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18/01/2023

ANTONIO MAZZEO
Les forces armées marocaines vers une intégration opérationnelle dans l'OTAN

Antonio Mazzeo, Africa ExPress, 16/1/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le service de presse du Commandement des forces interarmées alliées (JFC Naples) basé à Lago Patria, à Naples, a annoncé qu'une unité d'élite de l'armée marocaine a entamé son parcours vers l'interopérabilité avec les unités de l'OTAN grâce au programme d'entraînement allié appelé “OCC E&F” (Operational Capabilities and Strategic Evaluation and Feedback) qui s'est tenu du 23 novembre au 10 décembre 2022 au polygone de Ramram, à Marrakech.


« Le programme OCC E&F est spécifiquement conçu pour évaluer le niveau d'interopérabilité et les capacités militaires atteintes par les unités d'un pays partenaire par rapport aux normes de l'OTAN », ajoute le JFC Naples.

Les activités de formation au Camp Ramram ont été menées avec l'aide du personnel spécialisé du Commandement allié à Lago Patria et le soutien d'un personnel militaire de Bosnie-Herzégovine, de Colombie, de Géorgie, d'Irlande, de Serbie et de Suède, pays qui ne sont pas encore membres de jure de l'OTAN.

« Tous ensemble, ils ont collaboré avec une équipe d'évaluation de l'armée marocaine pour mener l'auto-évaluation de niveau 1 (SEL-1) d'une compagnie du 2e bataillon de la 2e brigade d'infanterie aéroportée de l'armée marocaine », a ajouté le bureau de presse du commandement allié.

La 2e brigade aéroportée a déjà participé à de nombreux exercices nationaux et internationaux et, lors du programme d'entraînement à Marrakech, elle a montré « qu'elle a rapidement appris et mis en œuvre avec succès les normes OTAN de niveau 1 ».

La compagnie marocaine est la première unité d'un pays africain à obtenir la certification SEL-1. « C'est aussi le premier exemple de l'engagement du JFC Naples dans le programme de partenariat, ce qui démontre son importance en tant qu'élément central de la coopération de l'OTAN en matière de sécurité », conclut le Commandement des forces alliées de Lago Patria-Naples.

Le 21 novembre 2022, des représentants de l'état-major général des forces armées marocaines avaient participé à Bruxelles à une réunion sur la “sécurité maritime” organisée par le Comité militaire de l'OTAN, à laquelle ont également participé d'autres pays partenaires importants de l'Alliance, comme l'Australie, la Colombie, la Finlande, la République de Corée, le Qatar et la Suède.

« C'est précisément en raison de sa dimension mondiale que la sécurité maritime est une question de paix et de sécurité essentielle pour l'OTAN et ses partenaires », a déclaré le général Lance Landrum, vice-président du Comité militaire de l'OTAN, en ouvrant la session. « Ils dépendent les uns des autres pour garantir des solutions cohérentes, coordonnées et durables aux défis maritimes existants.

« Par le biais d'exercices navals conjoints, les membres de l'OTAN et les pays partenaires s'efforcent de maintenir et de développer l'expertise dans la conduite des activités de combat, d'établir l'interopérabilité entre les forces armées de l'OTAN et des pays partenaires, et de renforcer leurs capacités maritimes et de préparation globales pour toutes les opérations, internationales et nationales ».

Le discours d'ouverture de la réunion internationale a été prononcé par le vice-amiral Keith Blount, chef du MARCOM - Commandement maritime allié, dont le siège est à Northwood, au Royaume-Uni. « Le domaine maritime englobe les océans et les mers, au-dessus et au-dessous de la surface, dans toutes les directions », a-t-il commencé. « Un vaste effort est en cours pour assurer une dissuasion et une défense crédibles dans l'ensemble du territoire maritime et des zones terrestres d'influence de l'Alliance. Le renforcement de la coordination et de la coopération avec les partenaires est essentiel pour soutenir l'effort de l'OTAN dans le domaine maritime ».

À la lumière de l'intégration stratégique croissante des forces navales et terrestres marocaines dans l'OTAN, ce qui a été révélé le 6 décembre par la publication numérique spécialisée Africa Intelligence semble de plus en plus plausible, à savoir la possibilité que le Maroc devienne la première nation africaine à fournir des armes et des équipements militaires à l'Ukraine pour une utilisation dans le conflit avec Moscou.

Selon Africa Intelligence, à la demande de l'administration usaméricaine, Rabat a décidé “secrètement” de fournir à l'armée ukrainienne des pièces de rechange pour les chars T-72, dont l'armée marocaine possède encore 150 exemplaires B/BK de fabrication biélorusse. Toujours selon le site spécialisé dans les questions militaires, dès 2015, le gouvernement ukrainien, par le biais de la société publique Ukroboronprom, avait demandé au Maroc de fournir des pièces de rechange pour les T-72.

« En théorie, il existe encore plusieurs équipements de type soviétique dans les forces armées marocaines : en plus des chars T-72B/BK, il y a au moins trente lance-roquettes de campagne BM 21 de 122 mm, 12 véhicules autopropulsés anti-aériens 2K22 Tunguska M1 avec des missiles anti-aériens SA-19 et des canons de 30 mm, environ 160 canons à tir rapide ZSU de 23 mm, des dizaines de missiles anti-char Malyutka et Metis, et des milliers de fusils de la famille AK-47 Kalashnikov d'origine roumaine, chinoise et finlandaise », documente le site Analisi Difesa.

Char T-72B/BK, utilisé par les forces armées marocaines

« Le Maroc avait exprimé sa volonté de maintenir les T-72B/BK en service mais il pourrait obtenir de Washington le remplacement des armes remises à l'Ukraine par des produits usaméricains neufs ou d'occasion tels que les chars M1A1/A2-Abrams dont l'armée de Rabat déploie déjà 384 exemplaires ».

Enfin, Analisi Difesa note comment le Royaume du Maroc, l'un des États africains qui s'est toujours prononcé en faveur de l'intégrité territoriale de l'Ukraine dans le cadre des Nations unies, « pourrait agir en tant que collecteur en Afrique pour le compte des USA dans le but de reprérer des armes et des munitions de type russe/soviétique pour les fournir à Kiev ».

Langley au Maroc…

…puis en Tunisie (ici avec le ministre de la Défense nationale, Imed Mémiche)

Le Maroc a été, suivi par la Tunisie le 20 octobre, le premier pays africain visité (du 17 au 19 octobre 2022) par le général Michael Langley, du corps des Marines, après qu’il eut pris ses fonctions de commandant de l'U.S. Africom, le commandement des opérations des forces usaméricaines en Afrique, stationné à Ramstein, en Allemagne. « Notre partenariat en Afrique du Nord aide et soutient la sécurité régionale et maritime dans les eaux situées au-delà du flanc sud de l'OTAN « , a déclaré le Gén. Langley à Rabat.

Au cours de sa mission au Maroc, Michael Langley a rencontré le ministre Abdellatif Loudiyi (ministre délégué auprès du chef de gouvernement, chargé de l'Administration de la Défense nationale) et les dirigeants des forces armées marocaines, notamment le général Belkhir El Farouk (commandant de la zone sud), le général Alaoui Bouhamid (inspecteur des Forces Royales Air) et le contre-amiral Mustapha El Alami (inspecteur de la Marine royale). Le sujet des réunions était le « partage d'intérêts communs dans le secteur de la sécurité et les futurs domaines de coopération possible », comme l'a indiqué le commandement de l’US Africom.

 

09/12/2022

ANTONIO MAZZEO
De base en base : voyage à travers les centres de guerre USA/OTAN en Italie

Antonio Mazzeo, Mosaico di Pace, dicembre 2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Alea iacta est. Le sort en est jeté. Les nouvelles bombes nucléaires tactiques usaméricaines à gravité améliorée B61-12 seront déployées en Europe d'ici la fin 2022, soit trois mois avant le calendrier fixé par Washington avec ses partenaires de l'OTAN. Il s'agit d'une démonstration de force qui va dangereusement alimenter les tensions déjà élevées avec la Russie après l'invasion de l'Ukraine. Une centaine d'armes seront logées dans les bunkers de cinq pays : la Belgique (base aérienne de Kleine Brogel), l'Allemagne (Buchel), les Pays-Bas (Volkel), la Turquie (Incirlik) et l'Italie (les aérodromes d'Aviano-Pordenone et de Ghedi-Brescia). Les nouvelles bombes, une variante modernisée de l'ancienne B61, auront une puissance de destruction réglable, avec quatre options sélectionnables en fonction de la cible à atteindre. « L'utilisation opérationnelle peut donc être calibrée en fonction de l'effet recherché et de l'importance de la cible », écrit Difesaonline. Par rapport à la bombe “mère”, la B61-12 sera guidée par un système satellitaire et pourra pénétrer dans le sous-sol pour exploser en profondeur. La National Nuclear Security Administration, l'organisme du ministère usaméricain de l'Énergie chargé des stocks d'armes nucléaires, a annoncé en novembre 2021 les chasseurs-bombardiers qui seront utilisés pour larguer les nouvelles armes atomiques : le Panavia PA-200 "Tornado", le F-15 "Eagle", le F-16 C/D "Fighting Falcon", le B-2 "Spirit", le B-21 "Raider" et le nouveau F-35A "Lighting II" également acheté par l'armée de l'air italienne et déployé sur la base d'Amendola (Foggia).

 https://s3.amazonaws.com/uploads.fas.org/2021/10/20021010/NATO_Nukes2021.jpg

L'US Air Force stocke actuellement environ 100 bombes nucléaires en Europe, contre 180 en 2010 et 480 en 2000. Au cours de la dernière décennie, la restructuration et l'incertitude concernant la Turquie ont réduit l'inventaire. Source

Au total, entre 30 et 50 bombes B61-12 devraient être logées à Ghedi et Aviano, et les travaux de “renforcement” des bunkers atomiques sont en voie d'achèvement sur les deux aérodromes de l'OTAN. Ghedi abrite la 6e  Escadre de l'armée de l'air italienne, qui dispose de Tornado nucléaires, mais s'entraîne depuis un certain temps à l'utilisation des chasseurs-bombardiers F-35 de cinquième génération. À Aviano, les nouvelles bombes seront utilisées par les chasseurs-bombardiers F-16 de l'US Air Force. Sur la base du Frioul, les pistes ont été allongées et de nouveaux hangars et centres de maintenance des avions ont été construits. Aviano est également utilisé par les gros avions cargo qui transportent les parachutistes de la 173rd Airborne Brigade de l'armée usaméricaine vers les grandes zones de guerre internationales (dernièrement en Irak et en Afghanistan, aujourd'hui en Europe de l'Est et en Afrique).

La 173e Brigade est l'une des unités d'élite des forces armées usaméricaines et son quartier général se trouve sur l'ancien aérodrome Dal Molin à Vicenza, l'une des plus grandes bases militaires usaméricaines sur le sol italien. Il y a quelques mois, les travaux ont commencé dans la ville de Vénétie pour la construction de 478 logements destinés au personnel militaire usaméricain et à leurs familles (des maisons en terrasse et plusieurs nouveaux bâtiments à l'intérieur de la caserne Ederle et du “Village de la paix”), pour un coût estimé à 373 millions de dollars. De nouvelles infrastructures routières sont également prévues pour accélérer la connexion des bases de Vicence avec l'aéroport d'Aviano.

En vérité, il existe d'innombrables chantiers ouverts pour moderniser le réseau militaire usaméricain et national en Italie. Il y a quelques mois, l'AGS - Alliance Ground Surveillance - le système avancé de surveillance terrestre de l'Alliance atlantique, basé sur cinq grands avions sans pilote RQ-4 "Phoenix", est devenu opérationnel sur la base sicilienne de Sigonella. Ces drones mesurent 14,5 mètres de long et peuvent voler dans toutes les conditions environnementales et en continu pendant plus de 30 heures, jusqu'à une altitude de 18 280 mètres. Le système AGS est utilisé pour les activités de renseignement de l'OTAN en mer Noire et aux frontières avec le territoire ukrainien : les flottes et les unités terrestres de la Fédération de Russie sont espionnées dans leurs moindres mouvements et les données recueillies sont mises à la disposition des forces armées de Kiev pour planifier les opérations contre l'envahisseur.

Les grands drones espions "Global Hawk" de l'US Air Force et les avions de patrouille maritime P8A "Poseidon" de l'US Navy et des forces aériennes et maritimes de l'Australie et du Royaume-Uni décollent également quotidiennement de Sigonella, contribuant ainsi à l'escalade de la guerre en Europe orientale. Toutefois, le rôle de Sigonella dans les stratégies de guerre mondiale est appelé à se développer encore davantage : le Pentagone a signé un contrat de 177 millions de dollars avec une filiale du géant industriel Raytheon Technologies pour améliorer l'efficacité des 14 terminaux mondiaux (dont Sigonella) inclus dans le système de communications mondiales à haute fréquence (HFGCS). Les stations HFGCS transmettent des messages d'action d'urgence (EAM) et d'autres types de codes d'importance stratégique, y compris ceux permettant de mener une attaque nucléaire. Enfin, à Sigonella, le ministère italien de la Défense a entamé le processus d'expropriation de près de 100 hectares de terrain afin d'allonger les pistes de la base et de permettre les décollages et les atterrissages d'avions ravitailleurs pour le ravitaillement en vol des chasseurs de l'OTAN.

Une autre infrastructure clé dans les programmes de renforcement de l'appareil de projection avancée des forces armées italiennes et alliées est la base de Pratica di Mare, à Rome, qui abrite la 14e  Escadre de l'armée de l'air. Depuis le début de la guerre en Ukraine, des avions sophistiqués Gulfstream E.550 CAEW décollent de Pratica di Mare en direction de la mer Noire et de l'Europe de l'Est pour surveiller les opérations des unités de guerre russes. Les avions ne sont pas simplement des “radars volants”, mais ont également pour tâche de “gérer” les missions des alliés sur les champs de bataille et de brouiller les émissions électroniques. Les avions-citernes KC-767A utilisés pour le ravitaillement des avions italiens et de l'OTAN employés dans le cadre de la mission de police aérienne dans l'espace aérien de l'Europe de l'Est décollent également de l'aéroport de Rome. Des avions cargo sont utilisés depuis Pratica di Mare pour transporter des systèmes d'armes “donnés” par le gouvernement italien aux forces armées ukrainiennes.

Des coulées de ciment à des fins de guerre sont également prévues pour la ville de Pise. Le commandement général du corps des carabiniers a l'intention de construire des casernes et des logements pour les soldats et les familles, des stands de tir et des bases d'entraînement, sur une superficie de 73 hectares à Coltano, dans le parc régional de Migliarino-San Rossore-Massaciuccoli. Parmi les unités d'assaut des Carabinieri qui seront installées à Coltano figurent le 1er régiment de parachutistes "Tuscania", le G.I.S.-Groupe d'intervention spéciale et le Centre de défense canine, qui sont employés depuis des décennies sur les principaux théâtres de guerre dans des actions de combat et dans la formation “antiterroriste” du personnel militaire de certains régimes d'Afrique et du Moyen-Orient. Le projet de Pise est fonctionnel au renforcement géostratégique de la région toscane : la nouvelle citadelle des carabiniers s'ajoutera à la grande base de véhicules lourds de l'armée usaméricaine de Camp Darby, aux aéroports de Pise-San Giusto et de Grosseto, au port de Livourne, aux nombreuses casernes des parachutistes "Folgore", au centre de recherche militaire avancée (anciennement nucléaire) de San Piero a Grado et au poste de commandement florentin de la division "Vittorio Veneto", qui opérera bientôt en tant que division multinationale sud de l'OTAN pour les opérations de l'alliance en Méditerranée et en Afrique.

Le centre de guerre toscan rejoindra ainsi ceux de Vénétie-Frioul (avec Vicence et Aviano) ; de Sicile (Sigonella, le MUOS de Niscemi, la baie d'Augusta, l'escale de Trapani-Birgi et les petites îles de Pantelleria et Lampedusa). Les Pouilles (les bases navales de l'OTAN de Tarente et de Brindisi, les aéroports d'Amendola, de Gioia del Colle et de Galatina) ; la Campanie (le port de Naples et Capodichino, le commandement interallié du Lago Patria) ; la Sardaigne (les innombrables polygones disséminés sur l'île, Decimomannu, l'archipel de la Maddalena). Se profile également à l'horizon le développement du complexe militaro-industriel du Piémont et de la Lombardie (il existe déjà dans cette région le centre de Cameri-Novara pour la production du F-35, le quartier général du Corps à déploiement rapide de l'OTAN à Solbiate Olona, les complexes Leonardo-Agusta à Varese, la base nucléaire de Ghedi et les usines de pistolets, de mitrailleuses et de fusils dans la région de Brescia). En avril dernier, l'OTAN a approuvé le document stratégique jetant les bases de l'Accélérateur d'innovation de défense pour l'Atlantique Nord (DIANA), destiné à promouvoir la recherche scientifique et technologique menée par des centres universitaires, des jeunes pousses et des petites et moyennes entreprises sur les technologies émergentes que l'OTAN a jugées “prioritaires” : systèmes aérospatiaux, intelligence artificielle, biotechnologie et bio-ingénierie, ordinateurs quantiques, cybersécurité, moteurs hypersoniques, robotique et systèmes terrestres, navals, aériens et sous-marins pilotés à distance, etc. La ville de Turin a été choisie comme premier siège européen des accélérateurs de l'OTAN : dans une première phase, le siège de DIANA sera installé dans les historiques Officine Grandi Riparazioni (Ateliers de grandes réparations), pour être transféré à partir de 2026 dans la cité aérospatiale en cours de construction à la périphérie ouest de la capitale piémontaise, grâce à un financement de 300 millions d'euros provenant du plan national de relance et de résilience (PNRT), auquel s'ajoutent 800 millions d'euros qui devraient provenir d'environ soixante-dix entreprises du secteur aérospatial (Leonardo SpA in primis). Une Italie encore plus armée et militarisée à l'usage exclusif des forces armées usaméricaines et de l'OTAN et pour le bénéfice et le profit des industries de la mort.

02/12/2022

ANTONIO MAZZEO
Les USA et Israël s’exercent à une guerre aérienne contre l’Iran

Antonio Mazzeo , Pagine Esteri, 30/11/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Essais de guerre nucléaire anti-Iran. L'un des plus grands exercices aériens jamais réalisés conjointement par les forces armées des États-Unis d'Amérique et d'Israël a débuté dans le ciel de la Méditerranée orientale, mardi 29 novembre. Jusqu'au jeudi 1er décembre, des chasseurs-bombardiers usaméricains et israéliens vont simuler une attaque contre des centrales iraniennes.

"Des chasseurs et des avions ravitailleurs en vol de l'armée de l'air israélienne (IAF) et de l'armée de l'air américaine participeront à l'exercice et simuleront différents scénarios pour faire face aux menaces régionales", explique le service de presse de l'armée de l'air de Tel Aviv dans une note.

 C'est le Jerusalem Post qui révèle le véritable objectif de ces wargames. "Avec la montée des tensions autour du programme nucléaire iranien et les hostilités dans la région, Israël et la République islamique se menacent mutuellement, et les hauts responsables des deux pays affirment que leurs forces armées respectives sont capables de riposter à leurs adversaires", écrit le journal. Face à une attaque de plus en plus prévisible contre les infrastructures nucléaires iraniennes, les autorités israéliennes ont lancé un programme ambitieux et coûteux de renforcement de leurs forces aériennes et maritimes : 58 milliards de shekels (environ 16,29 milliards d'euros) ont été alloués pour le budget de la défense 2023, dont 3,2 milliards sont spécifiquement destinés à la lutte contre Téhéran.

 Selon les médias usaméricains, la décision d'organiser cet exercice aérien a été prise le 23 novembre à l'occasion de la visite aux USA du chef des forces armées israéliennes, le général Aviv Kochavi. "Le chef militaire israélien ainsi que le chef d'état-major américain, le général Mark Milley, et le commandant du CENTCOM (Central Command), le général Michael Kurilla, envisagent de mener un exercice d'entraînement conjoint dans les semaines à venir afin de former les militaires en prévision d'un éventuel conflit avec l'Iran et ses alliés au Moyen-Orient", a annoncé Fox News Digital à l'issue du sommet.

 Pendant sa mission sur le sol usaméricain, le général Aviv Kochavi a également été l'invité du conseiller à la sécurité nationale du président Biden, Jake Sullivan, et du directeur de la Central Intelligence Agency (CIA), William J. Burns. Au Naval Forces Command de Norfolk (Virginie), le chef des forces armées israéliennes a été accompagné de hauts responsables de l'US Navy à bord d'un sous-marin nucléaire et d'un porte-avions pour "en apprendre davantage sur leurs capacités opérationnelles", comme l'a indiqué l'US Navy. Kochavi a conclu sa tournée en participant à un exercice de "préparation" à la crise au quartier général du CENTCOM à Tampa, en Floride, où il a reçu la médaille du service militaire méritoire "pour avoir contribué à approfondir le partenariat stratégique entre les États-Unis d'Amérique et Israël".

 "Afin d'améliorer nos capacités à relever les défis dans la région, l'activité conjointe avec le CENTCOM va se développer de manière significative à l'avenir", a déclaré le général Kohavi avant de rentrer en Israël. "Dans le même temps, les forces armées israéliennes continueront à agir à un rythme accéléré contre l'enracinement du régime iranien dans la région."

 "L'Iran subit de nombreuses pressions économiques, militaires et internes et, d'autre part, continue à promouvoir son programme nucléaire", a ajouté Kohavi. "Avec le général Mark Milley, nous sommes d'accord : nous sommes à un moment critique et le temps exige d'accélérer les plans opérationnels et de coopération contre l'Iran et ses alliés terroristes régionaux."

 L'escalade dangereuse de l'affrontement entre Washington et Tel Aviv et Téhéran trouve une confirmation dans d'autres déclarations officielles récentes. Une semaine avant le voyage du général Kohavi, c'est le général Michael Kurilla, commandant du CENTCOM, qui s'était rendu dans le nord d'Israël pour assister à la livraison de trois nouveaux chasseurs-bombardiers "furtifs" F-35 par la holding militaro-industrielle Lochkeed Martin, après avoir escorté deux bombardiers stratégiques B-52 de l'US Air Force dans l'océan Atlantique et en Méditerranée. "Nous opérons ensemble sur tous les fronts pour recueillir des données de renseignement, neutraliser les menaces et nous préparer à divers scénarios dans une ou plusieurs arènes, en développant des capacités militaires contre l'Iran et d'autres menaces au Moyen-Orient", ont déclaré les généraux Kohavi et Kurilla.

 Le 22 novembre, les forces navales usaméricaines et le commandement de la Ve flotte stationnés à Manama, au Bahreïn, ont publié un communiqué de presse accusant l'Iran d'une attaque aérienne par drone contre un pétrolier battant pavillon libérien, le 15 novembre, dans les eaux du nord de la mer d'Oman. "Un laboratoire de la marine américaine à Bahreïn a confirmé le lien avec l'Iran : deux techniciens en bombes et explosifs sont montés à bord du navire à moteur Pacific Zircon le lendemain de l'attaque pour évaluer les dégâts et recueillir des fragments de l'aéronef sans pilote en vue d'une analyse médico-légale", écrit le commandement usaméricain. "Le laboratoire a déterminé que le drone qui a frappé le pétrolier était un Shahed-136, correspondant à un modèle historique d'utilisation croissante d'une capacité létale directement par l'Iran ou ses alliés au Moyen-Orient. L'Iran a fourni des drones aériens aux Houthis au Yémen et ceux-ci ont été utilisés contre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ces dernières années. En outre, la plate-forme Shahed-136 est la même que les drones que l'Iran a fournis à la Russie pour les utiliser contre l'Ukraine".

 Les propos du vice-amiral Brad Cooper, commandant des forces navales usaméricaines du Central Command et de la Ve flotte, sont encore plus tranchants : "L'attaque iranienne contre un navire commercial transitant dans les eaux internationales était délibérée, flagrante et dangereuse, et a mis la vie de l'équipage en grave danger, déstabilisant ainsi la sécurité maritime au Moyen-Orient".

 Par coïncidence, deux jours avant la publication du communiqué de presse sur la prétendue frappe "iranienne" contre le Pacific Zircon, une délégation des forces armées israéliennes, dirigée par le conseiller à la sécurité nationale Eyal Hulata, a été reçue par le commandement des forces navales usaméricaines à Bahreïn. Le vice-amiral Brad Cooper et le coordinateur du Conseil national de sécurité des USA pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, Brett McGurk, ont accueilli les Israéliens. "La délégation a visité le quartier général de la Cinquième Flotte pour discuter des futures possibilités de coopération dans la région et s'informer des efforts en cours pour renforcer les partenariats maritimes régionaux et intégrer les nouvelles technologies", rapporte le Commandement de Manama. "L'automne dernier, le Pentagone a repositionné Israël de la zone relevant du commandement américain en Europe et du commandement central opérant dans la région pour renforcer la coopération militaire navale principalement en mer Rouge."

 À Bahreïn, la délégation israélienne a également rencontré des membres de la Task Force 59, l'unité d'élite de la marine usaméricaine créée en 2021 pour contribuer au développement de nouveaux systèmes de drones navals et sous-marins et de technologies d'IA (intelligence artificielle) pour la Ve  flotte. "La task force a présenté aux invités les résultats des collaborations initiées avec l'industrie privée, les universités et les partenaires régionaux pour améliorer la visibilité au-dessus, en dessous et sur la mer", explique l'US Navy. Maintenant, avec le maxi exercice aérien israélo-usaméricain, les menaces nucléaires dans le ciel de la Méditerranée et du golfe Arabo-Persique deviennent visibles.      

 

 

17/10/2022

ANTONIO MAZZEO
Les militaires italiens commanderont le dispositif de sécurité de la Coupe du monde de football au Qatar

Antonio Mazzeo, Africa ExPress, 16/10/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Il reste un peu plus d'un mois pour le début de la Coupe du monde de football au Qatar (la deuxième consécutive sans la présence de l'équipe nationale italienne), et pendant ce temps commence dans l'émirat le déploiement du contingent militaire inter-forces italien qui contribuera au dispositif de sécurité de l'événement sportif controversé.

 


« La tâche des militaires italiens est de soutenir, avec les contingents de la France, du Royaume-Uni, des États-Unis, du Pakistan et de la Turquie, les forces armées qatariennes dans la mise en œuvre du système de défense du championnat du monde », a déclaré l'état-major italien de la défense dans un communiqué. « Le dispositif inter-forces dirigé par l'armée italienne sera prêt à intervenir, en soutien et à la demande des autorités de l'État hôte, dans des situations d'urgence ou en cas d'actes hostiles qui pourraient menacer des infrastructures critiques telles que des stades, des ports, des aéroports, des complexes industriels, des centres commerciaux et des lieux bondés. »

La Task Force sera composée de 560 militaires avec 46 véhicules terrestres, un navire et deux avions. L'armée déploiera des unités spécialisées EOD (Explosive Ordnance Disposal), pour la défense contre la menace chimique, biologique, radiologique et nucléaire (CBRN) et des unités cynophiles antiterroristes. La Marine Militaire couvrira les eaux internationales au large de Doha, avec le patrouilleur polyvalent de haute mer Paolo Thaon di Revel, et l'espace sous-marin, près de la côte, avec un véhicule sous-marin entièrement automatisé du type « Remus 100 » en dotation au Commandement des Forces de mesures contre les mines de La Spezia.

L'armée de l'air italienne participera, elle, au contrôle de l'espace aérien pour contrer l’utilisation non autorisée de mini- et micro-drones.

Elle déploiera un Counter-Unmanned Aerial Anti-drone System (C-UAS) composé de dispositifs e brouillage  portables et du système anti-drone stationnaire ACUS (AMI Counter UAS).

A Doha arrivera également un noyau de 14 spécialistes de l'Arme des Carabiniers qui feront office de conseillers des forces de sécurité (Gendarmerie, Garde de l'Émir, Police Militaire) et des forces spéciales du Qatar.

Toutes les activités de la task force italienne seront coordonnées par le COVI – Commandement Opérationnel du Sommet Inter-forces de la Défense – avec à sa tête le général Francesco Paolo Figliuolo, tandis que le commandement sur le terrain des opérations sera confié au général de brigade Giuseppe Bossa, commandant de la brigade « Sassari ».

La nouvelle mission italienne à l'étranger (la 44e  de 2022) a été nommée par le ministère de la Défense « Orice », par référence à l’oryx d’Arabie, l'une des quatre espèces d'antilope autochtone de la péninsule arabique capable de vivre dans un environnement désertique. En danger d’extinction, l’oryx est l’animal national du Qatar. 

Les besoins financiers de la mission ont été estimés à 10 811 025 euros.

19/09/2022

ANTONIO MAZZEO
Militarisme et militarisation en temps de pandémie

 Antonio Mazzeo, 2021
Traduit par Rosa Llorens, Tlaxcala

Publié dans : Osservatorio sulla Repressione (éd.), Umanità a perdere. Sindemia e resistenze. MoMo Edizioni, Roma, 2021.

Médecins et infirmières militaires dans les couloirs des hôpitaux où se multiplient les lits de fortune des malades de Covid-19 ; vaccins contre la grippe stockés dans une des plus grandes bases de l’Armée de l’Air et escortés sur les routes de l’Italie par les camionnettes militaires ; tests, vaccinations et dépistages de masse effectués dans les villages de tentes des forces armées, dressés près des postes des agences sanitaires locales ; troupes armées surveillant frontières, rues, places publiques, gares, aéroports et ports pour imposer les couvre-feux ou réduire les déplacements ; commandos militaires armés de matraques pour empêcher les rassemblements de parents et écoliers à l’entrée des écoles et maternelles. Et les tragiques images vidéo des cercueils des victimes de la pandémie à Bergame, entassés dans les camions militaires.

La réponse institutionnelle au coronavirus a privilégié l’état de guerre, ses langages, ses métaphores, ses symboles. Nous sommes en guerre ! Ce sera une guerre totale contre le virus, l’ennemi invisible ! Tests et vaccins, nos armes pour combattre ! Les hôpitaux comme des tranchées ! Médecins et soldats, nos héros ! Et les bulletins quotidiens avec les morts, les hospitalisés, et les cas désespérés, région par région, ville après ville. Zones rouges, oranges et jaunes telles les champs d’une bataille qui mute et évolue à la même vitesse que les mutations et évolutions de l’ennemi. L’urgence sanitaire, dramatique, réelle, représentée et manipulée comme une crise guerrière globale et totale pour assurer centralisation et autoritarisme dans les décisions, militarisation du territoire et de la sphère sociale, politique et économique, contrôles répressifs et limitations progressives et étouffantes des libertés individuelles et collectives. « Traiter une maladie comme si c’était une guerre nous rend obéissants, dociles, et fait de nous, potentiellement, des victimes désignées ; les malades deviennent les inévitables pertes civiles d’un conflit, ils perdent leurs droits de citoyens et se trouvent déshumanisés », remarque le journaliste Daniele Cassandro (1).

Les lois d’urgence et les limitations des libertés constitutionnelles adoptées « contre » la pandémie ont permis une accélération du processus de militarisation et sécurisation de la société et de l’économie qui n’aurait pas été possible en temps de « normalité ». La création narrative du statut d’urgence et l’utilisation des langages de « guerre » ont en même temps permis de déclencher une attaque mortelle contre les formes de plus en plus réduites de participation et de lutte démocratiques et contre les espaces de rassemblement politique et social. Le choix de la militarisation d’une partie conséquente des interventions sanitaires pour affronter la pandémie de Covid-19 a permis, au lieu de suivre la voie de la participation démocratique, de la décentralisation et du renforcement des centres locaux de proximité territoriale pour la santé et la prévention, d’affirmer publiquement le rôle « indispensable » et « irremplaçable » des forces armées dans la gestion des urgences.

La proclamation de l’état de guerre contre le Covid-19 a non seulement permis aux forces armées d’étendre leur contrôle sur la santé publique et d’autres fonctions « civiles » importantes mais a surtout renforcé et légitimé leur image de fidèles défenseurs de l’ordre public, de la paix sociale et des institutions. L’analyste militaire Gianandrea Gaiani, ex-conseiller pour la politique de sécurité du Ministère de l’Intérieur, a exprimé quelques-unes des raisons qui poussent les centres de pouvoir à confier aux forces armées la gestion de la pandémie. « Les appareils de sécurité prévoient depuis longtemps que la crise économique générée par l’urgence sanitaire entraînera le risque de graves désordres sinon de véritables révoltes », écrit Gaiani. « L’Italie non plus n’est pas exempte de risques de ce genre, compte-tenu de l’échec des initiatives de lutte : nous avons de fait enregistré le record mondial de morts par rapport au nombre d’habitants, mais en même temps nous avons aussi subi le record mondial d’effondrement du PIB ». La montée en flèche du chômage et la crise économique explosive ne pourront qu’étendre le malaise social, la pauvreté et la méfiance croissante à l’égard des institutions. » Dans un avenir à court terme – ajoute l’analyste – tous les éléments cités pourraient causer des désordres sur une large échelle dans de nombreuses zones urbaines européennes, renforçant en outre la nécessité de disposer de forces militaires capables d’appuyer efficacement celles de la police ». (2)


« J’ai une idée sur comment les disperser », par Martin Chren, Slovaquie

Ainsi – grâce à une savante propagande médiatique bien ciblée – s’est trouvé consolidé un modèle culturel totalement opposé à ce qui s’est produit il y a 40 ans lors du tremblement de terre dans l’Irpinia. A l’époque, l’associationnisme de base, le volontariat et les forces vives sociales et politiques du pays eurent la capacité et la lucidité de dénoncer la totale inefficacité des forces armées dans les interventions de secours d’après le séisme et dans les phases successives de reconstruction. Les événements de l’Irpinia furent l’occasion de lancer une analyse collective sur la nécessité de proposer des scénarios complètement différents pour la gestion des urgences naturelles – environnementales et sanitaires – de démilitarisation des crises, misant sur une protection civile, démocratique, populaire, participative et décentralisée. Aujourd’hui, on dirait que des milliers d’années sont passés depuis cette importante phase de débat politique : le désaccord vis-à-vis de la militarisation de la pandémie est absolument minoritaire, de même que se sont en outre affaiblis les anti-corps sociaux contre le virus du militarisme et de l’autoritarisme régnants. Et, paradoxalement, aujourd’hui, ce sont justement les forces armées qui s’interrogent et qui promeuvent une réflexion sur communication et information en temps de pandémie et sur la façon dont les modalités de gestion de la crise et sa narration médiatique peuvent « influer sur la perception des messages par l’opinion publique » (3). D’influer sur les perceptions de l’opinion publique à manipuler les informations et la vérité (y compris celles sur les origines et la diffusion de la pandémie et sur les responsabilités de la communauté scientifique et de chaque gouvernement), il n’y a qu’un pas. « L’état de guerre légitime la limitation des informations, car la première victime de la guerre est toujours la vérité », écrit l’éducateur non-violent Pasquale Pugliese. « La tentation des gouvernements de protéger les citoyens en leur cachant des nouvelles désagréables ou alarmantes est favorisée par le recours à la logique de guerre ; le droit à l’information et à la transparence devient un bien secondaire par rapport au bien primaire qu’est la défaite de l’ennemi » (4).

Le consensus général et la visibilité médiatique en faveur du rôle primordial des militaires dans la mobilisation anti-Covid sont totalement gratuits et injustifiés même à la lumière des effets de « protection sanitaire » des communautés locales obtenus par les initiatives réellement adoptées par les forces armées. Selon le Ministère de la Défense, depuis le début de ce qu’on appelle la deuxième phase de l’urgence (fin de l’été) jusqu’au 31 octobre 2020, Armée de l’Air, Marine et Armée ont déployé 9500 militaires et 713 véhicules sous la coordination du COI – Commandement Opératif du Sommet de Rome. Cependant, si l’on regarde bien les données, on découvre que ces unités ont été » employées, plus qu’en appui du système sanitaire-hospitalier, pour assister les forces de police dans l’application des mesures restrictives des libertés personnelles, mobilité, distanciation sociale et confinement. « Pour la gestion de cette urgence, on a augmenté de plus de 750 unités le dispositif employé dans le cadre de l’Opération Rues Sûres, avec un total d’environ 7800 hommes et femmes des Forces Armées », précise la Défense. Donc 20 % seulement du personnel militaire déployé a effectué des interventions qu’on peut directement associer aux campagnes de lutte contre la pandémie et, en tout cas, avec un apport numérique tout à fait ridicule par rapport à celui mis en œuvre par le système sanitaire public, par le volontariat « civil » et le tiers secteur.

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26/07/2022

ANTONIO MAZZEO
Pacte d'acier* Italie-Turquie : accords sur les migrants, la sécurité, la défense et Rome prête à intervenir aux côtés du sultan

Antonio Mazzzeo, Africa Express, 22/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

« Gardez-moi de mes amis », dit un vieil adage sicilien. Rome et Bruxelles devraient l’avoir en tête.

"Trucs turcs", par Portos - "Erdogan, un de ces dictateurs dont on a besoin" (Mario Draghi, avril 2021)

L'Italie se déclare prête à intervenir en mer Noire aux côtés de la Turquie et de l'OTAN tout en renforçant son partenariat militaro-industriel avec Ankara et en accordant les pleins pouvoirs à Erdogan en Libye, y compris contre les migrants.

S'exprimant le 14 juillet lors d'une audition devant les commissions conjointes des affaires étrangères et de la défense des deux chambres italiennes sur le renouvellement des missions militaires à l'étranger, le chef d'état-major des armées, l'amiral Giuseppe Cavo Dragone, a annoncé l'intention des forces armées de participer à des activités de déminage et de neutralisation de mines et de matières explosives en mer Noire.

Menace sous-marine

« Un bon dialogue avec la Turquie peut être un signe avant-coureur de synergies et de partage de cet effort » a déclaré Cavo Dragone. « La menace sous-marine existe et doit être traitée et l'Italie le fera en coordination avec les autres marines concernées ». L'objectif stratégique de l'axe Rome-Ankara et de l'OTAN est d'accroître la pression totale contre les unités navales et sous-marines de Moscou.

« La présence en Méditerranée de la flotte russe est marquée, plus marquée qu'avant, également parce qu'en vertu du traité de Montreux, la Turquie a fermé les détroits et ne les rend pas accessibles aux États belligérants, c'est-à-dire, en substance, à la Russie », a ajouté le chef d'état-major. « Cela ne permet pas une rotation, qui était souhaitable, des forces de la Fédération de Russie et ce goulot d'étranglement a également provoqué la présence que nous devons maintenant considérer comme probablement durable et endémique ».

Sommet intergouvernemental Italie-Turquie. Au premier plan, Lorenzo Guerini (ancien ministre de la Défense) avec le président turc Erdogan

On se bouscule à Ankara

Moins de dix jours avant la sortie de l'amiral, le pacte d'acier avec le régime d'Erdogan avait été consacré par l'importante équipe gouvernementale en mission officielle en Turquie. Étaient présents à la cour du dernier sultan d'Ankara le Premier ministre Mario Draghi et les ministres Lorenzo Guerini (défense), Luigi Di Maio (affaires étrangères), Luciana Lamorgese (intérieur), Giancarlo Giorgetti (développement économique) et Roberto Cingolani (transition écologique).

« Ce sommet intergouvernemental indique la volonté commune de renforcer la coopération : l'Italie et la Turquie sont des partenaires, des amis alliés », avait souligné le Premier ministre Draghi à l'issue de la rencontre avec le président Recep Tayyip Erdogan. De nombreux accords de coopération ont été signés, allant du développement industriel, culturel et de la recherche scientifique conjointe à - et surtout - la coopération diplomatico-militaire.

19/07/2022

Antonio Mazzeo
L’Italie contre l’Iran dans le détroit d’Ormuz

Antonio Mazzeo, Pagine Esteri, 4/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

À la fin de l'été, l'Italie sera à la tête de l'opération militaire européenne dans le détroit d’Ormuz pour la «défense» des intérêts des transnationales de l'énergie et pour l’ «endiguement» de la présence iranienne. C’est le ministère de la Défense italien qui a annoncé la mission provocatrice dans le couloir maritime conflictuel entre le golfe Arabo-Persique et le golfe d'Oman, à la fin de la visite au Pakistan du chef d'état-major, l'amiral Giuseppe Cavo Dragone. « Parmi les sujets abordés lors des réunions avec les dirigeants des forces armées pakistanaises – lit-on dans la note publiée le 24 juin - le chef d'état-major italien a souligné l'engagement accru de notre pays dans la région avec la prise de commandement de la mission OTAN en Irak et avec la prochaine prise de commandement de la Mission de la coalition européenne EMASOH » (1).

EMASOH est l’acronyme de l’European Maritime Awareness in the Strait of Hormuz (Mission européenne de surveillance maritime dans le détroit d’Ormuz) promue en janvier 2020 – de manière autonome - par les gouvernements du Danemark, de la Belgique, de la France, de l'Allemagne, de la Grèce, des Pays-Bas, du Portugal et de l'Italie, après une série d'attaques contre les unités utilisées pour le transport de gaz et de pétrole dans les détroits d’Ormuz et Bab El-Mandeb (entre la mer Rouge et le golfe d'Aden) et les terminaux pétroliers d'Abqaiq et de Khurais en Arabie saoudite. Les principaux responsables des raids contre des pétroliers et des méthaniers, selon les USA, l’UE et les pétromonarchies, étaient les Pasdaran, les gardiens de la révolution islamique iranienne.

« En 2019, une insécurité et une instabilité croissantes, qui se sont traduites par de nombreux incidents maritimes et non maritimes, ont été observées dans le Golfe et dans le détroit d’Ormuz, conséquences d’une intensification des tensions régionales. Cette situation porte atteinte à la liberté de la navigation et à la sécurité des navires et des équipages européens et étrangers depuis des mois. Elle compromet également les échanges commerciaux et l’approvisionnement énergétique, ce qui est susceptible d’avoir des conséquences économiques dans le monde entier. », déclaraient les pays membres de l'EMASOH. (2)

Malgré l'ouverture de nouvelles routes commerciales et l'expansion du marché mondial, 21% des ressources pétrolières (environ 21 millions de barils par jour) continuent de transiter par le détroit d'Ormuz. Par ce bras de mer de 150 km de long et 33 km de large, l'Arabie saoudite fait passer 6,4 millions de barils de pétrole par jour, l'Irak 3,4, les Émirats arabes unis 2,7, le Koweït 2, tandis que le Qatar, premier producteur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL), exporte la quasi-totalité de son gaz. (3) D'où la nécessité pour certains des principaux clients européens de participer à la remilitarisation de la région, également en concurrence avec les États-Unis d'Amérique eux-mêmes et leurs partenaires du Golfe.

Le quartier général de l'EMASOH est la base navale française du Camp de la Paix à Abou Dhabi (la France de Macron est le pays qui a le plus poussé au lancement de la mission air-mer). Le volet militaire (Opération Agénor, nom du roi légendaire de Tyr, fils de Poséidon, dans la mythologie grecque) comprend sept unités de guerre et un avion de patrouille des forces armées des États promoteurs plus la Norvège. « Au cours de ses deux premières années d'existence, EMASOH-Agénor a vu opérer un total de treize frégates et douze avions différents de patrouille et de reconnaissance maritime », rapporte la note publiée par le commandement le 25 février 2022. « Au total, les moyens aériens ont effectué plus de 1 000 heures de vol tandis que les navires ont navigué pendant 750 jours, traversant le détroit d'Ormuz plus de 170 fois. Cependant, la sécurité dans le Golfe et le détroit reste volatile. Malgré le renforcement de la coopération avec le Conseil de coopération du Golfe (pays membres : Arabie saoudite, Bahreïn, EAU, Koweït, Oman et Qatar, NdA), les tensions régionales préexistantes et le risque d'escalade et de nouveaux incidents potentiels persistent. (...) Reconnaissant l'effet préventif durable de la présence d'EMASOH, nous allons maintenant chercher à améliorer son efficacité en développant des synergies avec différentes initiatives européennes dans le nord-ouest de l'océan Indien ». (4) Une mission destinée, par conséquent, à renforcer sa composante militaire et son rayon opérationnel géostratégique, et qui sera dirigée très vraisemblablement par l'Italie à partir du semestre 2022 jusqu'en février 2023.

16/07/2022

ANTONIO MAZZEO
L'ONU condamne Tel-Aviv pour violations des droits humains, mais Rome renforce sa coopération avec Israël

Antonio Mazzeo, Africa Express, 14/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

L'Italie et Israël renforceront encore leur coopération militaro-industrielle. Mercredi 13 juillet, une importante délégation du ministère israélien de la Défense s'est rendue en visite officielle à Rome pour rencontrer le secrétaire général de la défense et directeur national des armements, le général Luciano Portolano.

La délégation était conduite par le major général Amir Eshel, directeur général du ministère de la Défense et ancien commandant en chef de l'armée de l'air israélienne de 2012 à 2017. Étaient également présents le directeur général adjoint et chef de la direction des achats et de la production des forces armées israéliennes, le colonel Avi Dadon, et l'attaché militaire de l'ambassade d'Israël en Italie, le colonel Dror Altman.

« Les rencontres se sont déroulées dans une atmosphère d'estime mutuelle et de coopération, et ont permis de consolider davantage les relations déjà excellentes entre l'Italie et Israël, avec une référence particulière au renforcement de la coopération industrielle, à travers le partage de nouveaux domaines de collaboration à développer avec la pleine implication des forces armées respectives », écrit le bureau de presse de la Défense. « Le dialogue stratégique constant entre les parties a également permis une discussion franche, sincère et fructueuse sur les défis imposés par les scénarios de crise internationale actuels et le contexte dans lequel les parties entendent coopérer ».

À l'issue de la rencontre, le général Amir Eshel a exprimé sa « grande satisfaction, au nom de l'ensemble de la Défense israélienne », pour l'alliance stratégique entre les deux pays et la « position ferme de l'Italie aux côtés de l'État d'Israël dans les contextes internationaux ».

Ni les crimes commis par les forces armées israéliennes contre la population palestinienne, ni les récentes opérations sanglantes de Tel- Aviv à Gaza, au Liban et en Syrie ne continuent à inquiéter l'Italie. Les affaires sont les affaires, et le partenariat entre la holding publique Leonardo SpA et les principales entreprises du complexe militaro- industriel israélien est de plus en plus solide et convaincu.

Il est dommage qu'au moment même de la visite officielle de l'influente délégation militaire israélienne, les Nations unies aient émis une autre lourde condamnation d'Israël en termes de violations des droits humains.

Le 11 juillet, le secrétaire général Antonio Guterres a présenté le rapport annuel sur les enfants et les conflits armés dans le monde, qui cite Israël parmi les pays responsables des « niveaux les plus élevés de violations graves » en 2021, aux côtés de l'Afghanistan, de la Syrie, de la République démocratique du Congo, de la Somalie et du Yémen.

« Les Nations unies ont vérifié 2 934 violations graves à l'encontre de 1 208 enfants palestiniens et de 9 mineurs israéliens en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, à Gaza et en territoire israélien », indique le rapport.

En particulier, le Secrétaire général a noté la détention de 637 mineurs palestiniens pour « crimes présumés contre la sécurité » par les forces israéliennes. « Quatre-vingt-cinq de ces mineurs ont fait état de mauvais traitements et de violations des garanties d'une procédure régulière par les autorités israéliennes pendant leur détention et 75 % d'entre eux ont déclaré avoir subi des violences physiques ».


 L'ONU établit également un bilan des morts dramatique : 88 filles et garçons (86 Palestiniens et 2 Israéliens) ont été assassinés à Gaza (69), en Cisjordanie et à Jérusalem-Est (17) et en Israël (2) par les forces armées et la police israéliennes (78), par des groupes armés palestiniens (8) ou par des auteurs non identifiés ou à la suite de l'explosion de résidus de guerre (2).