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11/09/2022

GIDEON LEVY
“Personne ne nous dictera notre conduite” (Yair Lapid)

Gideon Levy, Haaretz, 11/9/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Je vais reposer la question : qu'est-ce qui est “israélien” pour moi, comme notre Premier ministre actuel le demandait à chaque invité de son ancien talk-show télévisé ? Et je répondrai encore une fois : Yair Lapid. Et qu'est-ce qui est israélien chez Lapid ? L'incroyable combinaison d'arrogance et d'autovictimisation simultanées.


« Je ne permettrai pas qu’un soldat israélien soit poursuivi juste pour recevoir des applaudissements de l’étranger. Personne ne nous dictera nos règles d’engagement »

Il y a des chefs d'État arrogants et d'autres qui s'autovictimisent, mais il est difficile de trouver un autre exemple de leader qui soit les deux. Il faut une bonne dose de chutzpah israélienne pour être à la fois pitoyable à ses propres yeux et vantard. Un exemple : « Personne ne nous dictera nos règles d'engagement, alors que c'est nous qui nous battons pour nos vies », a déclaré le Premier ministre après que les USA ont demandé à Israël de revoir la politique d'ouverture du feu des Forces de défense israéliennes.

La réponse automatique et générique de Lapid avait tout pour plaire : cela fait longtemps que nous n'avons pas eu un orfèvre des mots capable de distiller tous les maux d'Israël en une seule et courte phrase - seulement 12 mots, en hébreu. Il est également difficile d'imaginer un premier ministre qui s'efforce de changer, qui essaie de se différencier pendant un mandat aussi court, mais qui s'attache automatiquement aux déclarations malveillantes et corruptrices de son prédécesseur. Peu importe qu'il soit élu ou non, aucun changement ne se produira.

07/08/2022

GIDEON LEVY
Opération « Aube naissante » contre Gaza : encore et toujours la même politique d'Israël

Gideon Levy, Haaretz, 7/8/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Voilà ce qu'a écrit la présidente du parti travailliste israélien Merav Michaeli, quelques minutes après qu'Israël eut une nouvelle fois lancé un assaut criminel sur la bande de Gaza, un instant avant le meurtre du premier nourrisson palestinien, qui ne sera pas le dernier : « Les résidents d'Israël méritent de vivre en sécurité. Aucun État souverain n'accepterait qu'une organisation terroriste assiège ses résidents. ... Je soutiens les forces de sécurité ».


Benjamin Netanyahou n'avait pas encore réagi, Itamar Ben-Gvir ne s'était pas réveillé, Yoav Gallant n'avait pas encore menacé la tête du serpent, et déjà la lideure de la gauche sioniste s'aligne sur la droite, salue les militaires et soutient une guerre qui n'avait même pas commencé. Cette fois, elle a même fait plus fort que Shimon Peres.

On ne peut pardonner à Michaeli son incroyable manque de sens moral : après quatre jours de bouclage partiel volontaire dans le sud, la lideure de la gauche déclare qu'aucun État n'accepterait un « siège ». Sans sourciller, aucun État. Une membre du gouvernement qui est responsable d'un siège horrible de 16 ans ose être choquée par un bouclage partiel volontaire de 2 minutes. Au lieu de soutenir la retenue momentanée du gouvernement, qui a duré l'éternité de la vie d'un papillon (le temps passe, les élections approchent), le parti travailliste soutient une fois de plus une guerre choisie insensée, comme l'ont fait tous ses prédécesseurs. La gauche sioniste applique une fois de plus le deux poids-deux mesures. Peut-être qu'au moins maintenant, les partisans du centre-gauche vont comprendre : Il n'y a pas de réelle différence entre eux et la droite. Israël ne peut même plus prétendre qu'il n'a pas commencé cette guerre - dont le nom infantile, Operation Breaking Dawn, lui a été donné à la naissance - ou qu'il n'avait pas le choix. Cette fois-ci, ils ont même renoncé aux bruits de bottes préalables et sont allés droit au but : l'arrestation d'un chef du Jihad islamique en Cisjordanie, dont ils savaient à l'avance qu'elle provoquerait une réponse sévère, et l'assassinat d'un commandant dans la bande de Gaza, après lequel ils savaient qu'il n'y avait pas de retour possible, et Israël mène déjà une "guerre défensive", la guerre juste d'un État à qui tout est permis. Le pays pacifique qui ne veut que la sécurité de ses habitants - quel innocent. L'État qui a tout sauf la dissuasion : Il n'y a rien ni personne pour dissuader Israël d'attaquer Gaza.

03/07/2022

GIDEON LEVY
Yair Lapid, Premier ministre : plus ça change, plus c'est la même chose

 Gideon Levy, Haaretz, 2/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Tôt le matin, un garde de sécurité armé et costaud se tenait à l'entrée de l'étroit chemin séparant la maison de Yair Lapid à Ramat Aviv Gimmel et une base navale adjacente. Le garde derrière cette barrière improvisée m'a refusé le passage, gâchant totalement mon parcours quotidien de jogging lent. Cela s'est produit quelques heures seulement après que Lapid était devenu le 14e  Premier ministre d'Israël. C'était le premier changement que j'ai rencontré, et pas un changement très joyeux.

Un panneau d'affichage de la campagne électorale du Likoud montrant un portrait de Benjamin Netanyahou, à gauche, et de Yair Lapid, à Ramat Gan, en Israël, le 20 mars 2021. Photo Oded Balilty/AP Photo

J'aurais vraiment voulu souhaiter à Lapid mes meilleurs vœux pour son accession à ce rôle, sentir que quelque chose de nouveau se produisait. J'aimerais penser qu'il y a un avenir (yesh atid en hébreu) et qu'il y a de l'espoir, croire qu'un premier ministre civil, un journaliste venant d'un milieu totalement différent de celui de tous ses prédécesseurs, apportera le changement tant attendu à un "gouvernement du changement" qui a perdu son chemin - s'il en a jamais eu un. Cela pourrait nous faire du bien à tous, à l'heure où l'État se trouve dans l'une des situations les plus difficiles et les plus désespérantes. De l'espoir, pour changer. De l'enthousiasme, pour varier. Mais ensuite est arrivé le garde de sécurité armé, bloquant la route que j'avais prise depuis des années.

Même sans cette route bloquée et même avec une bonne dose de bonne volonté, il est très difficile de nourrir des attentes à l'égard de Lapid. Un premier signe en a été donné immédiatement : cette semaine, il se rendra en France pour rencontrer le président français. Qu'est-ce que la France a à voir avec quoi que ce soit ? Est-ce la chose la plus urgente qu'un premier ministre à quatre mois de l'échéance puisse faire pour signaler un changement de direction ? Les médias choient Lapid : la plupart d’entre eux vont fondre de satisfaction. ça a déjà commencé : le voilà qui s'installe dans une propriété utilisée jusqu'à présent par les agents de sécurité, rue Balfour, près de la résidence officielle [la Villa Hanna Salameh, appartenant à un Palestinien chassé en 1948, NdT]. Comme c'est excitant. Le monde va aussi fondre de plaisir. Enfin, pas Benjamin Netanyahou. Mais au fond, rien ne changera. En Israël, un premier ministre de droite en remplace un autre. L'un est qualifié de droite, l'autre de centriste, mais ils sont tous de droite profonde et ultra-nationalistes. Lapid ne vénérera-t-il pas les FDI et ne fera-t-il pas ce qu'elles lui demandent ? Sa première réunion n'a-t-elle pas eu lieu avec le chef du Shin Bet, entre tous ? Et surtout, Lapid n'est-il pas un croyant fervent et invétéré de la suprématie juive, appelée sionisme, et de son résultat, appelé État juif, qui ne peut être qu'un État d'apartheid ? Lapid est en faveur de ces derniers. Oh oui, tout à fait. Et son gouvernement aussi.

Un exemple instructif des différences minuscules à inexistantes entre le gouvernement du "méchant" Netanyahou et le "bon" Naftali Bennett, et certainement le gouvernement Lapid, a été donné ce week-end par Shimrit Meir, autrefois impressionnante conseillère politique de Bennett. Dans une interview accordée à Nadav Eyal dans le Yedioth Ahronoth, elle a exposé une vérité inquiétante. Le gouvernement Bennett avait les mêmes objectifs et modes de fonctionnement que son prédécesseur.

Meir, la "gauchiste" du bureau de Bennett, a rappelé ses réalisations et celles de son Premier ministre : comment ils ont réussi à influencer Washington pour que les Gardiens de la révolution iraniens ne soient pas retirés de la liste usaméricaine des organisations terroristes, seulement pour que les Gardiens de la révolution soient retirés. Comment ils ont réussi à influencer Washington pour que les Gardiens de la Révolution iranienne ne soient pas retirés de la liste américaine des organisations terroristes, dans le seul but d'empêcher - encore une fois, d'empêcher - la conclusion d'un accord nucléaire avec l'Iran ; comment le gouvernement a trompé - encore une fois, trompé - les USA pour construire des milliers de logements dans les colonies, puis s'en est vanté ; comment ils ont réussi à faire pression sur les USA pour qu'ils reviennent sur leur décision de rouvrir un consulat à Jérusalem-Est. Empêcher un accord avec l'Iran, construire des colonies et ne pas ouvrir un consulat US pour les Palestiniens également - quoi de plus droitier ? Où est la différence, même minime, entre les objectifs du gouvernement Netanyahou et les "succès" du gouvernement Bennett ?

Si ceux-ci sont considérés comme des succès par le gouvernement sortant, il vaudrait mieux qu'il ait échoué, le pire étant le meilleur. Si ce sont également les objectifs de Lapid, et il n'y a aucune raison de penser le contraire, il serait préférable qu'il échoue également. Après tout, il s'agit d'un gouvernement qui a entrepris de s'occuper des petites choses, ostensiblement, comme la "loi sur le métro" et ses semblables, en déclarant qu'il resterait à l'écart des grands sujets comme l'Iran et les colonies. C'était un gouvernement qui ne représentait pas seulement tout ce qui n'était pas Netanyahou, mais une approche centriste, un changement. Nous n'avons eu ni l'un ni l'autre.

J'aimerais vraiment accorder un certain crédit à Lapid, lui souhaiter bonne chance et tout le tralala, et surtout, sentir qu'il y a une chance de changement. Il n'y en a pas.

06/01/2022

GIDEON LEVY
La vérité vous rendra libres

Gideon Levy, Haaretz, 6/1/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Il y a de plus en plus de chances que l'on se souvienne de Yair Lapid comme d'un meilleur ministre des Affaires étrangères que Yisrael Katz [2019-2020]. Cette semaine, Lapid a en effet dit la vérité : « Quand je serai Premier ministre [août 2023], nous ne négocierons toujours pas avec les Palestiniens ».

Yair Lapid a déclaré qu'il ne négociera pas avec les Palestiniens lorsqu'il sera Premier ministre. Oubliées ses déclarations électorales de 2012-2013 sur l’absolue nécessité de négocier avec les Palestiniens. Portrait du Financial Times de janvier 2013

Cette petite phrase n'a pas fait les gros titres, ce qui n'est pas surprenant, puisqu'il n'y a rien de nouveau ici - à part le spectacle d'un ministre disant la vérité, ne serait-ce que pour un moment. Lapid a le mérite de révéler quelque chose que l'on sait depuis longtemps : il n'y a pas de partenaire israélien. Aucun partenaire israélien pour mettre fin à l'occupation, aucun partenaire israélien pour une quelconque solution, ni même un partenaire israélien pour les négociations. En vérité, il n'y en a jamais eu, mais maintenant l'Israël officiel, pour la première fois de son histoire, le reconnaît. L'explication, comme d'habitude, vient de la politique interne. « Les accords de coalition empêchent tout progrès dans cette voie », a expliqué le premier ministre à venir.

Les grévistes de la faim palestiniens en prison devront attendre, tout comme les milliers de prisonniers, les familles déchirées, les familles endeuillées, les chômeurs, les réfugiés, les personnes à qui l'on refuse la dignité, la terre, le présent et l'avenir - tous devront attendre le gouvernement qui suivra le prochain. Il y aura alors certainement des accords de coalition qui mettront rapidement fin à l'occupation.

Si un ministre des Affaires étrangères israélien avait dit quelque chose comme cela il y a quelques années, le ciel serait tombé sur nos têtes. Pas de négociations ? Aucune ? Les USAméricains auraient émis des condamnations, les Européens auraient été furieux, l'ONU aurait adopté une résolution, les travaillistes et le Meretz auraient menacé de quitter le gouvernement. Mais maintenant, personne ne bronche.

Lapid nous a épargné tout cela. Il a annoncé la fin du rituel du processus de paix qui a facilité les nombreuses années d'occupation. Personne ne pense vraiment qu'Israël aura un gouvernement plus modéré que celui-ci dans les années à venir, et de toute façon, les 50 années de gouvernements de paix modérés auraient dû suffire à nous faire comprendre qu'il n'y a personne à qui parler en Israël, peu importe qui est au pouvoir. Lapid fait un pas, petit mais important, vers la reconnaissance de ce fait. Maintenant, il faut que cela soit bien compris : Il n'y aura pas de solution, et certainement pas une solution à deux États.

La possibilité que les Palestiniens soient condamnés à un nouveau siècle d'apartheid ne peut être écartée. En fait, c'est la possibilité la plus probable. Car qui va les sortir de cet apartheid, et comment exactement peuvent-ils s'en sortir ? Ils ont déjà tout essayé. Maintenant, ils comprennent au moins, et le monde aussi, qu'il n'y a aucune chance qu'ils aient un partenaire, car Israël a des accords de coalition.