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03/04/2024

LE MONDE
« Quarante bébés décapités » : itinéraire d’une rumeur au cœur de la guerre de l’information d’Israël contre le reste du monde

,  (Jérusalem, correspondance) et , Le Monde, 3/4/2024

Les faits
Le 10 octobre, les comptes officiels israéliens se font le relais d’une allégation sordide, mais infondée. Six mois plus tard, celle-ci continue de circuler, alimentant les accusations de désinformation israélienne.

Après l’attaque du Hamas contre Israël qui a fait environ 1 160 victimes le 7 octobre 2023, les images du massacre ont inondé les réseaux sociaux et les médias du monde entier.

Mais dans ce flot de témoignages de meurtres, pillages, mutilations, une rumeur a pris une ampleur extraordinaire : 40 bébés décapités auraient été retrouvés dans le kibboutz de Kfar Aza, l’une des localités israéliennes les plus meurtries. Ce récit, et ses variantes, a connu une viralité inédite, jusqu’à être évoqué à la Maison-Blanche. Pourtant, dans l’horreur qu’a constituée ce massacre, où 38 mineurs dont deux nourrissons ont été tués, il n’y a jamais eu 40 bébés décapités. Ni à Kfar Aza, ni dans aucun autre kibboutz, a confirmé au Monde le bureau de presse du gouvernement israélien.

Comment cette fausse information est-elle née ? Peut-on la comparer à l’affaire des couveuses du Koweït, un récit fabriqué de toutes pièces de bébés kidnappés et massacrés, qui avait en partie servi à justifier la première guerre du Golfe ? L’enquête du Monde met en lumière une rumeur née de manière organique, d’un mélange d’émotion, de confusion et d’exagération macabre. Mais Israël n’a rien fait pour lutter contre, et a plus souvent tenté de l’instrumentaliser que de la démentir, alimentant les accusations de manipulation médiatique.

Aux origines

Mardi 10 octobre, 13 heures

Trois jours après l’attaque du Hamas, l’armée convie des dizaines de journalistes et correspondants étrangers, dont celui du Monde, dans le kibboutz de Kfar Aza, où les terroristes du Hamas ont tué plus de 60 civils. Richard Hecht, plus haut porte-parole de l’armée israélienne et coorganisateur de cette visite, veut « montrer à la presse internationale que ce qui s’est passé est sans précédent. »

Le territoire n’a été repris par l’armée que depuis quelques heures, et les cadavres sont encore partout : des victimes israéliennes enveloppées dans des sacs mortuaires, des combattants du Hamas gisant là où ils sont tombés, une odeur de mort, témoignent une dizaine de journalistes, secouristes et soldats interrogés par Le Monde.

Témoignage de notre journaliste

Samuel Forey, correspondant du « Monde » à Jérusalem et coauteur de cet article, a participé à la visite de presse du 10 octobre à Kfar Aza.

« Nous ne sommes pas intégrés à une unité militaire, c’est une visite pour la presse, sous bonne escorte (…) Comme souvent dans les zones de conflit, le contrôle serré se relâche au bout de quelque temps. Nous pouvons parler à tous les soldats qui le veulent bien. Nous pouvons entrer dans les maisons déjà inspectées par l’armée, car les autres peuvent être piégées.

La visite se termine. Elle a duré une heure et trente minutes. Je rentre à Jérusalem. Mon responsable au Monde m’appelle. Ai-je vu des bébés décapités ? Je lui réponds que j’ai vu passer l’information sur les réseaux sociaux, alors que j’étais sur le chemin du retour, mais que rien ne semblait l’affirmer. Aucun soldat ne m’en a parlé – j’ai échangé avec une demi-douzaine d’entre eux. En m’asseyant à mon bureau, je vois l’emballement médiatique. Je ne pense pas cette histoire possible. Les soldats étaient présents dans le kibboutz depuis la veille, au moins. Un événement aussi atroce aurait été documenté, et pas confié par certains soldats à certains journalistes.

Je contacte deux organisations de secourisme déployées lors de l’attaque. Aucune ne mentionne de décapitation – sans dire que ça n’a pas existé. Au 11 octobre, date de parution de mon reportage, je ne peux pas confirmer de décapitations. Je ne le fais donc pas. Mais l’image, forte, prend le pas sur la réalité. Elle sert notamment à faire du Hamas l’incarnation du mal absolu – qui mérite une réponse du même ordre. Je ne veux pas minimiser les exactions de ce mouvement islamiste palestinien. Je veux les documenter, le plus précisément possible.

Le problème, c’est que si l’image des bébés décapités sert une certaine propagande israélienne, elle sert aussi à ses ennemis pour nier d’autres exactions, par exemple l’existence de violences sexuelles – avérées – ou le fait que des victimes ont été brûlées vives ; voire à réfuter l’ensemble du massacre. C’est le fond de mon message publié sur X, le lendemain de la visite à Kfar Aza. J’ai constaté, quelque temps après, que mon post n’était plus accessible en France et dans certains pays européens. Depuis, l’histoire des bébés décapités s’est révélée être une fausse information. »

Itai Veruv, le général qui a mené la contre-attaque, multiplie les parallèles avec les camps de la mort. Il évoque un bilan provisoire de 100 à 150 morts. Des cérémonies funéraires sont parfois réalisées sous l’œil des caméras. Certains reporters ont confié au Monde un sentiment de malaise face à la théâtralisation du site du massacre.

En raison du risque de pièges explosifs, les journalistes ne peuvent entrer que dans quelques maisons. Les seuls cadavres israéliens qu’ils voient sont dans des sacs mortuaires, tous de taille adulte. Sur place, selon des journalistes présents, l’état-major n’évoque pas de bébés morts, mais les reporters sont libres d’interroger les militaires et premiers secours présents, dont les récits sont plus troubles, et troublants.

Les approximations et exagérations des secouristes

Sur les lieux opèrent des secouristes de Zaka, une organisation non gouvernementale (ONG) ultraorthodoxe chargée de récupérer les corps dans le respect des préceptes juifs. Ils étaient aussi présents le matin dans un autre kibboutz, Be’eri, où le photographe Tomer Peretz a décrit « des bouts de corps, des bébés, des enfants » et a pris la photo d’un berceau ensanglanté, très partagée, qui a alimenté la confusion de certains journalistes, qui l’ont utilisée pour parler de Kfar Aza.

Dans les maisons ravagées, les bénévoles de Zaka découvrent des corps rendus méconnaissables par les projectiles, les explosions et les incendies. Dénués de formation médicale, certains se méprennent sur l’identité ou l’âge des victimes. Un secouriste évoque une famille de cinq personnes, mortes fusillées, mais prend la mère pour une grand-mère, et les deux adolescents pour des enfants. D’autres affirment à la presse qu’une femme enceinte aurait été éventrée et son fœtus poignardé, ce qui n’a jamais été le cas, comme l’a confirmé au Monde Nachman Dyksztejn, volontaire francophone de Zaka. Dans un rapport sur les violences sexuelles commises le 7 octobre, l’Organisation des Nations unies soulignera le « défi » qu’a représenté « les interprétations imprécises et peu fiables des preuves par des non-professionnels ».

Ces approximations ne sont pas toujours volontaires. « Les secouristes ont vu tellement de morts, des cadavres de femmes et d’enfants, des morceaux de corps, peut-être qu’ils ont dit des choses qu’ils ont imaginées », explique aujourd’hui Nachman Dyksztejn. Mais sur le moment, les porte-parole de l’ONG font preuve de surenchère macabre. Auprès de différents médias, Yossi Landau, son fondateur, déclare avoir « vu de ses propres yeux des enfants et des bébés qui avaient été décapités ». Le quotidien israélien Haaretz a révélé plus tard que l’association, à la santé financière précaire, avait essayé de profiter de la tragédie pour drainer des dons.

02/04/2024

REBECCA RUTH GOULD
“Nouvel antisémitisme” : ces mots qui tuent
Comment le mythe du “Juif collectif” protège Israël des critiques : un livre d’Antony Lerman


Rebecca Ruth Gould, deterritorialization,  30/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Dans Whatever Happened to Antisemitism ? Redefinition and the Myth of the ‘Collective Jew’ [Qu’est-il advenu de l’antisémitisme ? La redéfinition et le mythe du “Juif collectif”](Pluto Books, 2022), Antony Lerman examine ce qui est arrivé à l’antisémitisme au cours des cinq dernières décennies. Comment l’effort de définition de l’antisémitisme s’est-il aligné sur la réduction au silence des discours critiques à l’égard d’Israël ? L’histoire est complexe et n’a jamais été racontée avec autant de détails et de profondeur que dans ce livre.

Lerman écrit en tant que figure centrale des débats sur l’antisémitisme. En plus d’être un observateur de longue date de la lutte contre l’antisémitisme, il a également participé à l’élaboration de cette histoire. Il a été directeur de l’Institut des affaires juives* à partir de 1991, et c’est à ce titre qu’il a fondé le rapport mondial sur l’antisémitisme, qui a été publié de 1992 à 1998.

 
Anthony Lerman, lors d’une présentation de son livre au Musée juif de Hohenems, en Autriche, en novembre 2022

Lerman décrit et documente les pressions intenses qu’il a subies pour aligner le programme de recherche de son institut sur le projet d’étude de l’antisémitisme de l’université de Tel-Aviv, financé par le Mossad. En fin de compte, le refus de Lerman de s’aligner sur les objectifs sionistes et pro-israéliens des organisations israéliennes et usaméricaines a fait de lui la cible d’attaques de la part de l’establishment. Il a décidé de démissionner de son poste en 2009, afin d’écrire de manière indépendante sur le sujet de l’antisémitisme, libre de toute contrainte institutionnelle.

S’appuyant sur des décennies de recherches empiriques approfondies, Lerman nous guide de manière experte à travers les nombreux changements qui ont eu lieu dans la signification de l’antisémitisme au cours des dernières décennies. Comme il le souligne, même si l’attention du monde s’est déplacée vers le soi-disant « nouvel antisémitisme" »centré sur la critique d’Israël, le « nouvel antisémitisme » n’a pas remplacé l’ancien antisémitisme, qui prospère même à une époque où la quasi-totalité de la censure se concentre sur le « nouvel antisémitisme ».

Lerman rejoint d’autres chercheurs, tels que la théoricienne critique interdisciplinaire Esther Romeyn, pour considérer le nouvel antisémitisme comme « un champ de gouvernance transnational" »qui est « contrôlé par des “acteurs” institutionnels et humains ». Ces acteurs comprennent les Nations unies, l’UNESCO, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Commission européenne, diverses institutions communautaires, ainsi qu’une foule de politiciens et d’experts en la matière. Ces organisations « définissent, inventent des outils et des technologies de mesure, analysent, formulent des déclarations politiques et des programmes, et élaborent des “interventions” pour traiter et corriger » ce qu’elles considèrent comme le “nouvel antisémitisme”, qu’elles confondent souvent avec l’antisionisme et les critiques à l’égard d’Israël.

En d’autres termes, le discours qui mobilise les sociétés contre le “nouvel antisémitisme” est un outil de gouvernance, et pas seulement - ni même principalement - une praxis antiraciste. Cet outil de gouvernance s’est avéré de plus en plus utile aux États occidentaux ces dernières années dans leurs efforts pour réprimer le discours et l’activisme propalestiniens.

Une perspective historique

En expliquant comment le vieil antisémitisme a été reconfiguré en “nouvel antisémitisme” dans l’imaginaire politique des États et des institutions d’Europe et d’Amérique du Nord, Lerman identifie le 11 septembre comme le tournant décisif. Le 11 septembre marque également un tournant dramatique dans la guerre contre le terrorisme. À partir de ce moment, les attaques disproportionnées menées par les grandes puissances mondiales contre l’Afghanistan, l’Irak, le Xinjiang, le Cachemire et maintenant Gaza ont commencé à être considérées comme nécessaires et acceptables pour le maintien de l’ordre mondial.

Au moment même où l’antisémitisme était redéfini pour englober la critique d’un État-nation spécifique - Israël - les plus grandes puissances militaires du monde affirmaient leur droit à se défendre contre les insurgés terroristes et d’autres acteurs non étatiques sans tenir compte de la proportionnalité. Cette intersection entre la guerre et le discours politique sur l’antisémitisme est révélatrice car, comme l’affirme Lerman de manière lapidaire, « On ne peut pas faire la guerre à une abstraction ».

Les sections historiques (chapitres 3, 5 et 7) comptent parmi les parties les plus convaincantes de l’ouvrage. Elles documentent les défis lancés à l’État d’Israël et à l’idéologie politique du sionisme à l’ONU, ainsi que les institutions qui se sont développées en réponse à ces défis entre les années 1970 et 2000. L’un des principaux enseignements de la trajectoire historique esquissée par Lerman est que le “nouvel antisémitisme” n’est pas aussi nouveau que nous l’imaginons généralement. La tendance à confondre les critiques de gauche à l’égard d’Israël avec l’antisémitisme peut être observée dans les déclarations de responsables israéliens datant des années 1970.

En 1975, les Nations unies ont adopté la résolution 3379, qui qualifie le sionisme de « forme de racisme et de discrimination raciale ». Pourtant, dès 1973, le ministre israélien des Affaires étrangères, Abba Eban, avait perçu le sens de la marche et s’était rendu compte de l’hostilité des pays du Sud et de certains courants de gauche à l’égard d’Israël. « La nouvelle gauche est l’auteur et le géniteur du nouvel antisémitisme », affirmait Eban. Se projetant dans l’avenir, Eban ajoutait que « l’une des tâches principales de tout dialogue avec le monde des Gentils [goyim, non-juifs] est de prouver que la distinction entre l’antisémitisme et l’antisionisme n’est pas une distinction du tout ». Dans cette première déclaration, nous pouvons discerner l’idée maîtresse des débats sur l’antisémitisme qui allaient consumer les institutions communautaires et politiques juives jusqu’à aujourd’hui.

Bien que le livre de Lerman soit aujourd’hui l’étude définitive sur le sujet, il est nécessaire de signaler quelques erreurs de typographie et de translittération. Par exemple, il est impossible de savoir où commence une citation de Romeyn à la page 9 (paragraphe quatre). Plus important encore, nakba est mal orthographié en tant que naqba à la page 3. Espérons que les éditeurs procéderont à une relecture approfondie pour la prochaine édition.

Une prochaine édition sera certainement nécessaire. Les controverses autour de l’antisémitisme en relation avec Israël-Palestine, documentées dans ce livre historique, sont susceptibles de s’intensifier dans un avenir prévisible, alors que la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza se poursuit et que la menace d’un nettoyage ethnique plane sur la Cisjordanie. Nous devrions également être reconnaissants à Lerman d’avoir un livre objectif, fondé sur des principes et érudit pour nous guider à travers ces désastres.

*NdT : fondé en 1941 à New York sous les auspices du Congrès Juif Mondial, l’Institute of Jewish Affairs a déménagé à Londres en 1965 et a été renommé Institute for Jewish Policy Research en 1996

Pour lutter contre le racisme, nous avons besoin d’une approche matérialiste

Sur la politique de définition de l’antisémitisme - et de résistance à l’antisémitisme

Rebecca Ruth Gould, ILLUMINATION-Curated, 20 février 2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Pendant la première Intifada (1987-1993), l’artiste palestinien Sliman Mansour a commencé à dépeindre l’érosion des frontières de la Palestine par l’occupation militaire israélienne.

Les artistes palestiniens étaient engagés dans un boycott des produits israéliens, et Mansour n’avait accès qu’aux matériaux locaux qui pouvaient être obtenus sans commerce avec Israël : bois, cuir, boue, henné, teintures naturelles et objets trouvés.

À partir d’un mélange de bois, de boue et de teintures naturelles, il a produit une image tridimensionnelle de la Palestine, qu’il a appelée "Shrinking Object" (objet qui rétrécit). Vu en trois dimensions, le cadre de Mansour s’agrandit à mesure que la Palestine s’éloigne du champ de vision.

 

Shrinking Object ( (شئ متقلص), boue sur bois, 1996 , par Sliman Mansour

Bien qu’elle ait été créée en 1996, l’image d’une Palestine qui se rétrécit est encore plus prégnante aujourd’hui. Au cours des décennies écoulées, les frontières de la Palestine ont encore reculé. Elles ont été recouvertes par des centaines de colonies israéliennes qui ont effectivement effacé la frontière entre la Palestine et Israël et rendu obsolète le concept d’une solution à deux États.

J’ai choisi “Shrinking Object” comme couverture de mon livre, Erasing Palestine. L’image illustre parfaitement le parallèle entre l’effacement des terres palestiniennes par l’expansion du régime de colonisation et la réduction au silence de l’activisme palestinien en Europe et en Amérique du Nord.

31/03/2024

HAI DANG
La guerre contre Gaza vue du Vietnam
De la fraternité d’armes à la fascination pour la “nation start-up” israélienne

Hai Dang, Aljazeera, 30/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le Vietnam connaît un rare activisme politique en faveur des Palestiniens alors que la guerre de Gaza rappelle la solidarité autrefois partagée dans la lutte pour la libération nationale.

Le président palestinien Yasser Arafat inspecte une garde d’honneur avec le président vietnamien Tran Duc Luong à Hanoi en avril 1999. Photo AFP


Hanoi, Vietnam - Dans un lieu privé niché dans une ruelle étroite du centre-ville de Hanoi, un groupe de plus de 20 personnes a écouté attentivement Saleem Hammad, un Palestinien charismatique de 30 ans, qui s’exprimait dans un vietnamien courant.

Hammad, qui dirige une entreprise au Viêt Nam, a raconté un incident survenu dans son enfance à Jénine, en Cisjordanie occupée.

Les personnes présentes l’ont écouté raconter le souvenir saisissant d’une nuit où il a été réveillé par des soldats israéliens qui encerclaient la maison familiale et y faisaient une descente.

Auparavant, il avait déclaré aux participants à la discussion que l’histoire de la lutte de libération du Viêt Nam contre les USA avait inspiré les Palestiniens dans leur lutte contre l’occupation de leurs terres par Israël.

«Le peuple vietnamien, avec son histoire douloureuse et glorieuse, a toujours été une source d’inspiration pour les Palestiniens dans leur lutte pour la justice », a dit Hammad à son auditoire.

« Nous vous considérons toujours comme un modèle ».

Horrifiés par la guerre d’Israël contre Gaza et le nombre croissant de victimes, les jeunes Vietnamiens ont commencé à élever la voix pour soutenir les Palestiniens. Ce faisant, ils découvrent les liens historiques entre le Viêt Nam et la Palestine et leurs luttes communes pour la libération nationale.


VICTOIRE
Vietnam-Palestine
OLP
Ismail Shammout, 1972

Mais les relations entre les deux nations, vieilles de plusieurs décennies, ont été éclipsées par la promotion plus récente de la culture d’entreprise israélienne auprès d’une jeune génération de Vietnamiens.

Soucieux de réussir dans l’économie de marché vietnamienne en pleine expansion, beaucoup ont été inspirés par la culture d’entreprise israélienne, tout en ne sachant pas grand-chose de la face cachée du succès d’Israël, à savoir sa longue occupation des terres palestiniennes.

Organisé à la fin de l’année dernière par les militants pro-palestiniens Trinh* et Vuong*, le rassemblement au cours duquel Hammad s’est exprimé a été inspiré par l’activisme étudiant que les deux hommes ont rencontré lorsqu’ils étudiaient aux USA.

Trinh et Vuong font partie d’un mouvement populaire en plein essor parmi la jeunesse vietnamienne qui a été attirée par la cause palestinienne depuis le début de la guerre contre Gaza en octobre.

Mais les politiques vietnamiennes strictes contre les assemblées publiques et l’activisme politique signifient que les militants pro-palestiniens doivent trouver des moyens discrets et créatifs d’organiser des événements sans attirer l’attention indésirable des autorités vietnamiennes.

À Ho Chi Minh Ville, Trinh et quelques amis ont organisé des discussions sur la Palestine et des cours de dessin sur le thème de la Palestine. Dessinateur de formation, Trinh a également travaillé avec d’autres créatifs pour concevoir des produits dérivés en faveur de la Palestine, des œuvres d’art politiques et des fanzines.

Des jeunes vietnamiens créent des œuvres d’art pour soutenir la Palestine. Photo Cat Nguyen/ Tu Ly

En novembre, une projection de documentaires et de films sur la Palestine, la Nakba et l’histoire de l’occupation israélienne de la Palestine a eu lieu sous le titre Films pour la libération : Palestine Forever dans le but, selon les organisateurs, d’annuler « les descriptions diaboliques des Palestiniens » par les acteurs « occidentaux et impérialistes ».

Sur les réseaux sociaux, une multitude de pages de fans en vietnamien ont vu le jour, présentant des poèmes palestiniens traduits, des œuvres d’art pro-palestiniennes et des analyses sur l’histoire du conflit, tandis que l’ambassade de Palestine au Vietnam a invité d’anciens vétérans de la guerre contre les USA, des universitaires, des activistes et des membres du public à une commémoration pour ceux qui ont été tués à Gaza.

Le 29 novembre, qui est la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien désignée par les Nations Unies, le gouvernement vietnamien a également publié un message du président de l’époque, Vo Van Thuong, dans lequel il parlait de la longue histoire de fraternité entre le Vietnam et la Palestine et du « soutien fort et de la solidarité du Vietnam avec les Palestiniens dans leur lutte pour la justice" »

Mais les relations entre le Vietnam et la Palestine ne sont plus ce qu’elles étaient.

Rue Kham Thien, Hanoï après le passage des B-52, 26 décembre 1972

Chaque jour à Gaza, il y a un nouveau Kham Thien

La destruction de Gaza par Israël rappelle aux Vietnamiens la campagne de bombardement américaine visant le quartier de Kham Thien à Hanoi en 1972.

Lors d’une réunion de militants vietnamiens pro-palestiniens, deux images de guerre ont été projetées sur le mur : l’une de Gaza en 2023 après une attaque aérienne israélienne et l’autre des décombres laissés par le bombardement du quartier de Kham Thien à Hanoï il y a plus de 50 ans.

En 1972, Richard Nixon, alors président des USA, avait ordonné le bombardement de la capitale nord-vietnamienne pendant la période de Noël, et c’est le quartier de Kham Thien qui a été le plus gravement dévasté. Pendant 12 jours et nuits consécutifs à partir du 18 décembre, environ 20 000 tonnes de bombes ont été larguées sur Hanoi, ainsi que sur la ville portuaire très fréquentée de Hai Phong et sur plusieurs autres localités.



Tract français de 1967 sur la visite de Moshe Dayan au Sud-Vietnam en août 1966

 La juxtaposition des deux images et les échos historiques des deux guerres - qu’il s’agisse de « raser Gaza » ou de « bombarder le Nord-Vietnam jusqu’à l’âge de pierre » - font partie d’un réservoir de symboles partagés qui ont alimenté l’ambiance actuelle de solidarité Vietnam-Palestine parmi les jeunes Vietnamiens.

L’histoire se répète, dit Hung*, un étudiant de 20 ans dont le père et les grands-parents ont vécu les bombardements de Noël 1972 par les forces usaméricaines.

« En regardant ce qui se passe à Gaza, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à l’histoire que mon père m’a racontée, celle d’un jour de son enfance où il a assisté avec horreur au largage de bombes près du lac de l’Ouest [de Hanoï] et où, peu après, il a senti un coup de vent souffler dans sa direction et l’onde de choc presser sa poitrine », raconte Hung à Al Jazeera.

« Aujourd’hui, c’est précisément ce qui arrive à tout le monde à Gaza, jour après jour. Chaque jour à Gaza, il y a un autre Kham Thien », ajoute-t-il.

Dans les réunions pro-palestiniennes à travers le pays, des liens similaires entre la guerre d’Israël contre Gaza et la guerre USA contre le Viêt Nam sont établis et les analogies du temps de guerre sont utilisées par de jeunes militants pour présenter la cause palestinienne à de nouveaux publics.

Des images d’une combattante vietnamienne des années de guerre portant un foulard traditionnel “ran” et se tenant aux côtés d’une combattante palestinienne vêtue d’un keffieh sont imprimées sur des tote-bags et des autocollants. Les combattantes tiennent une clé de porte en l’air, symbolisant les maisons que les Palestiniens ont perdues en 1948 lors de leur déplacement forcé par les forces israéliennes au cours de la période connue sous le nom de Nakba, ou "catastrophe", au cours de laquelle au moins 750 000 Palestiniens ont été violemment déplacés et dépossédés.

Une œuvre d’art pro-palestinienne exposée à Hanoi représente une combattante de la lutte de libération nationale vietnamienne et une combattante palestinienne au-dessus des mots en arabe et en vietnamien : « Du fleuve à la mer ». Photo Cat Nguyen

Par l’art, la discussion et d’autres moyens d’expression, les militants pro-palestiniens au Viêt Nam aident leurs pairs à comprendre des concepts tels que le sionisme, la Nakba, les accords d’Oslo et le colonialisme de peuplement.

Et pas à pas, ils réaffirment le contexte et l’histoire de la perte et de l’enlèvement des Palestiniens que les récits au Vietnam dans les médias locaux et les livres omettent dans leur récit de l’émergence d’Israël en tant que succès économique.

Phuong, une peintre vietnamienne basée en Italie qui a lancé la page fan en ligne « Poèmes palestiniens », a déclaré qu’elle avait été profondément bouleversée par ce qui s’est passé depuis octobre dans la bande de Gaza.

Elle a expliqué qu’elle s’était tournée vers la traduction de poèmes comme moyen de protester et de canaliser son chagrin face à la guerre dans la bande de Gaza. À ce jour, elle a traduit de l’anglais au vietnamien plus de 50 poèmes d’auteurs palestiniens tels que Mahmoud Darwich, Fadwa Tuqan et Ghassan Zaqtan.

Phuong espère pouvoir aider ses lecteurs à apprécier l’humanisme universel de la culture et de la société palestiniennes, tel qu’il se reflète dans les poèmes de Darwish et d’autres auteurs.

« Les Palestiniens ne sont pas seulement des victimes de la guerre », a déclaré Phuong. « Ils sont aussi un peuple au patrimoine riche et magnifique, avec des philosophies et des arts sophistiqués. Les Vietnamiens doivent le savoi »r.

Nguyen Binh est un autre jeune traducteur qui s’est fait connaître pour ses traductions d’œuvres vietnamiennes, comme la traduction en anglais du classique Conte de Kieu.

Binh travaille actuellement à la traduction en vietnamien du livre de Rashid Khalidi, The Hundred Years’ War on Palestine [inédit en français], afin d’ «élever la voix de ceux que l’on n’entend pas » et de combler le manque de compréhension des questions palestiniennes par les Vietnamiens.

Vendre l’image de “startup” d’Israël

L’édition vietnamienne de Start-Up Nation : The Story of Israel’s Economic Miracle [Israël, la nation start-up, Maxima 2014] présente une image flatteuse de la réussite des entreprises israéliennes

Le Hong Hiep, chercheur et coordinateur du programme d’études sur le Vietnam à l’Institut ISEAS-Yusof Ishak de Singapour, a décrit le soutien du Vietnam au peuple palestinien et à sa lutte pour la libération comme « inébranlable » pendant la guerre froide et dans les années 1990.

« Cela s’explique en partie par le fait que les dirigeants vietnamiens étaient convaincus que la cause palestinienne reflétait leur propre lutte pour l’unification et l’indépendance contre les puissances étrangères », dit M. Hiep à Al Jazeera.

L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a établi des relations avec le Nord-Vietnam en 1968 et a mis en place un bureau de représentation résident après la fin de la guerre au Viêt Nam en 1975. Ce bureau est rapidement devenu l’ambassade de Palestine au Viêt Nam.

« Dans les années 1990, le Viêt Nam a également accueilli des dirigeants palestiniens, dont Yasser Arafat, à de nombreuses occasions. La position officielle du Viêt Nam sur le conflit israélo-palestinien a toujours été en faveur de l’autodétermination palestinienne et de la création d’un État palestinien », dit M. Hiep.

Du côté palestinien, ces liens d’ amitié ont été résumés par Darwich en 1973, alors que la guerre au Vietnam entrait dans sa phase finale avec la signature des accords de paix de Paris en 1973, qui mettaient fin aux combats militaires directs des USA dans le pays.

« Dans la conscience des peuples du monde, le flambeau a été transmis du Viêt Nam à nous », a déclaré le poète.

Mais les temps ont changé.

Il en va de même pour le souvenir de la solidarité du Viêt Nam avec la Palestine.

Les militants pro-palestiniens interrogés par Al Jazeera ont déclaré qu’ils avaient eu du mal à persuader leurs parents que la cause palestinienne était juste.

Hung raconte que ses parents ont d’abord réagi à la guerre contre Gaza en blâmant « ces terroristes» qui l’avaient "commencée les premiers ».

« J’ai dû moi-même passer du temps à leur expliquer l’histoire de la question, qui remonte à 1948. Ce n’est qu’après cela qu’ils ont changé d’avis », raconte Hung.

Saadi Salama, l’ambassadeur palestinien au Vietnam, a déclaré que les médias locaux avaient une grande part de responsabilité dans le manque de sensibilisation du public vietnamien aux événements en Palestine.

 

L’ambassadeur Saadi Salama prononce un discours à Hanoï lors d’un événement organisé en novembre pour commémorer les Palestiniens tués à Gaza. Photo Tu Ly

Ayant d’abord travaillé à la résidence de l’OLP à Hanoï en tant que secrétaire à l’information dans les années 1980, Salama a des décennies d’expérience au Viêt Nam. Mais depuis une dizaine d’années, dit-il, les informations sur la question palestinienne sont beaucoup moins fréquentes dans les médias locaux. Ce qui apparaît est présenté de manière superficielle.

« La plupart des gens n’ont qu’une vague idée de ce qui se passe réellement à Gaza et en Cisjordanie », dit M. Salama à Al Jazeera, expliquant que les journalistes locaux manquent souvent d’expertise sur les questions relatives à la Palestine et au Moyen-Orient.

« Par conséquent, ils hésitent à rédiger des analyses approfondies sur le sujet, optant plutôt pour un copier-coller non critique de sources occidentales sans fournir de contexte aux lecteurs », ajoute-t-il.

Il y a de rares exceptions, admet Salama, mais pas assez pour faire la différence avec une impression généralement négative de la Palestine à un moment où il y a une impression positive d’Israël au Viêt Nam.

Pour les Vietnamiens, Israël est aujourd’hui le symbole du développement, une « startup nation », explique M. Salama.

« Ils ne voient pas les dessous d’Israël ».

Dinh Le, un marché aux livres bien connu du centre de Hanoï, se trouve à quelques pas du lieu où Hammad a parlé de la Palestine et de son enfance.

S’il est difficile pour un visiteur de trouver ici des livres sur la Palestine, il ne manque pas d’exemplaires en langue vietnamienne de Start-Up Nation : The Story of Israel’s Economic Miracle, un livre publié en 2009 par Dan Senor et Saul Singer.

Republié par AlphaBooks, qui est surtout connu au Viêt Nam pour ses ouvrages sur les affaires et la science populaire, Start-Up Nation est devenu un best-seller au Viêt Nam.

Selon les chiffres disponibles sur le site du ministère vietnamien de l’information et de la communication, le livre a fait l’objet de plus d’une douzaine de réimpressions et a été publié à plus de 2 millions d’exemplaires.

Selon le ministère, plus d’un million d’exemplaires de Start-Up Nation ont été commandés pour être distribués par l’un des principaux entrepreneurs vietnamiens, qui dirige un projet de distribution gratuite de livres d’inspiration dans des domaines tels que les affaires, la science et la philosophie.

Certains considèrent que la popularité du livre au Viêt Nam est liée à l’image flatteuse d’Israël auprès du public et à la description souvent positive d’Israël dans les médias vietnamiens.

L’attrait populaire d’Israël coïncide également avec un moment critique de l’histoire moderne du Viêt Nam, selon les experts.

Depuis la fin des années 1980, le Viêt Nam a mené des réformes économiques, connues sous le nom de Doi Moi, qui ont vu le pays adopter un développement axé sur le marché libre et la promotion de l’esprit d’entreprise.

Dans le même temps, la politique étrangère du Viêt Nam a donné la priorité aux intérêts nationaux et à l’indépendance plutôt qu’à ce qui aurait été décrit comme une « pureté idéologique » à l’époque révolutionnaire.

Bien qu’officiellement appelé République socialiste du Viêt Nam, le pays accueille depuis longtemps des capitaux étrangers et s’est efforcé de normaliser ses relations, principalement sur la base de la coopération économique, avec des pays et des blocs autrefois considérés comme ennemis.


Le président usaméricain Joe Biden porte un toast avec le président vietnamien Vo Van Thuong à Hanoï, au Viêt Nam, le 11 septembre 2023, après que les deux pays, autrefois ennemis, ont porté leurs relations diplomatiques et commerciales à leur plus haut niveau. Photo Evelyn Hockstein/Reuters

 

L’approche politique du Viêt Nam, connue sous le nom de « diplomatie du bambou » en raison de sa flexibilité et de son pragmatisme, a permis au pays de forger un partenariat significatif avec Israël dans les « domaines de l’économie, de la technologie et de la sécurité », explique M. Hiep.

Et c’est probablement la crainte de mettre en péril les liens avec Israël qui explique pourquoi « le Vietnam a été plus hésitant à exprimer un soutien fort à la Palestine, même s’il conserve de la sympathie pour sa cause », ajoute-t-il.

Vietnam et Palestine : « Des luttes similaires »

« Plus j’en apprends sur l’histoire de la Palestine, plus je réalise à quel point nos luttes sont similaires », déclare l’activiste vietnamien Trinh.

Hoang Diep Anh, 7 ans, écrit un message de soutien lors d’une veillée pour les Palestiniens organisée à l’ambassade de Palestine à Hanoi le 4 novembre 2023 à Hanoi, Vietnam. Photo Chris Trinh/Getty Images

Depuis octobre, le Viêt Nam a dénoncé les atrocités commises contre les civils dans le cadre du conflit entre Israël et le Hamas.

Lors d’une conférence de presse peu après le début de la guerre, une porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères a déclaré que le Vietnam « condamne fermement les attaques violentes contre les civils, les travailleurs humanitaires, les journalistes et les infrastructures essentielles ».

Avant cela, lors d’une session d’urgence de l’Assemblée générale des Nations unies le 27 octobre, le Viêt Nam s’est joint à la majorité des États membres pour voter une résolution exigeant un cessez-le-feu humanitaire immédiat, la protection des civils, la libération inconditionnelle des captifs et l’accès de l’aide humanitaire.

Hanoi a toutefois veillé à ne pas mettre en péril ses relations avec Israël en nommant ouvertement ce pays dans ses critiques. Malgré cela, un ancien ambassadeur israélien au Viêt Nam a qualifié la position de Hanoi sur Gaza de « décevante » lors d’une interview.

Pour certains, ces gestes en faveur de la Palestine ne sont pas suffisants pour honorer les dettes historiques du Viêt Nam envers les Palestiniens et le soutien de l’OLP à Hanoï pendant la guerre froide.

Yasser Arafat, commandant du mouvement palestinien Al Fatah, reçoit un album sur la création de l’armée nord-vietnamienne avec une photo de Ho Chi Minh sur la couverture de la part du ministre de la Défense nord-vietnamien, le général Giap, lors de sa visite au Nord-Vietnam le 8 avril 1970. Photo RADIOPHOTO / AFP

 Vu Minh Hoang, historien diplomatique du Vietnam du XXe siècle et de l’Asie-Pacifique, a noté que l’OLP faisait partie de la petite minorité de groupes et de pays du Sud qui ont ouvertement pris la défense de leurs amis vietnamiens et condamné la Chine pour son invasion du Vietnam en 1979.

Selon M. Vu, cette décision a coûté à l’OLP l’aide et le soutien politique dont elle avait tant besoin de la part de la Chine. L’OLP avait entretenu des relations amicales avec la Chine pendant 14 ans, jusqu’à ce qu’elle prenne parti pour le Viêt Nam à la suite de l’invasion chinoise de ce pays en 1979.

« L’OLP a courageusement défendu le Viêt Nam au moment où il en avait le plus besoin », a déclaré M. Vu, qui est actuellement basé à l’université de Columbia à New York, à Al Jazeera.

Bien que les déclarations et les votes vietnamiens aient soutenu la Palestine, Vu a déclaré que, dans l’ensemble, la position du Vietnam dans la pratique semble être plus « pro-israélienne ».

Pour comprendre pourquoi, il faut « suivre l’argent », a-t-il ajouté.


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