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06/05/2024

GIANFRANCO LACCONE
La réforme de la politique agricole commune de l’UE entre (quelques) lumières et (beaucoup d’) ombres

Gianfranco Laccone, ClimateAid.it, 2/5/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Parlement européen, lors de la dernière session plénière de la législature à Strasbourg, a approuvé la réforme de la politique agricole commune. Les députés ont donné leur feu vert au projet de loi avec les amendements techniques proposés par le Comité spécial de l’agriculture du Conseil et approuvés par la Commission de l’agriculture du Parlement. Le règlement doit maintenant être approuvé par le Conseil européen. La révision de la PAC modifie les règles relatives à trois exigences de conditionnalité environnementale auxquelles les agriculteurs doivent se conformer pour bénéficier d’un financement. Elle donne également plus de souplesse aux États membres pour accorder des dérogations aux règles en cas de problèmes d’application et de catastrophes naturelles. Les petites exploitations de moins de 10 hectares seront exemptées de contrôles et de sanctions en cas de non-respect de certaines normes. Les États membres disposeront également d’une plus grande marge de manœuvre dans l’application du ratio de prairies permanentes par rapport aux terres agricoles supérieur à 5 % qu’en 2018. (ITALPRESS)


L’hypothèse de réforme de la Politique agricole commune (PAC) 2023/2027 proposée par la Commission européenne dans le cadre d’une procédure d’urgence a été adoptée par le Parlement européen, à la fois pour donner un signal au monde agricole en révolte et pour éviter de renvoyer les décisions à « après les nouvelles élections parlementaires ». On attend maintenant des gouvernements qu’ils ratifient ce qui a été proposé au Conseil, afin que le nouveau règlement entre en vigueur à la « fin du printemps », comme le souhaite le cabinet de Frau Von Der Leyen. Il s’agit d’une question qui concerne de très près les citoyens de l’UE, même si les seuls à qui elle s’adresse semblent être les agriculteurs (une petite minorité), car elle a une incidence sur le calendrier du secteur agricole, sa transformation sous l’effet du changement climatique et le coût des denrées alimentaires.

Même les administrations des différents pays se livreront à une analyse intensive pour comprendre les effets des changements introduits à la suite de la protestation, qui sera suivie d’un travail de contact avec les services de la Commission pour évaluer l’efficacité de la réforme elle-même. Toutefois, les ajustements nécessaires et les modifications éventuelles ne changeront pas les orientations qui viennent d’être votées, mais concerneront le plan stratégique de chaque pays. Ainsi, même dans un cadre communautaire, une ligne d’intervention distincte sera maintenue pour chaque pays, afin de mieux adapter les politiques à la situation spécifique, mais aussi, disons-le, pour éviter de créer une situation de malaise généralisé qui déclenche, comme aujourd’hui, des protestations et des révoltes. C’est l’effet le plus évident de la contestation généralisée : chaque pays s’organisera pour développer une politique agricole commune qui prévoira, bien sûr, des mailles plus larges que l’actuelle.

Mais quels sont les changements dans la réforme qui vient d’être approuvée ?

Tout d’abord, un lot de consolation a été donné aux protestataires : à l’exemption temporaire pour 2024 de maintenir des terres en friche s’ajoute l’élimination complète du quota minimum de terres arables pour les zones non productives jusqu’en 2027. L’illusion que l’exploitation des 5 % supplémentaires de terres non cultivées permettra aux entreprises de joindre les deux bouts ne contribuera pas à couvrir les dommages causés par la culture intensive des terres (en particulier des terres marginales). Mais comme ces coûts pèsent sur l’ensemble de la société et pas seulement sur les agriculteurs, on a l’illusion de les rendre moins visibles. Le vainqueur de la contestation est le rapport de force politique actuel, qui voit la protection de l’environnement comme une option facultative et non comme un outil de base. Mais « le temps est un bon bougre » et les nœuds vont se défaire, surtout si les consommateurs font entendre leur voix (actuellement très faible) et si les forces environnementales sont convaincues qu’il est perdant de parler de protection de l’environnement sans parler aussi du revenu des producteurs et de la protection des consommateurs.

Pour contrebalancer la fin de l’environnementalisme agricole, la Commission a envisagé que les États membres mettent en place un éco-régime offrant un soutien aux agriculteurs « pour maintenir une partie des terres cultivables dans un état non productif » ou pour créer de nouveaux éléments de paysage, y compris des exemptions spécifiques pour la couverture du sol, les jachères et le travail du sol. En résumé, pour ne pas contrarier ceux qui estiment que le respect de la nature et des cycles saisonniers est productif, des possibilités de sortie sont prévues pour les situations qui « risquent d’être contraires à leurs objectifs ». C’est une façon de parvenir à des compromis qui satisfont les forces environnementales et les entrepreneurs qui ont investi dans le changement et la diversification de l’agriculture, surtout si la sécheresse ou d’éventuelles inondations balayent les illusions de revenus tirés de l’intensification des cultures. Il n’est venu à l’esprit de personne que l’augmentation de l’utilisation des terres pourrait également accroître les effets des catastrophes naturelles. La Commission s’efforce de proposer des solutions pour les situations catastrophiques qui devraient se répéter au fil du temps.

Les changements les plus significatifs, susceptibles de nous donner le véritable signe de la réforme, sont ceux relatifs à la réduction des contrôles et des sanctions pour les exploitations de moins de 10 hectares, à partir du décompte statistique, selon lequel cette mesure affecterait 65 % des bénéficiaires mais seulement 10 % de la superficie agricole de la Communauté. Nous aurions préféré une sélection parmi les différents contrôles et parmi les sanctions qui peuvent être éliminés, en respectant les indicateurs que l’Agenda 2030 de l’ONU utilise pour envisager un avenir pour la planète.

En outre, nous aurions préféré qu’un décompte similaire soit effectué pour la distribution des fonds communautaires, qui voit encore, trente ans après la réforme Mac Sharry, 80 % des fonds déboursés au détriment de 20 % des exploitations. Les réformes qui se sont succédé depuis lors jusqu’à aujourd’hui n’ont pas modifié cet aspect, véritable nœud (et gangant) de toute réforme, et nous ne pensons pas que celle qui est en cours d’application modifiera ces rapports de force qui sont actuellement à l’avantage des moyennes et grandes exploitations. L’absence de contrôle combinée à la possibilité d’une culture plus intensive ne rendra pas les petites exploitations plus compétitives, et dans les zones où elles représentent une entité significative (souvent des zones particulièrement perturbées), le début de l’absence de contrôle et une plus grande exploitation du sol entraîneront une augmentation probable de la perturbation hydrogéologique à laquelle elles sont soumises.

Que dire ? La réforme n’ira pas à l’encontre des tendances actuelles du marché alimentaire mondial ; au contraire, elle favorisera la spéculation et les variations de prix induites par les guerres et le changement climatique. La tendance à réduire le nombre d’exploitations et à les incorporer encore plus au système agroalimentaire voit dans la réforme actuelle un outil cohérent et les agriculteurs se rendront bientôt compte que le fait d’avoir apparemment plus d’initiative et de liberté d’action est une pieuse illusion, même si les contraintes et les contrôles sont supprimés. Le contrôle substantiel par les bas prix du marché mondial et les dettes de gestion sont les outils appropriés pour cela, des outils que la réforme actuelle ne remet pas en question.

Pour les consommateurs, la réforme actuelle de la PAC n’apporte rien d’autre que de vagues principes généraux, et les faibles revenus (un problème particulièrement important en Italie) pousseront les consommateurs à acheter les produits les moins chers, de moindre qualité et, en général, produits à l’étranger. Pour nous, l’image de la faillite de la réforme actuelle est déjà claire d’emblée. Elle n’a été lancée que pour bloquer les protestations et continuer à mettre en œuvre la véritable réforme agricole mondiale qui passe sous le radar. Cette dernière sera mise en œuvre en contrôlant la biodiversité par le biais de brevets et le système de production par le biais de la technologie et du contrôle du système financier et des chaînes d’approvisionnement, si les guerres le permettent.

Seule l’union des forces environnementalistes et consuméristes sera en mesure de nous offrir des perspectives différentes.


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