18/01/2022

SUZANNE O’SULLIVAN
Le mystère des enfants “endormis” de Suède
Une neurologue enquête sur le « syndrome de résignation » chez les enfants de demandeurs d’asile

Suzanne O’Sullivan, The Sunday Times, 28/3/2021
Traduit par
Courrier International, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala  

Extrait du livre The Sleeping Beauties: And Other Stories of Mystery Illness [« Les belles endormies et autres histoires de maladies mystérieuses », non traduit en français], paru en avril 2021 aux éditions Picador.

Dans le pays scandinave, des centaines de jeunes réfugiés sont tombés dans un état d’apathie généralisé ces vingt dernières années. Sans que personne ne parvienne à comprendre pourquoi. Sur place, une neurologue irlandaise de premier plan a mené l’enquête. 

J’ai à peine franchi le seuil que déjà je me sens oppressée. Nola est allongée sur un lit, sur ma droite. Elle doit avoir une dizaine d’années. C’est sa chambre. Je savais à quoi m’attendre, croyais-je, mais en réalité je n’étais pas prête. Cinq personnes et un chien viennent d’entrer dans la pièce, sans provoquer chez la fillette l’ombre d’un début de réaction. Elle est parfaitement immobile, les yeux clos, paisible pourrait-on dire.

“Elle est comme ça depuis plus d’un an et demi”, précise la docteure Olssen, penchée au-dessus de Nola pour lui caresser doucement la joue.

 

Djeneta, à droite, une réfugiée rrom alitée et sans réaction depuis deux ans et demi, et sa sœur, Ibadeta, depuis plus de six mois, à Horndal, en Suède, le 2 mars 2017. Photo MAGNUS WENNMAN*

Je me trouve à Horndal, en Suède, petite commune à 160 kilomètres au nord de Stockholm. La docteure Olssen s’occupe de Nola depuis le tout début de sa maladie, elle connaît bien la famille. Elle tire les rideaux pour laisser entrer la lumière et se tourne vers les parents de Nola : « Les filles doivent pouvoir se rendre compte qu’il fait jour. Elles ont besoin de sentir le soleil sur leur peau. »

« Elles savent qu’il fait jour, réplique la mère, sur la défensive. Nous les asseyons dehors le matin. C’est parce que vous veniez que nous les avons remises au lit. »

Sa poitrine qui se gonfle, seul signe de vie

Nola n’est pas la seule à occuper cette chambre. Sa sœur Helan, son aînée d’un an environ, est allongée elle aussi tout en bas des lits superposés, sur ma gauche. De là où je me trouve, je ne vois que la plante de ses pieds. Le lit du haut, celui de leur frère, est vide. Lui n’est pas malade : je l’ai aperçu au coin d’une porte en rejoignant la chambre. Si je suis ici, c’est parce que je suis neurologue, spécialiste des maladies cérébrales, et assez fine connaisseuse des pouvoirs de l’esprit sur le corps.

Alors que je m’approche du lit de Nola, je jette un regard en direction de Helan – à ma surprise, je la vois entrouvrir les yeux pour me regarder, une seconde, puis les refermer.

« Elle est éveillée », dis-je à la docteure Olssen.

« Oui, Helan n’en est qu’aux premiers stades de la maladie. »

Étendue sur les draps de son lit et préparée pour ma venue, Nola, elle, ne manifeste aucun signe d’éveil. Elle porte une robe rose et des collants à carreaux noirs et blancs. Elle a les cheveux épais et brillants, mais le teint pâle. Le rose de ses lèvres est fade, comme délavé. Ses mains sont posées l’une sur l’autre sur son ventre. Elle a un air serein, telle la princesse qui a croqué la pomme empoisonnée. Seul signe incontestable de sa maladie, la perfusion par sonde nasogastrique dont le tube, inséré dans son nez, est collé sur sa joue à l’aide de sparadrap. Seul signe de vie, sa poitrine qui monte et descend doucement.

Un processus lent de repli sur soi-même

Je m’accroupis près de son lit pour me présenter à elle. Même si elle m’entend, je sais qu’elle ne comprendra sans doute pas ce que je dis : Nola ne connaît que quelques mots d’anglais, et je ne parle quant à moi ni le suédois ni sa langue maternelle, le kurde – mais j’espère la rassurer par le ton de ma voix.

Outre Nola et Helan, plusieurs centaines de cas d’enfants “endormis” ont été recensées en Suède depuis vingt ans. Selon la rumeur, le phénomène serait apparu dans les années 1990, mais le nombre d’enfants concernés s’est envolé au tournant du siècle. Rien que de 2003 à 2005, 424 cas ont été dénombrés. Depuis, plusieurs centaines d’autres sont apparus. Si le phénomène touche garçons et filles, ces dernières prédominent légèrement.

Les débuts de la maladie sont généralement insidieux. Les enfants développent de l’anxiété et des symptômes dépressifs, et leur comportement change : ils cessent de jouer avec les autres d’abord, avant d’abandonner totalement le jeu. Ils se replient progressivement sur eux-mêmes, au point, rapidement, de ne plus pouvoir aller à l’école. Ils parlent de moins en moins, jusqu’à ne plus dire un mot. Vient ensuite l’alitement. À terme, ils cessent toute interaction avec le monde.

Des bilans médicaux totalement normaux

Les premiers enfants touchés ont été hospitalisés. Des examens médicaux poussés ont été menés : tous les patients avaient des bilans parfaitement normaux, notamment des électroencéphalogrammes qui contredisaient leur état apparemment inconscient. Même chez des enfants ne répondant à aucun stimulus, l’électroencéphalographie montrait encore les mêmes cycles veille/sommeil que chez des individus en bonne santé. Au bout du compte, l’hospitalisation ne leur apportant rien, les enfants furent renvoyés chez eux et confiés à leurs parents. Les patients concernés étaient âgés de 7 à 19 ans ; dans le meilleur des cas, la maladie n’a duré que quelques mois, mais beaucoup restèrent plongés des années dans cet état de sommeil – certains n’en sont d’ailleurs toujours pas sortis.

À  son apparition, le phénomène était sans précédent, et aucun terme ne semblait pouvoir le décrire. Le coma implique une perte de connaissance profonde, or certains enfants semblaient encore avoir conscience de leur environnement. Les examens montraient que leur cerveau répondait aux stimuli extérieurs. Le mot de “sommeil” ne convenait pas non plus : il décrit un état naturel, or le sommeil de ces enfants, plus proche de la léthargie, ne l’était pas. Des médecins suédois optèrent finalement pour le terme d’“apathie”, et au bout de plusieurs années la pathologie a eu une appellation médicale officielle : Uppgivenhetssyndrom, de giva upp, “to give up” (“renoncer”), ou “syndrome de la résignation”, en français.

Une explication neurologique ?

La docteure Olssen a remonté la robe de Nola jusqu’au ventre, sans que la fillette bronche. Elle porte une couche sous ses collants. La médecin palpe son estomac et l’ausculte au stéthoscope, avant d’écouter son cœur et ses poumons. “Son rythme cardiaque est à 92, c’est beaucoup.”

Cette oto-rhino-laryngologiste à la retraite se démène pour tenter d’aider les enfants et soutenir les familles. Elle compte sur mes compétences de neurologue pour trouver une explication à ce mal jusqu’à présent inexplicable, pour interpréter les signes cliniques de façon à donner une légitimité aux souffrances des fillettes et convaincre quelqu’un de leur venir en aide. Car telle est la médecine moderne : si la maladie impressionne, ce n’est pas le cas d’un mal sans manifestation pathologique.

Je saisis les jambes de Nola pour palper les muscles, je bouge ses membres pour en évaluer la mobilité et le tonus. À l’auscultation, ses muscles semblent en bonne santé, nullement atrophiés. Ses réflexes sont normaux. Hormis son absence de réaction, rien d’anormal.

“Nola a été la première à tomber malade, explique la docteure Olssen. Chez Helan, les symptômes sont apparus à la troisième demande d’asile rejetée, quand la famille a reçu l’ordre de quitter la Suède.”

Une vie de traumatismes

Si la docteure Olssen tient à comprendre les troubles cérébraux à l’origine de l’apathie des fillettes, tout le monde (famille, corps médical, pouvoirs publics) sait en réalité pourquoi Nola et Helan sont malades. Et tout le monde sait exactement ce qu’il faudrait pour que leur état s’améliore.

Car le syndrome de résignation ne frappe pas au hasard. Il touche exclusivement les enfants de familles demandeuses d’asile. Des jeunes qui ont subi des traumatismes bien avant de tomber malades. Certains présentaient d’ailleurs de légers antécédents à leur arrivée en Suède, mais la plupart n’ont commencé à se replier sur eux-mêmes que quand leur famille a entamé la très longue procédure d’asile.

La famille de Nola est issue de la minorité yézidie, présente en Irak, en Syrie et en Turquie. Cette population estimée à moins de 700 000 personnes dans le monde est la cible de persécutions depuis des siècles. Rien qu’aux XIXe et XXe siècles, les yézidis ont subi 72 massacres génocidaires ; au XXIe siècle, d’innombrables attentats sanglants les ont visés en Irak et en Syrie.

Les Yézidis et d'autres groupes ethniques persécutés sont atteints de manière disproportionnée par le syndrome. Photo RODI SAID/REUTERS

Avant leur arrivée en Suède, Nola et sa famille habitaient en Syrie dans un village très pauvre : une vie marquée par la peur et les violences, jusqu’à ce qu’ils soient forcés de fuir. Arrivés à la frontière suédoise, ils n’avaient rien pour prouver leur identité, et d’où ils venaient. Les autorités ont estimé l’âge des enfants : 2 ans et demi pour Nola, 3 ans et demi pour Helan, 1 an pour leur petit frère. Sans aucune notion de suédois, incapables de déchiffrer l’alphabet latin, ils n’avaient aucun moyen de se faire comprendre, ni de faire vérifier leurs origines et leur identité.

Une lente de demande d’asile lente

À  l’époque, la Suède pratique une politique d’ouverture aux réfugiés, et la famille de Nola bénéficie d’un permis de séjour temporaire. La procédure de demande d’asile est lente. Nola et Helan sont scolarisées avant qu’elle soit officiellement lancée. Plusieurs années passent, la demande d’asile de la famille est traitée, puis refusée, mais il est possible de déposer un recours, et même deux. Puis la guerre a éclaté en Syrie, et leur terre natale est devenue plus dangereuse encore pour eux. C’est là que Nola manifeste les premiers signes de repli.

Aujourd’hui c’est en Suède que les enfants ont passé le plus clair de leur vie. J’ignore ce que Nola et Helan savent de l’endroit où elles sont nées, mais quand bien même cela n’aurait jamais été abordé de façon explicite, elles auront certainement senti la peur associée à un éventuel retour.

J’observe Helan. Comme Nola, comme leur mère, elle possède une longue chevelure noire, épaisse. Elle n’est malade que depuis quelques mois – cela date du rejet de la troisième demande d’asile de la famille, la troisième et dernière.

“Comme dans un rêve dont on ne veut pas se réveiller”

Sam, le mari de la docteure Olssen, connaît aussi bien que son épouse les familles des enfants atteints du syndrome de résignation. Il a un visage doux et une barbe blanche, la nationalité américaine, et une formation de psychologue. Quand une autorisation de séjour est délivrée, m’a-t-il raconté la veille, les enfants se réveillent – certes pas du jour au lendemain : le rétablissement est aussi progressif et laborieux que l’a été la plongée dans l’apathie. Cela peut prendre des mois, sinon plus, et cela dépend aussi du temps qu’a duré la maladie pour chacun.

Une petite fille yézidie atteinte du syndrome de résignation dans l'appartement de sa famille à Horndal, en Suède. Photo MAGNUS WENNMAN

Si aucun réveil miraculeux n’a été constaté, une fois remis, les enfants s’épanouissent dans leur nouvelle vie. Aliya, une petite fille qu’ont suivie les Olssen, appartenait à une minorité persécutée et avait fui une ancienne république soviétique. Malgré une scolarité jusque-là chaotique et une entrée tardive dans le système scolaire suédois, elle est devenue excellente élève et fait aujourd’hui des études de droit.

“Vous a-t-elle raconté ce qu’elle avait ressenti quand elle souffrait du syndrome de résignation ?”, m’enquiers-je. “Elle se sentait comme dans un rêve dont elle ne voulait pas se réveiller.” Cette description me plaît bien – le sort de ces enfants en est moins effrayant.

Une routine pour percevoir le temps qui passe

Dans la chambre, la maman s’est assise au bord du lit de Nola et lui passe une brosse à cheveux le long des bras et des jambes – un petit exercice de stimulation sensorielle qu’elles font tous les jours.

Chaque jour aussi, quelqu’un de la famille fait la toilette des filles et les habille. Il s’agit d’instaurer une routine pour qu’elles continuent de percevoir le temps qui passe, matin, après-midi, soir. On change leur position dans le lit pour éviter les escarres, on leur humidifie les lèvres. Ils ont bien essayé de donner une paille à chacune pour qu’elles boivent, mais si Helan s’en sert, Nola ne s’en est pas même rendu compte. Nous quittons la pièce, et les deux fillettes sont dans la même position qu’à notre arrivée.

Quand les examens menés sur les premiers enfants tombés malades n’ont rien donné, évidemment, certains les ont accusés de faire semblant. Or, des petits âgés de 7 ans seulement cessaient de réagir totalement, y compris lors de séjours prolongés à l’hôpital – aucun enfant n’est capable de simuler pareille apathie.

Rien d’étonnant donc, si tant d’efforts sont déployés pour comprendre les mécanismes physiologiques qui sous-tendent le syndrome de résignation. Plusieurs théories, incomplètes, tentent de mettre au jour le fonctionnement de ce trouble. Certains médecins ont remarqué chez les enfants un rythme cardiaque et une température corporelle élevés, donnant à penser qu’une réaction au stress induite par les hormones ou le système nerveux autonome [qui contrôle certains processus comme la respiration sans effort conscient de la personne] pourrait expliquer en partie ce trouble.

Des explications biologiques peu satisfaisantes

Le problème avec les observations faites et les théories avancées est que ni les hormones du stress, ni le système nerveux autonome, ni un mauvais développement cérébral ne peuvent expliquer la durée et l’intensité anormales des manifestations physiologiques de cette maladie, ni son étonnante répartition géographique. Il y a des familles de réfugiés partout dans le monde, mais rares sont les individus qui réagissent à leur sort comme ces enfants en Suède. Le stress est fréquent, pas le syndrome de résignation.

S’ils sont tombés malades une fois arrivés en Suède, les enfants atteints de ce syndrome avaient déjà subi des traumatismes auparavant. On peut donc en déduire que ces traumatismes antérieurs jouent un rôle important dans la maladie. Une forme de stress post-traumatique peut-être ? À moins que les épreuves traversées aient affecté les parents dans leur capacité à élever leurs enfants au point que leur développement émotionnel s’en trouve perturbé ?

Reste que ni les explications psychologiques ni les constats biologiques ne suffisent, même combinés. L’hypothèse psychologique met excessivement l’accent sur le stress ou plus globalement l’état mental du patient, sans tenir suffisamment compte du contexte général. Sans compter qu’elle débouche inévitablement sur la recherche de coupables, et la mise en cause de l’enfant et de sa famille.

Pourquoi ce syndrome est-il si localisé ?

En tant que neurologue, je suis censée pouvoir apporter un éclairage particulier sur les mécanismes cérébraux à l’origine d’un trouble. Mais face à Nola et Helan dans cette chambre, je pense que les dysfonctionnements neurologiques responsables de l’apathie de ces très jeunes filles ne sont qu’une conséquence, et la partie la moins décisive de l’histoire. C’est toute leur vie, aussi courte ait-elle été, qui a conduit Nola et Helan jusque dans cette chambre suédoise, alitées derrière des rideaux tirés alors que le soleil brille dehors.

Longtemps, le syndrome de résignation était cantonné aux enfants de demandeurs d’asile en Suède [il a également été observé dans un centre de rétention australien sur l’île de Nauru], et encore, pas à tous : les enfants venus d’anciens pays de l’URSS et des Balkans étaient plus touchés. Aujourd’hui, les yézidis et les Ouïgours, qui font l’objet de persécutions plus intenses ces dernières années, sont particulièrement concernés eux aussi. Les autres nationalités et groupes ethniques sont pour ainsi dire épargnés.

Pourquoi le syndrome de résignation n’apparaît-il pas partout dans le monde ? Pourquoi ne touche-t-il pas des individus d’âges et d’origines variés ? Aucune société n’est épargnée par les traumatismes et les épreuves, et tous les êtres humains ont un fonctionnement cérébral identique. La sélectivité de la maladie montre bien qu’elle ne peut être envisagée comme un trouble purement biologique, causé par les hormones et les neurotransmetteurs, pas plus qu’il ne faut la considérer comme un mal strictement psychologique, et donc lié à la personnalité de l’individu. Maintenant que je connais l’histoire de Nola et de Helan, il me semble évident qu’il faut creuser la dimension culturelle de la pathologie. Le syndrome de résignation pourrait bien être un phénomène socioculturel. 

Le désespoir pour déclencheur

Si la maladie a des ressorts culturels et sociaux, la cause n’est pas pour autant à chercher dans le pays d’origine, mais plutôt dans un parcours et une suite de circonstances. Les fragilités induites chez les enfants dans leur vie d’avant jouent un rôle, certes, mais autant que leur parcours pour rejoindre la Suède, et leur vie dans ce pays. Nola et Helan elles-mêmes ont passé l’essentiel de leur existence en Suède.

La Suède a d’abord été un pays accueillant pour la famille des fillettes. Ces exilés se sont d’abord vu accorder un permis de séjour et un logement, le temps de l’examen de leur demande d’asile. L’instruction du dossier a traîné en longueur, sur plusieurs années. Sans être accusés de rien, les proches des fillettes ont eu moins le sentiment d’être écoutés que de subir des interrogatoires. Le système de l’asile cherche davantage ce qui peut invalider une demande que ce qui peut venir la soutenir. La présence des enfants est généralement requise lors des entretiens.

Beaucoup estimant que le syndrome de résignation a le désespoir pour déclencheur, et le regain d’espoir pour remède, on est en droit de penser que la longueur de la procédure d’asile n’est pas étrangère au développement de la maladie. Excitation et découragement ont alterné pendant toute la vie, ou presque, de Nola et Helan – cela a forcément des conséquences physiologiques.

Accorder plus d’importance au contexte social

Il y a beaucoup à apprendre du parcours et de la situation des enfants touchés par le syndrome de résignation. Le contexte social est un facteur trop souvent négligé dans la recherche des causes d’une maladie, au profit d’analyses physiologiques et biologiques. De petites épidémies de troubles psychosomatiques surviennent partout dans le monde tous les ans, mais parce qu’elles touchent des groupes isolés les liens ne sont pas faits, et l’on passe à côté de conclusions précieuses.

Aujourd’hui, cela fait plus d’un an que je suis allée rencontrer Nola et Helan. Aucune des deux fillettes n’est guérie. Leur demande d’asile n’a pas abouti, et elles sont toujours alitées en permanence. C’est en neurologue que je suis allée les voir, mais plus je repense à elles, plus j’en apprends sur leur mal, et moins je crois qu’il soit du ressort de la neurologie, ni même de la médecine.


* Derrière la photo

La photo lauréate du prix World Press Photo 2018, intitulée Syndrome de résignation, de Magnus Wennman montre Djeneta, à droite, une réfugiée rrom alitée et sans réaction depuis deux ans et demi, et sa sœur, Ibadeta, depuis plus de six mois, à Horndal, en Suède, le 2 mars 2017.

L'image a inspiré la neurologue Suzanne O'Sullivan à rencontrer les filles, puis Nola et Helan, qui figurent dans son nouveau livre, The Sleeping Beauties. « J'ai été choquée lorsque j’ai réalisé qu'un problème purement social s'était en quelque sorte cristallisé en cette condition biologique extrême », raconte O'Sullivan. « Ces filles m'ont incitée à essayer de comprendre comment une telle chose était possible ».

 

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