Gideon
Levy, Haaretz, 6/1/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Il y a de plus en plus de chances que l'on se souvienne de Yair Lapid comme d'un meilleur ministre des Affaires étrangères que Yisrael Katz [2019-2020]. Cette semaine, Lapid a en effet dit la vérité : « Quand je serai Premier ministre [août 2023], nous ne négocierons toujours pas avec les Palestiniens ».
Yair Lapid a déclaré qu'il ne négociera pas avec les Palestiniens lorsqu'il sera Premier ministre. Oubliées ses déclarations électorales de 2012-2013 sur l’absolue nécessité de négocier avec les Palestiniens. Portrait du Financial Times de janvier 2013
Cette petite phrase n'a pas fait les gros titres, ce qui n'est pas surprenant, puisqu'il n'y a rien de nouveau ici - à part le spectacle d'un ministre disant la vérité, ne serait-ce que pour un moment. Lapid a le mérite de révéler quelque chose que l'on sait depuis longtemps : il n'y a pas de partenaire israélien. Aucun partenaire israélien pour mettre fin à l'occupation, aucun partenaire israélien pour une quelconque solution, ni même un partenaire israélien pour les négociations. En vérité, il n'y en a jamais eu, mais maintenant l'Israël officiel, pour la première fois de son histoire, le reconnaît. L'explication, comme d'habitude, vient de la politique interne. « Les accords de coalition empêchent tout progrès dans cette voie », a expliqué le premier ministre à venir.
Les grévistes de la faim palestiniens en prison devront attendre, tout comme les milliers de prisonniers, les familles déchirées, les familles endeuillées, les chômeurs, les réfugiés, les personnes à qui l'on refuse la dignité, la terre, le présent et l'avenir - tous devront attendre le gouvernement qui suivra le prochain. Il y aura alors certainement des accords de coalition qui mettront rapidement fin à l'occupation.
Si un ministre des Affaires étrangères israélien avait dit quelque chose comme cela il y a quelques années, le ciel serait tombé sur nos têtes. Pas de négociations ? Aucune ? Les USAméricains auraient émis des condamnations, les Européens auraient été furieux, l'ONU aurait adopté une résolution, les travaillistes et le Meretz auraient menacé de quitter le gouvernement. Mais maintenant, personne ne bronche.
Lapid nous a épargné tout cela. Il a annoncé la fin du rituel du processus de paix qui a facilité les nombreuses années d'occupation. Personne ne pense vraiment qu'Israël aura un gouvernement plus modéré que celui-ci dans les années à venir, et de toute façon, les 50 années de gouvernements de paix modérés auraient dû suffire à nous faire comprendre qu'il n'y a personne à qui parler en Israël, peu importe qui est au pouvoir. Lapid fait un pas, petit mais important, vers la reconnaissance de ce fait. Maintenant, il faut que cela soit bien compris : Il n'y aura pas de solution, et certainement pas une solution à deux États.
La possibilité que les Palestiniens soient condamnés à un nouveau siècle d'apartheid ne peut être écartée. En fait, c'est la possibilité la plus probable. Car qui va les sortir de cet apartheid, et comment exactement peuvent-ils s'en sortir ? Ils ont déjà tout essayé. Maintenant, ils comprennent au moins, et le monde aussi, qu'il n'y a aucune chance qu'ils aient un partenaire, car Israël a des accords de coalition.
Les USAméricains ne continueront pas à nous embêter avec leurs envoyés spéciaux, les Européens ne continueront pas à émettre des déclarations de condamnation creuses, l'ONU non plus, et le Quartet mourra lui aussi. Les dirigeants mondiaux n'auront plus à perdre leur temps et leur honneur dans des discussions inutiles sur la question palestinienne, car il n'y a personne à qui parler de cela en Israël. Ils ne peuvent parler que de l'Iran, de NSO et des relations bilatérales, juste après avoir déposé une couronne à Yad Vashem et un petit billet pour Yahvé au Mur des lamentations, sans avoir prononcer les phrases rituelles sur la la paix.
Espérons que les prévisions du ministère des affaires étrangères seront exactes : les experts du ministère prévoient qu'Israël sera empêché de participer aux événements sportifs et culturels internationaux. Voilà la véritable contribution de Lapid au discours international. Maintenant qu'il a biffé la diplomatie de l'ordre du jour en raison des accords de coalition, l'ère du brassage de vent sur la question palestinienne est terminée.
Il semble que le temps de l'action soit maintenant arrivé. Une question importante reste ouverte : la déclaration du ministre israélien des affaires étrangères sera-t-elle suffisamment convaincante pour que le monde commence à agir ? La vérité que Lapid a révélée, à savoir qu'Israël n'a aucune intention d'avancer vers une solution, sera-t-elle perçue à Washington et à Bruxelles comme suffisamment inébranlable pour qu'ils en tirent les conclusions nécessaires ? Ou peut-être cela ne suffira-t-il toujours pas au monde, qui se saisira à nouveau du dernier assaillant armé d'un couteau qui a poignardé un garde à un poste de contrôle pour accuser les Palestiniens de terrorisme et appeler à nouveau les deux parties à revenir à la table des négociations ?
Mémo au monde : écoutez Lapid. Il n'y a pas de partenaire israélien. Agissez en conséquence.
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