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Giorgio Griziotti
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03/07/2022

GIDEON LEVY
Yair Lapid, Premier ministre : plus ça change, plus c'est la même chose

 Gideon Levy, Haaretz, 2/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Tôt le matin, un garde de sécurité armé et costaud se tenait à l'entrée de l'étroit chemin séparant la maison de Yair Lapid à Ramat Aviv Gimmel et une base navale adjacente. Le garde derrière cette barrière improvisée m'a refusé le passage, gâchant totalement mon parcours quotidien de jogging lent. Cela s'est produit quelques heures seulement après que Lapid était devenu le 14e  Premier ministre d'Israël. C'était le premier changement que j'ai rencontré, et pas un changement très joyeux.

Un panneau d'affichage de la campagne électorale du Likoud montrant un portrait de Benjamin Netanyahou, à gauche, et de Yair Lapid, à Ramat Gan, en Israël, le 20 mars 2021. Photo Oded Balilty/AP Photo

J'aurais vraiment voulu souhaiter à Lapid mes meilleurs vœux pour son accession à ce rôle, sentir que quelque chose de nouveau se produisait. J'aimerais penser qu'il y a un avenir (yesh atid en hébreu) et qu'il y a de l'espoir, croire qu'un premier ministre civil, un journaliste venant d'un milieu totalement différent de celui de tous ses prédécesseurs, apportera le changement tant attendu à un "gouvernement du changement" qui a perdu son chemin - s'il en a jamais eu un. Cela pourrait nous faire du bien à tous, à l'heure où l'État se trouve dans l'une des situations les plus difficiles et les plus désespérantes. De l'espoir, pour changer. De l'enthousiasme, pour varier. Mais ensuite est arrivé le garde de sécurité armé, bloquant la route que j'avais prise depuis des années.

Même sans cette route bloquée et même avec une bonne dose de bonne volonté, il est très difficile de nourrir des attentes à l'égard de Lapid. Un premier signe en a été donné immédiatement : cette semaine, il se rendra en France pour rencontrer le président français. Qu'est-ce que la France a à voir avec quoi que ce soit ? Est-ce la chose la plus urgente qu'un premier ministre à quatre mois de l'échéance puisse faire pour signaler un changement de direction ? Les médias choient Lapid : la plupart d’entre eux vont fondre de satisfaction. ça a déjà commencé : le voilà qui s'installe dans une propriété utilisée jusqu'à présent par les agents de sécurité, rue Balfour, près de la résidence officielle [la Villa Hanna Salameh, appartenant à un Palestinien chassé en 1948, NdT]. Comme c'est excitant. Le monde va aussi fondre de plaisir. Enfin, pas Benjamin Netanyahou. Mais au fond, rien ne changera. En Israël, un premier ministre de droite en remplace un autre. L'un est qualifié de droite, l'autre de centriste, mais ils sont tous de droite profonde et ultra-nationalistes. Lapid ne vénérera-t-il pas les FDI et ne fera-t-il pas ce qu'elles lui demandent ? Sa première réunion n'a-t-elle pas eu lieu avec le chef du Shin Bet, entre tous ? Et surtout, Lapid n'est-il pas un croyant fervent et invétéré de la suprématie juive, appelée sionisme, et de son résultat, appelé État juif, qui ne peut être qu'un État d'apartheid ? Lapid est en faveur de ces derniers. Oh oui, tout à fait. Et son gouvernement aussi.

Un exemple instructif des différences minuscules à inexistantes entre le gouvernement du "méchant" Netanyahou et le "bon" Naftali Bennett, et certainement le gouvernement Lapid, a été donné ce week-end par Shimrit Meir, autrefois impressionnante conseillère politique de Bennett. Dans une interview accordée à Nadav Eyal dans le Yedioth Ahronoth, elle a exposé une vérité inquiétante. Le gouvernement Bennett avait les mêmes objectifs et modes de fonctionnement que son prédécesseur.

Meir, la "gauchiste" du bureau de Bennett, a rappelé ses réalisations et celles de son Premier ministre : comment ils ont réussi à influencer Washington pour que les Gardiens de la révolution iraniens ne soient pas retirés de la liste usaméricaine des organisations terroristes, seulement pour que les Gardiens de la révolution soient retirés. Comment ils ont réussi à influencer Washington pour que les Gardiens de la Révolution iranienne ne soient pas retirés de la liste américaine des organisations terroristes, dans le seul but d'empêcher - encore une fois, d'empêcher - la conclusion d'un accord nucléaire avec l'Iran ; comment le gouvernement a trompé - encore une fois, trompé - les USA pour construire des milliers de logements dans les colonies, puis s'en est vanté ; comment ils ont réussi à faire pression sur les USA pour qu'ils reviennent sur leur décision de rouvrir un consulat à Jérusalem-Est. Empêcher un accord avec l'Iran, construire des colonies et ne pas ouvrir un consulat US pour les Palestiniens également - quoi de plus droitier ? Où est la différence, même minime, entre les objectifs du gouvernement Netanyahou et les "succès" du gouvernement Bennett ?

Si ceux-ci sont considérés comme des succès par le gouvernement sortant, il vaudrait mieux qu'il ait échoué, le pire étant le meilleur. Si ce sont également les objectifs de Lapid, et il n'y a aucune raison de penser le contraire, il serait préférable qu'il échoue également. Après tout, il s'agit d'un gouvernement qui a entrepris de s'occuper des petites choses, ostensiblement, comme la "loi sur le métro" et ses semblables, en déclarant qu'il resterait à l'écart des grands sujets comme l'Iran et les colonies. C'était un gouvernement qui ne représentait pas seulement tout ce qui n'était pas Netanyahou, mais une approche centriste, un changement. Nous n'avons eu ni l'un ni l'autre.

J'aimerais vraiment accorder un certain crédit à Lapid, lui souhaiter bonne chance et tout le tralala, et surtout, sentir qu'il y a une chance de changement. Il n'y en a pas.

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