le plan militaire, puis, plus récemment, assure que « la Russie a déjà perdu la guerre et est sur la défensive contre Kiev" » alors que la Russie a déjà conquis 27,2 % du territoire ukrainien - où, soit dit en passant, dans une bonne partie de celui-ci, la vie évolue vers la normalité sous le contrôle de la Russie - nous nous rendons compte que nous sommes confrontés à des niveaux très dangereux d'ignorance et de stupidité. Surtout, parce que cette vision des faits conduit à des décisions profondément erronées qui aboutissent au sacrifice inutile de milliers de soldats pour des intérêts politiques qui ne sont même pas liés à la rhétorique et à l'attirail traditionnels de l'Occident.

Lorsque l'on regarde la carte des opérations militaires, la récente “contre-offensive” ukrainienne tant vantée dans le sud, il est difficile de croire qu'une telle action a été planifiée par des militaires professionnels : une pénétration dans un secteur de défense russe, laissant les flancs ouverts et avançant en profondeur jusqu'à ce qu'il devienne impossible pour la logistique de remplir sa mission d'assurer les fournitures de combat nécessaires au succès, présageait un désastre... et ce fut le cas : 152 chars, 151 véhicules de combat d'infanterie, 110 véhicules blindés de combat, 56 camions blindés, 17 véhicules spéciaux, 11 avions de chasse de divers types et 3 hélicoptères détruits, et pire encore, 3100 soldats anéantis entre le 29 août et le 6 septembre, voilà le bilan de cette folie, motivée uniquement par la nécessité de montrer des résultats pour justifier l'arrivée et l'augmentation de l'aide occidentale, même s'il est évident que c'est une cause perdue. Il convient de noter que les médias occidentaux se sont massivement précipités pour intituler ce désastre «  Victoire épique des forces armées ukrainiennes », trompant leurs lecteurs en toute impunité.

Pendant ce temps, l'armée russe continue de concentrer ses efforts sur la reprise du contrôle de l'ensemble du territoire de Donetsk, en conservant les régions libérées des provinces de Kherson, Kharkov, Zaporojié et Nikolaïev. Au même moment, le président Poutine, le ministre de la Défense, le général Shoigu, et le chef d'état- major général des forces armées russes, le général Gerassimov, se sont rendus dans l'Extrême-Orient du pays pour inspecter sur place les manœuvres militaires Vostok 2022 qui se déroulent sur sept champs de tir et dans les mers du Japon et d'Okhotsk, et auxquelles participent quelque 50 000 soldats, plus de 5 000 unités d’armement lourd, 140 avions et 60 navires de Russie ainsi que d'Algérie, d'Arménie, d'Azerbaïdjan, de Biélorussie, de Birmanie, de Chine, d'Inde, du Kazakhstan, du Kirghizstan, du Laos, de Mongolie, du Nicaragua, de Syrie et du Tadjikistan.

Dans le cas de l'“offensive” ukrainienne dans le sud du pays, les dirigeants politiques (Zelensky, Biden, Johnson, Scholz, Macron, Borrell, Stoltenberg & Co), qui ne connaissent rien à la guerre, ont imposé aux forces armées le caractère obligatoire d'une opération militaire qui, dès le départ, n'avait aucune chance d'aboutir et qui a coûté la vie à 3100 jeunes Ukrainiens qui ont cru qu'ils étaient en train de se sacrifier pour la Patrie, alors qu'en réalité ils l'ont fait pour les intérêts commerciaux des grandes transnationales usaméricaines de l'énergie et de l'armement qui tirent d'énormes profits de cette guerre.

La vérité est donnée par des avis d'experts, dont aucun n'est l'ami de Poutine ou de la Russie. Lisons ce que certains d'entre eux disent. Au tout début de la guerre, dans une longue interview, Jacques Baud, colonel de l'armée suisse, expert en renseignement militaire et en service à l'OTAN et à l'ONU, à qui l'on demandait comment il évaluait l'offensive russe, répondait : « Attaquer un autre État est contraire aux principes du droit international. Mais il faut aussi tenir compte du contexte dans lequel s'inscrit une telle décision. Tout d'abord, il convient de préciser que Poutine n'est ni fou ni déconnecté de la réalité. C'est une personne méthodique et systématique, c'est-à-dire très russe. Je crois qu'il était conscient des conséquences de son opération en Ukraine. Il a estimé, manifestement à juste titre, que, qu'il s'agisse d'une "petite" opération pour protéger la population du Donbass ou d'une opération "massive" en faveur de la population du Donbass et des intérêts nationaux de la Russie, les conséquences seraient les mêmes. Il a donc opté pour la solution maximale ».

Dans un article paru mardi dans le Wall Street Journal, le général de brigade Mark Kimmitt, de l'armée usaméricaine, a affirmé : « Entamer un règlement diplomatique serait désagréable et pourrait sembler défaitiste, mais il y a peu de chances de sortir de l'impasse actuelle, il est donc peut-être préférable d'entamer les négociations maintenant plutôt que plus tard ». Kimmitt a rappelé que l'OTAN ne peut plus faire face à la nécessité de maintenir le rythme des livraisons d'armes à l'Ukraine car les forces ukrainiennes les perdent trop souvent sur le champ de bataille. Le général usaméricain a écrit qu'il pensait que la réduction des fournitures occidentales à Kiev aurait un effet "désastreux" sur l'armée ukrainienne.

Enfin, le général à la retraite et ancien secrétaire adjoint du Conseil de sécurité nationale et de défense de l'Ukraine, Serhiy Krivonos, a exprimé sa consternation face aux pertes “monstrueuses” de l'armée ukrainienne, qui, selon lui, se chiffrent par « dizaines de milliers, et pourraient même atteindre des centaines de milliers ». S'interrogeant sur les causes de cette situation et sur le refus des autorités et des médias occidentaux d'en parler, Krivonos écrit : « Les histoires selon lesquelles ce n'est pas le moment d'en parler ne sont rien d'autre qu'une tentative de brouiller la mémoire, d'effacer l'histoire. Mais comment pouvez-vous effacer le sang des morts, qui se comptent déjà par centaines de milliers ? Qui répondra de cela ? »

Pendant ce temps, le Washington Post, dans un article publié mardi 6 septembre, a été contraint d'affirmer que les militaires ukrainiens qui ont pris part à la tentative de contre-offensive dans la région de Kherson, dans le sud du pays, « se plaignent de lourdes pertes, du manque de munitions et du retard technologique par rapport à l'armée russe ». Le quotidien de la capitale impériale cite un soldat qui a déclaré que presque tous ses camarades, au nombre de 120, « ont été blessés, dont beaucoup grièvement ». Il a imputé cette situation à la nécessité d'économiser les munitions, mais a également écrit que lorsqu'ils ont tiré, « il était difficile d'atteindre les cibles en raison des problèmes liés aux systèmes de guidage des vieilles armes ». Le Post conclut que « de nombreux combattants des forces armées ukrainiennes doutent que la tentative en vaille la peine [face à] de telles pertes ».


Quelques jours avant que cela ne se produise sur le champ de bataille, Zelensky et sa femme ont posé pour le magazine Vogue, dont le dernier titre était : « Toutes les tendances minijupe pour l'automne et l'hiver 2022 ». Traiter la guerre comme s'il s'agissait d'un événement banal, de type showbiz, et supposer que la mort de tant de jeunes gens restera impunie en raison de l'irresponsabilité politique des dirigeants européens, cela fera partie des prochaines chroniques à écrire lorsque cette histoire sera terminée. Mais je ne pense pas que ce seront des minijupes que les soldats ukrainiens porteront au combat à l'approche du redoutable hiver boréal.


 

11/08/2022

OMER BENJAKOB
NSO, le fabricant israélien du logiciel espion Pegasus, a 22 clients dans l'UE. Et il n'est pas seul

Omer Benjakob, Haaretz, 9/8/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Omer Benjakob est reporter et rédacteur sur les questions de technologie et cybernétique pour Haaretz en anglais. Il couvre également Wikipédia et la désinformation en hébreu. Il est né à New York et a grandi à Tel Aviv. Il est titulaire d'une licence en sciences politiques et en philosophie et prépare une maîtrise en philosophie des sciences. @omerbenj

Des membres de la commission d'enquête du Parlement européen sont venus en Israël pour enquêter sur Pegasus, et ont été surpris de découvrir des contrats avec leur pays d'origine. Sur le marché animé des logiciels espions en Europe, voici les principaux concurrents de NSO

NSO et ses concurrents sur le marché européen des logiciels espions

 Des représentants de la commission d'enquête du Parlement européen sur le logiciel espion Pegasus se sont récemment rendus en Israël et ont appris du personnel de NSO que la société a des contrats actifs dans 12 des 27 pays membres de l’UE. Les réponses de la société israélienne de cyberguerre aux questions de la commission, qui ont été obtenues par Haaretz, révèlent que la société travaille actuellement avec 22 organisations de sécurité et de police dans l'UE.

Des représentants du comité se sont rendus en Israël ces dernières semaines pour s'informer en profondeur sur l'industrie locale de la cyberguerre, et ont eu des discussions avec des employés de NSO, des représentants du ministère de la Défense et des experts locaux. Parmi les membres du comité figurait un député catalan dont le téléphone portable a été piraté par un client de NSO.

Le comité a été créé après la publication du Projet Pegasus l'année dernière, et son objectif est de créer une réglementation paneuropéenne pour l'acquisition, l'importation et l'utilisation de logiciels de cyberguerre tels que Pegasus. Mais pendant que les membres du comité étaient en Israël, et surtout depuis leur retour à Bruxelles, il a été révélé qu'en Europe, il existe également une industrie de la cyberguerre bien développée - et que nombre de ses clients sont des pays européens.

Le logiciel espion Pegasus de la société israélienne et les produits concurrents permettent d'infecter le téléphone portable de la victime de la surveillance, puis de permettre à l'opérateur d'écouter les conversations, de lire les applications contenant des messages cryptés et de fournir un accès total aux contacts et aux fichiers de l'appareil, ainsi que la possibilité d'écouter en temps réel ce qui se passe autour du téléphone portable, en actionnant la caméra et le microphone.

Lors de leur visite en Israël, les eurodéputés ont voulu connaître l'identité des clients actuels de NSO en Europe et ont été surpris de découvrir que la plupart des pays de l'UE avaient des contrats avec la société : 14 pays ont fait affaire avec NSO dans le passé et au moins 12 utilisent encore Pegasus pour l'interception légale des appels mobiles, selon la réponse de NSO aux questions de la commission.

En réponse aux questions des députés, la société a expliqué qu'à l'heure actuelle, NSO travaille avec 22 « utilisateurs finaux » - des organisations de sécurité et de renseignement et des autorités chargées de faire respecter la loi - dans 12 pays européens. Dans certains de ces pays, il y a plus d'un client. (Le contrat n'est pas conclu avec le pays, mais avec l'organisation exploitante). Dans le passé, comme NSO l'a écrit au comité, la société a travaillé avec deux autres pays - mais les liens avec eux ont été rompus. NSO n'a pas révélé quels pays sont des clients actifs et avec quels deux pays le contrat a été gelé. Des sources dans le domaine de la cybernétique indiquent que ces pays sont la Pologne et la Hongrie, qui ont été retirées l'année dernière de la liste des pays auxquels Israël autorise la vente de cybernétique offensive.

Certains membres de la commission pensaient que l'Espagne avait pu être gelée après la révélation de la surveillance des dirigeants des séparatistes catalans, mais des sources sur le terrain ont expliqué que l'Espagne, qui est considérée comme un pays respectueux de la loi, figure toujours sur la liste des pays approuvés par le ministère israélien de la Défense. Les sources ont ajouté qu'après l'éclatement de l'affaire, Israël, NSO et une autre entreprise israélienne travaillant en Espagne ont exigé des explications de Madrid - et se sont vu assurer que l'utilisation des dispositifs israéliens était légale. Les sources affirment que le contrat entre les sociétés israéliennes et le gouvernement espagnol n'a pas été interrompu. Pendant ce temps, en Espagne, il a été révélé que les opérations de piratage - aussi problématiques soient-elles en termes politiques - ont été effectuées légalement.

L'exposition de l'ampleur de l'activité de NSO en Europe met en lumière le côté moins sombre de l'industrie cybernétique offensive : Les pays occidentaux qui opèrent selon la loi et le contrôle judiciaire des écoutes de civils, par opposition aux dictatures qui utilisent ces services secrètement contre les dissidents. NSO, d'autres sociétés israéliennes et de nouveaux fournisseurs européens sont en concurrence pour un marché de clients légitimes - un travail qui n'implique généralement pas de publicité négative.

Ce domaine, appelé interception légale, a suscité ces dernières années la colère d'entreprises technologiques telles qu'Apple (fabricant de l'iPhone) et Meta (Facebook est le propriétaire de WhatsApp, via lequel le logiciel espion a été installé). Ces deux entreprises ont intenté un procès à NSO pour avoir piraté des téléphones via leurs plateformes et mènent la bataille contre ce secteur. Le domaine suscite également un grand malaise en Europe, qui a mené une législation complète sur la question de la confidentialité de l'internet, mais cela ne signifie pas qu'il n'y a aucun intérêt pour ces technologies ou leur utilisation sur le continent.

La semaine dernière encore, il a été révélé que la Grèce utilisait un logiciel similaire à Pegasus, appelé Predator, contre un journaliste d'investigation et contre le chef du parti socialiste. Le Premier ministre a affirmé que les écoutes étaient légales et fondées sur une injonction. Predator est fabriqué par la société cybernétique Cytrox, qui est enregistrée dans le nord de la Macédoine et opère depuis la Grèce. Cytrox appartient au groupe Intellexa, détenu par Tal Dilian, un ancien membre haut placé des services de renseignement israéliens. Intellexa était auparavant situé à Chypre, mais après une série d'incidents embarrassants, il a transféré son activité en Grèce. Alors que l'exportation du Pegasus de NSO est supervisée par le ministère israélien de la Défense, l'activité d'Intellexa et de Cytrox ne l'est pas.


L’ex-chef du renseignement grec Panagiotis Kontoleon, qui a démissionné dans le cadre d'un scandale lié à l'espionnage présumé d'un politicien de l'opposition, à Athènes en juillet. Photo : YIANNIS PANAGOPOULOS - AFP

Aux Pays-Bas également, un débat public a récemment eu lieu après qu'il a été révélé que les services secrets ont utilisé Pegasus pour capturer Ridouan Taghi, un baron de la drogue arrêté à Dubaï et accusé de 10 meurtres choquants. Bien que l'utilisation ait été légale et activée contre un élément criminel, aux Pays-Bas, on a voulu savoir pourquoi les services secrets étaient impliqués dans une enquête interne de la police néerlandaise, et après le rapport, il y a eu des demandes pour un auto- examen concernant la manière dont le logiciel espion a été utilisé aux Pays-Bas.

Outre les sociétés israéliennes actives sur le continent, il s'avère que l'Europe compte un certain nombre de fabricants de logiciels espions. La semaine dernière, Microsoft a révélé un nouveau logiciel espion appelé Subzero, qui est fabriqué par une société autrichienne située au Lichtenstein, appelée DSIRF. Ce logiciel espion exploite une faiblesse sophistiquée de type « zero-day » pour pirater les ordinateurs. Contrairement à NSO, qui a attendu plusieurs années avant d'admettre qu'elle travaille avec des clients en Europe, les Autrichiens se sont défendus. Deux jours après la révélation de Microsoft, ils ont réagi durement et expliqué que leur logiciel espion « a été développé uniquement pour un usage officiel dans les pays de l'UE, et que le logiciel n'a jamais été utilisé à mauvais escient ».

En Europe, les entreprises de logiciels espions sont plus expérimentées : il y a quelques semaines, les enquêteurs de sécurité de Google ont révélé un nouveau logiciel espion nommé Hermit, fabriqué par une société italienne appelée RSC Labs, un successeur de Hacking Team, un concurrent ancien et familier, dont la correspondance interne a été rendue publique par une énorme fuite à Wikileaks en 2015. Hermit a également exploité une faiblesse de sécurité peu connue pour permettre le piratage d'iPhones et d'appareils Android, et a été trouvé sur des appareils au Kazakhstan, en Syrie et en Italie.

Dans ce cas également, il y a une indication que les clients de RCS Labs, qui est situé à Milan avec des succursales en France et en Espagne, comprennent des organisations européennes officielles d'application de la loi. Sur son site web, elle fait fièrement état de plus de « 10 000 piratages réussis et légaux en Europe ».

D'autres logiciels espions pour téléphones portables et ordinateurs ont été révélés par le passé sous les noms de FinFisher et FinSpy. En 2012, le New York Times a rapporté comment le gouvernement égyptien a utilisé ce dispositif, initialement conçu pour lutter contre la criminalité, contre des militants politiques. En 2014, le logiciel espion a été trouvé sur l'appareil d'un USAméricain d'origine éthiopienne, ce qui a éveillé les soupçons selon lesquels les autorités d'Addis-Abeba sont clientes du fabricant britannico- allemand, une société appelée Lench IT Solutions.

L'eurodéputée néerlandaise Sophie in 't Veld [groupe Renew Europe, NdT], qui est membre de la commission d'enquête Pegasus, a déclaré à Haaretz : « Si une seule entreprise a pour clients 14 États membres, vous pouvez imaginer l'ampleur du secteur dans son ensemble. Il semble y avoir un énorme marché pour les logiciels espions commerciaux, et les gouvernements de l'UE sont des acheteurs très enthousiastes. Mais ils sont très discrets à ce sujet, en le gardant à l'abri des regards du public ».

Les entreprises comme NSO sont confrontées à un dilemme : révéler l'identité des gouvernements clients qui utilisent légalement ses outils permettra de faire face aux critiques publiques d'organisations telles que Citizen Lab, des médias et des élus, mais mettra en péril les accords futurs, compte tenu des clauses sur l'abus de confiance et des contrats de confidentialité conclus avec ses clients.

« Nous savons que des logiciels espions sont développés dans plusieurs pays de l'UE. L'Italie, l'Allemagne et la France ne sont pas les moindres », a déclaré in 't Veld. « Même s'ils l'utilisent à des fins légitimes, ils n'ont aucun appétit pour plus de transparence, de surveillance et de garanties. Les services secrets ont leur propre univers, où les lois normales ne s'appliquent pas. Dans une certaine mesure, cela a toujours été le cas, mais à l'ère numérique, ils sont devenus tout-puissants, et pratiquement invisibles et totalement insaisissables ».

NSO n'a pas répondu à la demande de commentaire de Haaretz.