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31/03/2024

HAI DANG
La guerre contre Gaza vue du Vietnam
De la fraternité d’armes à la fascination pour la “nation start-up” israélienne

Hai Dang, Aljazeera, 30/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Vietnam connaît un rare activisme politique en faveur des Palestiniens alors que la guerre de Gaza rappelle la solidarité autrefois partagée dans la lutte pour la libération nationale.

Le président palestinien Yasser Arafat inspecte une garde d’honneur avec le président vietnamien Tran Duc Luong à Hanoi en avril 1999. Photo AFP


Hanoi, Vietnam - Dans un lieu privé niché dans une ruelle étroite du centre-ville de Hanoi, un groupe de plus de 20 personnes a écouté attentivement Saleem Hammad, un Palestinien charismatique de 30 ans, qui s’exprimait dans un vietnamien courant.

Hammad, qui dirige une entreprise au Viêt Nam, a raconté un incident survenu dans son enfance à Jénine, en Cisjordanie occupée.

Les personnes présentes l’ont écouté raconter le souvenir saisissant d’une nuit où il a été réveillé par des soldats israéliens qui encerclaient la maison familiale et y faisaient une descente.

Auparavant, il avait déclaré aux participants à la discussion que l’histoire de la lutte de libération du Viêt Nam contre les USA avait inspiré les Palestiniens dans leur lutte contre l’occupation de leurs terres par Israël.

«Le peuple vietnamien, avec son histoire douloureuse et glorieuse, a toujours été une source d’inspiration pour les Palestiniens dans leur lutte pour la justice », a dit Hammad à son auditoire.

« Nous vous considérons toujours comme un modèle ».

Horrifiés par la guerre d’Israël contre Gaza et le nombre croissant de victimes, les jeunes Vietnamiens ont commencé à élever la voix pour soutenir les Palestiniens. Ce faisant, ils découvrent les liens historiques entre le Viêt Nam et la Palestine et leurs luttes communes pour la libération nationale.


VICTOIRE
Vietnam-Palestine
OLP
Ismail Shammout, 1972

Mais les relations entre les deux nations, vieilles de plusieurs décennies, ont été éclipsées par la promotion plus récente de la culture d’entreprise israélienne auprès d’une jeune génération de Vietnamiens.

Soucieux de réussir dans l’économie de marché vietnamienne en pleine expansion, beaucoup ont été inspirés par la culture d’entreprise israélienne, tout en ne sachant pas grand-chose de la face cachée du succès d’Israël, à savoir sa longue occupation des terres palestiniennes.

Organisé à la fin de l’année dernière par les militants pro-palestiniens Trinh* et Vuong*, le rassemblement au cours duquel Hammad s’est exprimé a été inspiré par l’activisme étudiant que les deux hommes ont rencontré lorsqu’ils étudiaient aux USA.

Trinh et Vuong font partie d’un mouvement populaire en plein essor parmi la jeunesse vietnamienne qui a été attirée par la cause palestinienne depuis le début de la guerre contre Gaza en octobre.

Mais les politiques vietnamiennes strictes contre les assemblées publiques et l’activisme politique signifient que les militants pro-palestiniens doivent trouver des moyens discrets et créatifs d’organiser des événements sans attirer l’attention indésirable des autorités vietnamiennes.

À Ho Chi Minh Ville, Trinh et quelques amis ont organisé des discussions sur la Palestine et des cours de dessin sur le thème de la Palestine. Dessinateur de formation, Trinh a également travaillé avec d’autres créatifs pour concevoir des produits dérivés en faveur de la Palestine, des œuvres d’art politiques et des fanzines.

Des jeunes vietnamiens créent des œuvres d’art pour soutenir la Palestine. Photo Cat Nguyen/ Tu Ly

En novembre, une projection de documentaires et de films sur la Palestine, la Nakba et l’histoire de l’occupation israélienne de la Palestine a eu lieu sous le titre Films pour la libération : Palestine Forever dans le but, selon les organisateurs, d’annuler « les descriptions diaboliques des Palestiniens » par les acteurs « occidentaux et impérialistes ».

Sur les réseaux sociaux, une multitude de pages de fans en vietnamien ont vu le jour, présentant des poèmes palestiniens traduits, des œuvres d’art pro-palestiniennes et des analyses sur l’histoire du conflit, tandis que l’ambassade de Palestine au Vietnam a invité d’anciens vétérans de la guerre contre les USA, des universitaires, des activistes et des membres du public à une commémoration pour ceux qui ont été tués à Gaza.

Le 29 novembre, qui est la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien désignée par les Nations Unies, le gouvernement vietnamien a également publié un message du président de l’époque, Vo Van Thuong, dans lequel il parlait de la longue histoire de fraternité entre le Vietnam et la Palestine et du « soutien fort et de la solidarité du Vietnam avec les Palestiniens dans leur lutte pour la justice" »

Mais les relations entre le Vietnam et la Palestine ne sont plus ce qu’elles étaient.

Rue Kham Thien, Hanoï après le passage des B-52, 26 décembre 1972

Chaque jour à Gaza, il y a un nouveau Kham Thien

La destruction de Gaza par Israël rappelle aux Vietnamiens la campagne de bombardement américaine visant le quartier de Kham Thien à Hanoi en 1972.

Lors d’une réunion de militants vietnamiens pro-palestiniens, deux images de guerre ont été projetées sur le mur : l’une de Gaza en 2023 après une attaque aérienne israélienne et l’autre des décombres laissés par le bombardement du quartier de Kham Thien à Hanoï il y a plus de 50 ans.

En 1972, Richard Nixon, alors président des USA, avait ordonné le bombardement de la capitale nord-vietnamienne pendant la période de Noël, et c’est le quartier de Kham Thien qui a été le plus gravement dévasté. Pendant 12 jours et nuits consécutifs à partir du 18 décembre, environ 20 000 tonnes de bombes ont été larguées sur Hanoi, ainsi que sur la ville portuaire très fréquentée de Hai Phong et sur plusieurs autres localités.



Tract français de 1967 sur la visite de Moshe Dayan au Sud-Vietnam en août 1966

 La juxtaposition des deux images et les échos historiques des deux guerres - qu’il s’agisse de « raser Gaza » ou de « bombarder le Nord-Vietnam jusqu’à l’âge de pierre » - font partie d’un réservoir de symboles partagés qui ont alimenté l’ambiance actuelle de solidarité Vietnam-Palestine parmi les jeunes Vietnamiens.

L’histoire se répète, dit Hung*, un étudiant de 20 ans dont le père et les grands-parents ont vécu les bombardements de Noël 1972 par les forces usaméricaines.

« En regardant ce qui se passe à Gaza, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à l’histoire que mon père m’a racontée, celle d’un jour de son enfance où il a assisté avec horreur au largage de bombes près du lac de l’Ouest [de Hanoï] et où, peu après, il a senti un coup de vent souffler dans sa direction et l’onde de choc presser sa poitrine », raconte Hung à Al Jazeera.

« Aujourd’hui, c’est précisément ce qui arrive à tout le monde à Gaza, jour après jour. Chaque jour à Gaza, il y a un autre Kham Thien », ajoute-t-il.

Dans les réunions pro-palestiniennes à travers le pays, des liens similaires entre la guerre d’Israël contre Gaza et la guerre USA contre le Viêt Nam sont établis et les analogies du temps de guerre sont utilisées par de jeunes militants pour présenter la cause palestinienne à de nouveaux publics.

Des images d’une combattante vietnamienne des années de guerre portant un foulard traditionnel “ran” et se tenant aux côtés d’une combattante palestinienne vêtue d’un keffieh sont imprimées sur des tote-bags et des autocollants. Les combattantes tiennent une clé de porte en l’air, symbolisant les maisons que les Palestiniens ont perdues en 1948 lors de leur déplacement forcé par les forces israéliennes au cours de la période connue sous le nom de Nakba, ou "catastrophe", au cours de laquelle au moins 750 000 Palestiniens ont été violemment déplacés et dépossédés.

Une œuvre d’art pro-palestinienne exposée à Hanoi représente une combattante de la lutte de libération nationale vietnamienne et une combattante palestinienne au-dessus des mots en arabe et en vietnamien : « Du fleuve à la mer ». Photo Cat Nguyen

Par l’art, la discussion et d’autres moyens d’expression, les militants pro-palestiniens au Viêt Nam aident leurs pairs à comprendre des concepts tels que le sionisme, la Nakba, les accords d’Oslo et le colonialisme de peuplement.

Et pas à pas, ils réaffirment le contexte et l’histoire de la perte et de l’enlèvement des Palestiniens que les récits au Vietnam dans les médias locaux et les livres omettent dans leur récit de l’émergence d’Israël en tant que succès économique.

Phuong, une peintre vietnamienne basée en Italie qui a lancé la page fan en ligne « Poèmes palestiniens », a déclaré qu’elle avait été profondément bouleversée par ce qui s’est passé depuis octobre dans la bande de Gaza.

Elle a expliqué qu’elle s’était tournée vers la traduction de poèmes comme moyen de protester et de canaliser son chagrin face à la guerre dans la bande de Gaza. À ce jour, elle a traduit de l’anglais au vietnamien plus de 50 poèmes d’auteurs palestiniens tels que Mahmoud Darwich, Fadwa Tuqan et Ghassan Zaqtan.

Phuong espère pouvoir aider ses lecteurs à apprécier l’humanisme universel de la culture et de la société palestiniennes, tel qu’il se reflète dans les poèmes de Darwish et d’autres auteurs.

« Les Palestiniens ne sont pas seulement des victimes de la guerre », a déclaré Phuong. « Ils sont aussi un peuple au patrimoine riche et magnifique, avec des philosophies et des arts sophistiqués. Les Vietnamiens doivent le savoi »r.

Nguyen Binh est un autre jeune traducteur qui s’est fait connaître pour ses traductions d’œuvres vietnamiennes, comme la traduction en anglais du classique Conte de Kieu.

Binh travaille actuellement à la traduction en vietnamien du livre de Rashid Khalidi, The Hundred Years’ War on Palestine [inédit en français], afin d’ «élever la voix de ceux que l’on n’entend pas » et de combler le manque de compréhension des questions palestiniennes par les Vietnamiens.

Vendre l’image de “startup” d’Israël

L’édition vietnamienne de Start-Up Nation : The Story of Israel’s Economic Miracle [Israël, la nation start-up, Maxima 2014] présente une image flatteuse de la réussite des entreprises israéliennes

Le Hong Hiep, chercheur et coordinateur du programme d’études sur le Vietnam à l’Institut ISEAS-Yusof Ishak de Singapour, a décrit le soutien du Vietnam au peuple palestinien et à sa lutte pour la libération comme « inébranlable » pendant la guerre froide et dans les années 1990.

« Cela s’explique en partie par le fait que les dirigeants vietnamiens étaient convaincus que la cause palestinienne reflétait leur propre lutte pour l’unification et l’indépendance contre les puissances étrangères », dit M. Hiep à Al Jazeera.

L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a établi des relations avec le Nord-Vietnam en 1968 et a mis en place un bureau de représentation résident après la fin de la guerre au Viêt Nam en 1975. Ce bureau est rapidement devenu l’ambassade de Palestine au Viêt Nam.

« Dans les années 1990, le Viêt Nam a également accueilli des dirigeants palestiniens, dont Yasser Arafat, à de nombreuses occasions. La position officielle du Viêt Nam sur le conflit israélo-palestinien a toujours été en faveur de l’autodétermination palestinienne et de la création d’un État palestinien », dit M. Hiep.

Du côté palestinien, ces liens d’ amitié ont été résumés par Darwich en 1973, alors que la guerre au Vietnam entrait dans sa phase finale avec la signature des accords de paix de Paris en 1973, qui mettaient fin aux combats militaires directs des USA dans le pays.

« Dans la conscience des peuples du monde, le flambeau a été transmis du Viêt Nam à nous », a déclaré le poète.

Mais les temps ont changé.

Il en va de même pour le souvenir de la solidarité du Viêt Nam avec la Palestine.

Les militants pro-palestiniens interrogés par Al Jazeera ont déclaré qu’ils avaient eu du mal à persuader leurs parents que la cause palestinienne était juste.

Hung raconte que ses parents ont d’abord réagi à la guerre contre Gaza en blâmant « ces terroristes» qui l’avaient "commencée les premiers ».

« J’ai dû moi-même passer du temps à leur expliquer l’histoire de la question, qui remonte à 1948. Ce n’est qu’après cela qu’ils ont changé d’avis », raconte Hung.

Saadi Salama, l’ambassadeur palestinien au Vietnam, a déclaré que les médias locaux avaient une grande part de responsabilité dans le manque de sensibilisation du public vietnamien aux événements en Palestine.

 

L’ambassadeur Saadi Salama prononce un discours à Hanoï lors d’un événement organisé en novembre pour commémorer les Palestiniens tués à Gaza. Photo Tu Ly

Ayant d’abord travaillé à la résidence de l’OLP à Hanoï en tant que secrétaire à l’information dans les années 1980, Salama a des décennies d’expérience au Viêt Nam. Mais depuis une dizaine d’années, dit-il, les informations sur la question palestinienne sont beaucoup moins fréquentes dans les médias locaux. Ce qui apparaît est présenté de manière superficielle.

« La plupart des gens n’ont qu’une vague idée de ce qui se passe réellement à Gaza et en Cisjordanie », dit M. Salama à Al Jazeera, expliquant que les journalistes locaux manquent souvent d’expertise sur les questions relatives à la Palestine et au Moyen-Orient.

« Par conséquent, ils hésitent à rédiger des analyses approfondies sur le sujet, optant plutôt pour un copier-coller non critique de sources occidentales sans fournir de contexte aux lecteurs », ajoute-t-il.

Il y a de rares exceptions, admet Salama, mais pas assez pour faire la différence avec une impression généralement négative de la Palestine à un moment où il y a une impression positive d’Israël au Viêt Nam.

Pour les Vietnamiens, Israël est aujourd’hui le symbole du développement, une « startup nation », explique M. Salama.

« Ils ne voient pas les dessous d’Israël ».

Dinh Le, un marché aux livres bien connu du centre de Hanoï, se trouve à quelques pas du lieu où Hammad a parlé de la Palestine et de son enfance.

S’il est difficile pour un visiteur de trouver ici des livres sur la Palestine, il ne manque pas d’exemplaires en langue vietnamienne de Start-Up Nation : The Story of Israel’s Economic Miracle, un livre publié en 2009 par Dan Senor et Saul Singer.

Republié par AlphaBooks, qui est surtout connu au Viêt Nam pour ses ouvrages sur les affaires et la science populaire, Start-Up Nation est devenu un best-seller au Viêt Nam.

Selon les chiffres disponibles sur le site du ministère vietnamien de l’information et de la communication, le livre a fait l’objet de plus d’une douzaine de réimpressions et a été publié à plus de 2 millions d’exemplaires.

Selon le ministère, plus d’un million d’exemplaires de Start-Up Nation ont été commandés pour être distribués par l’un des principaux entrepreneurs vietnamiens, qui dirige un projet de distribution gratuite de livres d’inspiration dans des domaines tels que les affaires, la science et la philosophie.

Certains considèrent que la popularité du livre au Viêt Nam est liée à l’image flatteuse d’Israël auprès du public et à la description souvent positive d’Israël dans les médias vietnamiens.

L’attrait populaire d’Israël coïncide également avec un moment critique de l’histoire moderne du Viêt Nam, selon les experts.

Depuis la fin des années 1980, le Viêt Nam a mené des réformes économiques, connues sous le nom de Doi Moi, qui ont vu le pays adopter un développement axé sur le marché libre et la promotion de l’esprit d’entreprise.

Dans le même temps, la politique étrangère du Viêt Nam a donné la priorité aux intérêts nationaux et à l’indépendance plutôt qu’à ce qui aurait été décrit comme une « pureté idéologique » à l’époque révolutionnaire.

Bien qu’officiellement appelé République socialiste du Viêt Nam, le pays accueille depuis longtemps des capitaux étrangers et s’est efforcé de normaliser ses relations, principalement sur la base de la coopération économique, avec des pays et des blocs autrefois considérés comme ennemis.


Le président usaméricain Joe Biden porte un toast avec le président vietnamien Vo Van Thuong à Hanoï, au Viêt Nam, le 11 septembre 2023, après que les deux pays, autrefois ennemis, ont porté leurs relations diplomatiques et commerciales à leur plus haut niveau. Photo Evelyn Hockstein/Reuters

 

L’approche politique du Viêt Nam, connue sous le nom de « diplomatie du bambou » en raison de sa flexibilité et de son pragmatisme, a permis au pays de forger un partenariat significatif avec Israël dans les « domaines de l’économie, de la technologie et de la sécurité », explique M. Hiep.

Et c’est probablement la crainte de mettre en péril les liens avec Israël qui explique pourquoi « le Vietnam a été plus hésitant à exprimer un soutien fort à la Palestine, même s’il conserve de la sympathie pour sa cause », ajoute-t-il.

Vietnam et Palestine : « Des luttes similaires »

« Plus j’en apprends sur l’histoire de la Palestine, plus je réalise à quel point nos luttes sont similaires », déclare l’activiste vietnamien Trinh.

Hoang Diep Anh, 7 ans, écrit un message de soutien lors d’une veillée pour les Palestiniens organisée à l’ambassade de Palestine à Hanoi le 4 novembre 2023 à Hanoi, Vietnam. Photo Chris Trinh/Getty Images

Depuis octobre, le Viêt Nam a dénoncé les atrocités commises contre les civils dans le cadre du conflit entre Israël et le Hamas.

Lors d’une conférence de presse peu après le début de la guerre, une porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères a déclaré que le Vietnam « condamne fermement les attaques violentes contre les civils, les travailleurs humanitaires, les journalistes et les infrastructures essentielles ».

Avant cela, lors d’une session d’urgence de l’Assemblée générale des Nations unies le 27 octobre, le Viêt Nam s’est joint à la majorité des États membres pour voter une résolution exigeant un cessez-le-feu humanitaire immédiat, la protection des civils, la libération inconditionnelle des captifs et l’accès de l’aide humanitaire.

Hanoi a toutefois veillé à ne pas mettre en péril ses relations avec Israël en nommant ouvertement ce pays dans ses critiques. Malgré cela, un ancien ambassadeur israélien au Viêt Nam a qualifié la position de Hanoi sur Gaza de « décevante » lors d’une interview.

Pour certains, ces gestes en faveur de la Palestine ne sont pas suffisants pour honorer les dettes historiques du Viêt Nam envers les Palestiniens et le soutien de l’OLP à Hanoï pendant la guerre froide.

Yasser Arafat, commandant du mouvement palestinien Al Fatah, reçoit un album sur la création de l’armée nord-vietnamienne avec une photo de Ho Chi Minh sur la couverture de la part du ministre de la Défense nord-vietnamien, le général Giap, lors de sa visite au Nord-Vietnam le 8 avril 1970. Photo RADIOPHOTO / AFP

 Vu Minh Hoang, historien diplomatique du Vietnam du XXe siècle et de l’Asie-Pacifique, a noté que l’OLP faisait partie de la petite minorité de groupes et de pays du Sud qui ont ouvertement pris la défense de leurs amis vietnamiens et condamné la Chine pour son invasion du Vietnam en 1979.

Selon M. Vu, cette décision a coûté à l’OLP l’aide et le soutien politique dont elle avait tant besoin de la part de la Chine. L’OLP avait entretenu des relations amicales avec la Chine pendant 14 ans, jusqu’à ce qu’elle prenne parti pour le Viêt Nam à la suite de l’invasion chinoise de ce pays en 1979.

« L’OLP a courageusement défendu le Viêt Nam au moment où il en avait le plus besoin », a déclaré M. Vu, qui est actuellement basé à l’université de Columbia à New York, à Al Jazeera.

Bien que les déclarations et les votes vietnamiens aient soutenu la Palestine, Vu a déclaré que, dans l’ensemble, la position du Vietnam dans la pratique semble être plus « pro-israélienne ».

Pour comprendre pourquoi, il faut « suivre l’argent », a-t-il ajouté.


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28/03/2024

GIDEON LEVY
Il nous faut l'admettre : Israël veut la guerre à Gaza

Gideon Levy, Haaretz, 27/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Israël veut la guerre. Toujours plus de guerre, autant que possible, et peut-être même plus. Les jours de notre enfance sont révolus, quand on nous disait qu'Israël voulait la paix plus que tout. Nous nous considérions comme des pacifistes, un peuple naïf.

Une femme palestinienne avec un garçon blessé après un bombardement israélien dans le centre de la ville de Gaza, la semaine dernière. Photo AFP

 Le temps est révolu où nous nous vantions auprès de tous les visiteurs étrangers que notre salutation courante était “paix” [shalom]. Quelle autre nation dit “paix” partout où elle va ? Il n'y a que nous, les partisans de la paix. C'est ce qu'on nous a dit et c'est ce que nous avons cru. Oups, les Arabes et les musulmans aussi disent salaam. Mais ça, ils n'ont pas pris la peine de nous le dire à l'époque.

Nous sommes les plus grands défenseurs de la paix au monde, et regardez ce que ces méchants nous ont fait. Lorsque nous sommes apparus dans des délégations de jeunes devant les communautés juives des USA, nous avons dansé la hora avec des chemises brodées au son du “Chant pour la paix”- pour quoi d’autre des jeunes Israéliens danseraient-ils ? - et les Juifs enthousiastes ont essuyé une larme.

Quelle nation ! Quelle aspiration à la paix ! Nous sommes les pacifistes, et les Arabes sont des bellicistes. C'est ce qu'ils nous disaient quand nous étions enfants. C'est ce que nous nous sommes dit à nous-mêmes et au monde, qui y a même cru pendant un moment.

Israël veut la guerre. Aujourd'hui, il le dit explicitement, sans faux-semblant et sans blanchiment. Autant de guerre que possible dans les paroles du gouvernement, autant de guerre que possible dans les paroles de l'opposition. Encore plus de guerre même dans la bouche des manifestants sur les places, qui ne réclament certainement pas le contraire. Ils veulent seulement un arrêt de la guerre pour libérer les otages et chasser Benjamin Netanyahou, et ensuite, selon eux, nous pourrons retourner aux champs de la mort pour toujours.

Toujours plus de tueries, toujours plus de destructions. La soif de vengeance et la soif de sang sont enveloppées d'une foule de déguisements, d'excuses et de considérations. Certaines d'entre elles peuvent être comprises depuis le 7 octobre, qui nous a fait sortir du placard.

Le tableau peut être compliqué, mais on ne peut pas estomper le fait écrasant que le monde entier veut mettre fin à cette guerre, à l'exception d'un seul État. La quantité de sang que cet État veut verser n'a pas encore été atteinte. Ce désir, enveloppé dans la cause de la destruction du Hamas, ne sera de toute façon pas accompli. Qu'y a-t-il d'autre à penser qu'Israël veut tuer et détruire à Gaza pour le plaisir de tuer et de détruire ? Tel est l'objectif.

On peut arguer que si nous ne détruisons pas le Hamas, la guerre se poursuivra éternellement et que, de toute façon, il s'agit d'une guerre pour la paix. Mais on ne peut pas croire cela quand il n'y a pas de plan stratégique derrière la soif de guerre. Il ne reste donc que la stricte vérité : Israël veut tout simplement la guerre. La gauche, la droite et le centre aussi. Tout le monde.

Soldats israéliens sur un char dans la bande de Gaza en février. Photo Dylan Martinez/REUTERS

C’est une situation horrible. D'abord, nous avons supprimé la paix en tant que valeur, en tant qu'objectif et vision, et maintenant nous avons fait de la guerre une valeur pour laquelle nous devons nous battre contre le monde entier. Quelques-uns contre beaucoup, nous nous battrons pour notre droit à la guerre. Le petit nombre contre la multitude, nous nous battrons pour notre droit de tuer et de détruire sans discernement.

La plus grande menace qui pèse aujourd'hui sur Israël est d'arrêter la guerre. Où irons-nous ? On a oublié que la guerre est l'invention humaine la plus satanique. Faire la paix, pas la guerre - c'est pour les crédules et les idiots. La poursuite de la guerre est ce qui unit Israël dans un lien étroit. Nous sommes prêts à payer n'importe quel prix pour continuer la guerre, y compris à ruiner les relations avec les USA, qui ne sont pas réputés comme des pacifistes, et qui exigent aussi : Assez.

C'est la soif de guerre, et rien d'autre. Non seulement personne ne nous l'impose, pas même l'horrible 7 octobre, mais, de toutes les nations, c'est nous qui l'avons choisie. Et nous, de toutes les nations, avons choisi de continuer à le faire, sans aucune résistance de la part d'Israël. Nous devons avoir Rafah, puis Baalbek, et nous retournerons ensuite dans le nord de la bande de Gaza parce que nous le devons. Nous devons le faire. Et puis Téhéran sera un must aussi, parce qu'il n'y a pas d'autre choix.

Pourquoi, que suggérez-vous ? La capitulation ? L'anéantissement ? L'holocauste ? Israël veut de plus en plus de cette guerre. Nous pensons que c'est permis et que ça nous fait du bien.        

Paolo Lombardi


 

 

26/03/2024

FRANCESCA ALBANESE
Anatomie d'un génocide: rapport au Conseil des droits de l'homme de l'ONU

On trouvera ci-après, traduit par nos soins, le rapport présenté ce mardi  26 mars au Conseil des droits de l'homme de l'ONU, à Genève, par Francesca Albanese,  Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967




23/03/2024

GIDEON LEVY
Ofer, le Guantanamo israélien : Munther Amira témoigne

 Gideon Levy &  Alex Levac (photos), Haaretz, 23/3/2024
Traduit par Fausto Giudice
, Tlaxcala

Violences, humiliations, surpopulation effroyable, cellules froides et stériles, entraves pendant des jours. Un Palestinien qui a passé trois mois en détention administrative israélienne pendant la guerre de Gaza décrit son expérience de la prison d’Ofer.

Munther Amira, chez lui dans le camp d’Aida cette semaine, après sa libération de la prison d’Ofer. « J’avais déjà été à Ofer, mais ça n’avait jamais été comme ça ».

Munther Amira a été libéré de “Guantanamo”. Il avait déjà été arrêté à plusieurs reprises par le passé, mais ce qu’il a vécu lors de son incarcération dans une prison israélienne pendant la guerre de Gaza ne ressemble à rien de ce qu’il a pu vivre auparavant. Un ami qui a passé 10 ans dans une prison israélienne lui a dit que l’impact de sa propre incarcération au cours des trois derniers mois équivalait à 10 ans de prison en temps “normal”.

Le témoignage détaillé qu’Amira nous a livré cette semaine dans sa maison du camp de réfugiés d’Aida, à Bethléem, était choquant. Il a exprimé son calvaire avec son corps, s’agenouillant à plusieurs reprises sur le sol, décrivant les choses dans les moindres détails, sans aucun sentiment, jusqu’à ce que les mots deviennent insupportables. Il était impossible de continuer à écouter ces descriptions atroces.

Mais il semblait avoir attendu l’occasion de raconter ce qu’il avait enduré dans une prison israélienne au cours des derniers mois. Les descriptions se succédaient sans interruption - horreur sur horreur, humiliation sur humiliation - à mesure qu’il décrivait l’enfer qu’il avait vécu, dans un anglais courant entrecoupé de termes hébraïques relatifs à la prison. En trois mois, il a perdu 33 kilos.

Deux grandes photos trônent dans son salon. L’une représente son ami Nasser Abu Srour, emprisonné depuis 32 ans pour le meurtre d’un agent du service de sécurité du Shin Bet ; l’autre le représente le jour de sa libération, il y a exactement deux semaines. Cette semaine, Amira est apparu physiquement et mentalement résilient, semblant être une personne différente de celle qu’il était le jour de sa sortie de prison.

Amira chez lui cette semaine. Ce qu’il a vécu lors de son incarcération dans une prison israélienne pendant la guerre dans la bande de Gaza est différent de tout ce qu’il a connu dans le passé.

Amira a 53 ans, il est marié et père de cinq enfants. Il est né dans ce camp de réfugiés, dont la population comprend les descendants des habitants de 27 villages palestiniens détruits. Il a conçu la grande clé du retour qui est accrochée à la porte d’entrée du camp et qui porte l’inscription « Pas à vendre ». Amira est un militant politique qui croit en la lutte non violente, un principe qu’il défend toujours, même après le nombre considérable de morts à Gaza pendant la guerre, souligne-t-il. Membre du Fatah, il travaille au Bureau des colonies et de la clôture de l’Autorité palestinienne et est diplômé de la faculté des sciences sociales de l’université de Bethléem.

18 décembre 2023, 1 heure du matin. Bruits sourds. Amira regarde par la fenêtre et voit des soldats israéliens frapper son jeune frère Karim, âgé de 40 ans. Les soldats traînent Karim au deuxième étage, dans l’appartement d’Amira, et le jettent à terre au milieu du salon. Amira affirme que son frère s’est évanoui. Karim est le directeur administratif du service de cardiologie de l’hôpital Al-Jumaya al-Arabiya de Bethléem, et il n’est pas habitué à ce genre de violence.

19/03/2024

NAOMI KLEIN
Le film La zone d’intérêt traite du danger d’ignorer les atrocités, y compris à Gaza

Naomi Klein, The Guardian, 14/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Si le courageux discours de Jonathan Glazer lors de son acceptation des Oscars vous a mis mal à l’aise, c’était le but recherché.


Glazer voulait que son film suscite ce genre de pensées inquiétantes. Photo : Caroline Brehman/EPA

C’est une tradition des Oscars : un discours politique sérieux perce la bulle du glamour et de l’autocongratulation. Des réactions contradictoires s’ensuivent. Certains proclament que le discours est un exemple d’artistes à leur meilleur pour changer la culture, d’autres qu’il s’agit d’une usurpation égoïste d’une soirée qui aurait pu être festive. Puis tout le monde passe à autre chose.

Pourtant, je soupçonne que l’impact du discours de Jonathan Glazer lors de la cérémonie des Oscars de dimanche dernier sera bien plus durable, et que sa signification et son importance seront analysées pendant de nombreuses années.

Glazer recevait le prix du meilleur film international pour The Zone of Interest, inspiré de la vie réelle de Rudolf Höss, commandant du camp de concentration d"Auschwitz. Le film suit la vie domestique idyllique de Höss avec sa femme et ses enfants, qui se déroule dans une maison et un jardin majestueux situés juste à côté du camp de concentration. Glazer a décrit ses personnages non pas comme des monstres, mais comme des “horreurs irréfléchies, bourgeoises, aspirant à faire carrière”, des personnes qui parviennent à transformer le mal profond en bruit blanc.

Avant la cérémonie de dimanche, Zone avait déjà été salué par plusieurs divinités du monde du cinéma. Alfonso Cuarón, le réalisateur oscarisé de Roma, l’a qualifié de « probablement le film le plus important de ce siècle ». Steven Spielberg a déclaré qu’il s’agissait du « meilleur film sur l’Holocauste auquel j’ai assisté depuis le mien », en référence à La liste de Schindler, qui a remporté les Oscars il y a 30 ans.

Mais alors que le triomphe de La liste de Schindler a représenté un moment de profonde validation et d’unité pour la communauté juive dans son ensemble, Zone arrive à un moment très différent. Les débats font rage sur la manière dont les atrocités nazies doivent être commémorées : l’Holocauste doit-il être considéré exclusivement comme une catastrophe juive ou comme quelque chose de plus universel, avec une plus grande reconnaissance de tous les groupes ciblés par l’extermination ? L’Holocauste a-t-il été une rupture unique dans l’histoire européenne ou un retour des génocides coloniaux antérieurs, avec un retour des techniques, des logiques et des fausses théories raciales qu’ils ont développées et déployées ? Le « plus jamais ça » signifie-t-il plus jamais ça pour personne, ou plus jamais ça pour les Juifs, engagement pour lequel Israël est imaginé comme une sorte de garantie intouchable ?

Ces guerres sur l’universalisme, le traumatisme propriétaire, l’exceptionnalisme et la comparaison sont au cœur du procès historique de l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice, et elles déchirent également les communautés, les congrégations et les familles juives dans le monde entier. En une minute d’action intense, et dans notre moment d’autocensure étouffante, Glazer a pris sans crainte des positions claires sur chacune de ces controverses.

Tous nos choix ont été faits pour nous refléter et nous confronter au présent - non pas pour dire « Regardez ce qu’ils ont fait à l’époque », mais plutôt « Regardez ce que nous faisons maintenant », a déclaré Glazer, écartant rapidement l’idée que comparer les horreurs d’aujourd’hui aux crimes nazis est intrinsèquement minimisant ou relativisant, et ne laissant aucun doute sur le fait que son intention explicite était d’établir des continuités entre le passé monstrueux et notre présent monstrueux.

Et il est allé plus loin : « Nous sommes ici en tant qu’hommes qui refusent que leur judéité et l’Holocauste soient détournés par une occupation qui a conduit à des conflits pour tant d’innocents, qu’il s’agisse des victimes du 7 octobre en Israël ou de l’attaque en cours contre Gaza ». Pour Glazer, Israël ne bénéficie d’aucun passe-droit et il n’est pas éthique d’utiliser le traumatisme juif intergénérationnel de l’Holocauste pour justifier ou couvrir les atrocités commises par l’État israélien aujourd’hui.

D’autres ont déjà fait valoir ces arguments, bien sûr, et beaucoup l’ont payé cher, en particulier s’ils sont Palestiniens, Arabes ou Musulmans. Il est intéressant de noter que Glazer a lancé ses bombes rhétoriques protégé par l’équivalent identitaire d’une armure, se tenant devant la foule brillante en tant qu’homme juif blanc prospère - flanqué de deux autres hommes juifs blancs prospères - qui venaient, ensemble, de réaliser un film sur l’Holocauste. Et cette phalange de privilèges ne l’a pas sauvé du flot de calomnies et de déformations qui ont tordu ses paroles pour prétendre à tort qu’il avait répudié sa judéité, ce qui n’a fait que souligner le point de vue de Glazer sur ceux qui transforment le statut de victime en arme.

Ce que l’on pourrait appeler le méta-contexte du discours, c’est-à-dire ce qui l’a précédé et immédiatement suivi, est tout aussi important. Ceux qui n’ont regardé que des extraits en ligne ont manqué cette partie de l’expérience, et c’est bien dommage. En effet, dès que Glazer a terminé son discours - en dédiant le prix à Aleksandra Bystroń-Kołodziejczyk, une Polonaise qui a secrètement nourri les prisonniers d’Auschwitz et combattu les nazis en tant que membre de l’armée clandestine polonaise -, les acteurs Ryan Gosling et Emily Blunt ont fait leur apparition. Sans même une pause publicitaire pour nous permettre de nous remettre de nos émotions, nous avons été instantanément projetés dans un épisode “Barbenheimer”, où Gosling a dit à Blunt que son film sur l’invention d’une arme de destruction massive était devenu un succès au box-office grâce à l’image rose de Barbie, et où Blunt a accusé Gosling de se peindre les abdominaux.

Au début, j’ai craint que cette juxtaposition impossible n’affaiblisse l’intervention de Glazer : comment les réalités douloureuses et déchirantes qu’il venait d’évoquer pouvaient-elles coexister avec ce genre d’énergie digne d’un bal de fin d’année d’un lycée californien ? Puis j’ai compris : tout comme les défenseurs du « droit d’Israël à se défendre », l’artifice étincelant qui entourait le discours contribuait également à faire valoir son point de vue.

« Le génocide fait partie intégrante de leur vie » : c’est ainsi que Glazer a décrit l’atmosphère qu’il a tenté de capter dans son film, dans lequel ses personnages vivent leurs drames quotidiens - des enfants insomniaques, une mère difficile à satisfaire, des infidélités occasionnelles - à l’ombre des cheminées qui crachent des restes humains. Ce n’est pas que ces gens ignorent qu’une machine à tuer à l’échelle industrielle ronronne juste derrière le mur de leur jardin. Ils ont simplement appris à vivre en harmonie avec le génocide ambiant.

C’est ce qui donne l’impression la plus contemporaine, la plus actuelle de ce terrible moment, dans le film stupéfiant de Glazer. Plus de cinq mois après le massacre quotidien de Gaza, alors qu’Israël ignore effrontément les ordres de la Cour internationale de justice et que les gouvernements occidentaux réprimandent gentiment Israël tout en lui livrant davantage d’armes, le génocide redevient l’ambiance du moment - du moins pour ceux d’entre nous qui ont la chance de vivre à l’abri des nombreux murs qui découpent notre monde. Nous courons le risque qu’il se poursuive, qu’il devienne la bande sonore de la vie moderne. Et même pas l’événement principal.