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06/10/2023

GIDEON LEVY
Israël crache à la gueule du monde, pas seulement sur les églises et les chrétiens

 Gideon Levy, Haaretz, 5/10/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Il est facile d’être choqué par les Juifs qui crachent sur les ecclésiastiques chrétiens à Jérusalem. C’est dégoûtant et abominable. Mais il n’y a aucune raison d’être surpris.

Il ne s’agit pas seulement d’une probable ancienne coutume juive, comme l’a affirmé Elisha Yered, soupçonné d’avoir entravé une enquête sur un meurtre. Il s’agit également d’une coutume israélienne acceptable et normale, qui reflète la manière dont le pays se comporte. Israël n’a rien à cirer des crachats lancés contre les chrétiens. Ne jouons pas les vertus offensées.

Ancienne coutume juive ou pas, il y avait dans notre enfance des enfants dans la Tel Aviv laïque qui disaient cracher chaque fois qu’ils passaient devant une église. Cela ne nous dérangeait pas le moins du monde. La plupart d’entre nous n’osaient pas entrer dans une église, de peur d’être punis. Le signe de croix était encore plus effrayant. Nous voyions des joueurs de football se signer et, de temps en temps, nous mettions notre courage à l’épreuve : nous nous signions en cachette et attendions de voir ce qui se passerait.

Dans le lycée laïque de mon enfance, il était obligatoire de porter une kippa en cours de Bible, et nous embrassions le livre saint chaque fois qu’il tombait par terre. Dans cette atmosphère, les chrétiens suscitaient l’effroi et la répulsion. Aujourd’hui encore, j’ai une pile de Bibles que j’ai reçues au fil des ans et je n’ai pas le courage de les jeter dans la poubelle de recyclage comme je le ferais avec d’autres livres dont j’ai plus d’un exemplaire.

Dans l’Israël laïque des années 1960, qui était horriblement religieux, on nous a inculqué la croyance que le judaïsme était la religion supérieure à toutes les autres et que ses croyants étaient les élus. Toutes les autres religions étaient considérées comme arriérées et leurs croyants comme des adorateurs d’idoles, des primitifs, comme s’il y avait une différence entre adorateurs d’idoles et adorateurs de Dieu. Et nous, les enfants du peuple juif, qui n’étions soi-disant pas des adorateurs d’idoles, étions considérés comme l’incarnation du progrès et des Lumières.

Toutes les autres religions et nations avaient tout appris de nous, uniquement de nous. C’est ce qu’on nous a dit. Lorsque vous commencez de cette manière dans les années fondatrices du pays, 75 ans plus tard, vous avez des gens qui crachent sur les chrétiens. C’est une ligne droite entre eux et ce qu’on nous a appris à l’école laïque. Mais aujourd’hui, nous nous considérons comme des gens éclairés et ouverts sur le monde, et nous avons donc été choqués par les crachats.

Et qu’en est-il de l’État, dont l’une des langues officielles est le crachat ? Comment décrire la façon dont Israël traite les institutions internationales dont il bafoue toutes les décisions depuis des décennies ? Ne crache-t-il pas en réponse à chaque résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, du Conseil de sécurité et de la Cour internationale de Justice de La Haye ?

Israël crache sur tous les rapports de toutes les organisations de défense des droits humains, ainsi que, de fait, sur la position de la majorité absolue du monde. Il crache sur tout le monde. Israël est la victime ultime, toujours. La seule victime de l’histoire de l’humanité, ce qui lui permet de faire n’importe quoi. Même cracher. Personne ne nous prêchera comment nous comporter. Nous avons inventé l’irrigation au goutte-à-goutte, n’est-ce pas ? Et quiconque ose nous faire la leçon se heurtera à un barrage de crachats.

Au fond d’eux-mêmes, de nombreux Israéliens participent aux crachats contre les chrétiens à Jérusalem. Nous sommes meilleurs, plus forts et plus sages que le monde entier. Lorsque de jeunes Israéliens ignorants se rendent dans le monde, en Amérique du Sud ou en Extrême-Orient, ils traitent les locaux avec condescendance, comme aucune autre nation n’ose le faire. Les Américains sont naïfs, les Suédois sont carrés, les Allemands sont secs et les Chinois sont étranges. Il n’y a que nous qui soyons les plus grands.

Quiconque assiste à des contacts entre Israéliens et étrangers peut ressentir cet esprit de condescendance dans chaque conversation. Il s’accompagne d’un rôle constant de victime, non seulement à cause de l’Holocauste, mais aussi à cause du présent. Nous sommes si tolérants et si malheureux. Ils nous tirent dessus et menacent de nous éliminer, la terreur règne et il est dangereux et difficile de vivre ici, disent les membres d’un des peuples les plus gâtés de l’univers, qui vivent dans le décile supérieur des nations.

Et après tout cela, nous ne devrions pas cracher sur les chrétiens qui polluent notre  Via Dolorosa ?

Lire Pluie de crachats sur Jérusalem

10/03/2023

SHEREN FALAH SAAB
“La gauche israélienne ne veut pas que les Arabes participent à son combat”
Rencontre avec Atallah Mansour, premier Palestinien de 1948 devenu journaliste israélien

Sheren Falah Saab, Haaretz, 9/2/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Remarque linguistique préliminaire du traducteur : l’auteure, elle-même druze, donc “arabe”(i.e. palestinienne) pratique l’usage dominant israélien consistant à parler de Palestiniens seulement quand il s’agit des habitants des territoires occupés depuis 1967, tandis que les Palestiniens de 1948, en partie citoyens israéliens, sont désignés comme “Arabes”, pour les distinguer des “Juifs”, ce qui relève du délire paranoïaque sioniste, vu qu’une bonne partie des Israéliens juifs sont d’origine arabe, et constitue un déni de réalité : ces “Arabes” sont palestiniens, point barre. Allez, Israéliens, encore un effort pour appeler un chat un chat…

Après avoir couvert la société arabe pendant 34 ans pour Haaretz, le vétéran du journalisme Atallah Mansour est aujourd’hui plus inquiet que jamais.

Atallah Mansour : « Je n’étais pas dans la poche de qui que ce soit et je n’étais pas non plus le porte-parole d’une communauté particulière. J’ai fait mon travail de journaliste ». Photo : Gil Eliyahu

 Tout a commencé dans un petit café du village de Jish, en Haute Galilée. Six ans après la création de l’État d’Israël, Atallah Mansour a 20 ans [1954, NdT]. Jeune homme ambitieux, il dirige la branche locale du mouvement de jeunesse Hanoar Haoved Véhalomed [La jeunesse qui travaille et qui étudie, mouvement socialiste sioniste créé en 1924, NdT]. Mansour discute avec le propriétaire du café, essayant d’ignorer tout ce qui l’entoure - la pauvreté, l’ignorance, le manque d’emplois et le gouvernement militaire - mais ce jour-là, il se sent particulièrement frustré.

Ses frustrations l’ont amené à écrire une lettre à David Ben-Gourion, décrivant ses propres problèmes et la situation des jeunes Arabes. Le Premier ministre, qui rencontrait rarement les Arabes à l’époque, a immédiatement compris la valeur historique de la lettre de Mansour et lui a répondu quelques jours plus tard. « Je suis très heureux du désir d’unité qui palpite à chaque ligne de votre lettre », lui écrit-il, et il l’invite à une réunion chez lui, à Sde Boker, pour discuter de la possibilité de former un mouvement de jeunesse commun aux Juifs et aux Arabes.

Mansour a relaté cette rencontre dans l’hebdomadaire Haolam Hazeh [“Ce monde”, racheté par Uri Avnery et Shalom Cohen en 1950, NdT]. Il a expliqué qu’il souhaitait informer les lecteurs de l’importance d’un partenariat entre Juifs et Arabes par l’intermédiaire d’un mouvement de jeunesse. « Je n’ai jamais pensé à être payé pour un article de journal, je voulais simplement écrire sur la rencontre. C’est ainsi que j’ai commencé à travailler dans les médias hébraïques », dit-il aujourd’hui à propos du moment critique qui l’a ensuite amené à travailler comme journaliste pour Haaretz.

La lettre de David Ben-Gourion à Mansour. Photo : Gil Eliyahu

Ce mois-ci, M. Mansour a reçu un doctorat honorifique de l’université de Tel-Aviv en reconnaissance de son travail novateur dans les médias et de sa contribution à l’intégration de la communauté arabe dans la société israélienne, tout en préservant son identité arabe.

M. Mansour, premier journaliste arabe à travailler dans les médias israéliens, a commencé sa carrière à Haaretz en 1958 et a couvert la société arabe pendant les 34 années qui ont suivi. « Je n’étais dans la poche de personne et je n’étais pas non plus le porte-parole d’une communauté particulière. J’ai fait mon travail de journaliste », déclare-t-il.

La plupart de mes amitiés avec des Juifs sont des amitiés avec des personnes issues de cercles de gauche. Ce sont des relations basées sur le respect, mais les Juifs et les Arabes sont comme l’huile et l’eau : ils ne se mélangent pas vraiment.

Dès le début, il a compris les défis que représentait la couverture de la communauté arabe pour les médias israéliens. Il se souvient d’une manifestation de militants communistes arabes en mai 1958 à Nazareth, qu’il a couverte pour Haolam Hazeh.

08/12/2022

NOA SHPIGEL
Comment Avi Maoz, l'allié anti-LGBTQ de Netanyahou, s’est radicalisé

 Noa Shpigel, Haaretz, 6/12/2022
Liza Rozovsky a contribué à cet article

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La transformation du président du parti Noam, Avi Maoz, de jeune idéaliste en politicien religieux et ultraconservateur a surpris beaucoup de ceux qui le connaissaient. Voici l'histoire d'un homme destiné à exercer un grand pouvoir.

Avi Maoz. Photos : Olivier Fitoussi/Bureau du porte-parole de Noam/AP ; Montage : Masha Zur Glozman

À la fin des années 1970, un Avi Maoz ému se tient sur la pelouse de son kibboutz et se marie. C'était un jeune homme idéaliste, membre du groupe qui a fondé le kibboutz Migdal Oz en Cisjordanie. Le mariage de Maoz et de Galit a été célébré par le défunt rabbin Menachem Froman, un militant pacifiste et poète qui s'opposait à l'occupation et prônait un État binational.

Une personne qui vivait à Migdal Oz à l'époque raconte que Maoz et le modéré Froman étaient proches, qu'ils travaillaient ensemble. Des décennies plus tard, Maoz est devenu un adepte de la doctrine de Rabb Zvi Thau, le chef de la yeshiva conservatrice et radicale Har Hamor, dont les opinions étaient à des années-lumière de celles de l'humaniste Froman.

Les personnes qui ont parlé avec Haaretz cette semaine ont eu du mal à expliquer sa radicalisation. Maoz est aujourd'hui président du parti Noam, avec lequel le Premier ministre désigné Benjamin Netanyahou a signé un accord de coalition qui confère à Maoz un grand pouvoir.

Selon cet accord, Maoz sera nommé vice-ministre au sein du cabinet du Premier ministre et dirigera une nouvelle autorité pour « l'identité nationale juive » au sein du bureau du Premier ministre. En outre, Maoz devrait être responsable du Nativ, le bureau qui évalue le droit des personnes originaires des anciens pays soviétiques à immigrer en Israël.

 

Avi Maoz avec un masque facial à la Knesset, en 2021.Photo : Emil Salman

Il pourrait ainsi déterminer que les petits-enfants de Juifs et ceux qui ont subi des conversions non orthodoxes n'ont pas le droit d'immigrer en Israël en vertu de la loi du retour.

Maoz vit à Jérusalem-Est, dans le quartier à prédominance arabe de Silwan, connu sous le nom d'Ir David par certains Israéliens juifs. Il est né Avi Fischheimer dans une famille qu'il a un jour décrite comme « une famille Hapoel Mizrachi ordinaire » - un parti travailliste sioniste religieux. Il grandit dans le quartier de Kiryat Shmuel à Haïfa, fréquente un lycée religieux et s'engage dans la brigade Nahal. Après sa libération de l'armée, il a rejoint le groupe qui a créé Migdal Oz dans le Bloc de colonies Gush Etzion.

Hadassah, la femme de Froman, qui a rencontré Maoz à Migdal Oz, raconte qu'il « était le membre dirigeant de Migdal Oz. Il était très idéaliste, avec un cœur ouvert et beaucoup de lumière intérieure. Nous avions un lien très étroit. Il était très enthousiaste à l'égard des idées de Menachem - créer des assemblées spéciales, mettre des rassemblements à l'ordre du jour - Maoz était vraiment son partenaire. C'était une période très agréable ».

Plus tard, dit-elle, il y a eu une scission. « Lorsque nous avons approfondi le mouvement de colonisation, Menachem a considéré le conflit israélo-palestinien en des termes plus nets, plus définis ; au début, il n'était pas comme ça », dit Froman.

Des protestataires manifestent devant la Knesset contre Benjamin Netanyahou et Avi Maoz, suite au précédent tour des élections de 2021, qui a vu Maoz devenir le seul représentant du parti Noam à la Knesset.Photo : Ohad Zwigenberg

« Il a compris que ce que nous devions faire était d'aller avec eux et non contre eux. Et plus la gauche et la droite s'éloignaient l'une de l'autre, plus le fossé se creusait, et une polarisation interne au sein de la communauté des colons se développait. Lorsque le clivage s'est renforcé, nous n'étions plus à Migdal Oz. Je ne peux pas dire ce qui est arrivé à Maoz. Il est allé jusqu'à l'extrême ».

20/08/2021

GILAD ATZMON
La théorie critique de la race et le projet juif

 Gilad Atzmon, 20/8/2021 (Bio)

Traduit par Fausto Giudice

La théorie critique de la race [TRC ; angl. Critical race theory, CRT, NdT]  fait l'objet d'un débat croissant aux USA. De façon assez particulière, les opposants à la TRC insistent sur le fait que le discours "marxiste" doit être éradiqué de la culture usaméricaine et du système éducatif. Cela me laisse perplexe, car je ne vois rien de plus éloigné de la pensée de Marx que la TRC.

Marx a proposé une analyse économique fondée sur la division en classes. Pour Marx, ceux qui se trouvent au bas de l'échelle des classes sont destinés à s'unir indépendamment de leur race, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. En tant que tel, Marx était aveugle à la race. Toutefois, sa vision était unificatrice, du moins en ce qui concerne la classe ouvrière. Mais la théorie critique de la race vise la direction complètement opposée. Les partisans de la TRC estiment que les personnes sont et doivent être définies politiquement par leur biologie : par la couleur de leur peau, souvent par leur sexe et/ou leur orientation sexuelle. La TRC tente de combattre le racisme, non pas en l'éliminant, mais en élevant le déterminisme biologique au rang de champ de bataille permanent.

Les théoriciens critiques de la race ne sont pas très originaux sur ce front du déterminisme biologique. Déjà à la fin du 19e siècle, le sionisme appelait les Juifs à s'identifier politiquement à leur biologie. L'appel d'Hitler au peuple aryen pour qu'il fasse de même a eu lieu environ deux décennies plus tard. Ironiquement, même les soi-disant juifs "anti"-racistes au sein des cellules politiques antisionistes "réservées aux Juifs" (telles que JVP, JVL, IJAN[1]) suivent exactement le programme sioniste et hitlérien. Ils insistent également pour s'identifier politiquement et idéologiquement à "une race"*.

On peut se demander à ce stade pourquoi les gens de la droite conservatrice qualifient la TRC de "marxiste" alors qu'elle n'a rien à voir avec Marx et a beaucoup à voir (idéologiquement) avec le sionisme et le biologisme hitlérien. Une option est que les gens de la droite usaméricaine pensent que la référence à Marx communique bien avec la foule qui les soutient. Une autre option un peu moins authentique est que Marx est un nom de code pour un "discours subversif lié aux Juifs". L'univers conservateur usaméricain est largement inspiré par le nationalisme israélien, mais il est dégoûté par l'interventionnisme cosmopolite de type Soros. La droite usaméricaine utilise peut-être un langage codé pour lutter contre sa propre paralysie. Elle a manifestement du mal à appeler un chat un chat.

Compte tenu de ce qui précède, il est fascinant d'examiner la vision juive usaméricaine du débat sur la TRC.