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09/10/2023

Des sous-humains de Varsovie aux animaux humains de Gaza

Fausto Giudice, Basta Yekfi!, 9/10/2023

Affiche de la Żydowska Organizacja Bojowa (ŻOB), l’Organisation juive de combat. Le texte dit : “Tous les hommes sont frères : les jaunes, les bruns, les noirs et les blancs. Parler de peuples, de couleurs, de races, c’est une histoire inventée !”

ABDEL BARI ATWAN
Le déluge de Gaza

Abdel Bari Atwan, Rai Al Youm, 7/10/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les élites et l’opinion publique israéliennes ont subi la plus grande atteinte à leur moral depuis 50 ans.

Nous savons maintenant pourquoi Mohammed Deïf, le chef de l’aile militaire du Hamas dans la bande de Gaza, a disparu de la scène publique il y a près de deux ans, depuis la campagne “Épée de Jérusalem”. Il élaborait des plans et préparait une contre-attaque. Samedi, il est apparu, aux côtés du porte-parole “Abou Obaida”, pour l’annoncer.

Alaa Al-Laqta

Ils ont annoncé le déclenchement de l’opération “Déluge d’Al Aqsa”, la décrivant comme une bataille pour mettre fin à l’occupation la plus longue de la planète. Des milliers de roquettes ont été lancées en l’espace de quelques minutes, déconcertant les systèmes de défense antiaérienne israéliens, et des combattants ont quitté le territoire assiégé pour prendre d’assaut les colonies israéliennes de l’enveloppe de Gaza.

Les images de l’opération diffusées sur les réseaux sociaux sont stupéfiantes : des chars Merkava en feu, leurs équipages traînés dehors et implorant la pitié, et des colons fuyant dans la panique, leurs appels à l’aide n’étant pas entendus. À l’heure où nous écrivons ces lignes, plus de 100 Israéliens auraient été tués et des dizaines capturés pour servir de monnaie d’échange à la libération des prisonniers palestiniens détenus par Israël.

L’impact sur le moral des élites et du public israéliens a été gigantesque. Ses institutions politiques, sécuritaires et militaires ont subi le coup le plus dur depuis 50 ans, c’est-à-dire depuis la guerre d’octobre 1973. Lorsque l’armée, classée comme la quatrième plus puissante du monde, ne peut ni prévenir ni réagir au ciblage de colons censés être en sécurité en Israël “proprement dit”, c’est le signe d’un grave déclin.

Quelle que soit l’évolution des événements dans les jours et les semaines à venir, la résistance a remporté une immense victoire. Il s’agit d’une guerre de longue haleine. Israël peut semer la mort et la destruction à une échelle gigantesque, mais il n’en sortira pas indemne. Et si cette guerre dégénère en une guerre régionale sur plusieurs fronts, les choses seront clairement écrites sur le mur.

La réflexion, la planification et la gestion qui ont présidé à cette opération sont comparables à tout ce qui est enseigné dans les meilleures académies militaires du monde. Lorsque des vidéos de combattants s’entraînant pour cette opération ont été publiées sur les médias sociaux, elles ont été ridiculisées par Israël et ses alliés arabes normalisateurs. Voilà pour les diplômés de Sandhurst et de West Point. Daif n’a jamais revendiqué de titre militaire, mais il mérite le rang de “général” bien plus que n’importe lequel des commandants d’armées arabes lourdement médaillés et en surpoids qui ne font rien d’autre qu’organiser des parades et toucher des bakchichs sur des contrats d’armement.

Souvenez-vous de cette date, le 7 octobre. Elle pourrait marquer un tournant historique dans le monde arabe, d’une période de soumission, de reddition, de normalisation et d’illusions sur l’ennemi comme protecteur, à une période de dignité et de libération - la libération totale de la Palestine.

Netanyahou a déclaré l’état de guerre, menacé d’une réponse dévastatrice et appelé les réservistes de son armée. Mais que peut-il faire de plus que ce qu’il a déjà fait ? Tuer des centaines d’innocents supplémentaires à Gaza ? Ce ne serait pas la première fois. Et cela pourrait déclencher une réaction dévastatrice jusqu’à Tel-Aviv, Haïfa et Jérusalem.

Le Jihad islamique a rejoint le Hamas dans cette bataille, de même que toutes les branches armées de la résistance des principales factions palestiniennes. Les brigades de résistance de Cisjordanie - à Jénine, Naplouse, Tulkarem et peut-être Hébron - ont été inspirées et, fortes de leur solide soutien populaire, ont commencé à se joindre à la lutte. Et il n’est pas exclu que les composantes de l’axe de la résistance au Liban et en Syrie, voire au Yémen et en Irak, fassent de même dans un avenir proche, si ce n’est plus tôt.

08/10/2023

AMOS HAREL
Guerre Israël-Gaza : un fiasco catastrophique qui provoquera une onde de choc politique

Amos Harel, Haaretz, 8/10/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 

L'échec du renseignement et la mauvaise préparation israéliens n'étaient pas les seuls problèmes : il semble que la conception défensive opérationnelle d'Israël face à Gaza ait volé en éclats Netanyahou devra payer un prix politique pour sa politique à l'égard du Hamas après la guerre.

 

Un soldat de Tsahal regarde une voiture en flammes dans la ville d'Ashkelon, dans le sud d'Israël, samedi. Photo : Ilan Assayag

 

Vendredi à la mi-journée, un officier supérieur de l'état-major général s'est entretenu avec un invité dans son bureau de Tel-Aviv. Quelques minutes après que l'horloge électronique du bureau a affiché 14 heures, tous deux ont remarqué qu'ils avaient raté l'heure exacte à laquelle la guerre du Kippour avait éclaté il y a 50 ans. La conversation a naturellement dérivé sur les leçons de 1973.

 

« Dans les territoires occupés », dit l'officier, « nous sommes à cinq minutes d'une intifada ». Il dit cela sans savoir qu’il est en train de prophétiser. L'hôte, comme l'ensemble des FDI, était principalement préoccupé par ce qui pouvait se passer en Cisjordanie. Mais au nez et à la barbe de l'establishment de la défense, une attaque sans précédent du Hamas prenait forme au même moment, le long de la frontière de Gaza.

 

Il faut se méfier de l'hystérie excessive. Mais il ne faut pas minimiser la gravité de la calamité qui s'est produite. Israël est en guerre depuis samedi matin. L'attaque du Hamas, qui a pris les services de renseignement israéliens par surprise, a complètement démoli la conception défensive opérationnelle à la frontière de la bande de Gaza. On dénombre plus de 250 morts du côté israélien et plus de 1 590 blessés, un chiffre qui pourrait augmenter de manière significative une fois que tous les sites attaqués auront été fouillés.

Selon des informations en provenance de Gaza, des dizaines de prisonniers et de corps ont été emmenés d'Israël à Gaza. Même en termes d'otages [sic] et de personnes disparues, cette situation n'est pas comparable à l'enlèvement de Gilad Shalit en 2006. On voit mal le gouvernement modérer les frappes aériennes sur Gaza par souci de protéger la vie des prisonniers israéliens. Il est probable que dans le feu de l'action, de telles considérations ne seront pas prises en compte.

 

Israël a parlé de la “doctrine Dahiya”, qui implique la destruction systématique des infrastructures dans les zones fortement peuplées, comme d'une leçon tirée de la deuxième guerre du Liban en 2006. C'est ce qui se passe actuellement à Gaza, avec une grande intensité.

 

Les FDI, le Shin Bet et la police se sont livrés à des combats maison par maison pendant dix heures dans des communautés et des bases militaires où s'étaient retranchés des Palestiniens armés. Dans quelques endroits, comme la ville d'Ofakim et le kibboutz Be'eri, les terroristes se sont retranchés avec des otages [resic].

 

07/10/2023

MARWAN BISHARA
De la chutzpa à l’humiliation : les 10 heures qui ont choqué Israël

Marwan Bishara, Aljazeera, 7/10/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Marwan Bishara (Nazareth, 1969) est analyste politique principal à Al Jazeera. Il écrit beaucoup sur la politique mondiale et est largement considéré comme une autorité en matière de politique étrangère usaméricaine, de Moyen-Orient et d’affaires stratégiques internationales. Il était auparavant professeur de relations internationales à l’Université américaine de Paris. On peut lire de lui en français Palestine/Israël : la paix ou l’apartheid (La Découverte, 2002, 2023)

La Blitzkrieg [guerre éclair] palestinienne est un échec militaire et une catastrophe politique aux proportions colossales pour Israël.

Des Palestiniens chevauchent un véhicule militaire israélien dans les rues de Gaza lors d’une opération militaire lancée par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023. Photo : EPA/Haitham Imad/EPA

Quelques jours après que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a prononcé un discours fanfaron aux Nations unies, annonçant la création d’un nouveau Moyen-Orient centré sur Israël et ses nouveaux partenaires arabes, les Palestiniens, qu’il a totalement omis de sa carte régionale fantaisiste, lui ont porté, ainsi qu’à Israël, un coup fatal, tant sur le plan politique que sur le plan stratégique.

Le mouvement de résistance palestinien Hamas a lancé une incursion éclair méticuleusement planifiée et bien exécutée depuis Gaza vers Israël, par voie aérienne, maritime et terrestre. Parallèlement à des milliers de missiles tirés sur des cibles israéliennes, des centaines de combattants palestiniens ont attaqué des zones militaires et civiles israéliennes dans le sud du pays, ce qui a entraîné la mort d’au moins 100 Israéliens et la capture de dizaines de soldats et de “civils” israéliens.

Les objectifs du Hamas dans cette opération ne sont pas un secret : premièrement, riposter et punir Israël pour son occupation, son oppression, ses colonies illégales et la profanation des symboles religieux palestiniens, en particulier la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem ; deuxièmement, s’attaquer à la normalisation arabe avec Israël qui embrasse son régime d’apartheid dans la région ; et enfin, obtenir un nouvel échange de prisonniers afin de faire libérer le plus grand nombre possible de prisonniers politiques palestiniens des geôles israéliennes.

Il convient de rappeler que le chef du Hamas dans la bande de Gaza, Yahya Al Sinwar, qui a passé plus de deux décennies dans les prisons israéliennes, a été libéré dans le cadre d’un échange de prisonniers. Mohammed Deif, le chef de la branche militaire du Hamas, comme beaucoup d’autres Palestiniens, a perdu des êtres chers à cause de la violence israélienne - un fils en bas âge, une fille de trois ans et sa femme. L’opération a donc clairement un aspect punitif et vengeur.

En ce sens, l’attaque a peut-être été incroyablement choquante, mais elle n’était guère surprenante.

L’hubris a finalement rattrapé Israël et ses dirigeants arrogants, qui se sont longtemps crus invincibles et ont constamment sous-estimé leurs ennemis. Depuis l’attaque arabe “surprise” d’octobre 1973, les dirigeants israéliens successifs ont été choqués et stupéfaits, encore et encore, par ce dont le peuple qu’ils opprimaient était capable.

Toufan Al Aqsa : que peut le fer contre le vent ?

Fausto Giudice, Basta Yekfi !,  7/10/2023

À l’aube du shabbat, à 3 h30 GMT, des combattants palestiniens du Hamas et du Djihad islamique ont lancé depuis Gaza une attaque tous azimuts contre Israël : tandis que des centaines (entre 2000 et 5000) de roquettes pleuvaient sur les colonies sionistes, des combattants motorisés ont forcé le « mur de fer » qui encercle Gaza, d’autres ont forcé la barrière maritime et d’autres encore ont atterri en Israël à bord de parapentes équipés de moteurs (ULM). Selon l’armée israélienne, 60 combattants palestiniens ont pénétré dans le territoire. Une quarantaine de soldats et de colons israéliens ont été faits prisonniers dans les premières minutes, le nombre de morts et blessés du côté sioniste reste inconnu. L’opération a été baptisée « Toufan Al Aqsa », le déluge ou la tempête d’Al Aqsa (toufan est le mot arabo-persan entré dans toutes les langues, à l’origine du français « typhon » ; c’est aussi le nom d’une série de missiles iraniens).

C’est une vérité historique : si l’on veut attaquer Israël, on doit le faire un samedi matin, quand les Juifs sont au repos. C’était ce qu’avaient fait les armées égyptienne et syrienne le 6 octobre 1973 en franchissant le Canal de Suez et en entrant dans les Hauteurs du Golan occupées. En 1973, il avait fallu une semaine aux sionistes pour se réveiller, sonnés qu’ils avaient été par l’attaque-surprise, et passer à la contre-offensive. Qui a gagné la guerre du Ramadan/Kippour ? On peut en débattre. Ce qui est sûr, c’est que cette guerre a sonné le glas des travaillistes israéliens, ces sionistes à visage humain, variante ashkénaze de la social-démocratie mitteleuropéenne. Elle aussi mis fin aux « Trente Glorieuses » et déclenché la première « crise du pétrole ». Des images fortes de cette période, deux m’ont marqué : celle d’autoroutes européennes entièrement vides de bagnoles et celle de la Reine des Pays-Bas ressortant son carrosse et ses chevaux pour se déplacer. Pour les Arabes, 73 avait presque effacé l’humiliation de 67. Dix guerres plus tard, où en est-on ?