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28/10/2023

New York, New York : si loin, si près de Gaza

Fausto Giudice, Basta!يكف,
28/10/2023

Deux événements presque simultanés ont eu lieu le vendredi 27 octobre à 800 mètres l’un de l’autre dans la ville de New York. Ils avaient un thème commun mais des approches diamétralement opposées : lune den haut, lautre den bas.

 


Premier événement : le vote d’une résolution non-contraignante proposée par les États arabes appelant à une “ trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue” entre Israël et le Hamas et demandant la fourniture “continue, suffisante et sans entrave” de matériel et de services de survie aux civils pris au piège dans l'enclave. Le lieu : la salle de l’Assemblée générale de l’ONU, dans le Palais de verre au bord de l’Hudson. Les acteurs : les délégations des 193 États membres. Résultat du vote : 120 votes en faveur, 45 abstentions et 14 votes contre. Les États européens étaient minoritaires parmi les votants favorables, puisque seuls 13 (Arménie, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Espagne, France, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Monténégro,  Norvège, Portugal, Russie, Suisse) des 46 membres du Conseil de l’Europe ont voté la résolution, alors que 22 d’entre eux se sont abstenus, de l’Allemagne au Royaume-Uni. La liste des 14 délégations qui ont voté contre mérite d’être connue : Autriche, Croatie, Tchéquie, Fidji, Guatemala, Hongrie, Israël, Îles Marshall, Micronésie, Nauru, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, Tonga, USA. Il y a longtemps que le ridicule ne tue plus. Les motivations des abstentionnistes étaient diverses, certains estimant que le texte ne condamnait pas clairement le Hamas, d’autre, comme la Tunisie, qu’il mettait sur le même les bourreaux (Israël) et les victimes (la Palestine).

Deuxième événement : pendant quelques heures, le hall de la gare ferroviaire Grand Central a été littéralement noir de monde, rempli qu’il était à craquer de New-Yorkais arborant tous un T-shirt noir [vendu au prix coûtant de 12,95$] portant deux inscriptions : « Des Juifs disent : cessez-le-feu maintenant » dans le dos et « Pas en notre nom » sur la poitrine. Des banderoles proclamaient le droit à la liberté et à la vie des Palestiniens. La majorité des manifestants étaient jeunes, blancs et en grande partie juifs, mais on voyait aussi des personnes du 2ème et du 3ème âge ainsi que des non-Blancs. La manifestation était organisée par une organisation relativement jeune, qui a connu un développement expansif considérable, Jewish Voice for Peace [Voix juive pour la Paix]. Ils se présentent comme « la plus grande organisation juive progressiste antisioniste au monde. Nous organisons un mouvement populaire, multiracial, interclassiste et intergénérationnel de juifs américains solidaires de la lutte pour la liberté des Palestiniens, guidés par une vision de justice, d'égalité et de dignité pour tous les peuples ». En somme, une réponse et une alternative aux multiple lobbys sionistes aux USA, dont le plus tonitruant est l’AIPAC [American Israel Public Affairs Committee]. La police new-yorkaise s’est comportée correctement, ne faisant usage ni de lacrymogènes ni de balles en caoutchouc, se contenant de menotter et d’embarquer poliment environ 200 manifestants. On n’avait quand même pas à faire à des sauvageons des ghettos noirs, n’est-ce pas ?

Que conclure de ces deux événements ?

Pour le premier : les résolutions non-contraignantes d’en haut ont en général le même effet que pisser dans un violon. Mais elles ont au moins l’intérêt de donner une idée de l’état des rapports entre les gouvernements représentés à l’ONU et l’opinion régnant dans leurs pays.

Pour le second : 3300 manifestants d’en bas [une estimation fondée sur la surface du hall central : 3300 m2] en majorité juifs manifestant pour le droit à la vie et à la liberté des Palestiniens dans une métropole comptant 1,6 million de Juifs, c’est une goutte d’eau dans un très grand bassin. Rien de comparable avec les 100 000 manifestants de Londres aujourd’hui. La diffusion sur les médias électroniques des vidéos de la manif touche et touchera des millions de personnes et en amènera (peut-être) certaines à réfléchir avant de continuer à gober les horreurs déversées par le Propagandaministerium mondialisé. (voir vidéos du sit-in)

25/10/2023

AZMI BISHARA
Briser la cage de Gaza : pourquoi l’attaque du 7 octobre n’est pas le 11 septembre d’Israël et sa victoire n’est pas garantie

Azmi Bishara, The New Arab, 12/10/2023

Alors qu’Israël affiche ouvertement son intention d’intensifier ses bombardements brutaux sur Gaza et d’affamer la population pour se venger de l’opération militaire du Hamas, le Dr Azmi Bishara insiste sur la nécessité de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l’empêcher de se livrer à un véritable génocide.


Gaza est assiégée depuis près de vingt ans. Dessin d’Emad Hajjaj

La diffusion par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, relayé par le président usaméricain Joe Biden, d’affabulations et de désinformations sur les événements du 7 octobre à Gaza n’est pas une bavure mais un acte délibéré de propagande. Elle vise à justifier une guerre israélienne barbare et totale, sans retenue, pour faire payer un prix insupportable à la population palestinienne de Gaza, l’objectif principal de cette guerre.

En d’autres termes, justifier l’usage illégal de la violence et de l’intimidation contre les civils palestiniens dans la poursuite d’objectifs politiques. N’est-ce pas là la définition même du terrorisme ?

Le contre-objectif devrait donc être de limiter leur capacité à bombarder Gaza sans retenue, en dénonçant et en protestant contre les crimes de la guerre israélienne et en soutenant la solidarité avec les Palestiniens de Gaza. Pendant deux décennies, les Gazaouis n’ont pas connu de quartier, vivant sous un siège paralysant et de fréquents assauts israéliens ; et aujourd’hui, ils sont soumis à une cruauté qu’aucun humain n’est capable de tolérer.

La stupeur et l’émotion combinées depuis les événements chocs du 7 octobre, qui ont remis en question l’arrogance israélienne et les frustrations arabes, font qu’il est difficile d’écrire sans passion sur l’opération “Déluge d’Al-Aqsa” et l’assaut qui s’en est suivi contre Gaza. Il ne fait aucun doute que la jeune génération se souviendra de cette journée et qu’elle modifiera sa perception de la suprématie de l’occupant et de la dignité des victimes de l’occupation, ainsi que des possibilités de résistance à l’occupation.

Quelques jours plus tard, alors même que l’occupation peine à se remettre de cette attaque choc, les responsables israéliens se sont empressés d’annoncer les crimes de guerre qu’ils ont perpétrés à Gaza, déclarant ouvertement leur intention d’en commettre d’autres. L’administration israélienne a ignoré de manière flagrante la déclaration du secrétaire général des Nations unies selon laquelle l’imposition d’un siège total, y compris la coupure de l’eau et de l’électricité, constituerait une violation du droit humanitaire international. Empêcher l’accès à l’eau, aux médicaments et à la nourriture est reconnu comme une arme de guerre inacceptable depuis le Moyen-Âge, mais Israël a pris l’habitude et le droit d’agir au-dessus de la loi.

L’attaque menée par les Brigades Al-Qassam le 7 octobre contre les bases militaires et les villes situées dans ce que l’on appelle “l’enveloppe de Gaza” représente un tournant dans les relations entre la résistance palestinienne et Israël. La planification, la mise en œuvre et la puissance (réelle et projetée) qui la sous-tendent occuperont les analystes pendant des années. Ce matin-là, non seulement les fortifications en béton le long de la frontière ont été détruites, mais aussi les forteresses mentales construites sur des idées fausses et des stéréotypes.

Les Israéliens se sont laissé aller à la complaisance, malgré les souffrances qu’ils ont infligées à un peuple indigène qui étouffe sous deux décennies d’un blocus inhumain et illégal et malgré la complicité croissante du gouvernement d’extrême droite dans les attaques contre la mosquée Al-Aqsa, au point que des plans ont été élaborés pour diviser le site d’Al-Aqsa et attribuer des heures de prière distinctes aux musulmans et aux juifs. Ils se sont reposés sur leurs lauriers alors même qu’ils permettaient l’escalade des attaques de colons contre les Palestiniens et leurs biens et que le gouvernement annonçait son intention d’annexer de vastes pans de la Cisjordanie.

Que l’on soit israélien ou non, personne ne devrait être choqué par la réaction palestinienne. L’autocensure israélienne a commencé et sera un processus continu, mais elle ne conduira pas à des conclusions correctes sur la relation de l’occupant avec la réalité vécue par ceux qui vivent sous l’occupation. Au lieu de cela, il cherchera des réponses internes et incomplètes aux questions relatives au maintien de l’occupation, telles que : « Qui est responsable de l’échec des services de renseignement ? Pourquoi n’y avait-il pas assez de soldats ? Pourquoi ont-ils réagi si tardivement ? »

La véritable surprise pour les Israéliens, les Palestiniens et les Arabes est venue de la capacité de la résistance gazaouie à produire et à faire entrer en contrebande l’équipement militaire nécessaire malgré un siège étouffant dans une bande de terre exposée et plate, sans montagnes ni vallées. Les seules personnes qui n’ont pas été prises au dépourvu sont celles qui sont au courant. La plupart des gens qui ont dépassé l’image romantique des parapentes survolant les frontières ont commencé à s’interroger sur la manière dont la fabrication et l’entraînement nécessaires ont été réalisés et sur le nombre de tunnels existants.

Indépendamment des différences d’attitudes et d’origines, voire des hostilités entre eux, les Palestiniens, et les Arabes en général, ont le droit de ressentir un certain regain de confiance face à la persévérance, l’assiduité, la détermination et l’imagination dont la résistance a fait preuve dans des conditions impossibles.

Israël a maintenant lancé une guerre contre Gaza, il ne s’agit donc plus d’une opération militaire isolée. Israël a déclaré publiquement qu’il continuerait à commettre des crimes contre l’humanité, dont l’ampleur et la gravité ne feront que croître. Il rase des quartiers entiers de la bande de Gaza, la zone la plus densément peuplée du monde, le plus grand camp de réfugiés et la plus grande prison à ciel ouvert. Il tente d’effacer le souvenir des images vidéo diffusées à grande échelle par la résistance et, en semant la mort et la destruction à Gaza, de restaurer son prestige aux yeux de son peuple et son image intimidante aux yeux des Arabes, à la fois ses ennemis et les régimes qui poursuivent la normalisation.

Mais il y a d’autres éléments à prendre en compte dans ses actions. L’acharnement et la poursuite des bombardements après l’épuisement de toutes les cibles sont l’expression de la confusion et de l’hésitation quant à la marche à suivre, et constituent une tactique qui masque l’absence d’un plan et d’une stratégie. En outre, le feu vert de Washington et des gouvernements européens a encouragé Israël à agir sans calcul sérieux.

Les bombardements intensifs visent à creuser un fossé entre l’idée de résistance et la population en augmentant de manière prohibitive le coût de la résistance et les sacrifices consentis par les habitants de Gaza, dans l’espoir que les souffrances continues qui leur sont imposées les mobiliseront non pas contre l’occupation, mais contre le Hamas.

20/10/2023

ANDREW MITROVICA
Joe Biden est responsable de la deuxième Nakba

Andrew Mitrovica,Aljazeera, 19/10/2023

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Andrew Mitrovica est un chroniqueur d’ Al Jazeera vivant à Toronto.

Le président usaméricain est responsable de tous les aspects méprisables de la calamité qui s’abat sur Gaza et qui est perpétrée par le mandataire toujours fiable et obéissant de son pays, Israël.

   Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou salue le président usaméricain Joe Biden à son arrivée à l'aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, le 18 octobre 2023 [Brendan Smislowski/AFP]

Le président usaméricain Joe Biden est descendu d'un gros avion à Tel-Aviv mercredi et a donné l’accolade à un criminel de guerre dont l'armée accro au crime de guerre avait, quelques heures auparavant, commis un autre crime de guerre d'une nature et d'une ampleur si horribles qu'il est destiné à se répercuter dans la mémoire et dans l'histoire.

Ce sera l'image malsaine et déterminante de la présidence de Biden : une accolade sur le tarmac d'un aéroport avec un premier ministre israélien qui s'est toujours délecté à tuer des Palestiniens, même des enfants, des femmes et des hommes désespérés qui pensaient être hors de portée de la malveillance de Benjamin Netanyaohu, dans l'enceinte d'un hôpital de la bande de Gaza assiégée qui, petit à petit, s'efface dans des actes flagrants de génocide.

Il convient de rappeler, au milieu de toutes ces scènes touchantes de fraternité, que Biden et le secrétaire d'État Antony Blinken ont passé la majeure partie des trois dernières années à prendre leurs distances - pour le dire charitablement - avec un homme politique dont beaucoup d'Israéliens pensent qu'il n'est pas seulement un escroc de carrière, mais aussi un autoritaire de haut vol.

Plutôt que de serrer Netanyahou contre leur poitrine aimante, à l'instar de Biden soudainement épris, des centaines de milliers d'Israéliens sont descendus dans la rue, semaine après semaine, pour exiger sa condamnation et sa démission en utilisant un langage brutal et difficile à oublier.

Il n'y a pas si longtemps, Biden et Blinken étaient si désireux de ne pas être vus avec l'escroc accusé devenu despote machiavélique qu'ils n'ont pas invité Netanyahou à la Maison Blanche, de peur, je suppose, d'être souillés par la puanteur de sa présence et de son caractère toxiques.

Mais les temps et les attitudes inconstantes ont bien sûr changé.

Biden a sauté dans Air Force 1 pour un rendez-vous présidentiel rapide en Israël afin de dire à sa belle de ne pas s'inquiéter, que tout est pardonné, tout en renforçant ses références de “dur à cuire” et son soutien auprès d'un électorat puissant dont il a besoin pour se faire réélire - au diable les milliers de Palestiniens mutilés, estropiés et tués.

Fidèle à sa forme indécente, il revient à un président uSaméricain sans tact d'invoquer une grotesque analogie sportive pour tenter, comme on pouvait s'y attendre, de détourner la responsabilité d'une atrocité qui s'ajoute à toutes les indignités mortelles, aux privations et à la violence gratuite déjà infligées à un peuple emprisonné par son occupant - non pas depuis des jours, des semaines, des mois ou des années, mais depuis des décennies.

Biden a déclaré que “l'autre «équipe” était responsable du massacre de centaines de Palestiniens sans défense enfermés dans l'hôpital Al Ahli Al Arabi mardi.

Apparemment, le commandant en chef octogénaire oublieux a besoin qu'on lui rappelle que son «équipe”a concocté des “preuves” à décharge et a menti encore et encore - je sais que cela doit le choquer - pour dissimuler sa complicité dans le meurtre d'innombrables Palestiniens, y compris le meurtre en 2022 d'Omar Abdulmajeed Asaad, âgé de 78 ans, dont lui et son acolyte diplomatique, Blinken, n'auraient pas pu se soucier moins, en dépit du fait que l'épicier à la retraite était porteur d’ un passeport usaméricain.

Je dois rappeler à Biden et Blinken ces autres faits flagrants :

Son “équipe” prive des millions de Palestiniens de Gaza des nécessités de la vie - nourriture, eau, carburant et électricité.

Son “équipe” est déterminée, en fait, à affamer et à déshydrater les Palestiniens de Gaza jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Son “équipe” bombarde les Palestiniens de Gaza avec des armes fournies par les USA afin de tuer le plus grand nombre possible d'entre eux, dans les plus brefs délais, en prévision d'une invasion terrestre qui entraînera inévitablement d'autres massacres effroyables.

Son “équipe” attaque des écoles abritant des Palestiniens qui n'ont nulle part où aller puisqu'il est impossible de s'enfuir.

Son“équipe” a arrosé Gaza de phosphore blanc destiné à défigurer et à brûler à vie des enfants, des femmes et des hommes jusqu'à l'os.

Son  “équipe” peut permettre à l'aide humanitaire d'atteindre les Palestiniens qui, même s'ils reçoivent un jour cette aide bloquée, seront probablement tués par son “équipe” de toute façon.

Son “équipe” retient des millions de Palestiniens en “otageS” à Gaza, en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est occupée depuis la création d'Israël.

Son“ équipe” tire à vue sur les Palestiniens de Cisjordanie qui osent résister à l'occupation et dénoncent le meurtre de leurs frères et sœurs de Gaza qui se sont réfugiés dans un hôpital.

Son “équipe” a décrit les Palestiniens comme des “animaux”, des “sauvages” et de la “vermine” qui doivent être éradiqués afin de les dépouiller de leur humanité et de justifier son nettoyage ethnique et ses plans visant à établir un “tampon” fortifié entre Gaza et Israël.

Résultat : Son “équipe”- dans une répétition de la funeste Nakba de 1948 - force des millions de Palestiniens à abandonner les ruines de leurs maisons et de leurs entreprises avec le canon d'un fusil de grande puissance pressé contre leur cœur et leur tête.

Joe Biden est responsable de tout cela, de chaque aspect méprisable de la calamité s’abat sur Gaza et qui est perpétrée par le mandataire toujours fiable et obéissant de l'USAmérique, Israël.

Le cataclysme dont le monde est témoin est le sous-produit du mantra, désormais familier, qui est au cœur de la soi-disant “politique étrangère” au Moyen-Orient de tous les présidents usaméricains modernes : Tuer d'abord, réfléchir ensuite.

Au lendemain de l'assaut impitoyable du Hamas, l'urgence exigeait un mélange tempéré d'indignation et de calme. Au lieu de cela, Biden a opté, comme il se doit, pour l'esbroufe et l'autosatisfaction.

Au lieu de comprendre que la poursuite d'une vengeance aveugle et l'utilisation d'une rhétorique incendiaire n'atténueraient pas la soif de sang ambiante, mais ne feraient qu'alimenter les pertes à couper le souffle et les scènes horribles de chagrin et de désespoir, Biden a choisi l'hystérie plutôt que les qualités d'homme d'État.

Au lieu d'être prudent dans ses paroles et ses actes, Biden s'est livré à d'affreuses fabrications lors de conférences de presse organisées à la hâte, qu'il a dû par la suite “retirer”.

Il n'en reste pas moins que les dommages profonds et sinistres ont été causés. Les Palestiniens - chacun d'entre eux - ont été déshumanisés une fois de plus afin d'excuser le fait de les tuer sans discernement et en masse.

Comme je l'ai dit : tuer d'abord, réfléchir ensuite.

Mais telle est la méthode usaméricaine : en Asie du Sud-Est, en Amérique centrale et du Sud, en Afrique, en Irak et en Afghanistan - autant de cimetières regorgeant de victimes innocentes de l'arrogance et de l'ignorance d'une succession de présidents arrogants qui se sont lancés dans la guerre sans prendre le temps d'en mesurer les conséquences désastreuses et, en fin de compte, humiliantes.

Faut-il s'étonner que Biden soit encensé par la même cavalerie évangélique impénitente du clavier qui a applaudi à la destruction massive de l'Irak et de l'Afghanistan hier, et qui applaudit à la destruction massive de Gaza aujourd'hui ?

Ils ne tireront jamais les leçons du passé parce qu'ils sont accaparés par l'instant présent.

Il est trop tard pour se retirer de l'abîme. L'orgueil démesuré, l'aveuglement et l'obstination de Biden ne le permettront pas. Le cap cruel a été fixé. Le ciment est posé. Les horreurs ne font que commencer.

Tel sera le legs infâme de Joe Biden.

ILAN PAPPÉ
Mes chers amis israéliens, voici pourquoi je soutiens les Palestiniens

Ilan Pappé, Palestine Chronicle, 10/10/2023

Italiano:  Cari amici israeliani, ecco perché sostengo i palestinesi
Português:
Meus amigos israelenses: é por isto que eu apoio os palestinianos

 

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Il nest pas toujours facile de s’en tenir à sa boussole morale, mais si elle pointe vers le nord - vers la décolonisation et la libération - alors elle vous guidera très probablement à travers le brouillard de la propagande vénéneuse.


Il est difficile de maintenir sa boussole morale lorsque la société à laquelle on appartient - dirigeants et médias confondus - prend le dessus et attend de vous que vous partagiez avec elle la même fureur vertueuse avec laquelle elle a réagi aux événements de samedi dernier, le 7 octobre.

Il n’y a qu’une seule façon de résister à la tentation de se joindre à eux : si vous avez compris, à un moment de votre vie - même en tant que citoyen juif d’Israël - la nature coloniale du sionisme et si vous avez été horrifié par ses politiques à l’encontre du peuple autochtone de Palestine.

Si vous avez pris conscience de cela, vous ne vacillerez pas, même si les messages empoisonnés décrivent les Palestiniens comme des animaux ou des “animaux humains” [Yoav Gallant, ministre de la Défense]. Ces mêmes personnes insistent pour décrire ce qui s’est passé samedi dernier comme un “Holocauste”, abusant ainsi de la mémoire d’une grande tragédie. Ces sentiments sont véhiculés, jour et nuit, par les médias et les hommes politiques israéliens.

C’est ce sens moral qui m’a conduit, ainsi que d’autres membres de notre société, à soutenir le peuple palestinien par tous les moyens possibles ; et qui nous permet, en même temps, d’admirer le courage des combattants palestiniens qui se sont emparés d’une douzaine de bases militaires, surmontant l’armée la plus puissante du Moyen-Orient.

Par ailleurs, des personnes comme moi ne peuvent s’empêcher de poser des questions sur la valeur morale ou stratégique de certaines des actions qui ont accompagné cette opération.

Parce que nous avons toujours soutenu la décolonisation de la Palestine, nous savions que plus l’oppression israélienne se poursuivrait, moins la lutte de libération aurait de chances d’être “stérile” [au sens d’inoffensive] - comme cela a été le cas dans toutes les luttes de libération justes du passé, partout dans le monde.

Cela ne signifie pas que nous ne devrions pas garder un œil sur le tableau d’ensemble, ne serait-ce qu’une minute. Ce tableau est celui d’un peuple colonisé luttant pour sa survie, à un moment où ses oppresseurs ont élu un gouvernement déterminé à accélérer la destruction, voire l’élimination du peuple palestinien - ou même de sa revendication à être un peuple.

Le Hamas se devait d’agir, et rapidement.

Il est difficile d’exprimer ces contre-arguments parce que les médias et les politiciens occidentaux se sont ralliés au discours israélien et à la narration, aussi problématique soit-elle.

Je me demande combien de ceux qui ont décidé de revêtir le Parlement de Londres et la Tour Eiffel de Paris [et la Porte de Brandenbpourg à Berlin, et Palazzo Chigi à Rome] des couleurs du drapeau israélien comprennent vraiment comment ce geste apparemment symbolique est reçu en Israël.

Même les sionistes libéraux, dotés d’un minimum de décence, ont interprété cet acte comme une absolution totale de tous les crimes commis par les Israéliens contre le peuple palestinien depuis 1948, et donc comme une carte blanche pour poursuivre le génocide qu’Israël est en train de perpétrer contre la population de Gaza.

Heureusement, les événements de ces derniers jours ont suscité des réactions différentes.

Comme par le passé, de larges pans des sociétés civiles occidentales ne se laissent pas facilement berner par cette hypocrisie, qui s’est déjà manifestée dans le cas de l’Ukraine.

Nombreux sont ceux qui savent que depuis juin 1967, un million de Palestiniens ont été emprisonnés au moins une fois dans leur vie. Et avec l’emprisonnement, viennent les abus, la torture et la détention permanente sans procès.

Ces mêmes personnes connaissent également l’horrible réalité qu’Israël a créée dans la bande de Gaza lorsqu’il a bouclé la région, imposant un siège hermétique, à partir de 2007, accompagné du meurtre incessant d’enfants en Cisjordanie occupée. Cette violence n’est pas un phénomène nouveau, puisqu’elle est le visage permanent du sionisme depuis la création d’Israël en 1948.

Grâce à cette même société civile, mes chers amis israéliens, votre gouvernement et vos médias finiront par se tromper, car ils ne pourront pas revendiquer le rôle de victimes, recevoir un soutien inconditionnel et s’en tirer avec leurs crimes.

Le tableau d’ensemble finira par apparaître, en dépit de la partialité inhérente aux médias occidentaux.

La grande question, cependant, est la suivante : chers amis israéliens, serez-vous en mesure de voir clairement ce même tableau d’ensemble ? Malgré des années d’endoctrinement et d’ingénierie sociale ?

Et, ce qui n’est pas moins important, serez-vous capables d’apprendre l’autre leçon importante - celle que l’on peut tirer des événements récents - à savoir que la force seule ne peut pas trouver l’équilibre entre un régime juste d’une part et un projet politique immoral d’autre part ?

Mais il existe une alternative. En fait, il y en a toujours eu une :

Une Palestine dé-sionisée, libérée et démocratique, du fleuve à la mer ; une Palestine qui accueillera les réfugiés et construira une société qui ne discrimine pas sur la base de la culture, de la religion ou de l’appartenance ethnique.

Ce nouvel État s’efforcerait de corriger, dans la mesure du possible, les maux du passé, en termes d’inégalité économique, de vol de propriété et de déni de droits. Cela pourrait annoncer une nouvelle ère pour l’ensemble du Moyen-Orient.

Il n’est pas toujours facile de s’en tenir à sa boussole morale, mais si elle pointe vers le nord - vers la décolonisation et la libération - alors elle vous guidera très probablement à travers le brouillard de la propagande vénéneuse, des politiques hypocrites et de l’inhumanité, souvent perpétrées au nom de “nos valeurs occidentales communes”.

GIDEON LEVY
La guerre contre Gaza doit cesser immédiatement

Gideon Levy, Haaretz, 19/10/2023
Traduit par Fausto Giudice
, Tlaxcala

Ce bain de sang doit être arrêté immédiatement ; il ne mène à rien de bon. On peut répondre aux massacres par des massacres, mais même un terrible massacre comme celui perpétré dans le sud d’Israël ne peut justifier ce qui le suit, sans aucune limite.

 Des personnes fouillent les débris à l’extérieur du site de l’hôpital Al Ahli Al Arabi dans le centre de Gaza le 18 octobre 2023. Photo : Mahmud Hams / AFP

 Un terrible massacre pourrait même justifier un autre terrible massacre s’il a un but autre que la punition et la vengeance, et si ce but est à la fois légitime et réalisable. Mais ce n’est pas le cas de la guerre dans la bande de Gaza, qui n’a pas d’objectif clair et réaliste et qui n’a certainement pas de réponse à la question de savoir ce qui se passera le lendemain.

Mais même si elle avait un objectif clair, il faudrait limiter la dévastation. Le bain de sang qui se déroule actuellement à Gaza, et qui ne fait que commencer, montre qu’il n’y a pas de limites. Face à cela, il est impossible de rester silencieux. Cela ne peut être justifié.

Il est impossible de rester silencieux face aux terribles images de l’hôpital Al Ahli de Gaza Ville - des dizaines de corps alignés les uns après les autres, dont beaucoup d’enfants aux corps lacérés et aux membres manquants - tout comme il est impossible de rester silencieux face aux images de mort et de destruction qui se sont produites ici. Des centaines de Palestiniens désespérés ont été tués lundi après avoir tenté de s’abriter en plein air près de l’hôpital, croyant à tort qu’ils y seraient en sécurité même pendant cette guerre maudite.

Il n’est pas encore possible de déterminer qui est responsable de ce désastre, mais pour les victimes, cela n’a plus d’importance. L’identité du coupable ne doit pas non plus changer la suite de la campagne - elle doit cesser immédiatement. Le désastre de l’hôpital doit devenir le tournant de la guerre, tout comme le désastre de Kafr Kana lors de l’opération “Raisins de la colère” au Liban en 1996 est devenu le tournant qui a mis fin à cette opération.

Israël est actuellement poussé par une tempête d’émotions justifiée et compréhensible, et il est encouragé par la sympathie du monde. Mais celle-ci sera rapidement remplacée par une demande d’arrêt des tirs compte tenu des désastres causés par la guerre. La tragédie de l’hôpital a déjà changé l’état d’esprit de certains membres de la grande bande de pom-pom girls d’Israël.

Même avant ce désastre, les rapports en provenance de Gaza, dont la grande majorité ne parvient jamais aux Israéliens, menaçaient de faire basculer le monde contre la poursuite de la guerre. Environ 1 000 enfants morts, avant même de compter les enfants morts à l’hôpital - c’est une statistique qu’il est impossible d’ignorer, et il n’y a aucun moyen de la justifier. Un siège total sur 2 millions d’êtres humains et l’évacuation d’un million de personnes de leurs maisons en l’espace d’une journée sont également inacceptables, quelles que soient les circonstances.

Cette semaine, j’ai visité le kibboutz Be’eri, qui a été détruit, et je répète ce que j’ai dit alors : je n’ai jamais vu de ma vie des images aussi difficiles. Il est impossible de les laisser passer sans régler les comptes avec tous les responsables. Aucun pays ne se priverait de le faire. Mais il y a un vaste espace intermédiaire entre l’inaction et un bain de sang massif qui n’a ni raison d’être ni but.

Les images de Gaza sont bouleversantes et devraient briser le cœur de chacun : un convoi ininterrompu d’ambulances aux sirènes hurlantes et des parents terrifiés portant leurs enfants blessés ; des pères pleurant sur les corps de leurs enfants, placés à même le sol de l’hôpital faute de lits. J’ai également vu cinq enfants blessés dans un seul lit et des patients gémissant sans personne pour les soigner.

Tuer des milliers de personnes, en mutiler des dizaines de milliers et les laisser sans rien ne fera avancer aucun intérêt israélien, même si l’on met de côté les questions de droit et de morale. Cela ne fera qu’engendrer une haine et une vengeance que même Satan n’aurait pas pu inventer, avec ou sans le Hamas.

Alors que les enfants de Gaza sont tués, les Israéliens se plaignent que l’armée “fait du surplace”. Le sentiment israélien dominant veut une opération terrestre et la fin du Hamas. Cette demande est justifiable, mais probablement irréaliste. En tout cas, elle ne peut se faire à n’importe quel prix, y compris celui de la destruction de la bande de Gaza.

Ce qui s’est passé le 7 octobre a ébranlé Israël au-delà de toute reconnaissance, en particulier la gauche et le centre. Mais même dans le feu de notre colère et de notre frustration, nous ne devons pas perdre ce qui reste de notre conscience et de notre sens moral. Nous ne devons pas laisser tout Israël devenir le Hamas.

17/05/2023

GIDEON LEVY
Les Israéliens veulent-ils vraiment continuer à vivre comme ça ?

 Gideon Levy, Haaretz, 14/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Voulez-vous vraiment continuer à vivre comme ça ? Vivre par l’épée, guerre après guerre, toutes plus inutiles les unes que les autres, toutes des guerres de choix, le choix d’Israël, sans avenir et sans but ? C’est la 17e opération contre Gaza en 19 ans. Une guerre presque chaque année. Parfois même, comme en 2004, deux guerres. La dernière devait se terminer samedi soir, à la veille de son sixième jour. Une guerre de six jours.


Des roquettes sont tirées depuis la ville de Gaza en direction d’Israël, le 13 mai 2023. Photo : MAHMUD HAMS - AFP

C’était peut-être la plus inutile et la plus banale de toutes. Une guerre sans but, à laquelle peu de gens s’intéressent. Pendant ce temps, Tel-Aviv profitait d’un concert d’Aviv Geffen dans le parc, et plus tard, on a regardé l’Eurovision. La guerre a éclaté parce qu’on a intentionnellement laissé mourir un détenu. Même les raisons officielles invoquées sont devenues insignifiantes. Ce qui s’est passé ensuite s’est répété avec une précision à glacer le sang, le début, le milieu et la fin, comme lors du tour précédent et de celui d’avant. Seules les quantités de sang et de destruction ont changé d’une guerre à l’autre - dont l’écrasante majorité est toujours du côté palestinien.

C’est l’effroyable banalité de cette dernière guerre qui la rend si dangereuse. Les Israéliens se sont habitués à l’idée que c’est comme ça, qu’il n’y a rien à faire. La pluie en hiver et la guerre en été. Une guerre chaque année, sans cause, sans rien à gagner, sans résultats, sans gagnants ni perdants, juste une saignée périodique, comme un check-up tous les 10 000 kilomètres pour votre voiture. Voulez-vous vraiment continuer à vivre ainsi ? Cette question est plus cruciale que toutes les autres, y compris le bouleversement de la réforme judiciaire, et elle n’est même pas discutée.

Continuer à vivre ainsi, c’est accepter la situation comme un décret du ciel, ou des politiciens faucons et cyniques, avec l’encouragement enthousiaste des commentateurs et journalistes bellicistes, les pom-pom girls de toutes les guerres israéliennes. Il n’y a pas d’opposition à la guerre en Israël, en tout cas pas dans ses phases préliminaires, et donc aucune alternative n’est présentée.

Voulez-vous vraiment vivre ainsi ? La réponse est toujours : “Quel choix avons-nous ?” Il y a une alternative, qui n’a jamais été essayée, mais elle ne peut même pas être proposée. L’éventail des options présentées aux Israéliens ne va que du massacre à la tuerie, de la frappe aérienne à l’opération terrestre. Nous sommes en guerre. Il n’y a rien d’autre.

Continuer à vivre ainsi signifie tuer des gens en nombre effroyable, y compris des enfants et des femmes, pour satisfaire les chefs de guerre, et parfois aussi pour se faire tuer, et ensuite, bien sûr, jouer les victimes. Cela signifie vivre dans la terreur dans le sud et parfois dans le centre d’Israël et ignorer avec une effroyable opacité la terrible terreur qui règne à Gaza. Cela signifie être asservi par les médias qui, la plupart du temps, ne rapportent pas les souffrances de Gaza et qui, lorsqu’ils le font, auraient mieux fait de ne pas le faire.

Encore une fois, il était impossible de comprendre l’ampleur de l’horreur de cette petite guerre sans Al Jazeera. Alors que les médias israéliens étaient occupés à parler de mariages reportés et de concerts annulés, Al Jazeera montrait l’horreur à Gaza. Cette fois, le monde n’était pas intéressé. Il est fatigué. Laissons-les saigner. Une condamnation, un bâillement, un pipi et au lit.

Lorsque les Israéliens commenceront à se demander s’ils veulent vraiment continuer à vivre ainsi, des alternatives apparaîtront. Il n’y a pas de solutions miracles ni de garanties de succès. Une seule chose est sûre : les alternatives n’ont jamais été essayées. On n’a jamais pensé à agir avec maîtrise de soi et retenue. C’est pour les faibles. Nous ne nous sommes jamais demandé quel était le résultat de toutes ces tueries et de tous ces assassinats. Nous n’avons jamais cherché à savoir si ces guerres contribuaient à notre sécurité ou si elles ne faisaient que l’affaiblir. Aujourd’hui, le djihad s’attaque déjà à Tel-Aviv, qui est assiégé. Un jour, les gens apprendront à apprécier la détermination et le courage de ceux qui ont réussi à établir une telle force de résistance à l’intérieur d’une cage, même si nous continuons à crier et à hurler “organisations meurtrières”.

Voulons-nous continuer à vivre comme ça ? Oui. Sans aucun doute. Si nous voulions vivre autrement, il y a longtemps que nous aurions changé de cap, que nous aurions levé le siège de Gaza et que nous aurions discuté de son avenir avec ses dirigeants. Si nous n’avons pas encore essayé, c’est le signe que nous voulons continuer à vivre comme ça. 

11/08/2022

HAIDAR EID
Pourquoi Gaza a besoin d'un nouveau paradigme

 Haidar Eid, Middle East Eye, 9/8/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

La situation stagne depuis 16 ans. Il est temps d'abandonner la coordination de la sécurité, la solution à deux États et l'amélioration des conditions d'oppression.

Des proches pleurent pendant les funérailles de quatre cousins palestiniens adolescents tués lors du dernier assaut israélien sur Gaza, à Jabalia, le 8 août 2022 (Reuters).

 Combien de fois l'histoire se répète-t-elle ? Une fois ? Deux fois ? Trois fois ? La réponse venant de la bande de Gaza brutalisée est : six fois en l'espace de 16 ans : 20062009201220142021; et 2022Et, hélas, elle s'est répétée sous la forme d'une horrible tragédie, grâce à l'Israël de l'apartheid qui nie l'humanité du peuple palestinien en général, et des Palestiniens de Gaza en particulier.

J'écris cet article le premier jour de la hudna, un cessez-le-feu négocié entre Israël et le mouvement de résistance palestinien - représenté cette fois par le Jihad islamique. Comme les années précédentes, Gaza vient d'être brutalement déshumanisée et diabolisée par l'Israël de l'apartheid.

Le véritable objectif non déclaré est de faire en sorte que la séparation entre Gaza et la Cisjordanie soit consolidée.

Mais certains masques hideux ont été changés. Au lieu d'Ehud Olmert et de Benjamin Netanyahou, Israël nous offre des visages plus « jolis », comme Yair Lapid.

Au lieu de « la femme fatale », Tzipi Livni, agitant  le doigt au Caire et menaçant les innocents de Gaza, nous avons le criminel de guerre Benny Gantz, qui a déjà été filmé en train de se vanter que sous son commandement en 2014, « certaines parties de Gaza ont été renvoyées à l'âge de pierre », et qu'il a tué « 1,364 [Gazaouis] ».

Des familles anéanties

Et ici, à Gaza, les visages que nous voyons sont les visages angéliques d'Alaa Qaddum, cinq ans, mort dans les bras de son grand-père ; et les frères Nijm du camp de réfugiés de Jabalia, qui ont été assassinés alors qu'ils jouaient dans le cimetière du camp ; et la famille Nabahin, trois frères et leur père, qui sortaient de la morgue de l'hôpital al-Shifa.

Il y a aussi Alaa Tahrawi, de Rafah, dont la famille n'a même pas pu lui faire ses adieux parce que son corps était pulvérisé en petits morceaux, et Khalil Abu Hamada, 19 ans, enfant unique de parents qui ont passé 15 ans à essayer de concevoir un enfant et dont la grand-mère est tombée martyre en 2003.

Des familles entières ont été décimées à Rafah et à Khan Younis. Le bilan de ces seuls derniers jours s'élève à 44 martyrs, dont 15 enfants. De toute évidence, les enfants, qui représentent environ 50 % de la population de Gaza, sont devenus la cible favorite d'Israël.

Comme si le temps avait décidé de s'arrêter, Gaza 2022, c’est Gaza 2021, 2014, 2012, 2009 et 2006.

Pourtant, les Palestiniens ont ce que le regretté Edward Said appelait « une supériorité morale », et notre victoire, en fin de compte, sera le résultat inévitable de notre fermeté, qui n'a pas faibli malgré le sentiment que nous avons été laissés à nous-mêmes.

La recherche du contrôle total

Lorsqu'Israël a attaqué Gaza pendant 22 jours consécutifs en 2009, il a clairement indiqué qu'il poursuivait trois objectifs, qu'il n'a pas réussi à atteindre, comme on pouvait s'y attendre : renverser le gouvernement du Hamas, mettre fin aux tirs de roquettes et rétablir les forces pro-Oslo à Gaza.

Il a répété le même scénario quatre fois, tout en maintenant un siège mortel et médiéval sur Gaza. Maintenant, en 2022, et sans aucune provocation, il a déclaré un "nouvel" objectif pour sa guerre barbare contre les enfants et les femmes de Gaza : se débarrasser du Jihad islamique.

Mais l'objectif réel, non déclaré, est de s'assurer que la division entre Gaza et la Cisjordanie est solidifiée et que la Palestine historique est sous son contrôle total. C'est ce que l'attaque de 2021 contre Gaza n'a pas réussi à faire. Au lieu de cela, elle a conduit à ce que nous appelons l'Intifada de l'unité.

Les habitants de Gaza sont résilients et déterminés, ce qui leur donne le droit, avec le reste du peuple palestinien de la diaspora, de la Cisjordanie et des territoires de 1948, de diriger la campagne internationale de boycott de l'apartheid israélien.

Notre seule revendication, à ce stade, est le boycott d'Israël sur le plan économique, politique et culturel. C'est le moins que la « communauté internationale » indifférente puisse faire pour se racheter de sa complicité dans les crimes commis par l'Israël de l'apartheid contre notre peuple.

Un Palestinien examine une maison endommagée dans la ville de Gaza, le 8 août 2022 (Reuters)

Quant aux Palestiniens, nous devons unifier nos rangs sur le terrain au sein d'un front national - un front qui tournera le dos aux vestiges de l'horrible époque d'Oslo et de la coordination de la sécurité, et qui déclarera le divorce avec toutes les propositions racistes, y compris la solution mort-née des deux États.

Nous devons dire clairement qu'il n'y a pas de place pour les normalisateurs parmi nous à partir de maintenant. Nous chasserons tous les normalisateurs - les cheikhs d'Abu Dhabi, de Manama et du Maroc - avec le sang de nos enfants.

Nous ne les autoriserons plus à s'asseoir avec nous tant qu'ils n'auront pas rompu leurs relations avec l'occupation et qu'ils n'auront pas cessé de blanchir son visage hideux : un visage taché du sang des enfants palestiniens, comme Alaa Qaddum, Hazem Khalid, et les enfants Nijm, Nabahin et Nairab.

Pourquoi Gaza ?

Pourquoi cibler Gaza en particulier ? Comme l'a écrit Said dans The Politics of Dispossession, « Gaza est le noyau essentiel du problème palestinien, un enfer surpeuplé sur terre composé en grande partie de réfugiés démunis, maltraités, opprimés et difficiles, toujours un centre de résistance et de lutte ».

C'est un rappel constant du péché colonial d'Israël : la Nakba, lorsque des bandes sionistes de colons européens ont décidé d'expulser les habitants de centaines de villes et villages palestiniens et de commettre des massacres. Les Palestiniens ont été chassés de chez eux dans des endroits tels que Gaza, qui ne représente qu'une infime partie de la Palestine historique.

Combien de Deir Yassin, de Qana, de Sharpeville, de My Lai, de Sétif et Guelma ce monde peut-il encore supporter ?

Cette fois, nous avons besoin d'un nouveau paradigme. Nous devons nous éloigner de la coordination sécuritaire, de la solution à deux États et de l'amélioration des conditions d'oppression. Après une nouvelle agression brutale, nous exigeons le catalogue complet des droits, afin de garantir la sécurité de nos enfants dans un État libre, laïc et démocratique.

 

08/08/2022

AVI BAR-ELI
Le seul résultat prévisible de l'opération de Gaza : un budget militaire israélien plus important

 Avi Bar-Eli, Haaretz, 8/8/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Lorsqu'un système politique instable est confronté à une menace grave pour la sécurité, le résultat immédiat est généralement un chèque en blanc pour l'establishment de la défense.

Des chars israéliens se rassemblent à la frontière de la bande de Gaza le 4 août 2022. Photo : Eliyahu Hershkovitz

Il n'est pas du tout clair que les événements militaires dans la bande de Gaza constituent une "opération". On ne sait pas pourquoi une opération a été annoncée, on ne sait pas quels sont ses objectifs, on ne sait pas qui a lancé la campagne, et le public n'a été informé d'aucun élément déclencheur qui justifierait une guerre.

En outre, aucune préparation inhabituelle n'a été constatée au sein des forces terrestres, il n'y a pas eu d'appel significatif aux réservistes et le message qu'Israël envoie est qu'il recherche le calme, pas l'escalade.

En d'autres termes, il ne s'agit pas d'une nouvelle guerre comme celles de mai 2021 ou de l'été 2014. Et tant que le Hamas reste à l'écart de la flambée sécuritaire du jour à Gaza, cela peut rester un incident limité - le genre qui n'a pas de conséquences budgétaires, le genre que l'armée est censée financer sur son budget ordinaire, même si pour une raison quelconque, elle a qualifié l'incident d'"opération".

Si le Hamas décide de se joindre aux combats, le tableau serait clairement différent. Mais pour l'instant, cette guerre ne semble pas impliquer 100 à 200 interceptions du Dôme de fer par jour ou la dépense de 200 millions de shekels (58 millions €) pour des milliers d'heures de vol, des armements et des paiements aux réservistes.

Dans ce contexte, le système politique a également adopté une position d'attente pour le moment. Le parti travailliste et le Likoud doivent tenir des primaires cette semaine, mais n'ont pas encore annoncé de changement de plan - ils attendent de voir ce qui se passe.

Mais s'il est prématuré de dire quoi que ce soit de précis sur les tactiques militaires ou politiques, peut-on déjà conclure quelque chose sur ce qui s'est passé dans la bande de Gaza depuis vendredi ? L'expérience passée montre que lorsqu'un système politique instable est confronté à une menace aiguë pour la sécurité, le résultat immédiat est généralement un chèque en blanc pour l'establishment de la défense, puisque « nous ne marchandons pas la sécurité ».

En d'autres termes, il n'y a pas de meilleur moment que celui d'aujourd'hui, avec un gouvernement intérimaire - ou avec un premier ministre qui a été élu peu après une opération militaire, comme ce sera le cas pour celui qui sera élu en novembre - pour soumettre des demandes budgétaires liées à la défense. En effet, dans ces circonstances, il n'y a aucune somme d'argent qu'un nouveau premier ministre n'acceptera pas de payer pour se protéger un peu des menaces extérieures jusqu'à ce qu'il parvienne à stabiliser sa situation intérieure.

07/08/2022

GIDEON LEVY
Opération « Aube naissante » contre Gaza : encore et toujours la même politique d'Israël

Gideon Levy, Haaretz, 7/8/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Voilà ce qu'a écrit la présidente du parti travailliste israélien Merav Michaeli, quelques minutes après qu'Israël eut une nouvelle fois lancé un assaut criminel sur la bande de Gaza, un instant avant le meurtre du premier nourrisson palestinien, qui ne sera pas le dernier : « Les résidents d'Israël méritent de vivre en sécurité. Aucun État souverain n'accepterait qu'une organisation terroriste assiège ses résidents. ... Je soutiens les forces de sécurité ».


Benjamin Netanyahou n'avait pas encore réagi, Itamar Ben-Gvir ne s'était pas réveillé, Yoav Gallant n'avait pas encore menacé la tête du serpent, et déjà la lideure de la gauche sioniste s'aligne sur la droite, salue les militaires et soutient une guerre qui n'avait même pas commencé. Cette fois, elle a même fait plus fort que Shimon Peres.

On ne peut pardonner à Michaeli son incroyable manque de sens moral : après quatre jours de bouclage partiel volontaire dans le sud, la lideure de la gauche déclare qu'aucun État n'accepterait un « siège ». Sans sourciller, aucun État. Une membre du gouvernement qui est responsable d'un siège horrible de 16 ans ose être choquée par un bouclage partiel volontaire de 2 minutes. Au lieu de soutenir la retenue momentanée du gouvernement, qui a duré l'éternité de la vie d'un papillon (le temps passe, les élections approchent), le parti travailliste soutient une fois de plus une guerre choisie insensée, comme l'ont fait tous ses prédécesseurs. La gauche sioniste applique une fois de plus le deux poids-deux mesures. Peut-être qu'au moins maintenant, les partisans du centre-gauche vont comprendre : Il n'y a pas de réelle différence entre eux et la droite. Israël ne peut même plus prétendre qu'il n'a pas commencé cette guerre - dont le nom infantile, Operation Breaking Dawn, lui a été donné à la naissance - ou qu'il n'avait pas le choix. Cette fois-ci, ils ont même renoncé aux bruits de bottes préalables et sont allés droit au but : l'arrestation d'un chef du Jihad islamique en Cisjordanie, dont ils savaient à l'avance qu'elle provoquerait une réponse sévère, et l'assassinat d'un commandant dans la bande de Gaza, après lequel ils savaient qu'il n'y avait pas de retour possible, et Israël mène déjà une "guerre défensive", la guerre juste d'un État à qui tout est permis. Le pays pacifique qui ne veut que la sécurité de ses habitants - quel innocent. L'État qui a tout sauf la dissuasion : Il n'y a rien ni personne pour dissuader Israël d'attaquer Gaza.