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27/02/2024

SERAJ ASSI
Aaron Bushnell a refusé de se taire sur l’horreur de Gaza : il s’est immolé

 Seraj Assi, Jacobin, 26/2/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Versión española: Aaron Bushnell se negó a guardar silencio ante los horrores de Gaza: se inmoló por fuego delante de la embajada israelí en Washington

La mort atroce d'Aaron Bushnell par auto-immolation était une prise de position contre la misère noire à Gaza infligée par Israël et soutenue par le propre gouvernement de Bushnell.

Dimanche, un jeune USAméricain en uniforme militaire s'est dirigé vers la porte de l'ambassade d'Israël à Washington. Il s'est présenté dans un flux vidéo en direct (livestream).

Je m'appelle Aaron Bushnell. Je suis un membre actif de l'armée de l'air US et je ne veux plus être complice d'un génocide. Je suis sur le point de m'engager dans un acte de protestation extrême. Mais comparé à ce que les gens ont vécu en Palestine des mains de leurs colonisateurs, ce n'est pas du tout extrême. C'est ce que notre classe dirigeante a décidé de considérer comme normal.

Les images horribles montrent Bushnell, âgé de 25 ans, qui s'arrête devant l'ambassade, pose son téléphone, s'asperge d'un liquide inflammable et s'enflamme.

Ses dernières paroles : « Libérez la Palestine ».

Alors que Bushnell s'effondrait, des policiers qui avaient assisté à la tragédie se sont précipités vers la scène. Alors que l'agent de sécurité de l'ambassade pointait son arme sur le corps enflammé de Bushnell, on a entendu un agent muni d'un extincteur lui crier : « Je n'ai pas besoin de flingues, j'ai besoin d'extincteurs ! »

Bushnell s'est effondré en criant « Free Palestine» en proie à des douleurs intenses et terrifiantes. Il a succombé à ses blessures dans un hôpital local de Washington peu de temps après.

Bushnell était un militaire usaméricain qui a donné sa vie pour protester contre les horreurs commises à Gaza avec la complicité de son propre gouvernement. Il servait dans l'armée de l'air usaméricaine depuis près de quatre ans. Son profil LinkedIn indique qu'il est sorti de l'entraînement de base « en tête de vol et en tête de classe ». Ses amis et ses proches le décrivent comme « une force de joie dans notre communauté ». Un message en ligne se souvient de lui comme d'une « personne incroyablement douce, gentille et compatissante ». (Le compte de médias sociaux de Bushnell affiche toujours un drapeau palestinien sur son profil).

@krime_1

La mort de Bushnell survient alors que l'administration de Joe Biden continue d'armer Israël jusqu'à la garde, lui prodiguant des milliards de dollars tout en fournissant une couverture diplomatique à ses crimes de guerre à Gaza, en opposant son veto à plusieurs résolutions de l'ONU en faveur d'un cessez-le-feu. Les USA ont récompensé les crimes de guerre d'Israël en commettant leur propre crime de guerre, puisqu'ils continuent d'affamer les Palestiniens en interrompant le financement de l'UNRWA, l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient ; Cet arrêt du financement est une punition collective infligée au peuple palestinien pour avoir demandé justice à la Cour internationale de justice (CIJ), tout en promettant de ne pas punir Israël pour son invasion potentielle imminente de Rafah, même si elle vise des civils, et malgré les craintes croissantes de génocide et d'épuration ethnique. (Les USA ont été l'un des rares pays à défendre Israël lors de l'audience de la CIJ sur l'occupation israélienne la semaine dernière).

 Alors que Bushnell brûlait, le nombre de morts à Gaza dépassait les trente mille civils, dont près de la moitié étaient des enfants. Deux millions de Palestiniens ont été déplacés. La moitié de la population est au bord de la famine, car Israël continue de priver la bande de Gaza assiégée de nourriture, d'eau et de médicaments, condamnant ainsi des milliers de Palestiniens à une mort lente et atroce.

 Aaron Bushnell n'est pas le premier USAméricain à s'immoler par le feu pour protester contre le génocide de Gaza. En décembre dernier, un manifestant s'est immolé devant le consulat d'Israël à Atlanta, en Géorgie, dans ce que la police a décrit comme « probablement un acte extrême de protestation politique ». Un drapeau palestinien a été trouvé sur les lieux après l’acte.

L'auto-immolation est un acte de protestation radical qui vise à choquer et à mobiliser les gens tout en nous alertant sur les horreurs de la guerre. Cette protestation s'inscrit dans une tradition profondément ancrée dans l'activisme anti-guerre aux USA. En 1970, un jeune Californien du nom de George Winne Jr est mort après s'être immolé par le feu à San Diego pour protester contre la guerre du Viêt Nam. Alors qu'il agonisait, il a demandé à sa mère d'écrire au président Richard Nixon pour lui expliquer les raisons de son geste. Sa lettre disait :

Notre fils George Jr. s'est immolé par le feu sur le campus de l'UCSD le 10 mai. Avant de mourir, il nous a dit qu'il avait choisi le moyen le plus spectaculaire auquel il pouvait penser pour attirer l'attention des gens sur la situation la plus déplorable du monde et de ce pays.
Au début de l'année 1991, Gregory Levey, un manifestant pacifiste et enseignant d'Amherst (Massachusetts), s'est immolé pour protester contre la première guerre d'Irak. Raymond Moules lui emboîte le pas trois jours plus tard à Springfield, en Virginie.

Cette tactique extrême a également des précédents internationaux, du moine bouddhiste Thich Quang Duc, qui s'est immolé à Saigon en 1963 pour protester contre la guerre des USA au Viêt Nam, à Mohamed Bouazizi, le vendeur ambulant tunisien qui s'est immolé dans la ville de Sidi Bouzid en 2010 et a contribué à déclencher le printemps arabe.*

S'immoler par le feu n'est pas une tactique que toute personne saine d'esprit choisirait d'employer à la légère. Il s'agit d'une action née du désespoir, du sentiment qu'aucune autre tactique, qu'il s'agisse d'écrire et d'appeler les élus, de participer à des manifestations ou de s'engager dans la désobéissance civile, n'est en mesure d'accélérer la fin du flot d'horreurs auquel nous assistons à Gaza depuis le mois d'octobre. L'action de Bushnell était extrême, mais beaucoup d'entre nous peuvent certainement s'identifier à ses sentiments de désespoir, de rage et de déchirement engendrés par le fait d'assister à un nettoyage ethnique en direct sur nos plateformes de médias sociaux, puis de voir que très peu d'élus - y compris au sein du Parti démocrate - ont le courage d'exiger la fin d'une violence aussi effroyable.

Bushnell est mort pour que Gaza vive. Il est mort pour une Palestine libre et pour nous rappeler que de nombreux USAméricains s'opposent à l'occupation, à l'apartheid et au siège de Gaza par Israël, ainsi qu'à l'oppression du peuple palestinien qui dure depuis des décennies. Sa mort devrait être un appel à l'action, un appel urgent à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin aux atrocités incessantes commises à Gaza avec l'argent public usaméricain et l'approbation des fonctionnaires usaméricains, afin que plus personne ne se sente obligé de s'ôter la vie dans le cadre d'une protestation aussi macabre.

Peu avant sa mort, Aaron a publié en ligne le message suivant : « Beaucoup d'entre nous aiment à se demander : "Que ferais-je si j'étais encore en vie à l'époque de l'esclavage ? Ou du temps de Jim Crow dans le Sud ? Ou de l'apartheid ? Que ferais-je si mon pays commettait un génocide ? La réponse est que vous êtes en train de le faire. En ce moment même ».

NdT
*Lire à ce sujet Le feu de la révolte, Torches humaines du Maghreb à l’Europe, par Annamaria Rivera, éditions workshop19/The Glocal Workshop, 2022

Seraj Assi est né et a grandi dans un petit village palestinien en Israël. À l'âge de trente ans, il s'est exilé aux USA et s'est installé à Washington DC. Il est titulaire d'un doctorat en études arabes et islamiques de l'université de Georgetown. Sa thèse de doctorat a été publiée sous le titre The History and Politics of the Bedouin, Reimagining Nomadism in Modern Palestine (Routledge, 2020). Son premier roman, My Life as an Alien, a été publié par Tartarus Press en 2023. Il écrit pour plusieurs médias. Il est le fondateur de Mideasta Consulting Services, un cabinet de conseil à Washington DC.

*** 

La résistance palestinienne rend hommage au martyr Aaron Bushnell

Les déclarations suivantes ont été publiées sur Resistance News Network le 26 février 2024


@ms3_99

Hamas

Nous, au sein du Mouvement de la résistance islamique (Hamas), exprimons nos sincères condoléances et notre entière solidarité avec la famille et les amis du pilote américain Aaron Bushnell, dont le nom a été immortalisé en tant que défenseur des valeurs humanitaires et du sort du peuple palestinien opprimé qui souffre à cause de l'administration américaine et de ses politiques injustes, comme l'activiste américaine Rachel Corrie qui a été écrasée par un bulldozer sioniste en 2003 à Rafah, la même ville pour laquelle Bushnell a payé de sa vie pour qu'elle soit détruite. Comme l'activiste américaine Rachel Corrie, écrasée par un bulldozer sioniste en 2003 à Rafah, la même ville pour laquelle Bushnell a payé de sa vie pour faire pression sur le gouvernement de son pays afin d'empêcher l'armée sioniste criminelle de l'attaquer et d'y commettre des massacres et des violations.

L'administration du président américain Joe Biden porte l'entière responsabilité de la mort d'Aaron Bushnell en raison de sa politique de soutien à l'entité nazi-sioniste dans sa guerre de génocide contre le peuple palestinien, car il a donné sa vie pour mettre en lumière les massacres et le nettoyage ethnique sioniste contre notre peuple dans la bande de Gaza.

L'héroïque pilote Aaron Bushnell restera immortel dans la mémoire de notre peuple palestinien et des peuples libres du monde, et un symbole de l'esprit de solidarité humanitaire mondiale avec notre peuple et sa juste cause.

L'incident tragique qui a coûté la vie au pilote Bushnell est l'expression de la colère croissante des citoyens américains qui rejettent la politique de leur pays qui contribue au massacre et au génocide de notre peuple, et qui rejettent la violation par leur gouvernement des valeurs humanitaires mondiales, en fournissant une couverture pour assurer l'impunité de l'entité nazie et de ses dirigeants contre toute punition et responsabilité.

Département central des médias du Front populaire de libération de la Palestine

L'acte d'un soldat américain se sacrifiant pour la Palestine est le plus grand sacrifice et une médaille, ainsi qu'un message poignant à l'administration américaine pour qu'elle cesse de participer à l'agression.

 Le Front populaire de libération de la Palestine a affirmé que l'acte d'Aaron Bushnell, membre de l'armée de l'air américaine, qui s'est immolé par le feu devant l'ambassade sioniste à Washington pour protester contre la guerre contre Gaza, et qui a appelé à la « libération de la Palestine », confirme l'état de colère du peuple américain face à l'implication officielle des USA dans la guerre génocidaire sioniste menée contre la bande de Gaza.

Il indique également que le statut de la cause palestinienne, en particulier dans les cercles américains, est de plus en plus profondément ancré dans la conscience mondiale, et révèle la vérité de l'entité sioniste en tant qu'outil colonial bon marché dans les mains de l'impérialisme sauvage.

 Le Front exprime son entière solidarité avec la famille du
soldat et tous les sympathisants américains qui ont pris une position honorable et dont la lutte et la pression pour arrêter le génocide sur la bande de Gaza n'ont pas cessé, confirmant que l'acte d'un soldat américain sacrifiant sa vie pour attirer l'attention du peuple américain et du monde sur la situation critique de la bande de Gaza est un acte de solidarité et de solidarité. Le Front a confirmé que l'acte d'un soldat américain sacrifiant sa vie pour attirer l'attention du peuple américain et du monde sur le sort du peuple palestinien, malgré sa nature tragique et la grande douleur qu'il implique, est considéré comme le plus grand sacrifice et la plus haute médaille, et le message poignant le plus important adressé à l'administration américaine, qu'elle est impliquée dans le crime de guerre à Gaza et que le peuple américain s'est réveillé et rejette cette implication, appelant l'administration à cesser son soutien et son parti pris pour l'entité sioniste.

 Le Front a envoyé un message aux soldats arabes pour qu'ils prennent comme exemple et modèle ce soldat américain qui a sacrifié sa vie pour une noble cause comme la cause palestinienne, et pour qu'ils quittent les tranchées de l'attente, de l'incapacité, et qu'ils passent à la tranchée de la confrontation pour soutenir la Palestine et son peuple qui est massacré, assiégé et affamé au vu et au su du monde entier et à seulement quelques kilomètres des terres arabes et à quelques mètres des frontières.

 La Palestine sera victorieuse tant qu'elle sera profondément gravée dans les consciences du monde, et l'histoire inscrira en lettres d'or les noms de tous les sympathisants et de toutes les personnes libres du monde qui se sont tenus à ses côtés et ont sacrifié leur vie pour elle.

 

25/02/2024

ALON PINKAS
Le plan de Netanyahou pour “le jour d’après” à Gaza n’est pas réalisable et ce n’est pas un plan

Alon Pinkas, Haaretz, 25/2/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Alon Pinkas (1961) est rédacteur principal sur la politique israélienne et usaméricaine pour le quotidien israélien Haaretz. Il a été chef de cabinet de Shlomo Ben-Ami et David Levy, conseiller en politique étrangère d’Ehud Barak et Shimon Peres et consul général d’Israël à New York de 2000 à 2004.

Le plan d’après-guerre pour Gaza rendu furtivement public vendredi par le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou est une liste de déclarations unilatérales qui mérite à peine un examen sérieux.

Netanyahou dans le nord de la bande de Gaza, en décembre. Photo: Avi Ohayon / GPO

Plus de 140 jours après le début de la guerre de Gaza, près de cinq mois après que les USA lui ont demandé - en tant qu’allié - de fournir des idées, une vision ou un cadre pour la Gaza d’après-guerre, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a finalement présenté un non-plan. Une liste de principes apparemment raisonnables, mais non viables, qui n’ont rien à voir avec la réalité. Cette liste a été publiée furtivement vendredi matin, comme si le gouvernement espérait que personne ne la remarquerait.

C’était une sage décision, car il mérite à peine d’être remarqué ou examiné sérieusement. Il s’agit en fait d’une négation du plan Biden, d’une liste de déclarations qui constituent un contrôle israélien illimité de la bande de Gaza sans aucune lueur d’espoir politique. D’un point de vue critique, il n’est tout simplement pas réalisable.

Le document, qui est essentiellement une liste de déclarations unilatérales plutôt qu’un plan cohérent, est divisé de manière concise en trois périodes : un court paragraphe sur la période immédiate, une description en cinq points de la période intermédiaire en termes de sécurité et une description en quatre points de la réalité civile. Vient ensuite une déclaration « à long terme » de deux paragraphes, qui se veut grandiloquente.

La ville de Jabalya, au nord de la bande de Gaza, jeudi. Photo : Mahmoud Issa / Reuters

Décortiquons-le point par point pour comprendre ce qu’il signifie et ce qu’il ne signifie pas, et pourquoi il n’est pas viable.

18/02/2024

GIDEON LEVY
Le monde doit imposer la paix à Israël

Gideon Levy, Haaretz, 18/2/2024
Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala

Le moment est venu pour les USA et dans leur sillage la communauté internationale, de prendre une décision : le cycle sans fin de la violence entre Israël et les Palestiniens va-t-il se poursuivre ou allons-nous tenter d’y mettre un terme ? Les USA vont-ils continuer à armer Israël et à déplorer ensuite l’usage excessif de ces armements, ou sont-ils enfin prêts à prendre des mesures concrètes, pour la première fois de leur histoire, afin de changer la réalité ? Et surtout, l’attaque israélienne la plus cruelle contre Gaza deviendra-t-elle la plus inutile de toutes, ou l’occasion qui s’est présentée à sa suite ne sera-t-elle pas ratée, pour une fois ?


Il ne sert à rien d’en appeler à Israël. Le gouvernement actuel, et celui qui le remplacera probablement, n’a pas et n’aura jamais l’intention, le courage ou la capacité de générer un changement. Lorsque le Premier ministre répond aux propos usaméricains sur la création d’un État palestinien par des mots indiquant qu’il « s’oppose aux mouvements forcés » ou qu’ « un accord ne sera conclu que par le biais de négociations» tout ce que l’on peut faire, c’est rire et pleurer.

Rire, parce qu’au fil des ans, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a fait tout ce qu’il pouvait pour faire échouer les négociations ; pleurer, parce que c’est Israël qui emploie la coercition - la nature de sa politique à l’égard des Palestiniens est une coercition mise en œuvre dans une grande démarche unilatérale, violente, agressive et arrogante. Tout à coup, Israël est contre les actes de coercition ? L’ironie se cache la tête dans la honte.

Il est donc inutile d’attendre du gouvernement israélien actuel qu’il change de caractère. Il est tout aussi vain d’attendre d’un gouvernement dirigé par Benny Gantz, Gadi Eisenkot ou Yair Lapid qu’il le fasse. Aucun d’entre eux ne croit en l’existence d’un État palestinien dont le statut souverain et les droits seraient égaux à ceux d’Israël. Tous les trois, ensemble et chacun séparément, accepteront tout au plus, dans un très bon jour, la création d’un bantoustan sur une partie du territoire. Une véritable solution ne sera pas trouvée ici. Il vaut mieux laisser Israël se complaire dans son refus.

Mais le monde ne peut pas se permettre de laisser passer cette occasion. C’est le monde qui devra bientôt reconstruire, avec ses fonds, les ruines de la bande de Gaza, jusqu’à la prochaine démolition par Israël. C’est le monde dont la stabilité est compromise tant que l’occupation persiste, et qui l’est encore plus chaque fois qu’Israël se lance dans une nouvelle guerre. C’est le monde qui reconnaît que l’occupation est néfaste pour lui, mais qui n’a jamais levé le petit doigt pour y mettre fin. Aujourd’hui, l’occasion de le faire se présente. La faiblesse et la dépendance d’Israël à la suite de cette guerre doivent être exploitées, dans l’intérêt d’Israël également.

Assez de mots. Assez des cycles de négociations futiles organisés par le secrétaire d’État usaméricain Antony Blinken et des mots durs prononcés par le président Joe Biden. Ils ne mènent nulle part. Le dernier président sioniste, peut-être le dernier à se soucier de ce qui se passe dans le monde, doit agir. En guise de prélude, on pourrait s’inspirer des paroles étonnamment simples et vraies du responsable de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, qui a déclaré : « Eh bien, si vous pensez que trop de gens sont tués, peut-être devriez-vous fournir moins d’armes [à Israël] ».

Toutefois, la question n’est pas seulement de mettre fin à la guerre, mais surtout de savoir ce qui se passera une fois qu’elle sera terminée. Si cela dépendait d’Israël, sous n’importe quel gouvernement, nous retournerions dans le giron chaleureux de l’apartheid et nous reviendrions à la vie par le sabre. Le monde ne peut pas accepter cela plus longtemps et ne peut pas laisser le choix à Israël. Israël a parlé : c’est Non. Le temps est venu de trouver une solution semblable aux accords de Dayton. Il s’agit d’un accord forcé et imparfait conclu en Bosnie-Herzégovine qui a mis fin à l’une des guerres les plus cruelles et qui, contrairement à toutes les prévisions, a tenu pendant 29 ans. L’accord a été imposé par la coercition.

 Un État palestinien n’est peut-être plus une solution viable en raison des centaines de milliers de colons qui ont ruiné les chances d’en créer un. Mais un monde déterminé à trouver une solution doit proposer un choix clair à Israël : des sanctions ou la fin de l’occupation ; des territoires ou des armes ; des colonies ou un soutien international ; un État démocratique ou un État juif ; l’apartheid ou la fin du sionisme. Lorsque le monde se montrera ferme, en posant ces options de cette manière, Israël devra prendre une décision. Le moment est venu de forcer Israël à prendre la décision la plus fatidique de sa vie.

05/02/2024

De New York à Gaza : actualité de Frantz Fanon
Une nouvelle biographie et des débats : Israël est-il un État colonial ?

La parution récente d’une nouvelle biographie de Frantz Fanon relance les débats sur la légitimité de la violence des opprimés et sur la nature de l’État d’Israël. Nous publions la traduction de quatre articles.

  •  Le monde a rattrapé Frantz Fanon, par Adam Shatz...p. 1
  •  Quand le médecin ordonnait la violence comme remède, par Jennifer Szalai…p. 6
  • Frantz Fanon aurait-il soutenu le massacre du 7 octobre ? Son biographe n’en est pas si sûr, par Etan Nechin…p.10
  • Qu’est-ce que le “colonialisme de peuplement” [settler colonialism] ?, par Jennifer Schuessler…p. 21

02/02/2024

ABDEL BARI ATWAN
Le piège de la proposition de trêve de Paris
La duplicité US sur un “État” palestinien sert l’agenda génocidaire d’Israël

Abdel Bari Atwan, Rai Al Youm, 1/2/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La direction du Hamas à Gaza n’a pas encore répondu officiellement à la proposition de cessez-le-feu issue de la réunion quadripartite du week-end dernier à Paris entre les chefs des services de renseignement des USA, d’Israël, de l’Égypte et du Qatar. Ce retard est très probablement délibéré, et si l’accord est approuvé, il sera conditionné à la satisfaction des exigences de la résistance, à savoir le retrait total d’Israël et l’arrêt définitif de sa guerre contre la bande de Gaza.


Ces dirigeants, qui bénéficient du soutien massif des Palestiniens de la bande de Gaza et de Cisjordanie, doivent savoir que l’objectif de ce projet d’accord est de sauver l’État d’occupation israélien, de consolider l’influence déclinante des USA au Moyen-Orient et de réduire les perspectives d’extension de la guerre, après qu’il est apparu clairement qu’il serait impossible de détruire ou de vaincre le Hamas. Après près de quatre mois d’agressions israéliennes incessantes, le Hamas conserve intacts plus de 80 % de ses armes, de ses forces de défense, de ses tunnels et de ses manufactures d’armement.

Benjamin Netanyahou cherche à obtenir la libération du plus grand nombre possible de captifs, en particulier des civils, afin de pouvoir mettre en œuvre, sans pression intérieure ou extérieure, son plan de dépeuplement de la bande de Gaza par le biais d’une évacuation forcée ou « volontaire ». Il s’agirait d’un prélude à la mise sous tutelle militaire israélienne, au vol de ses énormes réserves de pétrole et de gaz offshore et au rétablissement des 16 colonies israéliennes qui ont été démantelées en 2005 lorsque l’occupation directe a pris fin en raison du nombre croissant de victimes parmi les colons et les militaires aux mains de la résistance.

Avec une duplicité typique, les USA tentent de vendre ce plan israélien en faisant miroiter un État palestinien « démilitarisé » en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, une fois la guerre de Gaza terminée. Le département d’État US a révélé jeudi que Blinken envisageait la possibilité de reconnaître un tel État et qu’il avait demandé à ses collaborateurs de proposer des modèles de « démilitarisation » qui pourraient lui être appliqués.

Amorim, Brésil  

Un dicton populaire dit que plus le mensonge est gros, mieux il passe. Cela vaut pour les fuites des USA et de la Grande-Bretagne sur cette question. Les deux alliés qui ont lancé ensemble toutes les guerres dévastatrices récentes au Moyen-Orient tentent de tendre un nouveau piège à la résistance et au peuple palestiniens en leur vendant une fois de plus la même vieille illusion. Leur véritable objectif est d’annuler la victoire obtenue par le raid du 7 octobre de l’année dernière et de réduire les pertes matérielles et humaines d’Israël.

La prudence est donc de mise. Les preuves de cette duplicité ne manquent pas.

Mercredi, le Congrès usaméricain a voté à une écrasante majorité (422 voix contre 2) l’interdiction d’entrée sur le territoire usaméricain pour tous les membres de l’OLP, du Hamas ou du Jihad islamique palestinien. Comment Washington peut-il soutenir la création d’un État palestinien tout en interdisant l’entrée aux membres de l’OLP qui a signé les accords d’Oslo, reconnu Israël, cédé 80 % du territoire de la Palestine historique et recruté 60 000 agents de sécurité pour protéger les colons et réprimer son propre peuple ?

Les USA ont parrainé les accords d’Oslo et organisé leur cérémonie de signature dans la roseraie de la Maison Blanche il y a 30 ans. Pourtant, au cours des vingt dernières années, ils ont utilisé leur droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies pour faire échouer la décision de l’Assemblée générale d’accorder à la Palestine le statut d’État membre à part entière des Nations unies. Il semble que si les USA reconnaissent un jour un tel État, ce sera uniquement pour les placards d’archives de l’ONU, sans le faire sur le terrain.



Abdellah Derkaoui, Maroc

L’administration usaméricaine a toujours affirmé qu’un État palestinien ne pouvait voir le jour qu’avec l’accord d’Israël et qu’il devait être démilitarisé. Comment un État démilitarisé peut-il survivre aux côtés d’un ennemi qui pratique le génocide et le nettoyage ethnique et sans avoir les moyens de se défendre contre une nouvelle agression ?

Aujourd’hui, ce n’est pas Joe Biden qui mène la barque à Washington, mais Benjamin Netanyahou. En témoigne le refus répété d’Israël de répondre aux appels des USA à mettre fin aux massacres et aux déplacements massifs de civils dans la bande de Gaza.

Les USA se sont déjà engagés à garantir le cessez-le-feu et les accords de reconstruction à Gaza, notamment l’accord de Charm El Cheikh qui a suivi la guerre de 2013. Mais ils n’ont jamais respecté cet engagement et n’ont jamais fait pression sur Israël pour qu’il s’y conforme. Des milliers de maisons et de tours détruites lors de cet assaut sont toujours en ruines à ce jour, malgré l’allocation de 5 milliards de dollars pour leur reconstruction.

La direction du Hamas, qui a infligé à Israël la plus grande défaite depuis sa création il y a 75 ans, devrait s’en tenir à ses propres conditions dans leur intégralité. Elle ne doit pas accepter le piège de l’accord que les agences de renseignement US et arabes ont conçu et tentent de lui vendre. Ses principaux objectifs sont d’épargner à Israël une défaite ou d’en réduire l’impact, d’imposer ses conditions à la résistance palestinienne par la terreur et le génocide, de désamorcer la colère populaire croissante à l’égard des USA et d’Israël dans le monde arabe et d’anticiper les rébellions contre les dirigeants complices.

Le sponsor usaméricain de l’accord, ainsi que la plupart de ses alliés européens, n’ont jamais exigé l’arrêt de la guerre génocidaire à Gaza, mais l’ont soutenue au nom de la « légitime défense ». Il ne s’est jamais opposé à l’interdiction de l’aide humanitaire ou à la famine délibérée des deux millions d’habitants de la bande de Gaza qui peuvent à peine trouver une bouchée de pain ou une goutte de lait pour garder leurs enfants en vie.

La victoire exige de la patience et sa réalisation approche à grands pas. 550 000 soldats israéliens n’ont pas réussi à contrôler totalement la bande de Gaza, à écraser la résistance, à tuer ou à capturer ses dirigeants. L’État d’occupation a reçu un coup de massue qui a ébranlé les piliers de son existence et veut, avec l’aide des USA, déraciner la résistance en détruisant la population qui l’abrite.

 

Patrick Chappatte, Le Temps, Suisse,  2019

29/01/2024

BEN SAMUELS
Qui décide vraiment de la politique de Joe Biden sur Israël et la Palestine ?
Du premier au dernier cercle, un guide des fonctionnaires usaméricains qui comptent


Ben Samuels, Haaretz, Washington, 28/1/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Avant le 7 octobre, les USA et Israël donnaient la priorité à la normalisation israélo-saoudienne. Aujourd’hui, l’administration Biden tente de libérer les otages détenus par le Hamas, d’empêcher une guerre avec le Hezbollah et d’amortir les coups portés à la position diplomatique d’Israël dans un contexte de guerre et de catastrophe humanitaire à Gaza. Ci-dessous les responsables usaméricains chargés d’une liste de tâches de plus en plus longue

Les personnages chargés de gérer les tensions au Proche-Orient : Bill Burns, Antony Blinken, Joe Biden, Brett McGurk, Linda Thomas-Greenfield. Photos : Susan Walsh, Evan Vucci, Mary Altaffer, Tom Williams/AP, montage d’Anastasia Shub

WASHINGTON - La réaction du président Biden à l’attaque du Hamas du 7 octobre et à la guerre d’Israël contre Gaza qui s’en est suivie définira en grande partie l’héritage qu’il laissera en matière de politique étrangère, après que son administration eut accordé la priorité au conflit israélo-palestinien et mis l’accent sur l’intégration régionale d’Israël et la normalisation potentielle avec l’Arabie saoudite.

L’engagement de hauts fonctionnaires usaméricains visait initialement à fournir une expertise et une expérience de première main, ainsi qu’à « poser les questions difficiles », comme on l’a souvent dit. Cela faisait partie de la stratégie du « bear hug » [câlin d’ours, étreinte de soumission] de Biden : utiliser le soutien de l’opinion publique pour exercer la pression publique. Alors que la guerre se poursuit sans relâche et que les points de vue des USA sont ignorés, ces fonctionnaires ont été de plus en plus chargés de gérer les relations alors que les tensions s’envenimaient.

Les responsables usaméricains - qu’ils soient impliqués dans les négociations sur les otages, qu’ils empêchent la guerre de Gaza de s’étendre au Liban et à l’ensemble du Moyen-Orient, qu’ils veillent à ce que la crise humanitaire à Gaza ne s’aggrave pas, qu’ils maintiennent la position diplomatique d’Israël (au Moyen-Orient et sur la scène internationale) ou qu’ils cherchent à revitaliser l’Autorité palestinienne sur la voie d’une solution à deux États pour l’après-guerre - sont confrontés à une liste de plus en plus longue de casse-têtes.

Cette situation ne fera que s’accentuer à mesure que les USA feront pression pour qu’Israël passe à une phase de guerre de moindre intensité et que l’opinion nationale sur la conduite d’Israël s’aggravera à quelques mois de l’élection présidentielle.

Le premier cercle

Le secrétaire d’État Antony Blinken, le plus haut diplomate des USA, a effectivement servi de baromètre public pour la réponse de l’administration. Au cours des nombreuses navettes diplomatiques qu’il a effectuées dans les mois qui ont suivi l’attaque, les discours de Blinken ont présenté le point de vue des USA sur les faits observés sur le terrain, faisant régulièrement état de préoccupations croissantes concernant la crise humanitaire de Gaza et l’incapacité d’Israël à réduire le nombre de victimes civiles.

Blinken s’adresse aux médias avant de s’envoler pour Le Caire le 11 janvier 2024, à l’issue d’un voyage d’une semaine au Moyen-Orient. Photo :  Evelyn Hockstein - AFP

Le discours qu’il a prononcé à Tokyo le 8 novembre, détaillant les « cinq non », est souvent cité comme ayant défini les principes des USA sur la guerre de Gaza et l’avenir du conflit israélo-palestinien : « Pas de déplacement forcé des Palestiniens de Gaza - ni maintenant, ni après la guerre. Pas d’utilisation de Gaza comme plateforme pour le terrorisme ou d’autres attaques violentes. Pas de réoccupation de Gaza après la fin du conflit. Aucune tentative de blocus ou d’assiégement de Gaza. Aucune réduction du territoire de Gaza. Nous devons également veiller à ce qu’aucune menace terroriste ne puisse émaner de la Cisjordanie ».

Le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan, en particulier par l’intermédiaire de son principal adjoint Jon Finer et du conseiller principal pour le Proche-Orient Brett McGurk, sont les voix les plus proches de l’oreille de Joe Biden pour tout ce qui concerne la politique étrangère. Avant le 7 octobre, ils étaient parmi les plus fervents défenseurs de la redéfinition des priorités en matière d’intégration régionale d’Israël, jusqu’à ce que l’attaque du Hamas vienne bouleverser cette approche. Depuis, ils ont publiquement et en privé intensifié leurs efforts pour encourager la normalisation israélo-saoudienne en tant que voie vers une solution à deux États.

Le porte-parole du Conseil national de sécurité, John Kirby, a été le responsable le plus en vue de l’administration sur la guerre, s’attirant les louanges des milieux pro-israéliens et juifs usaméricains pour avoir défendu le droit d’Israël à l’autodéfense et rejeté les accusations de génocide.

Hauts fonctionnaires

21/12/2023

JORGE MAJFUD
Mais tout ça, c’est la faute de ces emmerdeurs de gauchards
L’araignée et les mouches

Jorge Majfud, 20/12/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

En raison de la guerre de l'OTAN en Ukraine et du blocus de la Russie qui en découle, les sanctions contre le Venezuela se sont un peu relâchées au cours de l'année 2023. Les sanctions, les blocus et le harcèlement des USA et de l'Union européenne se sont radicalisés il y a dix ans et ont mis fin à une longue période de croissance économique et de réduction de la pauvreté dans ce pays, ce que la propagande a réussi à vendre comme un échec historique. Ce n'est pas une coïncidence si l'hyperinflation historique du Venezuela est tombée à 185 % par an, ce qui est inférieur au taux atteint par l'Argentine cette année.


Comme nous le répétons depuis des années, les dettes (inflationnistes) des néo-colonies sont nécessaires pour les maintenir dans un état de nécessité productive, ce qui est très similaire à la logique qui se reproduit dans ces mêmes sociétés entre les travailleurs qui arrivent à peine à joindre les deux bouts et une oligarchie qui les diabolise comme “parasites de l'État” lorsqu'ils reçoivent un quelconque subside ou lorsqu'ils sont déjà foutus et qu'ils ne peuvent plus porter de sacs de ciment.

À cause de ces dettes éternelles, les néo-colonies sont obligées de produire, d'exporter et d'acheter des dollars pour “honorer leurs engagements”. En même temps qu’on exige de ces colonies la “responsabilité fiscale”, on oublie aux USA que nous sommes les champions de l'irresponsabilité fiscale, avec des déficits et des dettes pharaoniques qui ne cessent de croître, mine de rien. Qui peut nous malmener et nous bloquer, alors que nous avons l'armée la plus puissante du monde ? Historiquement inefficace pour toute guerre, mais toujours puissante pour harceler les autres et, plus encore, pour forcer notre population à se saigner davantage au nom d'une terreur inoculée par les médias - des réactions à nos propres interventions qui, lorsqu'elles ne suffisent pas, sont inventées avec davantage de provocations ou d'attaques sous faux drapeau.

Alors qu'une économie impériale est inévitablement très productive, la nôtre est basée sur la consommation (70 %) et non sur la production. En fait, nous n'avons pas besoin de produire beaucoup ; nous n'avons même pas besoin de payer des impôts pour rembourser les dettes du gouvernement, un instrument des entreprises qui attisent les guerres partout où cela est nécessaire pour maintenir le déficit croissant de l'État et les transferts massifs de capitaux de la classe ouvrière vers leurs coffres insatiables à Londres et à Wall Street.

Les dollars ont été inventés de toutes pièces, même plus sous forme de papier. Bien sûr, on peut imprimer des dollars, mais on ne peut pas imprimer de la richesse. L'impression massive d'une monnaie mondiale est un moyen d'extraire la valeur d'autres régions qui la détiennent comme réserve ou comme épargne personnelle. Si l'inflation n'explose pas dans le pays qui l'imprime, c'est parce qu'une grande partie de cette inflation est exportée.

Il s'agit également d'un instrument d'extorsion. Si un pays n'est pas endetté, il doit l'être. C'est ce qu'avait reconnu le tout nouveau ministre argentin, Luis Caputo, lorsqu'en 2017 il a assuré que le retour au FMI et le prêt massif reçu « nous permet de laisser plus de place au secteur privé ; il n'y a pas de signe de crise ; c'est préventif ; c'est la première fois qu'un gouvernement [celui de Mauricio Macri] fait des choses comme ça, préventives... »

L'endettement massif, comme celui de l'Argentine, est inflationniste, presque autant que le blocage du crédit et des marchés au Venezuela (par les champions du marché libre), parce qu'ils obligent ces pays à imprimer de la monnaie ou à s'abstenir d'investir dans leur propre société. Aujourd'hui, le fait qu'en Argentine, les néolibéraux aient à nouveau nationalisé (étatisé) les dettes privées est une nouvelle insulte à l'intelligence du peuple - bien sûr, il n'était pas nécessaire d'avoir une grande intelligence non plus ; un peu de mémoire suffisait.

Désigner l'impérialisme mondial comme la cause première des grandes crises économiques et sociales ne signifie pas déresponsabiliser ses administrateurs nationaux. Et surtout, les bradeurs bien de chez nous. Cela ne signifie pas non plus qu'il faille ériger un pays en modèle pour les autres. Bien sûr, il est inutile de clarifier ce point. La pensée cavernicole ne mourra jamais, car elle est efficace comme peu d'autres : « Cuba oui ou Cuba non », « Salvador oui ou Salvador non » ; « Vous vivez aux USAA et vous critiquez son gouvernement, pourquoi n'allez-vous pas vivre au Venezuela ? » ; « Si vous critiquez le massacre de Gaza, pourquoi n'allez-vous pas vivre en Iran ? » ; "si vous critiquez le massacre de Gaza, pourquoi n'allez-vous pas vivre en Iran" ; « Si vous défendez tant les immigrés, pourquoi ne les emmenez-vous pas dormir dans la chambre de votre fils ? » ; « Si vous défendez tant les homosexuels, pourquoi ne couchez-vous pas avec l'un d'entre eux ? » Bref, la dialectique classique de l'ivrogne qui commence à perdre l'euphorie du dernier verre.


 Autre erreur classique : la décontextualisation historique et géopolitique de toute réalité. Pour les libertariens affranchis (néolibéraux), le monde est aussi plat qu'une pizza. Il n'y a pas de classes sociales, pas de nations hégémoniques. Il n'y a pas d'empires ni de parasites oppresseurs. Tout ce qui se passe dans un pays, en particulier dans un pays périphérique, est purement et simplement la faute de de ces emmerdeurs de gauchards. Les gouvernements font la différence, pour le meilleur ou pour le pire, mais ils ne sont pas les seuls à décider de leur propre contexte, comme peut le faire celui d’un pays capitaliste situé au centre. C'est-à-dire un pays impérial - hégémonique, si le mot empire heurte les sensibilités.

À une époque, le capitalisme a fonctionné pour une grande partie des Européens et des USAméricains, mais le même capitalisme (plus radical, plus libéré) n'a jamais fonctionné pour le Honduras, le Guatemala, l'Inde ou le Congo. Au contraire, parce qu'être une puissance impériale et extractive, l'araignée qui tisse sa toile et domine depuis le centre, ce n'est pas la même chose que d'être l'une des mouches dans la toile. Historiquement, les pays non alignés ont subi des sanctions économiques et financières, voire militaires (invasions, coups d'État, assassinats de leurs dangereux dirigeants, attentats sous fausse bannière, tous bien documentés), qui ont ensuite été traduits en “échecs” que la propagande impériale a vendus et vend comme des démonstrations que les idéologies alternatives “ne fonctionnent jamais” et autres clichés similaires propagés par les médias mondiaux, par les agences secrètes et, surtout, par les majordomes créoles, qui se sont toujours chargés de reproduire à l'infini les idéologies parasitaires des esclavagistes et des oligarchies coloniales.

C'est tout. Nous insistons sur ces points depuis des décennies. Dans certains livres, comme Moscas en la telaraña, nous avons exposé ces mêmes idées de manière plus complète et, à mon avis, plus claire, et je n'insisterai donc pas davantage ici. Mais il est nécessaire de rappeler (et de répéter ad nauseam) les aspects les plus simples qui sont stratégiquement oubliés. Toujours. Comme, par exemple, qu'il n'y a pas de développement sans indépendance économique ; qu'il n'y a pas d'indépendance sans union des non-alignés ; qu'il n'y a pas de voies propres sans indépendance culturelle ; que la périphérie n'est qu'une réalité géopolitique, pas nécessairement philosophique et culturelle...

Des choses simples que les empires du Nord se sont chargés, au cours des derniers siècles, de détruire à tout prix. Tout cela au nom de la liberté et de la prospérité - tout ce que les mouches répètent lorsqu'elles sont disséquées par l'araignée salvatrice.