02/04/2024

REBECCA RUTH GOULD
“Nouvel antisémitisme” : ces mots qui tuent
Comment le mythe du “Juif collectif” protège Israël des critiques : un livre d’Antony Lerman


Rebecca Ruth Gould, deterritorialization,  30/3/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Dans Whatever Happened to Antisemitism ? Redefinition and the Myth of the ‘Collective Jew’ [Qu’est-il advenu de l’antisémitisme ? La redéfinition et le mythe du “Juif collectif”](Pluto Books, 2022), Antony Lerman examine ce qui est arrivé à l’antisémitisme au cours des cinq dernières décennies. Comment l’effort de définition de l’antisémitisme s’est-il aligné sur la réduction au silence des discours critiques à l’égard d’Israël ? L’histoire est complexe et n’a jamais été racontée avec autant de détails et de profondeur que dans ce livre.

Lerman écrit en tant que figure centrale des débats sur l’antisémitisme. En plus d’être un observateur de longue date de la lutte contre l’antisémitisme, il a également participé à l’élaboration de cette histoire. Il a été directeur de l’Institut des affaires juives* à partir de 1991, et c’est à ce titre qu’il a fondé le rapport mondial sur l’antisémitisme, qui a été publié de 1992 à 1998.

 
Anthony Lerman, lors d’une présentation de son livre au Musée juif de Hohenems, en Autriche, en novembre 2022

Lerman décrit et documente les pressions intenses qu’il a subies pour aligner le programme de recherche de son institut sur le projet d’étude de l’antisémitisme de l’université de Tel-Aviv, financé par le Mossad. En fin de compte, le refus de Lerman de s’aligner sur les objectifs sionistes et pro-israéliens des organisations israéliennes et usaméricaines a fait de lui la cible d’attaques de la part de l’establishment. Il a décidé de démissionner de son poste en 2009, afin d’écrire de manière indépendante sur le sujet de l’antisémitisme, libre de toute contrainte institutionnelle.

S’appuyant sur des décennies de recherches empiriques approfondies, Lerman nous guide de manière experte à travers les nombreux changements qui ont eu lieu dans la signification de l’antisémitisme au cours des dernières décennies. Comme il le souligne, même si l’attention du monde s’est déplacée vers le soi-disant « nouvel antisémitisme" »centré sur la critique d’Israël, le « nouvel antisémitisme » n’a pas remplacé l’ancien antisémitisme, qui prospère même à une époque où la quasi-totalité de la censure se concentre sur le « nouvel antisémitisme ».

Lerman rejoint d’autres chercheurs, tels que la théoricienne critique interdisciplinaire Esther Romeyn, pour considérer le nouvel antisémitisme comme « un champ de gouvernance transnational" »qui est « contrôlé par des “acteurs” institutionnels et humains ». Ces acteurs comprennent les Nations unies, l’UNESCO, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Commission européenne, diverses institutions communautaires, ainsi qu’une foule de politiciens et d’experts en la matière. Ces organisations « définissent, inventent des outils et des technologies de mesure, analysent, formulent des déclarations politiques et des programmes, et élaborent des “interventions” pour traiter et corriger » ce qu’elles considèrent comme le “nouvel antisémitisme”, qu’elles confondent souvent avec l’antisionisme et les critiques à l’égard d’Israël.

En d’autres termes, le discours qui mobilise les sociétés contre le “nouvel antisémitisme” est un outil de gouvernance, et pas seulement - ni même principalement - une praxis antiraciste. Cet outil de gouvernance s’est avéré de plus en plus utile aux États occidentaux ces dernières années dans leurs efforts pour réprimer le discours et l’activisme propalestiniens.

Une perspective historique

En expliquant comment le vieil antisémitisme a été reconfiguré en “nouvel antisémitisme” dans l’imaginaire politique des États et des institutions d’Europe et d’Amérique du Nord, Lerman identifie le 11 septembre comme le tournant décisif. Le 11 septembre marque également un tournant dramatique dans la guerre contre le terrorisme. À partir de ce moment, les attaques disproportionnées menées par les grandes puissances mondiales contre l’Afghanistan, l’Irak, le Xinjiang, le Cachemire et maintenant Gaza ont commencé à être considérées comme nécessaires et acceptables pour le maintien de l’ordre mondial.

Au moment même où l’antisémitisme était redéfini pour englober la critique d’un État-nation spécifique - Israël - les plus grandes puissances militaires du monde affirmaient leur droit à se défendre contre les insurgés terroristes et d’autres acteurs non étatiques sans tenir compte de la proportionnalité. Cette intersection entre la guerre et le discours politique sur l’antisémitisme est révélatrice car, comme l’affirme Lerman de manière lapidaire, « On ne peut pas faire la guerre à une abstraction ».

Les sections historiques (chapitres 3, 5 et 7) comptent parmi les parties les plus convaincantes de l’ouvrage. Elles documentent les défis lancés à l’État d’Israël et à l’idéologie politique du sionisme à l’ONU, ainsi que les institutions qui se sont développées en réponse à ces défis entre les années 1970 et 2000. L’un des principaux enseignements de la trajectoire historique esquissée par Lerman est que le “nouvel antisémitisme” n’est pas aussi nouveau que nous l’imaginons généralement. La tendance à confondre les critiques de gauche à l’égard d’Israël avec l’antisémitisme peut être observée dans les déclarations de responsables israéliens datant des années 1970.

En 1975, les Nations unies ont adopté la résolution 3379, qui qualifie le sionisme de « forme de racisme et de discrimination raciale ». Pourtant, dès 1973, le ministre israélien des Affaires étrangères, Abba Eban, avait perçu le sens de la marche et s’était rendu compte de l’hostilité des pays du Sud et de certains courants de gauche à l’égard d’Israël. « La nouvelle gauche est l’auteur et le géniteur du nouvel antisémitisme », affirmait Eban. Se projetant dans l’avenir, Eban ajoutait que « l’une des tâches principales de tout dialogue avec le monde des Gentils [goyim, non-juifs] est de prouver que la distinction entre l’antisémitisme et l’antisionisme n’est pas une distinction du tout ». Dans cette première déclaration, nous pouvons discerner l’idée maîtresse des débats sur l’antisémitisme qui allaient consumer les institutions communautaires et politiques juives jusqu’à aujourd’hui.

Bien que le livre de Lerman soit aujourd’hui l’étude définitive sur le sujet, il est nécessaire de signaler quelques erreurs de typographie et de translittération. Par exemple, il est impossible de savoir où commence une citation de Romeyn à la page 9 (paragraphe quatre). Plus important encore, nakba est mal orthographié en tant que naqba à la page 3. Espérons que les éditeurs procéderont à une relecture approfondie pour la prochaine édition.

Une prochaine édition sera certainement nécessaire. Les controverses autour de l’antisémitisme en relation avec Israël-Palestine, documentées dans ce livre historique, sont susceptibles de s’intensifier dans un avenir prévisible, alors que la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza se poursuit et que la menace d’un nettoyage ethnique plane sur la Cisjordanie. Nous devrions également être reconnaissants à Lerman d’avoir un livre objectif, fondé sur des principes et érudit pour nous guider à travers ces désastres.

*NdT : fondé en 1941 à New York sous les auspices du Congrès Juif Mondial, l’Institute of Jewish Affairs a déménagé à Londres en 1965 et a été renommé Institute for Jewish Policy Research en 1996

Pour lutter contre le racisme, nous avons besoin d’une approche matérialiste

Sur la politique de définition de l’antisémitisme - et de résistance à l’antisémitisme

Rebecca Ruth Gould, ILLUMINATION-Curated, 20 février 2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Pendant la première Intifada (1987-1993), l’artiste palestinien Sliman Mansour a commencé à dépeindre l’érosion des frontières de la Palestine par l’occupation militaire israélienne.

Les artistes palestiniens étaient engagés dans un boycott des produits israéliens, et Mansour n’avait accès qu’aux matériaux locaux qui pouvaient être obtenus sans commerce avec Israël : bois, cuir, boue, henné, teintures naturelles et objets trouvés.

À partir d’un mélange de bois, de boue et de teintures naturelles, il a produit une image tridimensionnelle de la Palestine, qu’il a appelée "Shrinking Object" (objet qui rétrécit). Vu en trois dimensions, le cadre de Mansour s’agrandit à mesure que la Palestine s’éloigne du champ de vision.

 

Shrinking Object ( (شئ متقلص), boue sur bois, 1996 , par Sliman Mansour

Bien qu’elle ait été créée en 1996, l’image d’une Palestine qui se rétrécit est encore plus prégnante aujourd’hui. Au cours des décennies écoulées, les frontières de la Palestine ont encore reculé. Elles ont été recouvertes par des centaines de colonies israéliennes qui ont effectivement effacé la frontière entre la Palestine et Israël et rendu obsolète le concept d’une solution à deux États.

J’ai choisi “Shrinking Object” comme couverture de mon livre, Erasing Palestine. L’image illustre parfaitement le parallèle entre l’effacement des terres palestiniennes par l’expansion du régime de colonisation et la réduction au silence de l’activisme palestinien en Europe et en Amérique du Nord.

J’ai appris à connaître le régime de colonisation de première main en 2011 et 2012 en tant que chercheure postdoctorale à l’Institut Van Leer de Jérusalem et en tant que résidente de la ville de Bethléem en Cisjordanie. Six ans plus tard, ma vie a été changée à jamais par la réduction au silence de l’activisme propalestinien au Royaume-Uni.

Mon livre raconte comment et pourquoi je me suis retrouvé à l’épicentre du premier conflit majeur au Royaume-Uni sur la définition de l’antisémitisme et la censure des discours critiques à l’égard d’Israël.

Régime des points de contrôle

En 2017, un article que j’avais écrit alors que je résidais à Bethléem cinq ans plus tôt a été examiné de près par un de mes étudiants israélo-britanniques à l’université de Bristol. Intitulé Beyond Antisemitism (Au-delà de l’antisémitisme), l’article documentait l’apartheid dont j’étais témoin lorsque je vivais en Palestine et que je me rendais sur mon lieu de travail à Jérusalem.

Les travailleurs aux côtés desquels je me tenais jour après jour au Checkpoint 300 pendant mon trajet de Bethléem à Jérusalem attendaient patiemment, mais avec une frustration grandissante. Au fur et à mesure que l’aube se prolongeait, les files d’attente augmentaient de façon exponentielle.

 

Femme attendant au point de contrôle 300 (Bethléem)

Pourtant, les allées restent fermées. Les soldats se tenaient prêts et armés, ne faisant aucun effort pour réduire le temps d’attente des travailleurs. Les retards aux points de contrôle de ce type, qui traversent la Cisjordanie, font des ravages dans la vie des Palestiniens.

Même si le retard est indépendant de leur volonté, les travailleurs qui doivent passer par ces points de contrôle risquent de perdre leur emploi s’ils n’arrivent pas à l’heure au travail.

Plus d’une fois au cours d’une année d’allers-retours, j’ai observé les prémices d’une émeute lorsque les travailleurs, fatigués d’attendre dans des files immobiles depuis une heure, commençaient à crier. Les soldats israéliens montaient sur les plates-formes perchées en hauteur, pointaient leurs fusils sur la foule et lui criaient de se taire.

De telles émeutes se produisaient régulièrement. La situation s’est considérablement aggravée au cours des années qui ont suivi mon départ, car le régime des points de contrôle s’est étendu parallèlement à la croissance des colonies.

Des travailleurs palestiniens ont été écrasés à mort alors qu’ils attendaient au point de contrôle 300. Des femmes ont accouché - et leurs nouveau-nés sont morts - alors qu’elles étaient bloquées aux postes de contrôle. Des Palestiniens ayant besoin de soins médicaux urgents sont également morts aux postes de contrôle parce qu’ils ne pouvaient pas atteindre l’hôpital à temps.

La définition de l’antisémitisme de l’IHRA

Face à l’effacement et à la mutilation de la terre palestinienne par Israël, les écrivains et les universitaires en dehors de la Palestine se font de plus en plus entendre pour critiquer l’occupation. De plus en plus, les universitaires qui s’expriment ouvertement sont la cible de groupes pro-israéliens qui ont mis au point un ensemble d’outils puissants pour réduire au silence les discours critiques à l’égard d’Israël. Je n’ai pas fait exception à la règle.

Au moment où j’ai été attaquée en 2017, des universitaires basés aux USA, dont Steven Salaita, avaient déjà perdu leur emploi en raison de leurs critiques à l’égard d’Israël.

Mais ce qui m’est arrivé en 2017 ne s’était jamais produit auparavant dans une université britannique. L’accusation d’antisémitisme était familière, mais les moyens par lesquels elle était évaluée ne l’étaient pas.

D’un point de vue historique, la réponse de l’université ne peut être dissociée du fait que, quelques mois auparavant, le gouvernement britannique, sous la direction de Theresa May, avait fait de la Grande-Bretagne le premier pays au monde à adopter la définition de l’antisémitisme de l‘Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (International Holocaust Remembrance Alliance - IHRA).

Si l’accusation d’antisémitisme portée contre mon article n’était pas particulièrement unique, l’application par l’université de la définition de l’IHRA a créé un nouveau précédent dans la répression de l’activisme palestinien.

Depuis lors, dans le sillage de la campagne contre Jeremy Corbyn et de la controverse sur l’antisémitisme au sein du parti travailliste, la définition de l’IHRA est presque devenue un mot familier pour tous ceux qui s’intéressent à la Palestine ou à l’antisémitisme.

Mais à l’époque où je suis devenue la cible de l’amalgame dangereux fait par la définition entre le discours critique à l’égard d’Israël et l’antisémitisme, elle était pratiquement inconnue.

Ce qui fait obstacle à la lutte contre le racisme antisémite

Mon livre raconte comment et pourquoi la définition de l’IHRA a été acceptée dans les universités britanniques. J’examine les conséquences de ces adoptions pour la liberté d’expression et l’activisme palestinien. Sa rédaction m’a amené à réfléchir à ce qu’est réellement l’antisémitisme - qu’il vaudrait mieux décrire comme un racisme antisémite - et à ce que nous pouvons faire pour y remédier.

Il est essentiel de parvenir à une compréhension plus précise et plus pratique du racisme antisémite pour combattre l’antisémitisme et promouvoir la justice pour les Palestiniens et les Israéliens.

De plus en plus, aux USA et au Royaume-Uni, les militants palestiniens et propalestiniens voient leur énergie accaparée par leur défense contre les allégations d’antisémitisme. Ces attaques limitent directement leur capacité à agir en faveur des droits humains des Palestiniens.

L’attaque la plus récente contre le mouvement palestinien, incarnée par le projet de loi sur l’activité économique des organismes publics qui fait son chemin au Parlement britannique, empêchera les organismes publics de se désinvestir d’Israël et de ses colonies illégales. Le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes le 10 janvier 2024 et est actuellement examiné par la Chambre des Lords. Si la Chambre des Lords donne son accord, il deviendra une loi au Royaume-Uni.

Il est particulièrement difficile de s’opposer à une telle législation en raison du tabou qui entoure la critique d’Israël et qui est renforcé par la définition de l’IHRA. Pour surmonter ces obstacles, nous avons désespérément besoin de mieux comprendre ce qu’est le racisme antisémite et comment nous pouvons le combattre.

Critique matérialiste

Dans mon livre, je présente une critique matérialiste de l’antisémitisme qui s’appuie sur l’expérience vécue du racisme à travers les siècles et qui rejette la définition de l’IHRA en tant qu’héritage de l’impérialisme.

La critique matérialiste du racisme antisémite est intersectionnelle : elle examine l’effet cumulatif de l’antisémitisme à travers la race, la classe et le sexe.

Le racisme antisémite, comme le racisme anti-noir, est plus profond que de simples préjugés individuels. Il n’a pas grand-chose à voir avec la position d’une personne à l’égard d’Israël. Aimer Israël n’immunise pas contre le racisme antisémite, pas plus que critiquer Israël n’implique la haine des Juifs.

Tous les États sont des cibles légitimes de critiques. Le droit à l’existence appartient aux personnes, pas à un État.

Ces idées ont été introduites pour la première fois par le franc-tireur trotskiste juif Abram Leon (1918-1944). Journaliste et révolutionnaire belge, il a écrit son chef-d’œuvre, Conception matérialiste de la question juive, sous l’occupation nazie, peu avant d’être assassiné à Auschwitz.

Contrairement à la définition de l’IHRA, qui situe l’antisémitisme dans ce que nous disons d’Israël, l’approche matérialiste du racisme antisémite de Leon reconnaît les racines socio-économiques de la marginalisation des Juifs tout au long de l’histoire.

Leon a compris que le racisme antisémite est, dans sa forme la plus meurtrière, systémique et non un résidu semi-conscient dans l’esprit des individus.

Face à l’anéantissement du peuple juif, Leon a perçu que le racisme est toujours lié au pouvoir et que la lutte contre celui-ci nécessite une transformation politique radicale qui vise l’égalité pour tous.

Tout comme la législation de prévention, qui a eu un impact toxique sur la liberté d’expression et la vie des musulmans au Royaume-Uni, la définition de l’antisémitisme de l’IHRA criminalise implicitement certains points de vue.

Certains partisans de la définition rejettent cette accusation en faisant valoir qu’il ne s’agit pas d’une loi, mais de nombreux partisans de l’IHRA ont cherché à donner à la définition un statut juridique.

Que la définition ait ou non une valeur juridique, personne ne peut nier qu’en pratique, elle s’est vu accorder un statut quasi-juridique. La conception rhétorique de la définition crée une cible mouvante, de sorte que toute idéologie hostile au nationalisme israélien court le risque d’être considérée comme antisémite.

Inégalité structurelle

La définition de l’antisémitisme de l’IHRA considère les préjugés antijuifs comme un phénomène réductible à une attitude mentale plutôt qu’à un mode de pensée enraciné dans des conditions matérielles.

D’où la croyance qu’un simple changement d’attitude peut éradiquer les préjugés. En plus d’être naïve et irréaliste, une telle approche de la lutte contre le racisme porte inévitablement atteinte à la liberté d’expression en raison de l’accent mis sur les idées et les attitudes plutôt que sur les actions.

La plupart des préjugés étant inconscients, aucune forme de racisme profondément ancrée ne peut être vaincue par un simple changement de mentalité ou une modification de la rhétorique. Si nous voulons vraiment comprendre d’où vient le racisme et le combattre, nous devons nous pencher sur les structures profondes qui créent les inégalités sociales.

Le virage définitionnel qui a marqué une grande partie des discussions récentes sur l’antisémitisme et les autres racismes nous détourne des fondements matérialistes du racisme. Les partisans de la définition de l’IHRA préfèrent isoler l’antisémitisme du racisme négrophobe et de l’islamophobie.

Mais l’antisémitisme, comme la négrophobie et l’islamophobie, va bien au-delà de la haine. Il est ancré dans l’inégalité structurelle et est perpétué par ceux qui profitent de l’injustice.

Tout au long de l’histoire, les Juifs ont été la cible de personnes ayant intérêt à les exploiter. Aujourd’hui, au XXIe siècle, plus d’un Palestinien a fait remarquer que « les Palestiniens sont les Juifs du monde arabe ».

Une critique matérialiste de l’antisémitisme renforcera la lutte contre le racisme antijuif tout en faisant progresser la libération palestinienne.

Le racisme est toujours une question de pouvoir et est perpétué par ceux qui profitent de l’injustice. Il ne sera éradiqué que par une transformation politique radicale garantissant l’égalité pour tous.

Gympie Street, Woodstock, Le Cap, Afrique du Sud

Rebecca Ruth Gould est une écrivaine, poétesse et traductrice usaméricaine, professeure émérite de poétique comparée et de politique mondiale à l’École d’Études Orientales et Africaines de l’Université de Londres. Traductrice d’auteurs géorgiens, iraniens et russes, elle est l’auteure, avec Kayvan Tahmasebian, du Routledge Handbook of Translation and Activism (2020). Parmi ses livres :
  •    Erasing Palestine: Free Speech and Palestinian Freedom (London and New York: Verso Books, 2023).
  • Persian Prison Poem: Sovereignty and the Political Imagination (Edinburgh: Edinburgh University Press, 2021).
  • Writers and Rebels: The Literature of Insurgency in the Caucasus
    (Yale University Press, 2016).

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