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29/08/2023

LUIS E. SABINI FERNÁNDEZ
USA-Israël : une solidarité “à l’épreuve des balles” quelque peu mise à mal

Luis E. Sabini Fernández, Revista Futuros, 27-8-2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La “réaction morale” des sionistes indignés par les nouvelles exigences de l’administration Biden à l’égard de l’État d’Israël en ce qui concerne les “droits des Palestiniens” vaut son pesant de hoummous.

 
Derniers sondages : humeur anti-israëlienne aux USA
Danziger, The Rutland Herald

Nous craignons que Biden lui-même ne soit choqué. Mais c’est une expression de l’époque, si démocratique, si pluraliste, si antiraciste, si attachée au politiquement correct ; cet air du temps a mis Biden et son équipe “progressiste” dans un sacré pétrin idéologique et tactique.

Nous n’avons plus de Teddy Roosevelt qui a choisi la politique du bâton pour redresser la ligne des nations satellites, nous n’avons plus de Winston Churchill qui se vantait de gazer les “nègres cabochards” ou de bombarder leurs villages ; nous n’avons plus (du moins dans l’arène politique), de WASP pur jus proclamant sur des bases éthiques, religieuses et scientifiques que la race blanche a été chargée par Dieu de guider et/ou de domestiquer les autres races (ou de les écarter du chemin, si elles dérangent plus que de raison).

Caroline, indignée, ne mâche pas ses mots : « Le rapport du département d’État nie fermement que l’État juif ait le droit d’imposer ses lois aux citoyens arabes ». [1]

Caroline poursuit : « Prenons, par exemple, la section du rapport sur les efforts d’Israël pour lutter contre l’occupation illégale des terres par les Bédouins dans le sud d’Israël. Selon l’ONG israélienne Regavim, qui documente les constructions arabes illégales, la minorité bédouine d’Israël a occupé dans le Néguev des terres plus vastes que Jérusalem, Tel Aviv et Beersheba réunis... Quelque 82 000 Bédouins - moins de 1 % de la population israélienne - ont occupé quelque 60 000 ha. Les 99 % restants d’Israël résident sur quelque 232 000 acres [un peu moins de 100 000 ha] ». Caroline utilise la comparaison de Regavim mais ne dit pas que ce que les Bédouins habitent est un désert dans lequel les humains survivent avec un minimum de moyens, et que les autres millions d’habitants d’Israël le font dans d’autres conditions, radicalement différentes, urbaines et industrielles.

Selon Hashomer Hadahash, une autre ONG israélienne, « qui protège les terres rurales israéliennes contre le terrorisme agricole arabe [sic], les Bédouins sont devenus des bandits qui exigent une rémunération pour leur protection ».

Caroline est déterminée à inverser le discours sur ce qui s’est réellement passé. Si ce n’était pas historiquement méprisable, on pourrait applaudir la construction d’un tel livret.

Récapitulons : Caroline voit « les efforts d’Israël pour lutter contre les empiètements illégaux des Bédouins dans le sud d’Israël ». Cependant, les Bédouins ont habité cette région - le désert du Néguev - pendant des siècles avant que les sionistes ne décident, au XXe siècle, de s’approprier ce territoire. Caroline parle de prise de terre “illégale” parce que les Bédouins n’ont pas utilisé le droit de l’occupant ; sans doute, le bon sens ancestral ne leur aurait jamais conseillé d’utiliser ce droit, car le droit de l’occupant n’est pas fait pour être exercé par l’occupé : les Bédouins occupent parce qu’ils savent pertinemment, ou par leur propre expérience du colonialisme, que les revendications juridiques des “originaires” n’existent pas ; si elles existent, elles ne sont pas reconnues.

Les Palestiniens en général, bédouins ou non, n’ont donc aucune protection juridique en Israël ; c’est pourquoi les Palestiniens dont les terres ont été prises (et généralement beaucoup plus) ne se sont vu reconnaître aucun droit en Israël, malgré toutes les dispositions “internationales” en faveur des réfugiés, qui obligent les États à verser diverses réparations, ce qu’Israël n’a jamais respecté.

Même le quotidien israélien Haaretz a rapporté dès 2016 que « 95 % de l’eau disponible dans la bande de Gaza serait imbuvable et mélangée aux eaux usées et aux pesticides ».[2]

On n’a pas tout vu, Sancho ! Mentionner si souvent le “terrorisme arabe” sans indiquer les éléments déclencheurs : ce que le sionisme a fait au fil des décennies et maintenant depuis des siècles, c’est - précisément - exercer le terrorisme sur la population arabe palestinienne, afin de continuer à la déposséder de ses terres. Déraciner les orangers, les vignes et les oliviers, dont certains sont centenaires ; déverser les eaux usées de leurs localités sur les terres côtières où vit, par exemple, la population de la bande de Gaza ; empêcher les agriculteurs et les villageois palestiniens de stocker l’eau de pluie qui se raréfie et appliquer ainsi des “garrots”. L’invasion de leurs villages, que les Palestiniens entretiennent en s’en tenant à leurs petites cultures soigneusement entretenues, si éloignées des projets agro-industriels promus dans l’Israël moderne, chargés de produits agrochimiques toxiques.

Cette curieuse invocation des droits de l’homme par des violateurs systématiques et de longue date montre à quel point il est difficile de parvenir à des accords qui soient équitables et dignes.[3]

Qu’est-ce qui a déclenché cette vague de plaintes, d’avertissements et de contre-plaintes ? Une simple remarque du président Biden sur le comportement d’Israël à l’égard des Bédouins, par exemple, « le fait d’ignorer leur mode de vie semi-nomade ».[4]

Il existe cependant d’autres points d’achoppement qui pourraient expliquer tant de malaise.

Pramila Jayapal, membre de la Chambre des représentants des USA, a provoqué un court-circuit en jouant le rôle du petit garçon qui demande à haute voix lors du défilé : « pourquoi le roi est nu ? » Alors, la vérité est devenue incontournable, incontrôlable.

La démocrate basanée d’origine indienne Jayapal a dit un mot : qu’Israël était “raciste”. Rien que ça.

Dans la même chambre, une foule d’autres démocrates sont venus démentir une telle affirmation, et ils ont déclaré publiquement qu’ils passaient la main sur le dos de l’entité non plus mythique mais biblique qu’ils ont parrainée et protégée (inversant les relations habituelles, cette entité biblique a nourri la grande majorité des membres du Congrès usaméricain sous la forme d’aumônes toujours généreuses).

Il y a quelques années, un quatuor de femmes critiques à l’égard de la conduite d’Israël a été formé au sein du caucus démocrate, qui s’est récemment élargi à huit membres (aujourd’hui mixtes), surnommés “l’Escouade”. Mais n’oublions pas que les membres démocrates du Congrès usaméricain sont actuellement au nombre de 212 (ils sont en minorité) et que, par une simple règle de trois, nous constatons que l’“Escouade” ne constitue même pas 4 % de ce corps législatif...

 

Patrick Chappatte, Le Temps, Lausanne

Mais l’indignation de Caroline Glick ne connaît pas de limites et porte le discours d’inversion de la vérité à de nouveaux sommets.

Elle affirme : « Biden s’est ingéré dans les querelles internes israéliennes sur les procédures judiciaires d’une manière dont le gouvernement usaméricain ne l’a jamais fait auparavant ». [1]

L’affirmation de Glick est vraisemblablement vraie ; ce qui est frappant, c’est l’aveuglement militant de la commentatrice qui ne veut même pas voir que les Israéliens se sont ingérés dans les querelles intérieures usaméricaines sur un nombre immense de questions : la violence dans les pays musulmans, les rapports qui se sont révélés faux sur l’armement de pays “inamicaux”, les assassinats par l’armée israélienne de citoyens usaméricains tels que Rachel Corrie ou la journaliste palestino-usaméricaine Shireen Abu Akleh ; l’expansion territoriale israélienne pendant les visites présidentielles usaméricaines, le contrôle de la frontière usaméricano-mexicaine par des entreprises israéliennes, avec l’“assistance"” par exemple, du Groupe Golan, ne sont que quelques exemples de l’influence israélienne sur la vie et les décisions des USA et de leur population.

Certains chercheurs vont beaucoup plus loin et parlent d’une véritable dépendance ou soumission usaméricaine aux décideurs israéliens. Voir, par exemple, l’approche de Gilad Atzmon, lui-même juif[2] : « Les USA sont prêts à sacrifier leurs jeunes soldats, leurs intérêts nationaux et même leur économie pour Israël. Les groupes de pression israéliens semblent croire qu’ils sont en fait plus puissants et certainement plus importants que la constitution américaine. » [3]

Deux intellectuels usaméricains, John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt, posent la question suivante et y répondent : « Pourquoi les USA sont-ils prêts à mettre leur propre sécurité de côté dans l’intérêt d’un autre État ? Nous pourrions supposer que le lien entre les deux pays repose sur des intérêts stratégiques communs ou sur des impératifs moraux impérieux. […] Toutefois, aucune de ces deux explications ne justifie l’important soutien matériel et diplomatique que les USA apportent à Israël. Au contraire, l’orientation de la politique usaméricaine dans la région est presque entièrement due à la politique intérieure des USA, en particulier aux activités du “lobby israélien” ». [4]

Le boucher Ariel Sharon a dit la même chose d’une autre manière : « Nous, les Juifs, contrôlons l’Amérique et les Américains le savent ». Il n’avait pas tort, même si une telle franchise est dégoûtante.

Nous vivons une époque de sensibilité accrue à l’escamotage des libertés démocratiques... les nôtres.

Ainsi, Weinthal nous rappelle douloureusement que « l’ingérence présumée de Biden dans les affaires intérieures d’Israël a été une source d’angoisse pour certains Israéliens et pour plusieurs candidats républicains à l’élection présidentielle ». (ibid.)

Biden ne peut supporter tant de douleur et de vexation israéliennes : « Il a dit à Herzog de transmettre à Netanyahou la conviction que l’engagement de l’Amérique envers Israël est ferme et à l’épreuve des balles ». (ibid.)

Et pour parfaire la réconciliation, Joe Biden a promis un “plan national contre l’antisémitisme”.[5]

La Double alliance (qui est en fait une triple alliance avec le Royaume-Uni) reste intacte.

Notes

[1]   Caroline Glick, ”The Biden Adminstration Sinister Turn Against Israel”, Newsweek,  24 marzo 2023.

[3]  La violence terroriste en Palestine est attestée par les assassinats des commandos sionistes depuis au moins la deuxième décennie du XXe siècle ; les premiers attentats perpétrés par des organisations palestiniennes datent de la septième décennie du même siècle : pendant un demi-siècle, les Palestiniens , en matière de “terrorisme”, n'en ont été que des victimes..

[4]  Glick, ibid.

[5]   Weinthal, Benjamin. "Biden criticism of Netanyahu govt sparks anger as Israeli president set to address Congress", Fox News, 2023 07 19.

[6]   Non seulement juif, mais sioniste d'origine et croyant en son grand-père, organisateur de la violence contre les Palestiniens. En tant que conscrit, il avoue avoir eu le choc de sa vie, car il a découvert, sous les rires de ses pairs, les cages - qu'il avait prises pour des chenils - dans lesquelles étaient enfermés les Palestiniens les plus dignes ou les plus rebelles ; des cages où l'on ne peut ni s'allonger, ni se lever. Et en même temps, il a rencontré personnellement des Palestiniens emprisonnés et très dignes. La secousse psychique fut si forte qu'il quitta d'abord l'armée, puis le sionisme et enfin le pays et la tribu. Aujourd'hui, il n'a qu'une seule citoyenneté : britanniques.

Ça vient du Premier ministre Netanyahou:
"SVP, respectez le droit à l'existence de l'État d'Israël.
Nous apprécions votre coopération pendant que nous le construisons sur votre dos.
XO (Câlins et bisous),
Bibi
"
Dessin de Christofer Weyant, The Boston Globe

10/06/2023

AYMAN ODEH
Combien de temps les protestataires contre la refonte judiciaire pourront-ils ignorer l'occupation israélienne ?

Ayman Odeh, Haaretz, 4/6/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Ayman Odeh (Haïfa, 1975) est un avocat et homme politique palestinien de 1948. Il dirige le parti communiste d'Israël Hadash/Ta'al et il est député à la Knesset de la coalition Liste unifiée (al-Qa'imah al-Mushtarakah/HaReshima HaMeshutefet), dont il est le président.

Depuis 22 semaines, des centaines de milliers de citoyens israéliens descendent dans la rue pour lutter pour la démocratie. C'est impressionnant et émouvant, et cela m'inspire un grand respect. Je n'ai pas été invité à dire quoi que ce soit lors de ces manifestations. Je ne suis ni blessé ni surpris, mais je sais que ces centaines de milliers de manifestants sont mes futurs partenaires dans la création d'une vie meilleure pour ce pays.

“J’ai peur des missiles, mais encore plus de la dictature” : manifestation contre le coup d'État judiciaire dans le centre de Tel Aviv, en mai dernier.
Photo : Tomer Appelbaum

Peut-être mes positions sont-elles difficiles à accepter pour certains d'entre eux, peut-être les organisateurs ont-ils choisi de dissimuler certaines opinions, craignant que le fait de parler de l'occupation et de la paix ne fasse fuir un grand nombre de manifestants.

Je profite donc de cette tribune pour me tourner vers les chers manifestants de la rue Kaplan et leur demander de consacrer quelques minutes à la réflexion sur le lien entre démocratie et occupation.

Nous vivons une réalité tragique dans ce pays, qui a connu tant d'effusions de sang que le mot “paix” semble presque étranger. C'est paradoxal, car nous savons que la question de la paix, ou du “conflit”, comme on aime à l'appeler, est la plus importante.

La grande majorité des Israéliens et des Palestiniens souhaitent vivre en sécurité, sans guerre, sans conflit. Mais même si de nombreuses personnes travaillent à l'instauration de la paix, l'occupation se durcit et la paix s'éloigne.

Certains pensent que le conflit peut être géré, qu'il n'a pas besoin d'être résolu. Mais ces dernières semaines, avec une nouvelle série de violences horribles, avec la reconnaissance par l'ONU de la Nakba palestinienne de 1948, avec la Marche des drapeaux raciste et la violence envers les Palestiniens à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, nous avons reçu un nouveau rappel de la fausseté d'une telle conception.

Une politique de gestion du conflit ignore complètement la vie quotidienne de millions de Palestiniens qui se réveillent chaque matin pour une nouvelle journée de contrôle répressif sur leur vie. Pour eux, la gestion du conflit n'est pas une stratégie dont on peut s'accommoder jusqu'au prochain round, mais plutôt une réalité de souffrances permanentes qui pèsent sur les deux parties.

Il y a aussi ceux qui ne sont pas intéressés par la gestion ou la résolution du conflit, mais par la résolution du problème palestinien par le feu messianique du transfert, l'exacerbation de la violence et l'adoption rapide d'une abomination inimaginable. Je ne parle pas avec ces gens-là, évidemment, mais à ma grande joie, ils sont encore une minorité, même s'ils occupent actuellement des positions de pouvoir au sein du gouvernement.

 

"On est là pour sauver la démocratie juive !"


Mais notre tragédie est plus complexe. C'est une tragédie qui consiste en une réalité dans laquelle une majorité des deux peuples soutient les négociations pour une paix véritable, basée sur deux États, mais où il n'y a pas de négociations. Cette situation est tragique parce que la plupart des gens, après avoir désespéré, ne s'attaquent pas au problème. Les Israéliens savent que la seule solution à long terme qui ne rappelle pas les régimes obscurs est un accord de paix entre les deux nations.

Je pense que si l'on interrogeait la plupart des Israéliens, ils seraient même capables d'énoncer les principales composantes d'une telle paix, qui relèvent presque du bon sens. Mais en dépit de cette simplicité, nombreux sont ceux qui pensent que ce n'est tout simplement pas faisable à l'heure actuelle, si tant est que cela l'ait jamais été.

C'est profondément tragique, car nous ne sommes pas en stase, dans une situation où l'attente laisserait les choses inchangées, dans un sens ou dans l'autre. Notre situation est plutôt celle d'une cocotte-minute sur le feu, qui explosera si nous continuons à attendre sans agir. Cela pourrait prendre la forme d'une troisième intifada, d'une guerre à Gaza ou de toute autre forme d'effusion de sang destructrice qui ferait des milliers de victimes de part et d'autre.

C'est pourquoi il est important pour moi de lancer un appel à tous les chers manifestants. Le mouvement de protestation ne peut pas continuer à ignorer l'occupation. Après tout, la raison sous-jacente de la tentative de briser le système judiciaire, la société civile et les frontières démocratiques est de donner au fascisme les coudées franches dans les territoires, afin d'y perpétrer des crimes horribles sans aucune interférence.


"Démocratie pour tous" : manifestation du Bloc anti-occupation en mai. Photo : Fadi Amub : Fadi Amub

Dans un sens plus profond, l'occupation est le cordon ombilical du fascisme israélien. Partout ailleurs dans le monde, le fascisme se développe soit au sein du grand capital, soit dans les rangs des généraux de l'armée, mais ici, tant les généraux que le grand capital s'opposent à la refonte du système de gouvernement. Ici, la source du fascisme est l'occupation et les colonies, d'où viennent Itamar Ben-Gvir, Bezalel Smotrich et Simcha Rothman, et où se trouve leur principal soutien.

Par conséquent, la demande de mettre fin à l'occupation doit faire partie intégrante de la protestation, en partant du principe qu'il n'y a pas de démocratie en même temps qu'une occupation, et que l'occupation a besoin d'une révision judiciaire pour alimenter ce cycle qui se perpétue de lui-même.

Cette semaine marquera le 56e  anniversaire du début de l'occupation. Ce qui a commencé comme la mal nommée guerre des six jours s'est transformé en une guerre de 56 ans. Pour marquer cet événement, nous avons décidé d'organiser samedi une marche qui est partie de la rue Dizengoff pour rejoindre ensuite la grande manifestation de la rue Kaplan. Cette marche n'avait qu'une seule exigence : demander la fin de l'occupation et la paix sur la base de deux États pour deux peuples.

J'espère du fond du cœur que beaucoup jugeront bon de se joindre à cette cause : Juifs et Arabes, tous ceux qui ont encore de l'espoir, mais aussi ceux qui ressentent un profond désespoir, qui verront peut-être qu'en marchant avec nous, ils ne sont pas seuls. Peut-être y trouveront-ils un peu d'espoir dans cette période sombre. Nous avons le devoir de brandir ensemble la bannière de la paix, sinon la bannière noire de l'occupation continuera de flotter.

Certains diront que ce sont des espoirs vains. Que c'est la réalité et qu'il faut simplement l'accepter. Mais même si beaucoup ont désespéré de la paix, nous devons nous rappeler qu'en 2001 et 2008, nous en avons été très proches. Et que tous les tyrans sont destinés à tomber à la fin, que chaque peuple occupé continuera à se battre pour sa liberté et que la paix vaut tous les efforts. Je suis plein d'espoir qu'après avoir vaincu le désespoir, nous pourrons, ensemble, instaurer la paix.

30/05/2023

Haredim ? Vous avez dit Haredim ?
Des ghettos dans le ghetto

Les Haredim (singulier haredi, racine harada, peur) : c’est ainsi qu’on désigne en hébreu les ultra-orthodoxes juifs, les “craignant Dieu”, littéralement les “terrifiés” à l’idée de violer une des 613 mitzvot, les prescriptions contenues dans la Torah. Selon la tradition établie par Maïmonide (Abou Imran Moussa ibn Maïmoun ibn Abdallah al-Kourtoubi al-Yahoudi, Moïse fils de Maïmoun ibn Abdallah le Cordouan juif,) né à Cordoue en 1138 et mort à Fostat (première capitale arabe de l’ Égypte) en 1204, ces 613 mitzvot  (voir liste) se divisent en « 365 prescriptions négatives, comme le nombre de jours dans une année solaire, et 248 prescriptions positives, comme le nombre d’organes dans le corps humain ». Les 10 Commandements bibliques, repris par les chrétiens et les musulmans (Sourates du Bétail et de l’Ascension), peuvent être considérés comme une synthèse de ces prescriptions.

Les Haredim, s’ils ont quelques piliers communs (séparatisme, règles patriarcales, refus de la “modernité”) sont divisés en une multitude de sectes, courants, tendances, qui vont du sionisme le plus agressif (colons de Cisjordanie) à un antisionisme militant (Naturei Karta). Les clivages entre eux passent aussi par les origines ethniques, selon qu’ils sont ashkénazes, séfarades ou mizrahis (arabes/“orientaux”). ; Dans l’imaginaire israélien d’aujourd’hui, une des grandes fractures dans la société juive oppose le bloc des “ laïcs-ashkénazes-bourgeois progressistes” à celui des “haredim-racisés-pauvres-réactionnaires”. Les choses ne sont pas si simples. Ci-dessous quatre articles traduits par mes soins, pour éclairer notre lanterne sur ces “ghettos dans le ghetto”.-Fausto Giudice, Tlaxcala

Amos Biderman, Haaretz, 2012

Ce dont l’Israël laïque a besoin, c’est d’un dialogue avec les ultra-orthodoxes, et non d’une rage mal orientée

Anshel Pfeffer, Haaretz, 19/5/2023

Les contribuables israéliens sont furieux que leur argent aille à des écoles qui enseignent à peine les matières générales et à des hommes qui étudient la Torah au lieu de trouver un emploi. C’est compréhensible, mais l’origine de cette colère est moins claire

Des garçons ultra-orthodoxes regardent une marche de protestation contre le transfert de fonds publics aux communautés haredi, à Bnei Brak, le mercredi 17 mai 2023. Photo : Itai Ron

Mercredi soir 17 mai, quelques milliers de manifestants ont participé à ce que certains organisateurs ont appelé une “marche de la rage” dans la ville haredi de Bnei Brak. Il n’y a pas eu beaucoup de rage, juste quelques vilaines altercations verbales et quelques tentatives de dialogue. Certains habitants de Bnei Brak ont installé des stands offrant aux manifestants de l’eau, des gâteaux et même du tcholent [dafina/tafina en arabe maghrébin].

L’objectif de la marche était de protester contre les près de 14 milliards de shekels (3,515 milliards d’euros) de “fonds de la coalition” discrétionnaires dans le budget de l’État 2023-24 que la Knesset devrait approuver dans les jours à venir, qui comprend de grandes sommes de financement pour les réseaux d’éducation ultra-orthodoxes et l’augmentation des allocations pour les étudiants de yéchiva mariés. Mais si l’on peut comprendre la rage des contribuables israéliens de voir leur argent aller à des écoles qui enseignent à peine les matières générales, voire pas du tout, et à des hommes qui prévoient de poursuivre des études religieuses à temps plein au lieu de trouver un emploi, la cible de cette rage est moins claire.

Bnei Brak a été choisie simplement parce qu’elle est la plus grande ville haredi et qu’elle est proche de Tel Aviv. Mais ses habitants sont loin d’être les seuls à blâmer. Ils n’ont pas leur mot à dire sur les candidats à la Knesset des partis pour lesquels ils votent ou sur les politiques qu’ils promeuvent. Ces décisions sont prises par les grands rabbins des conseils des sages de la Torah qui contrôlent les partis. Si personne n’a forcé, dans l’intimité de l’isoloir, 60 % des électeurs de la ville à choisir le Judaïsme Unifié de la Torah et 30 % le Shas lors des élections de novembre dernier, ils n’ont pas vraiment eu le choix en la matière. Ils appartiennent à une communauté dont le principe d’organisation est d’obéir aux édits de leurs rabbins, et cela vaut également pour le vote.

Il y a quelque chose d’anormal dans le fait de protester contre une communauté entière. Non pas parce que, comme certains porte-parole haredi ont essayé de le prétendre, protester contre eux s’apparente à de l’antisémitisme. Cette affirmation fallacieuse repose sur l’hypothèse erronée que les Haredim ont quelque chose de plus “authentiquement juif” que les Israéliens non haredi. Mais puisqu’il n’y a pas de protestations contre d’autres communautés où l’écrasante majorité des résidents a voté pour les partis de la coalition, pourquoi Bnei Brak devrait-elle être montrée du doigt ?

Il serait plus judicieux de manifester devant les domiciles des politiciens haredi ou des grands rabbins, comme c’est régulièrement le cas devant les domiciles de plusieurs ministres. Mais même cela serait un peu incongru car les protestations dans ce cas ne sont pas contre la refonte judiciaire, une nouvelle politique propre à ce gouvernement. Le système de l’“argent de la coalition”, qui permet d’acheter le soutien des partis haredi, existe depuis des décennies, sous de nombreux gouvernements différents, et pas seulement sous celui de Benjamin Netanyahou. C’est un système qui a sous-tendu la croissance de l’autonomie haredi en Israël, qui existe depuis la fondation de l’État et avec la bénédiction tacite de tous les gouvernements israéliens. Le seul élément qui différencie l’utilisation de “l’argent de la coalition” par ce gouvernement est son ampleur et sa rapacité.

Alors pourquoi marcher sur Bnei Brak maintenant ?

Il y a deux raisons liées. L’une immédiate et l’autre à long terme.

La raison immédiate est que les partis haredi ont été les principaux soutiens de la refonte judiciaire, actuellement suspendue pour une durée indéterminée, et qu’ils la soutiendront à nouveau si et lorsque le gouvernement relancera la législation. Et bien que les législateurs du Shas et du Judaïsme unifié de la Torah représentent moins d’un tiers des députés de la coalition, le fait qu’ils représentent une communauté qui est sous-représentée dans la population active, par choix, et qui insiste pour ne pas envoyer ses fils et ses filles au service militaire, rend particulièrement exaspérant pour de nombreux Israéliens le fait qu’ils cherchent à éviscérer la démocratie israélienne. Ce qui nous amène à la crainte à long terme.

Aujourd’hui, les Haredim constituent encore une minorité, environ 13 % de la population. Mais en raison de leur taux de natalité beaucoup plus élevé, si les tendances démographiques actuelles se poursuivent d’ici 50 ans, les Haredim, avec leurs alliés sionistes religieux, seront majoritaires. S’ils le souhaitent, ils pourront imposer à Israël une théocratie que la minorité laïque restante, si elle choisit de rester, devra financer. La marche sur Bnei Brak est une attaque préventive contre ce sombre avenir.

Mais à moins que quelqu’un n’ait un plan pour commencer à expulser les Haredim et à les priver de leur droit de vote, et je n’ai pas entendu parler d’un tel plan, il n’y a aucun moyen réaliste d’empêcher un tel résultat. Quel est donc l’intérêt ?

Cela ne signifie pas pour autant que le résultat est assuré. Il peut se passer beaucoup de choses en 50 ans. Des événements extérieurs pourraient provoquer un nouvel afflux massif d’immigrants juifs non haredi, comme le million qui est arrivé dans les années 1990 en provenance de l’ex-Union soviétique. Le taux de natalité des juifs haredi pourrait diminuer, et certains signes indiquent que c’est déjà le cas. Le taux d’attrition - les personnes qui choisissent de quitter la vie haredi - pourrait augmenter, ce qui semble se produire également. Et les jeunes qui choisissent de rester haredi pourraient également changer de perspective, devenir moins insulaires et plus libéraux, recevoir une meilleure éducation pour eux-mêmes et, surtout, pour leurs enfants, ce qui leur permettrait d’entrer sur le marché du travail et d’occuper de meilleurs emplois. Comme on dit, la démographie n’est pas une fatalité.

Et oui, la politique gouvernementale doit également changer, afin de récompenser les parents qui travaillent et choisissent une éducation générale pour leurs enfants. Ce n’est pas la politique que la coalition poursuit actuellement, il faudra donc un changement de gouvernement. Mais cela ne suffira pas sans la coopération d’au moins une partie significative des Haredim qui ont voté pour JUT et Shas en novembre, et il faut donc établir une forme de dialogue avec eux également. Tout compte fait, une marche de la rage sur Bnei Brak n’est probablement pas le meilleur moyen d’entamer un tel dialogue.

Le fond du problème est que la protestation contre les Haredim n’a pas d’idée claire de ce qu’elle veut, mais seulement de ce qu’elle ne veut pas. Les manifestants contre la “réforme” judiciaire du gouvernement ont une idée de la forme de démocratie qu’ils essaient de sauvegarder. Mais ceux qui s’opposent aux Haredim semblent vouloir arrêter le temps, ou du moins gagner un peu de temps avant que la démographie n’entre en jeu. Les Haredim, eux, ont au moins une idée de ce qu’ils représentent. En fin de compte, l’idéal haredi est un modèle socialement et financièrement insoutenable, mais ils ont au moins une idée de leur société juive idéale, même s’il s’agit d’un mythe.

L’Israël laïc a oublié ce qu’il représente. Il s’agit en fait de la société juive la plus prospère de l’histoire. Les Israéliens laïques constituent la seule communauté juive qui ait réussi à fonder un État juif, à bâtir une économie prospère, des institutions sociales offrant des soins de santé et une éducation universels, l’une des armées les plus puissantes du monde et, pour couronner le tout, à faire revivre une langue ancienne et à la transformer en la culture hébraïque vibrante d’aujourd’hui.

Il s’agit là de réalisations uniques qui méritent non seulement qu’on se batte pour elles, mais aussi qu’on en soit fier en tant que Juifs. Elles sont plus remarquables que la réussite de la communauté haredi à se reconstruire, dans l’isolement, après l’Holocauste, aussi phénoménale que soit la renaissance ultra-orthodoxe. Car le miracle [sic] de l’État juif a soutenu à la fois la société laïque et l’autonomie des Haredi.

Au cours des derniers mois, les manifestants ont remporté une bataille difficile et précieuse contre les projets anti-démocratiques du gouvernement. Il y aura sans aucun doute d’autres batailles à mener. Mais la préservation de la société libérale israélienne aux côtés d’une communauté orthodoxe croissante ne sera pas obtenue par des manifestations. Les Israéliens doivent plutôt redéfinir eux-mêmes ce qui fait d’eux la communauté juive la plus prospère de tous les temps.

Le camp libéral israélien paiera pour sa haine des Haredim

Gideon Levy, Haaretz, 25/5/2023

Les manifestations de haine à l’égard des ultra-orthodoxes ont atteint ces derniers temps un niveau sans précédent. En tant que personne qui éprouve de la sympathie à leur égard, contrairement à la norme dans la société laïque et libérale, en tant que personne qui pense qu’ils sont victimes de leur différence et qui pense que les colons méritent un opprobre bien plus grand pour leur violence et pour les dommages considérables causés par l’ensemble du projet de colonisation, la haine croissante à l’égard des Haredim me donne beaucoup à réfléchir.

Un haredi se dispute avec un manifestant à Bnei Brak. Photo : Ben Cohen

Les Haredim et leurs dirigeants sont en partie, mais pas entièrement, responsables de cette situation. Le fait que le public libéral laïc n’éprouve plus guère de sympathie, de compréhension ou de compassion à leur égard, malgré leur terrible pauvreté, devrait les inquiéter sérieusement. Même pour quelqu’un qui ne les déteste pas, il est devenu très difficile, voire presque impossible, d’éprouver de l’empathie pour eux ou de les soutenir. Ils ne peuvent pas l’ignorer.

C’est ostensiblement leur heure de gloire, une époque de financement illimité et de législation à leur convenance, une époque où le gouvernement dépend d’eux pour sa survie. Leurs dirigeants s’emparent de tout ce qu’ils peuvent obtenir. De telles opportunités ne se présentent pas tous les jours. Yitzhak Goldknopf [rabbin, chef du parti Agoudat Israel, fondé en 1911 à Katowice pour s’opposer au sionisme, puis rallié au projet sioniste, NdT] est au top de sa forme en ce moment, riant tout le long du chemin vers la shul [synagogue], arborant une élégante écharpe Louis Vuitton sur ses épaules. Mais lui, et le public qu’il représente d’autant plus, doivent aussi penser au jour d’après. Il viendra sûrement, même si ce ne sera pas si tôt. La haine qui s’accumule aujourd’hui finira par leur nuire. Elle leur fait déjà mal. Essayez de vous promener en portant un schtreimel [toque de fourrure des haredim, NdT] dans certaines villes et certains quartiers. La démographie est peut-être de leur côté, mais cela ne signifie pas qu’ils sont invincibles. Être une communauté détestée, même si cette communauté est importante, n’est pas une chose simple. Cette haine leur explosera un jour au visage et ils pourraient en payer le prix fort.

Ils sont haïs parce qu’ils sont insulaires et différents - dans leurs vêtements, leur langue, leur culture, leur mode de vie, leur foi, leur monde tout entier. Cette haine est inacceptable et doit être combattue. Israël n’aime pas non plus les pauvres et vénère les riches, et les Haredim sont pauvres. Mais ces dernières années, la haine à leur égard a grimpé en flèche en raison de ce qui est perçu comme leur cupidité, agressivité, pouvoir et arrogance. Il sera plus difficile de s’opposer à cette haine. Ils en paieront le prix.

Il est dommage que le camp libéral soit si prompt à leur reprocher de ne pas effectuer de service militaire - ne pas servir dans l’armée et servir dans l’armée devraient tous deux être hautement problématiques pour toute personne éclairée. Mais ce n’est qu’une des raisons qui poussent les gens à les détester. Le problème principal est leur refus massif de travailler. Cela ne peut être défendu, même par quelqu’un qui ne partage pas la haine générale à leur égard. Cela ne peut plus être excusé ou expliqué.

Ils doivent le comprendre, ainsi que leurs dirigeants. Continuer à vivre dans un ghetto détesté ne leur apportera pas grand-chose à terme. Les flammes de la haine envers les pauvres haredi, que l’État finance avec toutes sortes d’avantages et de budgets spéciaux, seront attisées par les pauvres non haredi qui travaillent dur et restent pourtant englués dans la pauvreté sans aucune aide de l’État. Pour l’instant, les Haredim s’en moquent, ils sont imperméables à la haine grandissante. Mais lorsqu’un jour le gouvernement changera et que d’autres priorités seront fixées, ils risquent de se retrouver dans une situation qu’ils n’ont jamais connue auparavant. En plus d’être la cible d’ostracisme et de commentaires offensants, ils pourraient bien découvrir que l’État et la société israéliens ont tourné le dos à tous leurs besoins.

Déjà, on n’entend aucune compassion pour leur pauvreté, et toute mention de celle-ci est considérée comme hérétique. Leurs villes sont les plus pauvres du pays, leurs armoires sont souvent douloureusement vides, mais très peu d’Israéliens laïques sont encore touchés par cette situation. Aujourd’hui, les Haredim sont rendus responsables de tout, y compris de leur pauvreté, et ce à juste titre. Le fait que, ces dernières années, leur racisme à l’égard des Palestiniens ait considérablement augmenté, ainsi que le fait qu’ils soient devenus l’une des plus importantes populations de colons, rendent encore plus difficile l’expression d’une sympathie libérale à leur égard.

Ils pourraient bien sûr ignorer tout cela et continuer à agir de la même manière. Mais peut-être certains d’entre eux se poseront-ils la question, comme il se doit : Pourquoi sommes-nous si détestés ? Quel rôle avons-nous joué dans cette haine ? Et y a-t-il un moyen de l’atténuer, ne serait-ce qu’un peu ?

 

Augmentation de 46 % du nombre d’hommes étudiant dans les yéchivas et les kollels depuis 2014

Les Haredim sont la population qui croît le plus rapidement ; ils représenteront 16 % des Israéliens à la fin de la décennie.

Judah Ari Gross

Le groupe comprend 1,28 million de personnes en 2023 ; les femmes haredi rejoignent de plus en plus la population active tandis que le nombre d’hommes stagne ; le taux de pauvreté est deux fois plus élevé que dans la population générale.

Selon un rapport statistique annuel publié lundi, la population ultra-orthodoxe d’Israël est passée à 1,28 million de personnes, soit 13,5 % des 9,45 millions d’habitants que compte le pays.

Les données du Bureau central des statistiques montrent qu’avec le taux de croissance actuel de 4 % de la population ultra-orthodoxe - le plus élevé de tous les groupes en Israël -, celle-ci représentera 16 % de la population totale à la fin de la décennie.

Plus de 40 % de ces 1,28 million de personnes vivent dans deux villes, Jérusalem et Bnei Brak, à l’extérieur de Tel Aviv. Sept pour cent vivent à Beit Shemesh, et la plupart des autres vivent dans des villes et des colonies à prédominance ultra-orthodoxe comme Modiin Illit, Beitar Illit et Elad, ou dans de petites enclaves dans des grandes villes comme Ashdod, Petah Tikva, Haïfa, Rehovot et Netanya.

L’analyse, compilée par le groupe de réflexion Israel Democracy Institute, donne un aperçu de la population ultra-orthodoxe, ou haredi, d’Israël, qu’elle considère comme pauvre, en croissance rapide, avec une éducation formelle laïque extrêmement limitée et un sens aigu de la communauté et de la charité.

Les données montrent que le taux de pauvreté chez les ultra-orthodoxes est deux fois plus élevé que dans la population générale, près de la moitié d’entre eux se situant en dessous du seuil de pauvreté.

Bien qu’ils soient loin derrière les autres Israéliens, les Haredim utilisent de plus en plus l’internet, en grande partie à cause de la pandémie de coronavirus, selon l’IDI.

« Le bouleversement créé par la pandémie, qui a conduit à une augmentation spectaculaire du nombre d’internautes ultra-orthodoxes, reste inchangé, et deux tiers des Haredim utilisent aujourd’hui régulièrement Internet. Nous constatons une augmentation de la proportion de femmes qui travaillent et les données incomplètes pour 2022 indiquent une augmentation de la proportion d’hommes qui travaillent », ont déclaré Lee Cahaner et Gilad Malach, qui ont édité le rapport.

L’analyse de l’IDI a révélé qu’en 2019 - la dernière année pour laquelle des données étaient disponibles - le taux de pauvreté parmi les Israéliens haredi était de 44 %, tandis que pour l’ensemble de la population, il était de 22 %. Cela représente une légère amélioration par rapport aux années précédentes, où la pauvreté haredi était plus élevée, avec un pic en 2005, lorsque le taux haredi était de 58% et le taux global de 21%.

En 2021, les taux d’emploi des femmes haredi sont légèrement inférieurs, mais à peu près équivalents à ceux de la population féminine juive non haredi, soit 78% contre 82%. Parallèlement, le taux de chômage des hommes haredi est trois fois supérieur à celui de leurs homologues juifs non haredi en 2021 : 49 % contre 14 %.

Selon l’IDI, les premières statistiques de 2022 indiquent une légère baisse du taux de chômage des hommes haredi à 46,5 %, bien que ce taux reste environ trois fois plus élevé que celui des hommes juifs non haredi.

Le nouveau gouvernement a proposé un large éventail de mesures en faveur de la population haredi, notamment l’augmentation des allocations pour les étudiants de séminaires, ce qui pourrait dissuader les hommes haredi d’entrer sur le marché du travail.

Ces chiffres représentent un changement radical dans l’emploi des Haredi par rapport à il y a 20 ans, lorsqu’un peu plus de la moitié des femmes Haredi et environ un tiers des Haredi avaient un emploi. Bien que le nombre de femmes haredi entrant sur le marché du travail ait régulièrement augmenté depuis lors, le taux d’emploi des hommes a stagné ces dernières années, oscillant autour d’un peu plus de 50 % depuis 2015, selon les chiffres de l’IDI.

Les salaires mensuels moyens des ménages haredi - 14 121 shekels (3 530 €) - étaient également bien inférieurs à ceux de leurs homologues non haredi, qui gagnaient 21 843 shekels (5 476 €).

Bien qu’ils soient beaucoup plus pauvres, les Israéliens haredi sont nettement plus enclins à donner de l’argent à des œuvres caritatives et à faire du bénévolat que les autres Israéliens juifs, selon les données du CBS.

Une enquête de CBS a révélé qu’en 2021, 86 % des Israéliens haredi âgés de plus de 20 ans ont déclaré avoir fait des dons à des œuvres caritatives, contre 58 % des Israéliens juifs non haredi. Cette proportion est restée stable pour les Israéliens haredi, alors que le nombre d’Israéliens non haredi déclarant faire des dons à des œuvres caritatives a chuté au fil des ans, passant de 72 % en 2008 à son niveau actuel.

Les Israéliens haredi sont également presque deux fois plus nombreux à déclarer avoir fait du bénévolat au sein de leur communauté, 40 % des haredim déclarant l’avoir fait, contre 23 % des Israéliens juifs non haredi.

Dans le même temps, les Israéliens haredi ne se portent généralement pas volontaires pour effectuer le service national, avec seulement 4 % des femmes haredi qui le feront en 2021 - contre 22 % des femmes juives non haredi. Les hommes haredi ne sont pas non plus très nombreux à servir dans les forces de défense israéliennes, avec environ 1 200 hommes en 2020, soit près de la moitié moins qu’en 2015.

En raison d’un taux de natalité élevé, les enfants haredi représentent près de 20 % de l’ensemble des élèves et plus d’un quart des élèves parlant l’hébreu.

La majorité - 74 % - étudie dans des écoles “non officielles mais reconnues”, qui sont censées suivre la majorité du programme de base laïque (bien que la plupart ne le fassent pas) en échange d’un financement de 75 %, 22,5 % étudient dans des écoles “exemptées” qui enseignent une plus petite partie du programme de base et reçoivent un montant proportionnel de financement de l’État, tandis que seulement 3,5 % étudient dans des écoles haredi entièrement gérées par l’État qui enseignent l’intégralité du programme de base.

Les filles haredi suivent de plus en plus le tronc commun d’État - car elles sont davantage orientées vers le salariat - et près de 60 % d’entre elles passeront les examens d’entrée à l’université en 2019/2020, soit près du double du nombre de celles qui l’ont fait en 2008-2009, d’après l’IDI.

Les garçons, en revanche, sont beaucoup moins susceptibles de passer - et encore moins de réussir - les examens d’entrée à l’université, et il n’y a pratiquement pas eu de changement au cours des 13 dernières années : 15 % d’entre eux passeront les examens en 2019-2020, contre 16 % en 2008-2009.

Dans l’ensemble, seuls 14 % des étudiants haredi ont réussi les examens d’entrée en 2019-2020, contre 83 % des étudiants juifs non haredi.

Ce nombre ne devrait pas augmenter à l’avenir, car le nouveau gouvernement a accepté en principe de financer les écoles haredi sans exiger que le programme d’études de base y soit enseigné.

Le nombre d’étudiants haredi dans les établissements d’enseignement supérieur reste disproportionnellement faible, puisqu’il représente 10,5 % de l’ensemble des étudiants en Israël, bien qu’il ait augmenté de façon spectaculaire au cours des 13 dernières années. Plus de 90 % de ces étudiants fréquentent des collèges, dont les conditions d’admission sont généralement moins strictes que celles des universités, selon les données de l’IDI.

Entre 2014 et 2021, l’IDI a constaté que le nombre d’hommes étudiant dans des yéchivas et des kollels (établissements d’études talmudiques à temps plein) a augmenté de 46 %, pour atteindre un total de 138 367 étudiants.

 

Femme en frumka [burqa + frum, dévôt en yiddish] à Meah Sharim, quartier haredi du Vieux Jérusalem. La "secte des harediot en burqa", lancée par Bruria Keren, compte quelques centaines de disciples, principalement à Beit Shemesh et à Jérusalem.
Lire
Voile intégral : en Israël, la frumka intrigue, par

Les Juifs haredi dans le monde : tendances et estimations démographiques

Dr Daniel Staetsky, Institut de recherche sur la politique juive (JPR), 3/5/2022

Un juif sur sept dans le monde est aujourd’hui strictement orthodoxe (haredi) : un nouveau rapport

S’appuyant sur de nouvelles ressources et sur les progrès réalisés dans les méthodes d’estimation, ce rapport estime et calcule pour la première fois la taille de la population haredi (strictement orthodoxe) dans le monde. Il révèle qu’environ 2 100 000 Juifs haredi vivent dans le monde, sur une population juive totale de 15 millions de personnes. Le rapport prévoit que la population haredi pourrait doubler d’ici 2040, pour atteindre plus d’un cinquième de la population totale à cette date.

Quelques-unes des principales conclusions de ce rapport :

  • La population haredi mondiale est estimée à 2 100 000 personnes, ce qui représente environ 14 % de la population juive totale dans le monde.

  • Ensemble, Israël et les USA représentent environ 92 % de l’ensemble des Juifs haredi. L’Europe accueille 5 % de la population haredi mondiale, tandis que les autres vivent principalement en Amérique latine, en Afrique du Sud, au Canada et en Australie.

  • En dehors d’Israël et des USAq, les trois plus grandes populations haredi se trouvent au Royaume-Uni (environ 75 000, soit 25 % de l’ensemble des Juifs britanniques), au Canada (30 000, 8 %) et en France (12 000, 3 %).

  • Alors que la population juive mondiale a augmenté d’environ 0,7 % par an au cours de la dernière décennie, la population haredi augmente actuellement d’environ 3,5 % à 4 % par an.

  • Aujourd’hui, une grande partie de la croissance de la population juive mondiale dans son ensemble est due à la population haredi : peut-être jusqu’à 70%-80% de la croissance totale dans le monde.

  • Les taux de croissance très élevés des Haredi ne sont pas simplement dus à une fécondité élevée, mais plutôt aux effets combinés d’une fécondité très élevée et d’une mortalité très faible.

Télécharger le rapport complet (16 pages, en anglais)