Mauro Ravarino, il manifesto, 5/7/2022
Traduit par
Fausto
Giudice, Tlaxcala
Avec la canicule, nous avons un mois d’avance. Cela signifie que la neige disparaît plus tôt et que la fonte des glaces commence plus tôt. Et ainsi nous érodons la mémoire des glaciers.
Une centaine de mètres en deux ans. C'est le bilan négatif
du front glaciaire de la Marmolada. En 2020, le Comité glaciologique italien (CGI)
s'était rendu sur le site de la tragédie de dimanche pour l'une des étapes de
la Caravane des glaciers de Legambiente [Ligue Environnement, association
écologiste, NdT]. Marco Giardino, vice-président du CGI et professeur de
géographie physique et de géomorphologie à l'université de Turin, était également
présent. « Nous avions documenté la régression de ce glacier de pente,
avec une inclinaison de 25 degrés, qui en moins d'un siècle a vu sa surface
réduite de 70% et son volume de 86%. Une situation qui s'est accélérée ces
dernières années. En montant vers l'avant, nous avions remarqué une
instabilité, mais l'observation des crevasses n'avait pas indiqué de danger
particulier. Un aspect qui, en revanche, serait apparu ces derniers jours,
comme la quantité d'eau s'écoulant du front. Il s'agit d'informations qu'il
faut recueillir afin de comprendre ce qu'il faut faire ».
Nous avons de fait besoin d'une gestion consciente du territoire et d'une surveillance continue. « Il y a beaucoup de glaciers et il est donc impensable de les surveiller tous avec des instruments. Des choix doivent être faits, en se concentrant sur ceux connus pour être à risque ou fragiles et sur les zones très fréquentées. Et d'encourager l'observation extensive des corps glaciaires par des experts capables d'identifier les signes prémonitoires », explique Marta Chiarle, spécialiste des risques glaciaires, chercheuse au CNR-IRPI et coordinatrice pour le CGI des campagnes glaciologiques dans le Nord-Ouest de l’Italie.
De nombreux processus se déroulant en profondeur, les carottages sont-ils utiles ? « Cela dépend », précise Chiarle, « dans les glaciers comme le Marmolada, que nous appelons tempérés, où l'on suppose qu'avec l'augmentation des températures plus d'eau circule, ils ne donneraient pas beaucoup d'informations, mieux vaut un suivi des mouvements de surface comme le glacier du Planpincieux dans le Val Ferret, avec pour objectif de mesurer les accélérations de surface et les risques d'effondrement. Il en va autrement pour ceux de haute altitude, dits glaciers froids, comme les Grandes Jorasses, au-dessus de 4 000 mètres sur le Mont-Blanc, où un carottage profond peut donner des résultats importants, car la quantité d'eau circulant est censée être minime. On cherche toutefois à savoir s'ils peuvent modifier leur comportement avec le réchauffement climatique ».
Un fait certain est que le changement climatique peut rendre les montagnes, surtout au-dessus de certaines altitudes, plus dangereuses. « Et en cas de risque, il pourrait y avoir des ordonnances interdisant le passage, en se concentrant, explique Chiarle, sur les zones les plus fréquentées ». Le sujet reste toutefois délicat, car il a toujours été considéré que ceux qui vont en montagne le font à leurs risques et périls. Plutôt que des interdictions généralisées, une politique au cas par cas devrait être menée. Même celui de la Marmolada devrait être analysé sérieusement, pour comprendre dans quels autres endroits cela peut se produire ». Giardino ajoute ensuite, pour rappeler l'importance de la surveillance et la nécessité de la soutenir : « D'un point de vue scientifique, nous connaissons bien les paramètres qui déterminent si les glaciers sont stables ou non. La vitesse à laquelle le système climatique évolue est sans équivalent au cours des 24 000 dernières années. Nous pouvons vérifier les températures, la masse, si elle est compacte ou fracturée, et voir l'état de sa roche-mère, le substrat ».
Les glaciers sont des banques d'eau, indicateurs climatiques par excellence. Et ils sont soumis à un grand stress. Il a très peu neigé cet hiver, la crise de l'eau est à son comble et nous épuisons les réserves de glace. « Habituellement, explique Chiarle, nous établissons le bilan de masse, en mesurant la quantité de neige tombée pendant l'hiver, puis la quantité de neige et de glace qui fond pendant l'été. Dans deux glaciers dont je m'occupe, dans le nord-ouest, un tiers et un quart de la neige est tombée par rapport à la moyenne, et le temps chaud est arrivé très tôt, dès le mois de mai. La situation est en avance d'un mois sur ce qu'elle devrait être. Cela signifie que la neige disparaît plus tôt et que la fonte des glaces commence plus tôt ».
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