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05/05/2024

REBECCA RUTH GOULD
Littérature carcérale palestinienne et lutte pour la liberté
Présentation du roman “Les trois principes premiers”de Wissam Rafidi

 Rebecca Ruth Gould, Books Are Our Superpower, 26/4/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Dans son introduction à la traduction anglaise en 2024 de son roman الأقانيم الثلاثة (Les trois principes premiers, publié pour la première fois en arabe en 1998), Wissam Rafidi, ancien prisonnier politique et actuel professeur d'université, cite l'écrivain palestinien emblématique et symbole de la résistance révolutionnaire Ghassan Kanafani. Dans sa nouvelle Retour à Haïfa publiée en 1969, Kanafani écrit : « en dernière analyse, l'homme est une cause ».

Pour les non-initiés à la lutte palestinienne, ces mots peuvent sembler quelque peu énigmatiques. Qu'est-ce que cela signifie exactement de dire que « l'homme » - signifiant ici « l'humain » - est une cause ? Une cause de quoi ? Une cause pour qui ?

La vie de Kanafani, artiste révolutionnaire et créatif - bien connu de tous les écrivains palestiniens - nous indique le sens de ces mots. En affirmant que l'homme est une cause, Kanafani insiste sur le maintien de l'humanisme et de l'humanité, même face à la violence israélienne brutale et à des décennies de colonisation. L'humanité passe toujours en premier : c'est la base de la lutte et sa justification ultime. En citant Kanafani comme son mentor spirituel, Rafidi s'inscrit dans une longue tradition de fiction révolutionnaire, en arabe et au-delà.

Le remarquable roman carcéral de Rafidi est le dernier épisode d'une longue tradition de littérature carcérale palestinienne, qui comprend Walid Daqqa, décédé d'un cancer dans une prison israélienne en avril 2024, Nasser Abu Srour et Mahmud Isa.

La politique de la fiction révolutionnaire

On peut dire que la fiction révolutionnaire est née dans les romans russes du XIXe siècle, tels que Que faire ? de Nikolaï Tchernychevski (1863), et Les possédés (1871-1872) de Fiodor Dostoïevski. La tradition a connu un nouvel essor dans la littérature arabe, avec notamment La neige entre par la fenêtre (1969) de l'écrivain syrien Hanna Mina*.

La fiction révolutionnaire se définit par ses objectifs : comment renverser l'ordre existant de la société contemporaine. Toutes les fictions révolutionnaires ne prônent pas activement la révolution - la critique brutale de l'hypocrisie révolutionnaire par Dostoïevski en est un exemple - mais la fiction révolutionnaire palestinienne le fait certainement.

The Trinity of Fundamentals est une œuvre de fiction révolutionnaire dans le sens où elle a été écrite par un révolutionnaire autoproclamé qui a été emprisonné en raison de ses affiliations politiques. Peut-être plus important encore, il s'agit également d'une œuvre de fiction révolutionnaire parce qu'elle nous aide à imaginer un monde meilleur, fondé sur la conviction que l'humanité est elle-même une cause.

Comment le roman a été écrit et conservé

L'existence de La Trinité des fondamentaux est un miracle en soi. Le roman a été composé entre 1993 et 1995, pendant l'incarcération de Rafidi dans le cam de détention de Ketziot**, dans le désert du Naqab/Néguev (connue par de nombreux Palestiniens sous le nom de Naqab-Ansar 3), alors qu'il rêvait d'être libéré. Afin de dissimuler le manuscrit en cours aux gardiens, les codétenus de Rafidi ont copié des passages du roman en écriture miniature et ont fourré ces extraits dans des capsules de pilules qu'ils ont ensuite fait passer en contrebande dans d'autres prisons.

Le roman a finalement été publié en arabe à Damas en 1998. Il arrive maintenant dans le monde anglophone grâce à 1804 Books et au Mouvement de la jeunesse palestinienne, Mohamed Tutunji ayant rédigé une première version. La traduction se lit bien, même si elle s'écarte par endroits de l'original arabe.

Alors que le manuscrit circulait clandestinement d'une cellule de prison à l'autre, Rafidi, qui languissait dans sa propre cellule, pensait que celui-ci avait été perdu à jamais. En effet, alors qu'il était sur le point d'achever son récit, un gardien a découvert les méthodes utilisées par les prisonniers pour faire passer le manuscrit en contrebande et l'a confisqué.

À l'insu de Rafidi et du gardien israélien, le manuscrit existait en deux exemplaires. Trois codétenus de Rafidi avaient copié le roman sur du papier suffisamment petit pour tenir dans des capsules de médicaments, qui ont ensuite été passées en contrebande dans six prisons, jusqu'à ce que l'auteur découvre en 1996 que le manuscrit qu'il croyait perdu était largement lu par des prisonniers palestiniens.

Fiche d’identité du détenu Wissam Rafidi

Une histoire de vie, de révolution et d'amour

La révolution pour laquelle le protagoniste du roman, Kan'an Subhi, vit et est prêt à mourir est celle du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), une organisation militante à laquelle appartenait Kanafani et que Rafidi a rejointe à l'âge de 16 ans.

Le roman retrace les neuf années (1982-1991) pendant lesquelles Kan'an mène une vie clandestine en Cisjordanie occupée, déménageant de maison en maison pour garder une longueur d'avance sur les autorités militaires israéliennes, qui ont proscrit le FPLP.

La famille de Kan'an lui conseille de sortir de la clandestinité, afin qu'après avoir purgé sa peine, il puisse éventuellement mener une vie normale, mais il a reçu des instructions du FPLP de ne pas se rendre et de ne pas rompre avec la discipline du parti. Les engagements révolutionnaires intransigeants de Kan'an déterminent la structure générale du roman. Pourtant, ses principes politiques coexistent avec un vaste éventail de vies, allant de l'amour passionné à la douleur intense.

En effet, le titre - une traduction plus littérale de l'arabe Al-Aqanim Al-Thalatha serait Les trois hypostases - fait référence aux trois principes que Rafidi considère comme constitutifs du sens de toute chose : la vie, la révolution, l'amour. La tâche de Kan'an, qu'il ne parvient pas à accomplir à la fin du roman, est d'unir ces trois principes en un tout.

Alors que la plupart des ouvrages sur les prisons se concentrent sur l'expérience de l'incarcération, The Trinity of Fundamentals est un roman sur la vie en dehors de la prison, écrit depuis une cellule de prison. L'histoire est racontée à la troisième personne, mais filtrée par le point de vue de Kan'an. Le récit de l'existence clandestine de Kan'an est entrecoupé de digressions historiques éclairantes qui enrichissent considérablement le récit et donnent un aperçu des conditions de la résistance palestinienne tout au long des années 1980.

Entre les explications sur le rôle du FPLP dans la formation de l'activisme étudiant, nous découvrons l'amour de Kan'an pour sa camarade Mouna et les tensions que ses engagements révolutionnaires entraînent dans leur relation. Mouna recherche le bonheur, pas l'action révolutionnaire. Elle est dépeinte de manière quelque peu unidimensionnelle, comme une femme pour qui « l'activité de résistance n'a qu'une influence superficielle, comme du rouge à lèvres ». Au fur et à mesure qu'elle s'efface de sa vie, Mouna devient pour Kan'an un vague souvenir, transformé en « shrapnel d'une image ».

D'autres femmes, comme Hind, son dernier amour avant son emprisonnement, sont encore plus éphémères. Dans la mémoire de Kan'an, Hind est un « éclair qui vous donne le souvenir d'une blessure ». Ces deux femmes sont comparées par le narrateur à des serre-livres qui marquent le début et la fin de son existence clandestine.

Lorsqu'il est capturé par les Israéliens, il consolide « son alliance avec son moi révolutionnaire » et se prépare « à entrer dans la nouvelle phase de confrontation » avec l'État d'Israël, celle d'un prisonnier politique. À travers l'histoire du passage à l'âge adulte d'un prisonnier politique, Rafidi articule un récit central de la littérature carcérale palestinienne. Ce même thème revient dans la fiction d'autres écrivains palestiniens emprisonnés, tels que Walid Daqqa.

Internationalisme palestinien contre domesticité usaméricaine

Comme d'autres romans révolutionnaires, La trinité des fondamentaux est imprégné d'un didactisme sincère. Après tout, il ne s'agit pas seulement de l'histoire d'un individu et de sa quête d'épanouissement personnel ; c'est aussi l'histoire du peuple palestinien dans sa résistance à l'occupation coloniale israélienne. Avec ses longues mais instructives digressions historiques et politiques, The Trinity of Fundamentals a plus en commun avec un roman comme Guerre et Paix ou Que faire ? qu'avec les derniers lauréats du Booker ou du prix Pulitzer.

Je dis cela entièrement dans un esprit de louange. Le sérieux et le didactisme du roman sont en décalage avec la plupart des romans anglophones contemporains, dans lesquels la quête du héros pour la réalisation de soi se déroule dans un monde tourné vers l'intérieur, qui ne tient guère compte des injustices globales.

Une autre qualité qui distingue ce livre de la plupart des romans de langue anglaise est son mélange unique de faits et de fiction. (À cet égard, le roman rappelle celui d'un merveilleux écrivain palestinien de cette plateforme, Ramsey Hanhan 🇵🇸 🌍, auteur de l'autobiographie romancée Fugitive Dreams). Dans l'introduction, Rafidi lui-même décrit La trinité des fondamentaux comme un « roman fictif de la vie clandestine ».

En effet, au milieu du récit, nous avons droit à une histoire de la lecture en prison. Le narrateur nous raconte comment la littérature a « nourri » Kan'an et a également « renforcé sa fibre morale, cultivé son goût pour l'art et la beauté, attisé en lui les flammes de l'inimitié envers les tyrans, stimulé son opposition à toutes les manifestations d'oppression ».

Parmi les romans qui se sont révélés essentiels à l'éducation littéraire de Kan'an, citons La neige entre par la fenêtre (1969), de Hanna Mina, et le classique soviétique Et l’acier fut trempé (1932), de Nikolaï Ostrovsko. Cependant, les œuvres qui inspirent Kan'an ne sont pas toutes ouvertement politiques ; elles comprennent des œuvres de fiction de l'écrivain brésilien Jorge Amado et de l'écrivain saoudien Abderrahmane Mounif.

Bien établi en Russie et dans d'autres traditions littéraires révolutionnaires, le genre de l'autobiographie romancée n'a pas encore réussi à s'imposer en anglais, où l'on préfère généralement que les faits soient étroitement séparés des fictions.

Réunir le personnel et le politique

La séparation de la fiction usaméricaine entre le politique et le personnel se fait à son détriment, comme le montre la comparaison avec les engagements politiques qui animent la fiction palestinienne et arabe. Selon Rafidi, cette séparation du politique et du personnel a conduit à une société dans laquelle « la quête libérale d'enterrer les concepts et les points de départ révolutionnaires, et de semer le doute à leur sujet, a atteint des proportions sans précédent ».

L'évolution de la conscience révolutionnaire de Kan'an au cours de sa vie dans la clandestinité acquiert une acuité particulière dans le contexte du génocide en cours à Gaza. Rafidi nous fait réfléchir sérieusement à ce que signifie se consacrer à une cause et tout sacrifier pour la libération collective.

Comme Kan'an le conseille à Mouna lorsqu'elle met en doute sa lutte révolutionnaire : « Arme-toi de détermination et cela rendra l'impossible possible ». En nous armant de détermination, La Trinité des fondamentaux devient un roman non seulement pour notre époque, mais aussi pour toutes les générations futures. Puisse-t-il nous aider à imaginer collectivement un avenir dans lequel la révolution pour laquelle Kan'an lutte atteindra ses objectifs.

NdT

*Hanna Mina (1924-2018), considéré comme le père du roman arabe moderne, reste un inconnu pour l’édition francophone. Sur ses plus de 40 romans, un seul a été publié en français en 1986, traduit par Abdellatif Laâbi : Soleil en instance.

** La prison de Ketziot, dans le désert du Naqab/Néguev, est le plus grand camp de détention d’Israël et du monde. Ouverte pendant le première Intifada en 1988, elle hébergeait en 1990 6 216 prisonniers palestiniens. Fermée en 1995, elle fut réouverte en avril 2002. En 2010, de nouvelles sections ont été ouvertes pour des immigrants irréguliers érythréens et soudanais. Le camp a fait l’objet de nombreux rapports critiques d’organisations de défense des droits humains. En décembre 2023, une enquête a été ouverte sur 19 gardiens suite à la mort violente sous les coups d’un membre du Fatah détenu, Tair Abu Asab.


 

 

 

 

23/03/2024

GIDEON LEVY
Ofer, le Guantanamo israélien : Munther Amira témoigne

 Gideon Levy &  Alex Levac (photos), Haaretz, 23/3/2024
Traduit par Fausto Giudice
, Tlaxcala

Violences, humiliations, surpopulation effroyable, cellules froides et stériles, entraves pendant des jours. Un Palestinien qui a passé trois mois en détention administrative israélienne pendant la guerre de Gaza décrit son expérience de la prison d’Ofer.

Munther Amira, chez lui dans le camp d’Aida cette semaine, après sa libération de la prison d’Ofer. « J’avais déjà été à Ofer, mais ça n’avait jamais été comme ça ».

Munther Amira a été libéré de “Guantanamo”. Il avait déjà été arrêté à plusieurs reprises par le passé, mais ce qu’il a vécu lors de son incarcération dans une prison israélienne pendant la guerre de Gaza ne ressemble à rien de ce qu’il a pu vivre auparavant. Un ami qui a passé 10 ans dans une prison israélienne lui a dit que l’impact de sa propre incarcération au cours des trois derniers mois équivalait à 10 ans de prison en temps “normal”.

Le témoignage détaillé qu’Amira nous a livré cette semaine dans sa maison du camp de réfugiés d’Aida, à Bethléem, était choquant. Il a exprimé son calvaire avec son corps, s’agenouillant à plusieurs reprises sur le sol, décrivant les choses dans les moindres détails, sans aucun sentiment, jusqu’à ce que les mots deviennent insupportables. Il était impossible de continuer à écouter ces descriptions atroces.

Mais il semblait avoir attendu l’occasion de raconter ce qu’il avait enduré dans une prison israélienne au cours des derniers mois. Les descriptions se succédaient sans interruption - horreur sur horreur, humiliation sur humiliation - à mesure qu’il décrivait l’enfer qu’il avait vécu, dans un anglais courant entrecoupé de termes hébraïques relatifs à la prison. En trois mois, il a perdu 33 kilos.

Deux grandes photos trônent dans son salon. L’une représente son ami Nasser Abu Srour, emprisonné depuis 32 ans pour le meurtre d’un agent du service de sécurité du Shin Bet ; l’autre le représente le jour de sa libération, il y a exactement deux semaines. Cette semaine, Amira est apparu physiquement et mentalement résilient, semblant être une personne différente de celle qu’il était le jour de sa sortie de prison.

Amira chez lui cette semaine. Ce qu’il a vécu lors de son incarcération dans une prison israélienne pendant la guerre dans la bande de Gaza est différent de tout ce qu’il a connu dans le passé.

Amira a 53 ans, il est marié et père de cinq enfants. Il est né dans ce camp de réfugiés, dont la population comprend les descendants des habitants de 27 villages palestiniens détruits. Il a conçu la grande clé du retour qui est accrochée à la porte d’entrée du camp et qui porte l’inscription « Pas à vendre ». Amira est un militant politique qui croit en la lutte non violente, un principe qu’il défend toujours, même après le nombre considérable de morts à Gaza pendant la guerre, souligne-t-il. Membre du Fatah, il travaille au Bureau des colonies et de la clôture de l’Autorité palestinienne et est diplômé de la faculté des sciences sociales de l’université de Bethléem.

18 décembre 2023, 1 heure du matin. Bruits sourds. Amira regarde par la fenêtre et voit des soldats israéliens frapper son jeune frère Karim, âgé de 40 ans. Les soldats traînent Karim au deuxième étage, dans l’appartement d’Amira, et le jettent à terre au milieu du salon. Amira affirme que son frère s’est évanoui. Karim est le directeur administratif du service de cardiologie de l’hôpital Al-Jumaya al-Arabiya de Bethléem, et il n’est pas habitué à ce genre de violence.

12/03/2024

SUSAN ABULHAWA
Gaza : récits de survivantes du génocide

Ci-dessous deux nouveaux articles de Susan Abulhawa, de retour de Gaza, traduits par Fausto Giudice, Tlaxcala. Un premier article a été publié ici

Le génocide vu à ras de terre : du sable, de la merde, de la chair en décomposition et des flip-flop dépareillées

Susan Abulhawa, The Electronic Intifada , 8/3/2024

Privés d'accès au monde et enfermés dans des barbelés et des clôtures électriques, les Palestiniens de Gaza avaient l'habitude de respirer la majesté de la terre de Dieu sur les rives de la Méditerranée.

Préparation d'une fosse commune à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
Photo : Mohammed Talatene/DPA via ZUMA Press

C'est là que les familles s'amusent, que les amoureux approfondissent leurs liens, que les amis s'assoient dans le sable et se confient les uns aux autres.

C'est là que les gens allaient pour réfléchir et contempler un monde si peu généreux à leur égard.

C'est là qu'ils sont allés danser, fumer la chicha et se créer des souvenirs.

Mais aujourd'hui, ces rivages sont une torture.

En tant que région côtière, le sol de Gaza est sablonneux, même à l'intérieur des terres. Près de 75 % de la population vivant désormais dans des tentes de fortune, le sable s'infiltre partout.

C'est dans la nourriture, le peu qu'il y a, un grain indésirable dans chaque bouchée. Elle s'accumule dans les cheveux de tout le monde, tout le temps.

Il se glisse sous le hijab, que les femmes sont désormais obligées de porter en permanence par manque d'intimité. Le cuir chevelu démange constamment et les gens se rasent de plus en plus la tête, une décision particulièrement douloureuse pour les femmes et les jeunes filles, qui constitue un autre détail de cette dégradation délibérée de toute une société.

Les chanceux qui ont accès à de l'eau propre peuvent bénéficier de quelques heures de répit avant que l'autorité du sable ne s'impose à nouveau.

Partout où il y a du sable, il y a de minuscules crabes de sable, et d'autres insectes suivront au fur et à mesure que le temps se réchauffe.

Une amie m'a envoyé des photos de ce qu'elle pensait être une éruption cutanée sur ses extrémités, en espérant que je puisse consulter des médecins pour elle. J'ai tout de suite compris qu'il s'agissait probablement de piqûres d'insectes et deux médecins ont confirmé mes soupçons.

Elle jure qu'elle a nettoyé méticuleusement son lit tous les jours, mais les médecins expliquent que ces insectes sont trop petits pour être vus. Ces assaillants microscopiques sur sa peau l'ont un peu brisée, même si elle avait déjà enduré l'insoutenable - les bombes et les balles aveugles, le manque de tout, les scènes macabres de mort et de démembrement presque quotidiennes, le bourdonnement constant des drones, la détérioration des membres de la famille qui ont besoin de médicaments indisponibles, et l'impossibilité de rentrer chez soi.

Humiliation

Les détails d'une société ancienne réduite aux ambitions primaires les plus élémentaires sont douloureux à observer. Une amie qui vivait dans un bel appartement “intelligent” doté d'équipements modernes, qui enseignait à l'école primaire et dirigeait des programmes de loisirs pour enfants après l'école, organise désormais ses journées autour de deux horribles visites à des toilettes extérieures partagées par des centaines de personnes.

C'est un trou putride dans le sol, surmonté d'un seau qui entaille la peau. Elle ne sait pas où il mène, mais « il n'y a pas de chasse d'eau, bien sûr », dit-elle.

Certaines personnes font leurs besoins à l'extérieur du trou, sur le sol en terre battue, et elle doit donc parfois marcher dans la merde. Le trou a quatre parois en plastique, mais pas de plafond, ce qui ajoute une couche supplémentaire d'humiliation lorsqu'il pleut.

Le matin très tôt est le meilleur moment pour y aller car la file d'attente est moins longue. Elle fait attention à ce qu'elle mange et à ce qu'elle boit, de peur de devoir y aller au mauvais moment.

Sa fille de 6 ans apprend à se retenir le plus longtemps possible. Son fils aîné peut accompagner son père au travail, là où il y a des toilettes en état de marche, mais il ne ressent que de la culpabilité lorsqu'il se soulage, me dit sa mère.

Je lui ai apporté des articles de toilette de base et elle a failli pleurer au contact de la lotion pour la peau.

« Je me dis toujours que je vais me réveiller un jour et me rendre compte que tout cela n'était qu'un mauvais rêve », dit-elle.

Un sentier épouvantable

C'est un sentiment que j'ai entendu à maintes reprises de la part de différentes personnes dans différentes parties de Gaza. Le dénigrement de leur vie a été si aigu et si rapide que l'esprit a du mal à comprendre la réalité.

« Je n'avais jamais imaginé que je vivrais une telle vie », dit-elle, avant de marquer une pause et d'ajouter : « Mais je ne pense pas avoir le droit de me plaindre, car au moins ma famille est toujours en vie ».

C'est aussi ce que j'ai entendu à plusieurs reprises de la part des habitants de Rafah.

Ils se sentent coupables d'avoir survécu jusqu'à présent. Ils se sentent privilégiés parce qu'ils ont de la nourriture, même rance ou insuffisante, alors que leurs amis, leurs voisins et d'autres membres de leur famille meurent lentement de faim dans les régions du nord et du centre.

Ce sont des gens qui ont marché pendant des heures les mains en l'air, victimes des moqueries et des railleries des soldats israéliens, terrifiés à l'idée de baisser les yeux ou de se pencher pour ramasser quelque chose, sous peine de recevoir une balle de sniper, ce qui est arrivé à beaucoup d'entre eux. Presque tout le monde a vu ses biens pillés par les soldats, qui jonchaient la route de tout ce dont ils ne voulaient pas.

« Mes enfants ont également vu des cadavres et des parties de corps humains sur le bord de la route, dans différents états de décomposition. Qu'est-ce que ces images vont faire dans leur tête ? »

Son fils de 8 ans a perdu son shibshib (flip-flop) gauche pendant qu'ils marchaient sur ce terrible sentier, mais il a dû continuer à marcher avec la seule chaussure qui lui restait, car le fait de regarder en bas ou, pire, de se pencher, aurait pu le tuer.

Bien qu'il soit resté stoïque face à une terreur inimaginable, c'est la perte de sa sandale qui l'a décontenancé. Il pleurait sans cesse, refusant le shibshib de sa mère, jusqu'à ce qu'un autre réfugié marchant à côté d'eux, les mains levées dans la même crainte, parvienne à faire glisser un shibshib usagé le long de la route jusqu'à lui.

« Heureusement, c'était un pied gauche et il a donc retrouvé une paire, même si elle n'était pas assortie », raconte sa mère.

 

Une histoire d'amour et de résistance

Susan Abulhawa, The Electronic Intifada 12/3/2024

Layan est allongée sur un lit d'hôpital, ses membres brisés et brûlés ayant été reconstitués à l'aide de tiges métalliques de fixation externe, de greffes de peau et de pansements.

L'amour perdurera malgré toutes les destructions infligées par Israël.
Photo Omar Ashtawy/APA images

Ses blessures sont telles que Layan (nom fictif) est immobilisée en position couchée et ne peut bouger qu'en tournant la tête d'un côté à l'autre, une demi-boucle qui lui permet de voir le mur, le drap du lit et une pièce remplie d'autres femmes - comme elle - dont la vie et le corps ont été à jamais brisés par les bombes et les balles israéliennes.

Une femme dort sur le sol à côté du lit de Layan pour s'occuper d'elle, car l'hôpital manque de personnel et est à bout de souffle. Je l'appellerai Ghada.

J'ai tout de suite compris qu'elles étaient de la même famille, toutes deux âgées d'une vingtaine d'années. « Sœurs », confirment-elles.

Même dans leur pire état, elles sont d'une beauté stupéfiante. Pour leur sécurité, je ne décrirai pas leurs caractéristiques physiques, mais elles possèdent une autre sorte de beauté qui ne peut être que ressentie.

C'est dans la façon dont elles s'occupent tendrement les unes des autres, plaisantent et rient dans un monde qui leur fabrique sans cesse de la misère.

C'est la façon dont elles m'ont accueillie dans leur cercle étroit, dont elles m'ont attendue chaque jour pour leur rendre visite et dont elles ont fini par me confier des informations précieuses, qu'elles m'ont à présent autorisée à raconter.

Rien ne sera publié sans leur accord préalable. Les détails d'identification sont modifiés ou omis, même s'il ne s'agit que d'une histoire d'amour, car même l'amour palestinien est perçu comme une menace.

Il ne s'agit pas d'une histoire d'amour extraordinaire, ni de ce genre d'interdit dramatique qui fait les beaux jours des pièces ou des films de Shakespeare.

En fait, c'est une situation suffisamment courante pour qu'on puisse la qualifier d'ennuyeuse. Sauf que l'amour de la vie de Layan, son mari bien-aimé Laith (nom fictif), est un combattant de la résistance palestinienne, un groupe tellement vilipendé et déshumanisé dans le discours populaire occidental que la plupart des gens ont du mal à imaginer qu'il puisse avoir de la sensibilité ou une capacité d'amour.

Ghada masse le cou et les épaules de Layan tandis que je tiens leur téléphone portable commun devant elle, parcourant les photos sur les instructions de Layan.

Ce sont des photos de sa vie avec Laith dans les bons moments. Des réunions de famille, des sorties sur la plage, des étreintes amoureuses, des poses heureuses, des selfies souriants.

Je me rends compte que les deux femmes ont perdu beaucoup de poids et j'imagine que Laith en a perdu encore plus. Sur les photos, il est beau, avec des yeux bienveillants qui respirent la générosité.

Le regard qu'il porte sur Layan sur certaines photos est d'une tendresse bouleversante.

« Reviens en arrière d'une photo », me dit Layan. « C'est le jour de nos fiançailles » et quelques photos plus loin, « c'était pendant notre lune de miel ».

Elle veut me raconter chaque détail de ces journées et je l'écoute avec plaisir, regardant son visage s'ouvrir au soleil des souvenirs qui habitent et animent son corps au fur et à mesure qu'elle parle.

Ils ressemblent à n'importe quel jeune couple : profondément amoureux, plein d'espoir et de rêves. Ils avaient économisé pour construire une modeste maison sur leur terrain familial, empruntant une somme importante à la banque pour terminer la construction.

Layan et Laith ont passé plus d'un an à choisir le carrelage, les meubles de cuisine et les autres finitions. Un jour, Laith est rentré à la maison avec un chat qu'il avait sauvé de la rue.

Une semaine plus tard, il en ramène un blessé. « Je ne pouvais pas le laisser souffrir et mourir », dit-il à Layan lorsqu'elle proteste.

L'homme que décrit Layan est un mari aimant qui lui écrivait des lettres d'amour et qui laissait des notes amusantes dans la maison pour qu'elle les trouve pendant qu'il était au travail, toutes ces notes étant conservées dans une boîte en plastique violette avec de plus longues lettres d'amour entre eux.

Elle décrit un fils et un frère dévoué qui rendait visite à sa mère tous les jours et soutenait ses frères et sœurs dans toutes les épreuves de la vie ; un oncle amusant adoré par ses nièces et ses neveux ; un gardien et un protecteur naturel qui nourrissait et abreuvait les animaux errants dans la rue ; un homme ancré dans les valeurs islamiques de miséricorde et de justice ; un fils du pays qui a pris les armes de manière désintéressée pour libérer son pays des cruels colonisateurs étrangers.

Il s'agit d'une famille résolument engagée en faveur de la libération nationale, prête à se sacrifier pour notre patrie commune, pour la simple dignité de prier dans la mosquée Al-Aqsa et de parcourir les collines de leurs ancêtres.

Une foi profonde

Le couple a essayé sans succès de concevoir un enfant, et Layan s'inquiète de ne pas avoir encore de bébé. Mais elle chasse rapidement sa déception, se soumettant à la volonté de Dieu.

« Alhamdulillah », dit-elle.

Tout le monde revient à cette phrase. Dieu a un plan pour chaque personne et qui sommes-nous pour le remettre en question, dit-elle.

Il s'agit d'une famille profondément croyante dans une société déjà profondément enracinée dans la foi.

« Mais nous sommes fatigués », ajoute-t-on parfois. « C'est beaucoup ».

"Alhamdulillah", encore une fois.

Mais je suis en colère et j'exprime souvent un désir de vengeance de la part de Dieu. Ce n'est pas leur cas.

« Dieu leur demandera des comptes en son temps », affirme Layan.

Ils vivaient dans leur nouvelle maison depuis moins d'un an lorsqu'Israël a commencé à bombarder Gaza. « J'ai à peine eu le temps d'en profiter », explique Layan.

Ils ne savaient pas ce qui allait se passer ce jour-là, mais Laith savait qu'il devait mettre sa famille à l'abri avant de prendre son fusil et de partir au combat. Il fit promettre à Layan de prendre leurs deux chats.

« Ce n'est pas le moment pour ça », a-t-elle dit. Mais il n’était pas d’accord.

« Ce sont des âmes que nous protégeons. Elles ne survivront pas seules », a-t-il dit.

Il l'embrasse sur le front, affirmation d'un amour et d'une dévotion inviolables.

Il a embrassé ses lèvres, ses joues, son cou. Et elle l'a embrassé avec les mêmes forces qui s'agitaient en elle.

Ils se sont embrassés longuement, se promettant de se retrouver, par la volonté de Dieu, si ce n'est dans cette vie, du moins dans l'au-delà. Layan, en larmes, a prié pour sa sécurité, implorant sans cesse Dieu de protéger son bien-aimé.

Elle priait encore quotidiennement pour lui lorsque je l'ai rencontrée, cinq mois après ce douloureux adieu. Elle avait appris qu'il avait été capturé par les Israéliens, mais elle ne savait pas s'il était vivant ou mort.

Je comprenais, comme elle certainement, qu'il avait au moins été torturé et qu'il l'était probablement encore, mais nous n'en parlions pas, de peur que le seul fait d’en parler ne donne vie à cette réalité.

Peu de temps après leur séparation, Israël a réduit leur nouvelle maison en ruines en quelques secondes. Layan y est retournée des semaines plus tard pour voir ce qu'elle pouvait récupérer de leurs vies.

Par miracle, la boîte en plastique violette contenant leurs lettres d'amour avait survécu indemne à l'écrasement de tout ce qu'ils possédaient.

Sauvés des décombres

Les sœurs et leur famille ont déménagé plusieurs fois pour se mettre à l'abri, emmenant à chaque fois les chats, jusqu'à ce que la maison où elles se trouvaient soit la cible d'un missile. C'était en fin de soirée, la plupart des habitants de l'appartement du troisième étage dormaient déjà.

Ghada était assise à côté de sa mère, bavardant comme elles le faisaient souvent avant de se coucher. Elle n'a pas entendu le missile. En fait, presque tout le monde affirme que les personnes se trouvant à l'intérieur d'une maison ciblée n'entendent pas la bombe. On dit que si l'on peut l'entendre, c'est que l'on est assez loin.

Au lieu de cela, Ghada a décrit avoir vu un éclair de lumière rouge avant de sentir un poids sur son dos. Son bras était étrangement tordu autour de son cou et au-dessus de sa tête.

Mais il n'y avait aucun son, jusqu'à ce qu'elle commence à entendre les craquements des débris qui tombaient. Elle a vu ses membres rebondir sous le poids du béton brisé qui frappait et tordait ses jambes devant elle.

La poussière brûle et aveugle ses yeux. Elle essaya de tâter le terrain à la recherche de sa mère, mais elle n'était pas sûre que sa main bougeait vraiment.

Elle appelle « Ummi [maman] », mais ne reçoit aucune réponse.

Elle a prononcé la shahada, le dernier testament d'un musulman devant Dieu à l'approche de la mort. Mais elle était encore en vie, et bientôt elle entendrait son jeune frère Qusai (ce n'est pas son vrai nom) crier : « Est-ce que quelqu'un est en vie ? »

Layan a vécu ce moment différemment. Elle a entendu le missile.

En règle générale, il émet un bruit sourd lorsqu'il fend l'air, suivi d'un boum lorsqu'il frappe. Layan a entendu le souffle et a attendu le boum, qui n'est jamais venu, ce qui l'a déconcertée.

Au lieu de cela, un bourdonnement d'oreille est venu troubler ses pensées. Sa bouche était remplie de gravier et de terre qu'elle s'efforçait de recracher.

Elle a essayé de bouger mais n'y est pas parvenue et a réalisé à ce moment-là qu'elle était ensevelie sous les décombres. Elle a prononcé la shahada et attendu la mort, puis a entendu la voix de son frère Qusai qui appelait : « Y a-t-il quelqu'un de vivant ? »

Elle s'écrie : « Je suis là ! Je suis vivante ! », mais elle n'entend pas sa propre voix. Terrorisée, elle essaye à nouveau d'appeler, mais ne peut à nouveau s'entendre, incertaine d'être vivante ou morte.

Elle prononce à nouveau la shahada et appelle son frère. Le bourdonnement dans ses oreilles s'estompe pour laisser place à un silence intérieur effrayant.

Elle entendait les sauveteurs se déplacer, mais pas sa propre voix, et pensait qu'elle était devenue muette. Elle imaginait une mort lente sous les décombres, seule dans le froid et l'obscurité, personne ne pouvant entendre ses cris pour la sauver.

« J'ai dû m'évanouir », dit-elle, « car la chose suivante que j'ai vue, c'est que plusieurs sauveteurs étaient en train de dégager mon corps des décombres ».

« Tout notre monde »

Plusieurs membres de leur famille sont tombés en martyrs ce jour-là. Israël a assassiné deux des frères et sœurs de Layan, des cousins, des tantes et des oncles, leurs conjoints et leurs enfants, les deux chats que Layan avait promis de protéger et, plus douloureusement encore, leur mère.

« Elle était tout pour nous », me disent Layan et Ghada. Elles me montrent des photos d'elle, matriarche bien-aimée au centre et à la tête de leur famille très unie.

Ghada l'appelle parfois dans son sommeil, réveillant les autres femmes présentes dans la chambre d'hôpital.

Là encore, la seule chose qui ait survécu à la seconde bombe est la boîte en plastique violet contenant leurs lettres d'amour et leurs notes.

« Dieu a épargné nos lettres parce que notre amour est vrai, pas seulement un bombardement, mais deux », dit-elle, avant d'ajouter : « Je veux juste savoir qu'il va bien ».

Une semaine après le début de mon séjour à Gaza, elles m'ont appelé dans leur coin de la chambre d'hôpital dès que je suis entrée après une longue journée passée ailleurs à Gaza. Elles sont toutes les deux en joie, des sourires s'étirant sur leurs beaux visages.

« Nous t’avons attendue toute la journée pour t’annoncer la bonne nouvelle », disent-elles, et je suis excitée et curieuse de l'entendre.

Elle me fait signe de m'approcher. J'approche mon oreille de son visage et elle murmure : « Laith est vivant. Il est dans la prison de [nom non divulgué] ! »

Je suis aux anges de savoir que cet homme que je n'ai jamais rencontré est en vie, et j'implore Dieu de le protéger et de le ramener à Layan. Je prie pour qu'ils se retrouvent et je me sens honorée d'avoir été autorisée à partager ce rare moment de soulagement et d'espoir à cette heure.

La télévision israélienne a récemment diffusé des vidéos d'une prison inconnue montrant des abus et des tortures systématiques sur des Palestiniens qu'ils ont kidnappés. Je me suis demandé si Laith faisait partie des hommes contraints de prendre des positions dégradantes pendant que les Israéliens parlaient d'eux comme s'ils étaient de la vermine.

Je pense à Laith lorsque je lis les récits de la propagande occidentale sur les viols massifs commis par le Hamas. Je sais qu'ils répètent les mensonges sionistes, non seulement parce qu'ils n'offrent aucune preuve, mais aussi parce que des journalistes honnêtes du monde entier ont fait voler en éclats leurs récits, en particulier l'article honteux du New York Times coécrit par une ancienne responsable militaire israélienne qui a liké des commentaires génocidaires sur les médias sociaux, dont l'un disait qu'Israël devait « transformer la bande de Gaza en un abattoir ».

Je sais au fond de moi que ce sont des mensonges car, comme la plupart des Palestiniens, nous comprenons les valeurs qui animent le Hamas.

On peut critiquer le Hamas sur bien des points, et beaucoup le font. Mais le viol, et encore moins le viol collectif, n'en fait pas partie.

Même les plus grands détracteurs du Hamas, y compris Israël, savent que de tels actes ne seraient jamais tolérés dans ses rangs et que, dans le cas improbable où ils se produiraient, ils seraient sanctionnés par l'expulsion et/ou la mort.

Que Dieu protège Laith et tous les combattants palestiniens qui ont quitté leur famille pour sacrifier leur vie pour notre libération collective.

Je continuerai à imaginer un jour où Layan et lui seront à nouveau réunis, leur maison reconstruite à Gaza et remplie de babillages de leurs enfants et de réunions de famille de ceux qui seront encore en vie.