07/05/2024

ABDEL BARI ATWAN
Le grand mensonge renaît

Le Hamas devrait se méfier de l’’accord de cessez-le-feu proposé par l’Égypte et le Qatar.

Abdel Bari Atwan, raialyoum, 28/4/2024
Traduit par Layân Benhamed, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala

J’espère que Yahya al-Sinwar et la direction du Hamas dans la bande de Gaza prendront suffisamment de temps pour examiner les propositions inspirées par les USA transmises par les médiateurs arabes pour un cessez-le-feu temporaire et un échange de prisonniers avant que l’armée israélienne ne procède à une invasion de la ville de Rafah.

Cette initiative, et la reprise précipitée des pourparlers pour en élaborer les détails, visent à sauver l’État occupant israélien, l’entreprise sioniste dans son ensemble, et l’administration du président usaméricain Joe Biden, qui a soutenu la guerre génocidaire sur la bande de Gaza depuis son début, et continue de le faire.

De fausses promesses sont faites concernant l’établissement d’un État palestinien indépendant, nous rappelant ce vieux mensonge : la promesse de “paix” qui accompagnait les Accords traîtres d’Oslo.

La direction du Hamas sur le terrain devrait être extrêmement prudente. Elle ne doit pas envisager — même tactiquement — de se désarmer, de dissoudre les Brigades al-Qassam et de se transformer en un simple parti politique en échange d’une perspective nébuleuse d’un État palestinien sur le papier.

La récente frénésie d’échanges et de visites d’officiels égyptiens et israéliens, avec la participation qatarie, reflète la peur et la confusion au sein de leurs rangs — et en Israël, de son parrain usaméricain, et du monde occidental en général.

Il y a plusieurs bonnes raisons à cela.

Ces médiateurs arabes, et l’administration Biden qui les soutient, n’ont pas réussi à obtenir l’ouverture du passage de Rafah pour fournir un seul sac de farine aux habitants affamés de la bande de Gaza. Comment peuvent-ils espérer “garantir” un accord de cessez-le-feu, ou empêcher Israël de le violer ou de réoccuper la bande de Gaza et d’intensifier sa guerre d’extermination ?

Pendant ce temps, les USA connaissent des troubles intérieurs sérieux en raison de leur soutien à Israël. Leurs étudiants — et futurs dirigeants — sont en révolte ouverte contre le contrôle sioniste de l’élaboration des politiques officielles et  larépression de la liberté d’expression, censée être une valeur fondamentale des USA et un pilier de leur leadership mondial. Les demandes d’Israël pour réprimer les manifestations n’ont fait que les amplifier. Netanyahou utilise la menace d’envahir Rafah comme une carte pour obtenir un accord qui lui permettrait de sauver la face après avoir échoué à détruire la résistance et, surtout, à assassiner Sinwar, malgré le temps qui lui a été accordé par les USA, maintenant dépassé de 200 jours. Il n’a pas pu prendre le contrôle de Khan Younès (moitié de la taille de Rafah) après quatre mois de combat, et ses troupes ont fui de Shujaiya et du district de Zaitoun, et avant cela de Jabalya, Beit Hanoun et des camps centraux. Il ne réussira jamais à contrôler Rafah. Les bataillons de la résistance sont en état d’alerte et de préparation élevés, ayant beaucoup appris de leur expérience dans les zones nord et centrale, et auront des surprises en réserve pour les forces d’invasion israéliennes. Un accord “empoisonné” aux conditions d’Israël ne servirait qu’à atténuer l’implosion politique interne d’Israël, à faire avorter les manifestations étudiantes aux USA et à les empêcher de se propager dans tout l’Occident et dans le monde entier — notamment dans le monde arabe et en particulier en Égypte.

Dans les premières années 1970, c’est la révolte étudiante dans les universités égyptiennes — une période que j’ai personnellement vécue — qui a poussé le président Anouar el-Sadate à suivre la voie tracée par Gamal Abdel Nasser. Nasser, l’architecte de la guerre d’usure sur le front du canal de Suez, et à entraîner l’armée égyptienne à lancer des attaques dans le Sinaï occupé et à franchir la ligne Bar-Lev lors de la guerre d’octobre 1973.

 

 

GABY DEL VALLE
Morts et emprisonnements à la frontière du Texas

Gaby Del Valle, The New York Review of Books, 5/5/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Gaby Del Valle est une journaliste indépendante spécialisée dans l’immigration, le travail et l’extrême droite. Elle a écrit pour The Baffler, Politico Magazine, The New Republic, The Nation, The Intercept et d’autres médias. En septembre 2019, elle a cofondé avec Felipe de la Hoz la lettre d’information hebdomadaire sur la politique d’immigration BORDER/LINES. @gabydvj

 

 

Alors que Joe Biden et Greg Abbott (gouverneur républicain du Texas]intensifient leur bras de fer sur le blindage de la frontière, les migrants se retrouvent pris entre deux feux.

Immigrants marchant près de la « barrière flottante » dans le Rio Grande (Rio Bravo) près d’Eagle Pass, Texas, 16 juillet 2023. Photo  Suzanne Cordeiro/AFP/Getty Images

Au départ, il s’agissait d’un petit groupe : quelques dizaines de voyageurs dérivant vers la frontière, pleins de peur et d’espoir, unis dans la conviction qu’ils pouvaient changer leur destin. Le long de la route, des personnes bienveillantes s’étaient rassemblées pour leur souhaiter bonne chance, prier pour eux et leur rappeler qu’ils étaient sur la bonne voie. Les rangs du groupe grossissaient à mesure qu’il se rapprochait de la ligne invisible qui sépare les USA du Mexique. Les autorités surveillaient le cortège de loin et probablement de l’intérieur, recueillant des informations sur ses membres, dont certains étaient considérés comme des criminels. Les habitants qui vivent près de la frontière parlaient à voix basse d’une menace de violence. Les nouveaux arrivants semblaient hostiles.

Il y a six ans, le président Donald Trump et le ministère de la Sécurité intérieure ont utilisé un langage similaire pour décrire une caravane de demandeurs d’asile, dont la plupart avaient traversé le Mexique à pied depuis l’Amérique centrale. En février dernier, cependant, ce n’étaient pas des migrants qui se dirigeaient vers la frontière, mais le convoi “Take Back Our Border”, composé de camionneurs, de miliciens et de “patriotes” qui s’étaient mobilisés pour repousser ce qu’ils considéraient comme une invasion de migrants. Les marcheurs, dont certains se sont baptisés “Armée de Dieu”, se sont arrêtés à plusieurs endroits avant de faire une arrivée spectaculaire dans la petite ville de Quemado, au Texas. Des pasteurs portant des chapeaux de cow-boy ont prêché contre l’accueil de l’étranger ; des fidèles ont été baptisés dans des baignoires en fer-blanc ; Ted Nugent a donné un concert.

« Le monde entier a les yeux rivés sur le Texas en ce moment », a déclaré Sarah Palin lors d’un rassemblement de convois à Dripping Springs, à quelque 300 km au nord-est de Quemado. « Il est de notre devoir de nous lever et de nous battre pour ce qui est juste, parce que ce que notre gouvernement fédéral est en train de nous faire en approuvant une invasion est inadmissible, c’est une trahison ». Le Parti patriote unifié de Caroline du Nord, l’un des nombreux groupes qui ont fait le déplacement depuis d’autres États, s’est engagé à protéger la frontière « par bulletin de vote, par choix » ou « par balles, s’il y est contraint ». Le FBI a ensuite arrêté un homme qui a déclaré à des agents infiltrés que son organisation paramilitaire prévoyait de tuer des migrants.

Après les menaces et la fanfare, le convoi s’est dispersé. Certains de ses membres se sont dirigés vers l’Arizona et la Californie, où ils se sont filmés en train de harceler les migrants et les volontaires de l’aide humanitaire. D’autres sont rentrés chez eux, heureux d’avoir fait leur part pour le mouvement. En fin de compte, le convoi n’était rien d’autre qu’une remarquable manifestation de haine, le dernier exemple en date d’une longue tradition d’autodéfense frontalière d’extrême droite. Mais le projet dont il faisait partie s’est avéré moins éphémère. Comme les convois et milices nativistes précédents, l’Armée de Dieu s’est mobilisée non seulement pour s’opposer aux migrants, mais aussi pour soutenir les efforts gouvernementaux visant à contrôler les frontières, menés en l’occurrence par le gouverneur du Texas Greg Abbott.

Au cours des trois dernières années, Abbott a accusé à plusieurs reprises le président Joe Biden de permettre l’invasion des migrants. Lui et ses partisans affirment que le président a ouvert la frontière à des personnes qui n’ont pas le droit de la franchir, qu’il a transformé la patrouille frontalière en une sorte de comité d’accueil et qu’il a laissé le département de la Sécurité publique du Texas et la Garde nationale de l’État se charger de la tâche. En février, treize autres gouverneurs républicains ont afflué à la frontière pour promettre leur soutien à Abbott ; certains ont envoyé leurs propres troupes de la Garde nationale sur place. Des membres républicains du Congrès ont également félicité Abbott pour ce qu’il décrit comme « tenir le cap ».

En réalité, les politiques frontalières fédérales ont été, pour la plupart, extraordinairement sévères sous le président Biden. Il a prolongé le Titre 42, une politique que Trump a invoquée en mars 2020 sous le prétexte de lutter contre la pandémie, ce qui a permis aux douanes et à la protection des frontières (CBP), l’agence mère de la patrouille frontalière, d’“expulser” les migrants qui franchissaient la frontière pour les renvoyer au Mexique. (La CBP a procédé à 1,4 million d’expulsions après l’entrée en fonction de M. Biden et avant avril 2022, date à laquelle il a tenté de lever le titre 42, mais en a été empêché par un tribunal fédéral). À la différence des déportations, les expulsions étaient presque immédiates : les personnes étaient renvoyées quelques minutes ou quelques heures après leur entrée aux USA, sans audience devant un juge de l’immigration. D’un point de vue juridique, ces personnes n’ont jamais été admises sur le territoire usaméricain.

Au total, plus de 2,8 millions d’expulsions ont été prononcées en vertu du titre 42. Pourtant, cette politique n’a pas empêché d’autres migrants de franchir la frontière ; c’est simplement que ceux qui ont essayé ont presque toujours été renvoyés. Des tentatives de franchissement ont également eu lieu sous Trump, mais pour les critiques conservateurs de Biden, elles sont la preuve d’une nouvelle ère d’anarchie.

Des participants écoutent un discours lors du rassemblement du convoi “Take Back Our Border” [Reprenons notre frontière], Cornerstone Children’s Ranch, Texas, 3 février 2024. Photo Sergio Flores/AFP/Getty Images

En mars 2021, alors que peu de choses avaient effectivement changé à la frontière depuis l’entrée en fonction de Biden, Abbott a officiellement lancé sa croisade contre les autorités fédérales chargées de l’immigration. Au début, il a vaguement décrit l’opération Lone Star comme un plan visant à “sécuriser la frontière” en déployant la police de l’État et la Garde nationale du Texas dans plusieurs comtés où le nombre de passages de migrants est élevé. Très vite, des agents ont arrêté des migrants, mais pas pour des raisons liées à l’immigration, du moins pas sur le papier. Abbott a affirmé que près de 60 % des arrestations effectuées dans le cadre de l’opération Lone Star concernaient le trafic de stupéfiants ou des actes de violence, mais bon nombre de ces infractions se produisent loin de la frontière et impliquent des citoyens usaméricains. Les migrants arrêtés pour intrusion criminelle représentent les 40 % restants. (Les accusations d’intrusion sont possibles car près des trois quarts des terres situées le long de la frontière sud du Texas sont des propriétés privées). En mai, en réponse à l’augmentation du nombre de migrants rencontrés, Abbott a publié une déclaration de catastrophe qui lui a donné le droit de construire des clôtures le long de la frontière méridionale de l’État.

À ce jour, les forces d’Abbott ont appréhendé plus de 507 000 personnes dans le cadre de l’opération Lone Star,  ce qui a donné lieu à plus de 41 500 arrestations criminelles. Il présente ces chiffres comme la preuve que son administration a pris des mesures alors que le gouvernement fédéral piétine. Pourtant, en arrêtant les migrants pour violation de propriété et en les détenant dans les prisons locales, la Garde nationale du Texas a contourné la procédure fédérale d’expulsion. Les migrants qui, autrement, auraient été refoulés à la frontière, pourraient désormais demander l’asile.

En mai 2023, lorsque Biden a déclaré que la pandémie était terminée, le titre 42 a expiré, modifiant la directive de la patrouille frontalière. Après avoir expulsé les migrants en masse pendant trois ans, l’agence devait à nouveau traiter toute personne se présentant à la frontière en vertu du titre 8, la loi sur l’immigration qui déclenche les procédures d’expulsion pour les “inadmissibles”. En fait, sous Biden, les expulsions au titre 42 et les admissions au titre 8 ont eu lieu simultanément : tandis que certains migrants étaient expulsés, d’autres se voyaient accorder des “dérogations humanitaires” qui leur permettaient de demander l’asile. Ce système désordonné a semé la confusion parmi les demandeurs d’asile et l’opinion publique usaméricaine. Mais après la levée de l’ordre d’expulsion, les migrants ne pouvaient plus être jetés de l’autre côté de la frontière et abandonnés à leur sort. Désormais, du moins en théorie, ils pourront être entendus par un tribunal.

La procédure de demande d’asile est en elle-même contraignante. Une fois remis à la CBP, les migrants sont soumis à un entretien de “crainte crédible”, au cours duquel les agents déterminent s’ils risquent d’être persécutés dans leur pays d’origine. Les demandeurs qui réussissent l’examen initial reçoivent des avis de comparution devant le tribunal, des mois ou des années plus tard. La menace d’une expulsion plane tout au long du processus ; les personnes qui n’obtiennent pas l’asile sont renvoyées dans le pays qu’elles ont fui.

Au lieu de rétablir cette procédure imparfaite, l’administration Biden a rendu plus difficile l’introduction d’une demande d’asile aux postes frontières officiels et a imposé de nouvelles sanctions à ceux qui ne le font pas. Les demandeurs doivent désormais prendre rendez-vous via une application appelée CBP One avant de pouvoir se présenter à un point d’entrée. Les créneaux d’entretien sont limités à 1 450 par jour, et ils partent vite. Par conséquent, les migrants sont contraints d’attendre en moyenne deux mois au Mexique avant de demander l’asile.

Leur autre option est de braver le désert ou, au Texas, le fleuve, ce qui compromet leurs chances de s’installer durablement aux USA. Alors que le titre 42 arrivait à expiration, l’administration Biden a publié un règlement interdisant à la plupart des personnes qui traversent entre les points d’entrée d’obtenir l’asile, à moins qu’elles n’aient d’abord déposé une demande au Mexique ou dans un autre pays. Ce règlement a également élargi le “renvoi accéléré”, une procédure par laquelle le ministère de la Sécurité intérieure expulse des personnes des USA avec des garanties de procédure limitées. L’administration a affirmé que le règlement punissait les migrants pour avoir « contourné les voies légales » d’entrée dans le pays, c’est-à-dire pour ne pas avoir utilisé l’application foireuse.

En résumé, la procédure mise en place par l’administration Biden après l’expiration du titre 42, qui était censée être « sûre, ordonnée et humaine », a en fait provoqué davantage de dysfonctionnements, de chaos et de morts. S’il s’agissait d’une tentative d’apaisement des critiques conservateurs, elle s’est clairement retournée contre ses initiateurs : ils lui reprochent toujours de ne pas être assez sévère. Les migrants sont pris au milieu de cette impasse politique, bloqués au Mexique par les politiques de Biden, forcés d’emprunter des itinéraires encore plus périlleux par Abbott, et punis à nouveau pour cela par Biden. Mais s’ils déterminent que les risques de rester chez eux sont plus grands que ceux à la frontière, ils tenteront leur chance quelles que soient les mesures mises en place.

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Depuis des décennies, la Border Patrol et la CBP ont pour mission non seulement de traquer, d’appréhender et d’arrêter les migrants non autorisés, mais aussi de les secourir sur le terrain hostile des zones frontalières. Ceux qui se retrouvent perdus dans le désert de Sonora ou emportés par les forts courants du Rio Bravo peuvent considérer un agent de la patrouille frontalière comme une sorte de sauveur pervers : Les agents de la patrouille frontalière sont à la fois responsables de pousser les migrants sur des routes périlleuses et de les sauver des dangers qu’ils y rencontrent. L’opération Lone Star a modifié cette dynamique, rendant la frontière plus mortelle que jamais.


La Garde nationale du Texas derrière le gouverneur Greg Abbott lors d’une conférence de presse, Eagle Pass, Texas, 4 février 2024. Photo Raquel Natalicchio/Houston Chronicle/Getty Images

 Au début de l’année 2022, le département militaire du Texas, qui supervise la Garde nationale de l’État, a installé des fils de fer barbelé concertina le long de certaines parties de la frontière. La démonstration de force s’est concentrée dans le siège du comté de Maverick, Eagle Pass, une ville d’environ 28 000 habitants située à moins de vingt miles de Quemado. Le directeur de la Sécurité publique du Texas a justifié cette décision en qualifiant la ville de « centre de gravité de la contrebande ».

La frontière est depuis longtemps poreuse dans cette partie du Texas. Le Rio Bravo et une « clôture pour piétons » sont les seuls éléments qui séparent Eagle Pass de la ville mexicaine de Piedras Negras. Même avant l’entrée en fonction de Biden, c’était un lieu de passage pour les migrants, un endroit où ils pouvaient traverser le fleuve à la nage et demander l’asile. En 2019, alors que le nombre de passages dans le secteur Del Rio de la patrouille frontalière a augmenté de 200 % par rapport à l’année précédente, l’agence a érigé des tentes à Eagle Pass pour traiter les demandes. En janvier dernier, le secteur de Del Rio a enregistré le deuxième plus grand nombre d’arrestations, après Tucson, en Arizona.

Depuis 2023, Abbott a largement concentré ses efforts de répression sur une petite partie d’Eagle Pass, le parc Shelby, que la CBP utilisait comme « zone de transit » pour le traitement des migrants. Le parc, l’une des plus grandes zones de loisirs publiques d’Eagle Pass, porte le nom d’un général confédéré qui, en 1865, s’est réfugié au Mexique pour y fonder une colonie d’exilés confédérés ayant juré fidélité à l’empereur Maximilien, installé dans le pays par les Français. En juin dernier, sans l’avis ni l’approbation du conseil municipal, le maire d’Eagle Pass, Rolando Salinas, a délivré une déclaration sous serment transformant le parc de 47 hectares en propriété privée sous son autorité, ce qui a permis aux forces d’Abbott d’arrêter les migrants qui s’y trouvaient sans autorisation. Le mois suivant, une « barrière flottante » de 300 mètres de long est apparue au milieu du fleuve. Elle était conçue pour empêcher les migrants de passer par-dessus et de nager en dessous : ses bouées orange vif étaient séparées par des lames de scie en métal, et un filet anti-plongée se trouvait en dessous.

Le “mur” de bouées a rendu le Rio Bravo pratiquement impossible à traverser à la nage. En août, Jessie Fuentes, un habitant d’Eagle Pass, a déclaré au Texas Tribune que ce mur « nous faisait ressembler à un pays du tiers-monde ». Enseignant à la retraite, né et élevé dans la ville, Fuentes a été l’un des premiers à s’opposer à l’occupation du parc Shelby par Abbott. En juillet, il a intenté une action en justice contre le gouverneur, l’État et le ministère de la Sécurité publique, affirmant que la barrière avait causé un « préjudice imminent et irréparable » à son entreprise de location de kayaks.

Début août, les autorités mexicaines ont repêché deux corps dans la rivière. Ces décès ont marqué un tournant pour de nombreux habitants d’Eagle Pass, dont certains avaient soutenu les initiatives d’Abbott, mais qui ont commencé à changer d’avis. Dans une plainte déposée auprès du département de la Sécurité publique, l’un des policiers dépêchés à la frontière affirme avoir reçu l’ordre de priver les migrants d’eau et de les « repousser dans l’eau pour qu’ils aillent au Mexique ». Il décrit avoir intercepté un homme blessé, qui « a déclaré qu’il avait un enfant coincé dans un piège dans l’eau... Il a extirpé son enfant et, ce faisant, le piège du baril lui a lacéré la jambe ». Deux agriculteurs mariés, Magali et Hugo Urbina, ont demandé au service de sécurité publique d’enlever les barbelés de leur propriété après avoir vu une femme enceinte sortir de la rivière avec du sang coulant le long de ses bras.

Rassemblement de la Coalition frontalière d’Eagle Pass lors du vote au conseil municipal en août 2023

Deux jours avant la découverte des corps, Salinas - le maire qui avait initialement cédé le parc à Abbott - et le conseil municipal ont voté à l’unanimité pour que le parc redevienne une propriété publique. « Il est évident que si c’est inhumain, je ne vais pas dire “Oui, je suis tout à fait d’accord pour que les gens soient lacérés” », a-t-il déclaré avant le vote. Mais deux semaines plus tard, la ville a voté pour « poursuivre les négociations » avec le gouvernement de l’État sur l’utilisation du parc. Depuis, d’autres vies ont été perdues. Le comté de Maverick stocke les corps repêchés dans la rivière dans d’immenses congélateurs qui accueillaient à l’origine les victimes de la Covid-19.

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La volonté affichée par Abbott de rétablir l’ordre public est probablement illégale. En juillet dernier, le ministère fédéral de la Justice a intenté une action en justice au motif que les bouées du Texas violaient la loi sur les rivières et les ports (Rivers and Harbors Act), qui interdit d’obstruer les eaux navigables sans l’autorisation du corps des ingénieurs de l’armée. Le gouvernement fédéral a demandé à un tribunal fédéral d’ordonner à Abbott de retirer les bouées. Quelques mois plus tard, après que des agents de la patrouille frontalière ont coupé des câbles que l’État avait installés sur les rives du Rio Bravo, le Texas a intenté un procès à l’administration Biden pour destruction illégale d’une propriété de l’État. Jusqu’à présent, les actions en justice ont permis à Abbott de remporter de timides victoires. En octobre dernier, en réponse à la plainte du Texas, un juge fédéral a ordonné aux agents de l’immigration de cesser de démonter les fils de concertina installés à Eagle Pass. Trois mois plus tard, la cour d’appel du cinquième circuit, considérée comme la plus conservatrice du pays, a déclaré que les bouées pouvaient rester en place tant que le gouvernement n’aurait pas statué sur la plainte déposée contre Abbott.

 



Immigrants traversant à gué le Rio Bravo, près d’Eagle Pass, Texas, le 7 janvier 2024. Photo John Moore/Getty Images

En janvier dernier, Abbott a encore fait monter les enchères lorsque la Garde nationale du Texas a pris le contrôle du parc Shelby et a empêché les agents de la patrouille frontalière d’accéder au fleuve. Deux semaines plus tard, après que la Cour suprême a déclaré que la patrouille frontalière pouvait couper les barbelés, il a écrit une lettre accusant le gouvernement fédéral d’avoir ouvert toutes grandes les portes du mur frontalier. Abbott a invoqué à la fois l’article IV de la Constitution, qui « promet que le gouvernement fédéral “protégera chaque [État] contre l’invasion” », et la section 10, clause 3 de l’article I, « qui reconnaît “l’intérêt souverain des États à protéger leurs frontières” ». Le maire Salinas a déclaré que le département de la Sécurité publique du Texas l’avait informé que le gouverneur avait émis une autre déclaration d’urgence lui donnant « le plein contrôle et la garde du parc Shelby », avec effet immédiat.

Ce jeudi, la Garde nationale avait empêché la patrouille frontalière d’entrer dans Shelby Park pour répondre à un appel concernant des migrants qui s’étaient noyés. Le lendemain matin, les corps d’une mère et de ses deux enfants ont été retrouvés dans le Rio Bravo, à proximité. Dans sa lettre, Abbott impute ces noyades à la « politique frontalière anarchique » de la Maison-Blanche, qui, selon lui, « a incité les immigrants illégaux à quitter les 28 points d’entrée légaux situés le long de la frontière sud de cet État - des ponts où personne ne se noie - pour se réfugier dans les eaux dangereuses du Rio Grande ». (En fait, les politiques de Biden - punir les passages illégaux et limiter le nombre de personnes pouvant demander l’asile aux points d’entrée légaux - n’ont pas tant “attiré” les migrants vers le danger que les y ont poussés). Fin mars, après que des centaines de migrants ont franchi une barrière en fil de fer à El Paso, les médias conservateurs ont présenté la situation comme une nouvelle preuve que Biden avait perdu le contrôle de la frontière. Mais il est presque certain que les migrants se rendaient eux-mêmes à la patrouille frontalière.

L’administration Biden, pour sa part, a fait valoir que le Texas avait violé à plusieurs reprises la clause de suprématie de la Constitution, qui confère au gouvernement fédéral l’autorité suprême en matière d’immigration. C’est pourquoi, en 2021, la Garde nationale du Texas a reçu pour instruction d’arrêter les migrants pour violation de propriété, et non pour infraction à la législation sur l’immigration. Au cours des trois années suivantes, Abbott a étendu l’opération Lone Star jusqu’à ce que le Texas entrave indéniablement la capacité du gouvernement fédéral à contrôler l’immigration à la frontière sud. La violation la plus flagrante de la clause de suprématie par le Texas a pris la forme du SB4, une loi signée par Abbott en décembre, mais qui n’est pas entrée en vigueur en raison d’une décision de justice fédérale. Cette loi fait de l’immigration illégale un crime d’État et permet à la police texane d’interroger toute personne dont elle pense qu’elle se trouve dans le pays sans autorisation légale. L’administration Biden n’a pas eu grand-chose à dire sur la question, si ce n’est qu’elle a intenté un procès au Texas pour certaines des mesures prises par  Abbott.

Abbott, quant à lui, a exprimé son opposition à Biden, qu’il a accusé d’utiliser les migrants comme des “pions politiques”. « Nous n’allons pas nous limiter à ce parc », a déclaré le gouverneur en février, quelques jours après le départ du convoi de Quemado. « Nous nous étendons à d’autres zones pour nous assurer que nous augmentons notre niveau de dissuasion et de refus de l’entrée illégale aux USA ». L’occupation du parc Shelby se poursuit, bien qu’il s’agisse essentiellement d’un show : un gouvernement d’État ne peut pas légalement appliquer la loi fédérale sur l’immigration. Même s’il le pouvait, l’histoire ne montre guère que la dissuasion puisse mettre un terme à l’immigration clandestine.

Pendant ce temps, les politiques d’Abbott causent des problèmes plus près de chez nous. En effet, une foule de nouveaux arrivants, munis d’armes et de badges, s’est emparée d’une zone autrefois paisible, faisant naître un sentiment d’insécurité chez les habitants. Le chaos et les dysfonctionnements qui règnent à la frontière ont entraîné la perte de vies innocentes. Le vrai problème, cependant, n’est pas causé par les migrants, mais par les personnes qui se donnent beaucoup de mal pour les empêcher d’entrer.

La Coalition frontalière d'Eagle Pass a planté 700 croix dans le parc Shelby en hommage aux vies perdues le long du Rio Bravo en 2023

 

06/05/2024

GIANFRANCO LACCONE
La réforme de la politique agricole commune de l’UE entre (quelques) lumières et (beaucoup d’) ombres

Gianfranco Laccone, ClimateAid.it, 2/5/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Parlement européen, lors de la dernière session plénière de la législature à Strasbourg, a approuvé la réforme de la politique agricole commune. Les députés ont donné leur feu vert au projet de loi avec les amendements techniques proposés par le Comité spécial de l’agriculture du Conseil et approuvés par la Commission de l’agriculture du Parlement. Le règlement doit maintenant être approuvé par le Conseil européen. La révision de la PAC modifie les règles relatives à trois exigences de conditionnalité environnementale auxquelles les agriculteurs doivent se conformer pour bénéficier d’un financement. Elle donne également plus de souplesse aux États membres pour accorder des dérogations aux règles en cas de problèmes d’application et de catastrophes naturelles. Les petites exploitations de moins de 10 hectares seront exemptées de contrôles et de sanctions en cas de non-respect de certaines normes. Les États membres disposeront également d’une plus grande marge de manœuvre dans l’application du ratio de prairies permanentes par rapport aux terres agricoles supérieur à 5 % qu’en 2018. (ITALPRESS)


L’hypothèse de réforme de la Politique agricole commune (PAC) 2023/2027 proposée par la Commission européenne dans le cadre d’une procédure d’urgence a été adoptée par le Parlement européen, à la fois pour donner un signal au monde agricole en révolte et pour éviter de renvoyer les décisions à « après les nouvelles élections parlementaires ». On attend maintenant des gouvernements qu’ils ratifient ce qui a été proposé au Conseil, afin que le nouveau règlement entre en vigueur à la « fin du printemps », comme le souhaite le cabinet de Frau Von Der Leyen. Il s’agit d’une question qui concerne de très près les citoyens de l’UE, même si les seuls à qui elle s’adresse semblent être les agriculteurs (une petite minorité), car elle a une incidence sur le calendrier du secteur agricole, sa transformation sous l’effet du changement climatique et le coût des denrées alimentaires.

Même les administrations des différents pays se livreront à une analyse intensive pour comprendre les effets des changements introduits à la suite de la protestation, qui sera suivie d’un travail de contact avec les services de la Commission pour évaluer l’efficacité de la réforme elle-même. Toutefois, les ajustements nécessaires et les modifications éventuelles ne changeront pas les orientations qui viennent d’être votées, mais concerneront le plan stratégique de chaque pays. Ainsi, même dans un cadre communautaire, une ligne d’intervention distincte sera maintenue pour chaque pays, afin de mieux adapter les politiques à la situation spécifique, mais aussi, disons-le, pour éviter de créer une situation de malaise généralisé qui déclenche, comme aujourd’hui, des protestations et des révoltes. C’est l’effet le plus évident de la contestation généralisée : chaque pays s’organisera pour développer une politique agricole commune qui prévoira, bien sûr, des mailles plus larges que l’actuelle.

Mais quels sont les changements dans la réforme qui vient d’être approuvée ?

Tout d’abord, un lot de consolation a été donné aux protestataires : à l’exemption temporaire pour 2024 de maintenir des terres en friche s’ajoute l’élimination complète du quota minimum de terres arables pour les zones non productives jusqu’en 2027. L’illusion que l’exploitation des 5 % supplémentaires de terres non cultivées permettra aux entreprises de joindre les deux bouts ne contribuera pas à couvrir les dommages causés par la culture intensive des terres (en particulier des terres marginales). Mais comme ces coûts pèsent sur l’ensemble de la société et pas seulement sur les agriculteurs, on a l’illusion de les rendre moins visibles. Le vainqueur de la contestation est le rapport de force politique actuel, qui voit la protection de l’environnement comme une option facultative et non comme un outil de base. Mais « le temps est un bon bougre » et les nœuds vont se défaire, surtout si les consommateurs font entendre leur voix (actuellement très faible) et si les forces environnementales sont convaincues qu’il est perdant de parler de protection de l’environnement sans parler aussi du revenu des producteurs et de la protection des consommateurs.

Pour contrebalancer la fin de l’environnementalisme agricole, la Commission a envisagé que les États membres mettent en place un éco-régime offrant un soutien aux agriculteurs « pour maintenir une partie des terres cultivables dans un état non productif » ou pour créer de nouveaux éléments de paysage, y compris des exemptions spécifiques pour la couverture du sol, les jachères et le travail du sol. En résumé, pour ne pas contrarier ceux qui estiment que le respect de la nature et des cycles saisonniers est productif, des possibilités de sortie sont prévues pour les situations qui « risquent d’être contraires à leurs objectifs ». C’est une façon de parvenir à des compromis qui satisfont les forces environnementales et les entrepreneurs qui ont investi dans le changement et la diversification de l’agriculture, surtout si la sécheresse ou d’éventuelles inondations balayent les illusions de revenus tirés de l’intensification des cultures. Il n’est venu à l’esprit de personne que l’augmentation de l’utilisation des terres pourrait également accroître les effets des catastrophes naturelles. La Commission s’efforce de proposer des solutions pour les situations catastrophiques qui devraient se répéter au fil du temps.

Les changements les plus significatifs, susceptibles de nous donner le véritable signe de la réforme, sont ceux relatifs à la réduction des contrôles et des sanctions pour les exploitations de moins de 10 hectares, à partir du décompte statistique, selon lequel cette mesure affecterait 65 % des bénéficiaires mais seulement 10 % de la superficie agricole de la Communauté. Nous aurions préféré une sélection parmi les différents contrôles et parmi les sanctions qui peuvent être éliminés, en respectant les indicateurs que l’Agenda 2030 de l’ONU utilise pour envisager un avenir pour la planète.

En outre, nous aurions préféré qu’un décompte similaire soit effectué pour la distribution des fonds communautaires, qui voit encore, trente ans après la réforme Mac Sharry, 80 % des fonds déboursés au détriment de 20 % des exploitations. Les réformes qui se sont succédé depuis lors jusqu’à aujourd’hui n’ont pas modifié cet aspect, véritable nœud (et gangant) de toute réforme, et nous ne pensons pas que celle qui est en cours d’application modifiera ces rapports de force qui sont actuellement à l’avantage des moyennes et grandes exploitations. L’absence de contrôle combinée à la possibilité d’une culture plus intensive ne rendra pas les petites exploitations plus compétitives, et dans les zones où elles représentent une entité significative (souvent des zones particulièrement perturbées), le début de l’absence de contrôle et une plus grande exploitation du sol entraîneront une augmentation probable de la perturbation hydrogéologique à laquelle elles sont soumises.

Que dire ? La réforme n’ira pas à l’encontre des tendances actuelles du marché alimentaire mondial ; au contraire, elle favorisera la spéculation et les variations de prix induites par les guerres et le changement climatique. La tendance à réduire le nombre d’exploitations et à les incorporer encore plus au système agroalimentaire voit dans la réforme actuelle un outil cohérent et les agriculteurs se rendront bientôt compte que le fait d’avoir apparemment plus d’initiative et de liberté d’action est une pieuse illusion, même si les contraintes et les contrôles sont supprimés. Le contrôle substantiel par les bas prix du marché mondial et les dettes de gestion sont les outils appropriés pour cela, des outils que la réforme actuelle ne remet pas en question.

Pour les consommateurs, la réforme actuelle de la PAC n’apporte rien d’autre que de vagues principes généraux, et les faibles revenus (un problème particulièrement important en Italie) pousseront les consommateurs à acheter les produits les moins chers, de moindre qualité et, en général, produits à l’étranger. Pour nous, l’image de la faillite de la réforme actuelle est déjà claire d’emblée. Elle n’a été lancée que pour bloquer les protestations et continuer à mettre en œuvre la véritable réforme agricole mondiale qui passe sous le radar. Cette dernière sera mise en œuvre en contrôlant la biodiversité par le biais de brevets et le système de production par le biais de la technologie et du contrôle du système financier et des chaînes d’approvisionnement, si les guerres le permettent.

Seule l’union des forces environnementalistes et consuméristes sera en mesure de nous offrir des perspectives différentes.


05/05/2024

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
70 ans après la bataille de Dien Bien Phu : la contribution du Vietnam à la lutte anticoloniale

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 4/5/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le 7 mai, on commémorera le 70e anniversaire de la victoire du peuple vietnamien dans la bataille de Dien Bien Phu, qui a mis fin au pouvoir colonial français dans toute la péninsule indochinoise. Cette bataille, ainsi que la guerre d'indépendance algérienne qui s'est achevée en 1962* et la bataille de Cuito Cuanavale qui s'est achevée en novembre 1988 par l'action conjointe des forces cubaines et angolaises dans le sud de l’Angola, ont été les défaites les plus retentissantes infligées à la puissance coloniale européenne dans la seconde moitié du 20e siècle.



« Tout le peuple va à la guerre », premier volet de la peinture panoramique Bataille de Dien Bien Phu, de 132 mètres de long, peinte en 9 ans par 100 artistes pour le Musée historique de la Victoire de Dien Bien Phu

En décembre 1953, le président Ho Chi Minh envoie un message aux cadres et aux combattants du Front de Dien Bien Phu. Il leur indique que leur mission est de marcher jusqu'à l'endroit où se trouve un fort contingent français qu'ils doivent anéantir afin d'étendre la résistance et de libérer les compatriotes qui sont encore sous le joug de l'ennemi.

Dans sa lettre, le Président Ho rappelle les grands succès et les brillantes victoires de ce front. Aujourd'hui, après les campagnes d'éducation politique et d'entraînement militaire, ils ont fait de nouveaux progrès. Dans cette situation, ils doivent lutter avec plus de courage et, malgré les difficultés, ils doivent imposer leur conviction inébranlable dans la victoire.

 

Le drapeau « Déterminé à combattre, déterminé à vaincre » de l'Armée populaire vietnamienne flotte sur le toit du bunker de commandement du général français De Castries dans l'après-midi du 7 mai 1954, marquant la victoire complète de la campagne de Diên Biên Phu.

 

Dien Bien Phu est une ville située dans la vallée de Muong Thanh, au milieu d'une région montagneuse du nord-ouest du Viêt Nam, à environ 320 km de Hanoi. C'est la capitale de la province de Dien Bien et elle se trouve à environ 35 km de la frontière avec le Laos. La vallée de Muong Thanh est entourée d'une région de jungles, de rizières et de lacs.

Deux mois avant la lettre du président Ho aux combattants, en octobre, le général Vo Nguyen Giap a été convoqué au quartier général du haut commandement, où résidait le président Ho, pour discuter du plan militaire pour la campagne d'hiver-printemps 1953-1954. Le QG était situé dans le village de Khuoi Tat, dans la province de Thai Nguyen, au nord-est du pays. Outre le président Ho, Truong Chinh et Pham Van Dong, tous deux membres du Bureau politique du Parti communiste vietnamien (PCV), et le général Hoang Van Thai assistent à la réunion. En janvier, le général Giap est nommé commandant en chef du front de Dien Bien Phu, tandis que le général Hoang Van Thai est nommé chef d'état-major du front de Dien Bien Phu. 

Les images de l'oncle Ho et du général Vo Nguyen Giap apparaissent dans de nombreuses œuvres promotionnelles sur Dien Bien Phu.
Giap et l'Oncle Ho

 

À partir du mois de mai, l'armée française d'occupation a un nouveau commandant, le général Henri Navarre, qui se caractérise par une activité intense et une brutalité sans retenue à l'égard de la population civile. Son plan consiste à concentrer au Viêt Nam une force mobile d'une ampleur sans précédent, en plus de sa proposition de pacifier le sud du pays, en évitant une confrontation dans la région septentrionale, à la frontière de la Chine. Les Français prévoient de rester à l'offensive, en frappant à l'arrière afin d'immobiliser et d'épuiser l'armée populaire vietnamienne. Le plan Navarre, élaboré et financé en collaboration avec le Pentagone usaméricain, vise à anéantir le principal contingent militaire vietnamien en 18 mois et à transformer le pays en colonie et en base militaire pour la France et les USA.

Lors de la réunion d'octobre, le président Ho a calmement déclaré que l'ennemi s'était concentré pour se renforcer et qu'il fallait donc le forcer à se disperser et à réduire ses forces. À cette fin, le Comité central du Parti communiste vietnamien a émis une directive. Afin de maintenir et de développer l'initiative, une partie des forces régulières serait utilisée, en coordination avec les troupes régionales, pour attaquer les points stratégiques considérés comme les points faibles de l'ennemi, l'obligeant à se disperser pour se défendre. Il s'agit ainsi de créer une situation nouvelle, dans laquelle la dislocation de l'armée française doit être observée en permanence afin de pouvoir, le moment venu, concentrer les troupes, éliminer les forces les plus importantes de l'ennemi et changer le cours de la guerre.

Des dispositions ont également été prises pour intensifier la guérilla, défendre les zones libérées avec des troupes locales et coordonner étroitement les forces révolutionnaires au Laos et au Cambodge.

En application de cette résolution, en décembre 1953, l'armée vietnamienne a pris l'initiative de libérer d'importantes zones dans le nord-ouest du pays, en même temps que d'autres zones dans le sud et le centre du Laos et dans le nord-ouest du Cambodge, atteignant ainsi l'objectif de disperser les forces de l'ennemi et de le forcer à recomposer son plan en l'empêchant de mener des opérations dans certains territoires où il les avait préparées, en étant contraint de retirer des troupes du sud pour renforcer le nord, ce qui a entravé son plan de concentration de ses forces. Tout cela a préparé le terrain à son anéantissement, car il a été contraint d'abandonner des positions, des avant-postes et des bases aériennes, ce qui a entraîné de lourdes pertes pour la puissance coloniale.

Comme le dit le général Giap dans ses mémoires : « ...les Français n'ont jamais pu résoudre la contradiction concentration-dispersion de leurs forces ». L'offensive vietnamienne visait à approfondir cette contradiction. Elle se manifeste par le fait que l'armée française a besoin de se disperser pour occuper l'ensemble du territoire contesté, mais, « en se dispersant, elle se trouve en difficulté. Ses unités dispersées devenaient des proies faciles pour nos troupes, ses forces mobiles se réduisaient sans cesse et le manque de troupes s'accentuait... ».

Dans cette situation et dans le but de maintenir une bonne position au nord-ouest, les Français, avec l'appui des USA, s'emploient à construire et à renforcer avec une extrême rapidité une gigantesque base militaire à Dien Bien Phu,  située dans une zone stratégique où ils concentrent une bonne partie des forces et des moyens pour en faire la zone fortifiée qui deviendra un rempart pour la mise en œuvre du plan Navarre, l'extension et la prolongation de la guerre.

Dans ce contexte, le bureau politique du PCV a décidé de vaincre et d'anéantir l'ennemi à Diên Biên Phu, en mettant en place une série de mesures visant à la victoire. Des milliers de volontaires, de troupes locales et régionales et de forces régulières ont uni leurs forces pour vaincre la suprématie de l'armée coloniale en matière de technique et d'armement. Des centaines de kilomètres de routes rurales ont été ouvertes au milieu de la jungle et des montagnes, transportant les armes, les munitions et les fournitures logistiques nécessaires à la bataille finale sur des itinéraires presque inaccessibles.



L'arme de la victoire vietnamienne furent les "chevaux de fer", les vélos utilisés pour le transport des armes, des équipements, de la nourriture, des blessés. 20 000 vélos furent utilisés par les dizaines de milliers de paysans, de minorités ethniques et de porteurs assurant le soutien logistique aux 60 000 combattants . De marque française Peugeot ou tchécoslovaque Favorit, ces vélos renforcés pouvaient transporter jusqu'à 300 kgs de marchandises. Le “record” du transport à vélo appartient au porteur Ma Van Thang, qui a transporté au total 3 700 kg de marchandises sur  2100 km de routes montagneuses. Ce vélo est exposé au musée de la Victoire de Dien Bien Phu 5PHOTO 1°. Le 2è “record”, 345kg, appartient à Trinh Ngoc. Son vélo est exposé au musée de la province de Thanh Hóa (photo 2)


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 Le 7 mai, après 55 jours de combats acharnés, l'armée vietnamienne est parvenue à détruire l'ensemble du système de fortification de Dien Bien Phu, anéantissant ou capturant jusqu'à 16 000 soldats ennemis, y compris tous leurs officiers. Au total, sur l'ensemble de la campagne, 112 000 soldats ennemis ont été liquidés, libérant des zones stratégiquement importantes et reprenant les trois quarts du pays, tandis que des succès similaires ont été obtenus au Laos et au Cambodge.

Face à la défaite et à la possibilité d'une disparition totale, les Français se retirent au sud du 18e  parallèle. La victoire de Dien Bien Phu signifie la libération de tout le nord du pays, créant les conditions de sa réunification ultérieure, qui devra attendre 19 ans de combats, cette fois contre les USA, qui créent un gouvernement fantoche au sud.

En juillet 1954, les accords de Genève sont signés : la France officialise le retrait de ses troupes, reconnaît l'indépendance du Viêt Nam, du Laos et du Cambodge et établit une ligne de démarcation au niveau du 17e parallèle.

La victoire de Dien Bien Phu et les accords de Genève qui en ont découlé ont mis en évidence la défaite totale de la France et ont constitué un stimulant pour tous les peuples en lutte contre le colonialisme et le néocolonialisme. Ils ont également forcé l'ajournement des plans impérialistes élaborés à Washington pour l'Asie du Sud-Est.

Les USA n'ont pas respecté les accords, ce qui a créé une nouvelle situation qui, comme nous l'avons mentionné plus haut, a exigé 19 années supplémentaires de lutte jusqu'à la défaite totale de l'empire USaméricain, la réalisation de la réunification nationale tant attendue, la paix et le début progressif de la marche du pays vers le socialisme sous la direction du parti communiste du Viêt Nam, fondé par Ho Chi Minh.

NdT

*Ce fut la nouvelle de la victoire de Dien Bien Phu qui décida un groupe de militants indépendantistes algériens, pour la plupart anciens combattants de l'armée française pendant la deuxième guerre mondiale, à préparer l'insurrection qui éclata le 1er novembre 1954, entrant dans l'histoire sous le nom de “Toussaint rouge”.

 Works All pour la campagne Dien Bien Phu

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
A 70 años de la batalla de Dien Bien Phu: la contribución de Vietnam a la lucha anticolonial

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 4-5-2024

Este 7 de mayo se celebra el septuagésimo aniversario de la victoria del pueblo vietnamita en la batalla de Dien Bien Phu que dio al traste con el poder colonial francés en toda la península indochina. Esta batalla, junto a la guerra de independencia de Argelia concluida en 1962* y la batalla de Cuito Cuanavale finalizada en noviembre de 1988 por la acción conjunta de las fuerzas cubano-angolanas en el sur de este país, significaron las derrotas más contundentes propinadas al poder colonial europeo en la segunda mitad del siglo XX.

“Todo el pueblo va a la guerra”, primera parte del cuadro panorámico de 132 metros de largo Batalla de Dien Bien Phu, pintado a lo largo de 9 años por 100 artistas para el Museo histórico de la Victoria de Dien Bien Phu

En diciembre de 1953, el presidente Ho Chi Minh,  envió un mensaje a los cuadros y combatientes del Frente de Dien Bien Phu. En ella les decía que tenían la misión de marchar hacia ese lugar donde se emplazaba un fuerte contingente francés al que debían aniquilar a fin de ampliar la resistencia y liberar a los compatriotas que aún sufrían el yugo del enemigo.

En su misiva, el presidente Ho recordaba los grandes éxitos obtenidos y las brillantes victorias de ese Frente. Ahora, después  de las campañas de educación política e instrucción militar, habían conseguido nuevos progresos. En esa situación, debían combatir con mayor valentía y a pesar de las dificultades, tenían que imponer su convicción inquebrantable en la victoria.

La bandera del Ejército Popular Vietnamita “Decidido a luchar, decidido a vencer” ondeó desde el tejado del búnker de mando del general francés De Castries en la tarde del 7 de mayo de 1954, marcando la victoria completa de la campaña de Diên Biên Phu.

Dien Bien Phu es una ciudad ubicada en el valle Muong Thanh  en medio de una zona montañosa al noroeste de Vietnam, a unos 320 Km de Hanoi. Es la capital de la provincia de Dien Bien y está situada a unos 35 Km de la frontera con Laos. El valle de Muong Thanh  está rodeado por una región de selvas, campos de arroz y lagos.

Dos meses antes de la carta del presidente Ho a los combatientes, en octubre, el general Vo Nguyen Giap fue citado al Cuartel General del Alto Mando donde residía el presidente Ho, para discutir el plan militar de la campaña invierno primavera 1953-54. El Cuartel general se encontraba en la aldea de Khuoi Tat en la provincia Thai Nguyen al noreste del país. Además del presidente Ho, en la reunión participaron Truong Chinh y Pham Van Dong, ambos miembros del Buró Político del Partido Comunista de Vietnam (PCV) y el general Hoang Van Thai. En enero, el general Giap fue designado comandante en jefe del Frente de Dien Bien Phu mientras que el general Hoang Van Thai  fue nombrado jefe de Estado Mayor de ese Frente. 

Les images de l'oncle Ho et du général Vo Nguyen Giap apparaissent dans de nombreuses œuvres promotionnelles sur Dien Bien Phu.
Giap y el Tío Ho

Desde mayo, el ejército francés de ocupación tenía un nuevo jefe: el general Henri Navarre que se caracterizaba por su intensa actividad y una brutalidad sin límites contra la población civil. Su plan consistía en concentrar una enorme fuerza móvil sin precedentes en Vietnam que sumaba a su propuesta de pacificación del sur del país, evitando una confrontación en la región septentrional, fronteriza con China. Los franceses se planteaban mantenerse a la ofensiva, propinando golpes en la retaguardia a fin de inmovilizar y desgastar al ejército popular de Vietnam. El Plan Navarre elaborado y financiado en conjunto con el Pentágono estadounidense tenía como objetivo aniquilar en 18 meses al principal contingente militar vietnamita y transformar el país en colonia y base militar de Francia y Estados Unidos.

En la reunión de octubre, el presidente Ho transmitiendo serenidad  dijo que el enemigo se había concentrado a fin de reforzarse, por lo que había que obligarlo a dispersarse y reducir su fuerza. Con este propósito, el Comité Central del Partido Comunista de Vietnam emitió una  directiva. Con el fin de mantener y desarrollar la iniciativa, se utilizaría una parte de las fuerzas regulares para que, actuando de manera coordinada con las tropas regionales, atacar los puntos estratégicos que se consideraban de mayor debilidad del enemigo, obligándolo a dispersarse para defenderse. De esta forma, se crearía una nueva situación, en la que se debería observar permanentemente la dislocación del ejército francés para que, una vez se presentara la ocasión, concentrar las tropas, eliminar las fuerzas más importantes del enemigo  y cambiar el curso de la guerra.

Asimismo, se emitieron disposiciones para intensificar la guerra de guerrillas, defender las zonas liberadas con las tropas locales y estrechar la coordinación con las fuerzas revolucionarias de Laos y Camboya.

En cumplimiento de esta resolución, en diciembre de 1953, el ejército vietnamita tomó la iniciativa, liberando importantes zonas del noroeste del país, al mismo tiempo que otras zonas en el sur y el centro de Laos y el noroeste de Camboya también fueron liberadas, logrando el objetivo de dispersar las fuerzas del enemigo y obligándolo a recomponer su plan al impedir que pudiera realizar operaciones  en algunos territorios donde las había preparado, siendo impelido a retirar tropas del sur para reforzar el norte, impidiendo su plan de concentración de fuerzas. Todo esto fue creando las condiciones para su aniquilamiento, al tener que abandonar posiciones, puestos avanzados y bases aéreas que redundaron en cuantiosas pérdidas para el poder colonial.

Como dijo el General Giap en sus memorias:  “…los franceses nunca pudieron resolver la contradicción concentración-dispersión en sus fuerzas”. Hacia al ahondamiento de esa contradicción apuntó la ofensiva vietnamita. La misma se manifestaba por el hecho de que el ejército francés necesitaba dispersar para ocupar todo el territorio en disputa, pero, “al dispersar se encontraba en dificultades. Sus dispersas unidades se convirtieron en fácil presa para nuestras tropas, sus fuerzas móviles se reducían continuamente y la escasez de efectivos se hizo más marcada…”

En esta situación y con el objetivo de mantener una buena posición en el noroeste, los franceses con apoyo de Estados Unidos se dieron a la tarea de construir y reforzar con extrema rapidez una gigantesca base militar en Dien Bien Phu ubicada en una zona estratégica en la que concentraron una buena cantidad de fuerzas y medios para convertirla en la zona fortificada que debía transformarse en baluarte  para la aplicación del Plan Navarre, extendiendo y prolongando la guerra.

En este contexto, el Buró Político del PCV decidió derrotar y aniquilar al enemigo en Dien Bien Phu para lo cual dispuso una serie de medidas encaminadas a la victoria. Se impuso como tarea principal el apoyo multisectorial al ejército por lo cual miles de voluntarios, tropas locales, regionales y fuerzas regulares concatenaron esfuerzos para sobrepasar la supremacía técnica y en armamentos del ejército colonial. Así, se abrieron centenares de kilómetros de caminos rurales en medio de la selva y la montaña, trasladando por rutas casi inaccesibles el armamento, las municiones y los abastecimientos logísticos necesarios para la eventual batalla.



El arma de la victoria vietnamita fueron los “caballos de hierro”, las bicicletas utilizadas para transportar armas, equipos, alimentos y heridos. 20.000 bicicletas fueron utilizadas por las decenas de miles de campesinos, minorías étnicas y porteadores que prestaban apoyo logístico a los 60.000 combatientes. Fabricadas por Peugeot de Francia o Favorit de Checoslovaquia, estas bicicletas reforzadas podían transportar hasta 300 kg de mercancías. El “récord” de transporte en bicicleta pertenece al transportista Ma Van Thang (foto 1), que transportó un total de 3.700 kg de mercancías a lo largo de 2.100 km de carreteras montañosas. Esta bicicleta está expuesta en el Museo de la Victoria de Dien Bien Phu. El segundo “récord”, de 345 kg, pertenece a Trinh Ngoc. Su bicicleta está expuesta en el museo de la provincia de Thanh Hóa (foto 2).
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El 7 de mayo, después de 55 días de feroces combates, el ejército vietnamita pudo destruir todo el sistema de fortificaciones de Dien Bien Phu, aniquilando o capturando hasta 16 mil efectivos enemigos incluyendo todos sus oficiales. En general, durante toda la campaña, se liquidaron 112 mil soldados enemigos, liberando zonas estratégicas relevantes y recuperando las tres cuartas partes del país al tiempo que éxitos similares se obtenían en Laos y Camboya.

Ante la derrota y la posibilidad de desaparición total, los franceses se retiraron al sur del paralelo 18. La victoria de Dien Bien Phu significó la liberación de todo el norte del país, creándose condiciones para su posterior reunificación que habría de esperar 19 años más de lucha, ahora contra Estados Unidos que creó un gobierno títere en el sur.

En julio de 1954 se firmaron los Acuerdos de Ginebra mediante los cuales, Francia formalizaba el retiro de sus tropas, reconocía la independencia de Vietnam, Laos y Camboya y se establecía una línea de demarcación en el paralelo 17. De igual manera, se pactó la realización de elecciones a efectuarse en julio de 1956 para avanzar hacia la reunificación del país.

La victoria de Dien Bien Phu y los posteriores Acuerdos de Ginebra que de ella emanaron, expusieron una derrota total de Francia y significaron un estímulo para todos los pueblos que luchaban contra el colonialismo y el neocolonialismo. Así mismo, obligaron a posponer los planes imperialistas diseñados en Washington para el sureste de Asia.

Estados Unidos no cumplió los acuerdos, creando una nueva situación que, como se dijo antes, exigieron otros 19 años de lucha hasta la total derrota del imperio norteamericano, logrando la ansiada reunificación nacional, la paz y el inicio sostenido de la marcha del país hacia el socialismo bajo la conducción del Partido Comunista de Vietnam, fundado por Ho Chi Minh.

NdE

* Fue la noticia de la victoria en Dien Bien Phu lo que impulsó a un grupo de independentistas argelinos, en su mayoría veteranos del ejército francés durante la Segunda Guerra Mundial, a preparar la insurrección que estalló el 1° de noviembre de 1954 y que pasó a la historia como el “Día Rojo de Todos los Santos”.

Works All pour la campagne Dien Bien Phu