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11/05/2022

SERAJ ASSI
Le plus grand mythe sur la naissance d’Israël et la Nakba

Seraj Assi, Haaretz, 3/5/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala



L'auteur avec son père

Seraj Assi est un Palestinien né en Israël, titulaire d'un doctorat en études arabes et islamiques de l'université de Georgetown, où il est chercheur invité. Il est professeur adjoint d'arabe à l'université George Mason (Fairfax, Virginie). Il est l'auteur de The History and Politics of the Bedouin. Reimagining Nomadism in Modern Palestine, Routledge 2018.

Il s'agit de l'un des mythes les plus tenaces concernant la guerre de 1948 : La bataille épique entre un redoutable Goliath arabe et un Israël nouveau-né pour libérer la Palestine. Et c'est une fable qui continue à faire du mal aujourd'hui.

Les Palestiniens paient encore le prix de l'un des mythes les plus tenaces entourant la guerre israélo-arabe de 1948. Photo : Photos/AP ; Artwork/Anastasia Shub

Alors que les Palestiniens célèbrent le 74e  anniversaire de la Nakba et que les Israéliens célèbrent les 74 ans de leur État, nous devrions prendre un moment pour démystifier l'un des mythes les plus tenaces entourant la guerre de 1948 : la légende des grandes armées arabes, unifiées dans leur esprit, envahissant Israël pour libérer la Palestine.

Dans une fable traditionnelle perpétuée par les Arabes et les Israéliens, la guerre est décrite comme une bataille épique entre un David juif et un Goliath arabe. Il s'agit là d'une véritable mythification de l'histoire.

Mais ce n’était pas une guerre entre un petit David israélien et un Goliath arabe géant. C'était un Israël très motivé et relativement organisé qui combattait une coalition arabe fragmentée dont les gouvernements étaient entrés en guerre pour se disputer leur part de la Palestine.

Le roi Abdallah Ier de Jordanie était là pour annexer la Palestine et créer une Grande Syrie hachémite. Les Syriens, qui craignent la Jordanie plus qu'Israël, étaient là pour empêcher la Jordanie d'annexer la Cisjordanie. L'Égypte était là pour bloquer les Hachémites, occuper la bande de Gaza et affirmer sa suprématie sur ses voisins arabes. La Palestine était un champ de bataille par procuration pour leurs ambitions et leurs craintes. Le sort des Palestiniens eux-mêmes ne figurait guère dans les calculs des autocrates arabes.

Le mythe de l'infériorité militaire d'Israël a été démoli par les historiens israéliens eux-mêmes. Selon Avi Shlaim, à chaque étape de la guerre, les forces israéliennes étaient plus nombreuses et mieux armées que toutes les forces arabes mobilisées contre elles. À la mi-mai 1948, le nombre total de troupes arabes en Palestine, tant régulières qu'irrégulières, était inférieur à 25 000, alors qu'Israël alignait plus de 35 000 soldats. À la mi-juillet, Israël comptait 65 000 hommes sous les armes, et en décembre, ses effectifs atteignaient un pic de près de 100 000 hommes.

Des volontaires palestiniens dans une tranchée apprennent d’un instructeur à tirer et à se défendre à Toulkarem, en Palestine, pendant le conflit judéo-arabe de 1948. AP Photo

 « L'issue finale de la guerre n'était donc pas un miracle, mais un reflet fidèle de l'équilibre militaire sous-jacent sur le théâtre palestinien. Dans cette guerre, comme dans la plupart des guerres, c’est le côté le plus fort l'a emporté », commente Shlaim, dans The War for Palestine.

À       la veille de la guerre, la façade unitaire arabe cachait des divisions et des fissures profondes. Les dirigeants arabes se méfiaient davantage les uns des autres que d'Israël. Les armées arabes ont traversé la Palestine pour se battre entre elles et se saboter mutuellement.

Ils sont entrés en guerre non pas en tant qu'Arabes, mais en tant qu'Égyptiens, Jordaniens, Syriens et Irakiens. Ils n'avaient ni un commandement unifié ni une vision unifiée. Les Arabes ont porté leur guerre froide en Palestine. Ils menaient une guerre dans une guerre. Toute l'entreprise était vouée à l'échec dès le départ. Pour citer l'historien Eugene Rogan : « Les États arabes sont finalement entrés en guerre pour s'empêcher mutuellement de modifier l'équilibre des forces dans le monde arabe, plutôt que pour sauver la Palestine arabe ».

Aucun des États arabes qui sont entrés en guerre ne souhaitait voir émerger un État palestinien viable sur son flanc. La Jordanie hachémite a travaillé dur pour s'assurer qu'un tel État ne verrait jamais le jour. Il s'agissait d'une grande trahison ourdie en secret.

En novembre 1947, à la veille du plan de partage, le roi Abdallah de Transjordanie rencontre secrètement la dirigeante sioniste Golda Meir pour signer un pacte de non-agression : le roi s'engage à ne pas s'opposer à la création de l'État juif en échange de son annexion de la Cisjordanie.

Trois mois plus tard, en février 1948, les Britanniques donnent leur feu vert au plan secret d'Abdallah. Pas étonnant que la Jordanie soit le seul pays arabe à ne pas s'opposer au plan de partage. Trois mois plus tard, les Britanniques quittent la Palestine, et Israël déclare son indépendance.

Le jour suivant, les Arabes ont déclaré la guerre à Israël, soi-disant pour récupérer la Palestine, mais surtout pour s'affaiblir mutuellement. Lorsque la poussière de la guerre est retombée, la Palestine était perdue.

L'éclat des fusées éclairantes et des feux allumés par des obus de mortier et d'artillerie illumine le ciel au-dessus de la Tour de David dans la vieille ville de Jérusalem, l'un des échanges de tirs les plus violents entre Arabes et Juifs. AP Photo/Jim Pringle

La Transjordanie, quant à elle, a pu s'emparer de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est (avec la bénédiction britannique), tandis que l'Égypte s'emparait de Gaza. Il s'avère que les Hachémites sont entrés en guerre avec deux objectifs : annexer la Cisjordanie et empêcher leur rival acharné, Hadj Amin al-Husseini, le mufti de Jérusalem, de créer un État palestinien viable. Les autres États arabes y sont allés pour contenir la Transjordanie plutôt que pour sauver la Palestine. En fin de compte, les Hachémites l'ont emporté.

Un homme a tout vu venir. Fawzi Qawuqji était le commandant de l'Armée de libération arabe. Alors que l'ALA était une armée de volontaires créée par la Ligue arabe pour contrer l'Armée de la guerre sainte du Mufti, les gouvernements arabes ont empêché des milliers de recrues arabes de rejoindre l'une ou l'autre de ces forces.

Comme beaucoup de ses camarades arabes, Qawuqji a traversé vers la Palestine avec des promesses grandioses de libération. Pourtant, une fois en Palestine, il s'est trouvé aux prises avec la guerre d'usure de l'unité arabe. « Elle était là pour empêcher une guerre entre les États arabes », écrit-il à propos de l'ALA. Au lieu de combattre les sionistes, le commandant arabe devait maintenant se frayer un chemin entre les Hachémites et les nationalistes syriens.

Le roi Abdallah de Transjordanie, à gauche, et son hôte, le roi d'Arabie Saoudite Abdul Aziz Ibn Saoud, à Riyad, en Arabie Saoudite, le 29 juin 1948, lors d'une visite pour discuter de la question palestinienne. AP Photo

Le climat politique arabe qui a donné naissance à l'ALA a posé un grand dilemme à Qawuqji. Il écrit dans ses mémoires : « Le roi Abdallah était déterminé à réaliser son projet de Grande Syrie par le biais de la Palestine. Cette possibilité, plus que toute autre, inquiétait le gouvernement syrien. Quant à l'Irak, qui enverrait son armée sur le champ de bataille en Palestine en passant par la Transjordanie, comment pourrait-il agir ? Aiderait-il la Jordanie dans la réalisation de ce projet ? »

C'était une préoccupation réelle. Après tout, les Irakiens n'étaient pas disposés à contrarier leurs cousins hachémites pour le bien de la Palestine, ni le Mufti, envers lequel ils nourrissaient une profonde méfiance.

Réfléchissant aux réticences mutuelles qui prévalaient entre les États arabes à la veille de la guerre, Qawuqji s'est amèrement lamenté : « Chaque État arabe craignait son soi-disant État frère. Chacun convoitait le territoire de son frère, et conspirait avec d'autres contre son frère. Telle était la situation dans laquelle se trouvaient les États arabes lorsqu'ils se préparaient à sauver la Palestine, et c'est ce qui les a troublés avant tout. Ce n'est qu'après cela, très loin après cela, qu'est venu le problème de la Palestine elle-même ».

Des réfugiés palestiniens ayant fui leurs maisons lors des récents combats en Galilée entre Israël et les troupes arabes affluent de Palestine sur la route du Liban en 1948. Photo : AP

Le choc de la défaite a été biblique. Aucun autre événement de l'histoire arabe moderne n'a été aussi inévitable et pourtant si complètement imprévu.

Pour reprendre les termes de l'intellectuel syrien Constantin Zureiq, qui a inventé le terme « Nakba » dans son livre fondamental The Meaning of the Nakba, il s'agit du « pire désastre qui ait frappé les Arabes dans leur longue histoire ». Il a noté, avec précision : « Sept pays [arabes] partent en guerre pour abolir la partition et vaincre le sionisme, et quittent rapidement la bataille après avoir perdu une grande partie de la terre de Palestine ».

C'était une défaite arabe, mise en scène et orchestrée par les régimes arabes, un désastre auto-infligé pour lequel les Palestiniens ont payé le prix ultime, depuis lors.

En fin de compte, la défaite arabe avait été scellée dès le départ. Comme le grand nationaliste arabe Sati al-Husari le dira plus tard : « Les Arabes ont perdu la Palestine parce que nous étions sept États ».

Le commandant britannique de la Légion arabe de Transjordanie, le brigadier John Bagot ("Glubb Pacha"), à droite, parle aux soldats de son commandement dans un poste avancé près de Ramallah, en Palestine, le 20 juillet 1948. AP Photo

En fait, il ne s'agissait guère d'États arabes, mais d'États clients, sous des auspices coloniaux. En 1948, l'Égypte, l'Irak et la Jordanie étaient encore sous contrôle britannique. L'armée jordanienne, connue sous le nom de Légion arabe, était dirigée par un officier britannique, John Bagot Glubb, alias Glubb Pacha, dont la loyauté était partagée entre les Hachémites et ses supérieurs britanniques.

Il était crédule d'attendre des Arabes qu'ils libèrent la Palestine alors qu’eux-mêmes n'étaient pas libérés. Comme Gamal Abdel Nasser, le futur président égyptien qui a combattu pendant la guerre, l'a dit plus tard dans ses mémoires : « Nous nous battions en Palestine, mais nos rêves étaient en Égypte ».

Ainsi, les armées arabes qui ont envahi « Israël » n'étaient pas des Goliaths. En fait, il n'y avait pas d'armées arabes, seulement un méli-mélo de groupes paramilitaires non coordonnés, qui étaient mal armés et à peine entraînés, hautement improvisés, largement surpassés en nombre et submergés. L'engagement militaire arabe officiel en Palestine était au mieux timide. Les États arabes naissants, qui étaient encore dominés par d'anciens généraux coloniaux et des dirigeants fantoches, n'avaient pas de véritable combativité en eux.

La guerre de 1948 n'était pas tant une guerre israélo-arabe qu'une guerre arabo-arabe. Pour paraphraser la célèbre phrase de Jean Baudrillard : la guerre de 1948 n'a pas eu lieu. Pendant des décennies, depuis 1948, les États arabes ont imposé aux Palestiniens - en exigeant leur gratitude et leur obéissance - leurs sacrifices en temps de guerre au nom de la Palestine. Mais l'histoire montre que l'engagement arabe en faveur de la Palestine relève largement de la légende.

24/01/2022

Un documentaire israélien reconstitue le massacre de Tantoura en mai 1948 : ses auteurs passent aux aveux

Les crimes contre l’humanité ont tous une dimension commune : la dénégation puis le déni. Une fois mis faces aux preuves de leurs actes, les auteurs disent en général n’avoir fait qu’obéir aux ordres ou bien, s’ils étaient des chefs, de n’avoir pas donné d’ordres, déniant une quelconque responsabilité. Il n’y aura pas de procès des tueurs de Tantoura, ni à Jérusalem ni ailleurs sur notre pauvre terre. Mais au moins, personne ne pourra dire  qu’il ignore les faits.Certains Israéliens osent briser le mur du silence, comme Alon Scharz avec son documentaire « Tantoura». Ci-dessous deux articles sur le film. Lire aussi Comment camoufler un massacre : le cas de Tantoura, par Alon Schwarz-FG

 

Des vétérans avouent : il y a une fosse commune palestinienne sur une plage populaire israélienne
 

Adam Raz, Haaretz, 20/1/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Les vétérans israéliens de la bataille de 1948 du village de Tantoura s'expriment enfin sur les massacres de Palestiniens qui ont eu lieu après la reddition du village

« Ils ont réduit ça au silence », dit l'ancien soldat Moshe Diamant, en essayant d'être économe de mots. « Il ne faut pas le dire, cela pourrait provoquer tout un scandale. Je ne veux pas en parler, mais c'est arrivé. Qu’est-ce qu’on peut y faire ? C'est arrivé ».

Vingt-deux ans se sont écoulés depuis que le récit de ce qui s'est passé lors de la conquête par les troupes israéliennes du village de Tantoura, au nord de Césarée, sur la côte méditerranéenne, pendant la « guerre d'indépendance » [terme israélien désignant la Nakba, NdT], a suscité la fureur. La controverse s'est déclenchée à la suite d'une thèse de maîtrise rédigée par un étudiant israélien diplômé du nom de Theodore (« Teddy ») Katz, qui contenait des témoignages sur les atrocités perpétrées par la Brigade Alexandroni contre des prisonniers de guerre arabes. Cette thèse a donné lieu à la publication d'un article dans le journal Maariv intitulé « Le massacre de Tantoura ». Finalement, un procès en diffamation intenté à Katz par des anciens combattants de la brigade l'a amené à se rétracter sur son récit d'un massacre.

Teddy Katz dans une scène du documentaire Tantoura d'Alon Schwarz. Photo : avec l'aimable autorisation du Sundance Institute, Yonathan Weitzman

30/08/2021

NIR HASSON
Ni les Juifs ni les Palestiniens n'ont de patente sur la culture en terrasses

Nir Hasson, Haaretz, 29/8/2021
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Une scène dramatique se dévoile sur la route menant de la réserve naturelle du Mont Tayasim au Moshav Ramat Raziel dans les collines de Jérusalem : une vaste pente, entièrement brûlée, parsemée de squelettes d'arbres noircis. Mais le feu a également révélé un spectaculaire système de terrasses, les fondations du paysage qui, pendant des décennies, a été caché par les arbres.

Ramat Raziel plus tôt ce mois-ci après un grand incendie dans les Monts de Judée

Cette vue a lancé un débat sur la question de savoir à qui appartiennent les terrasses. Les terrasses des Monts de Judée sont juives, dit Mor Altshuler, en réponse à Hanin Majadli. Par conséquent, affirme-t-elle, les pins, qui ont été plantés par le Fonds national juif, n'étaient pas destinés à les dissimuler. Mais la vérité est plus complexe et plus intéressante.

Une terrasse est la caractéristique la plus marquante d'un paysage culturel, créée par l'homme au fil des décennies ou des siècles. Sa grandeur réside dans sa simplicité : des murets de pierres sèches locales empêchent l'érosion et permettent la culture. La datation des terrasses des Monts de Judée est une question scientifique complexe, à ne pas confondre avec la question politique quelque peu puérile de savoir qui était là le premier et à qui appartient le paysage.

L'enquête scientifique la plus importante sur la question a été réalisée en 2016 par une équipe de chercheurs dirigée par Yuval Gadot de l'Université de Tel Aviv. Ils ont utilisé la luminescence optiquement stimulée (OSL), qui date la dernière fois que les cristaux de quartz dans la profondeur du sol de la terrasse ont été exposés à la lumière du soleil. Les résultats ont été concluants : l'équipe a trouvé quelques terrasses vieilles de 1 500 à 2 000 ans (aucune ne datant de l'époque biblique), mais la plupart n'avaient pas plus de 400 ans.

20/08/2021

GILAD ATZMON
La théorie critique de la race et le projet juif

 Gilad Atzmon, 20/8/2021 (Bio)

Traduit par Fausto Giudice

La théorie critique de la race [TRC ; angl. Critical race theory, CRT, NdT]  fait l'objet d'un débat croissant aux USA. De façon assez particulière, les opposants à la TRC insistent sur le fait que le discours "marxiste" doit être éradiqué de la culture usaméricaine et du système éducatif. Cela me laisse perplexe, car je ne vois rien de plus éloigné de la pensée de Marx que la TRC.

Marx a proposé une analyse économique fondée sur la division en classes. Pour Marx, ceux qui se trouvent au bas de l'échelle des classes sont destinés à s'unir indépendamment de leur race, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. En tant que tel, Marx était aveugle à la race. Toutefois, sa vision était unificatrice, du moins en ce qui concerne la classe ouvrière. Mais la théorie critique de la race vise la direction complètement opposée. Les partisans de la TRC estiment que les personnes sont et doivent être définies politiquement par leur biologie : par la couleur de leur peau, souvent par leur sexe et/ou leur orientation sexuelle. La TRC tente de combattre le racisme, non pas en l'éliminant, mais en élevant le déterminisme biologique au rang de champ de bataille permanent.

Les théoriciens critiques de la race ne sont pas très originaux sur ce front du déterminisme biologique. Déjà à la fin du 19e siècle, le sionisme appelait les Juifs à s'identifier politiquement à leur biologie. L'appel d'Hitler au peuple aryen pour qu'il fasse de même a eu lieu environ deux décennies plus tard. Ironiquement, même les soi-disant juifs "anti"-racistes au sein des cellules politiques antisionistes "réservées aux Juifs" (telles que JVP, JVL, IJAN[1]) suivent exactement le programme sioniste et hitlérien. Ils insistent également pour s'identifier politiquement et idéologiquement à "une race"*.

On peut se demander à ce stade pourquoi les gens de la droite conservatrice qualifient la TRC de "marxiste" alors qu'elle n'a rien à voir avec Marx et a beaucoup à voir (idéologiquement) avec le sionisme et le biologisme hitlérien. Une option est que les gens de la droite usaméricaine pensent que la référence à Marx communique bien avec la foule qui les soutient. Une autre option un peu moins authentique est que Marx est un nom de code pour un "discours subversif lié aux Juifs". L'univers conservateur usaméricain est largement inspiré par le nationalisme israélien, mais il est dégoûté par l'interventionnisme cosmopolite de type Soros. La droite usaméricaine utilise peut-être un langage codé pour lutter contre sa propre paralysie. Elle a manifestement du mal à appeler un chat un chat.

Compte tenu de ce qui précède, il est fascinant d'examiner la vision juive usaméricaine du débat sur la TRC.

 

15/08/2021

Hébreu avancé avec un accent arabe
SAYED KASHUA, INTERVIEWÉ PAR MATT SEATON

Matt Seaton, The New York Review of Books, 14/8/2021
Traduit par Fausto Giudice


Matt Seaton (Brighton, 1965) est le rédacteur en chef de la New York Review of Books.

« Lutter avec la langue - la détester, l'aimer, essayer de m'y faire une place tout en la combattant - est devenu essentiel à mon travail. Parfois, je me demande comment les écrivains peuvent écrire dans leur langue maternelle »

Le 7 août 2021, nous avons publié l'essai de Sayed Kashua intitulé Ma diaspora palestinienne, une réflexion sur la vie d'un Arabe israélien musulman parlant hébreu dans le Midwest usaméricain, avec la tristesse et la culpabilité de l'exil volontaire et l'aliénation d'un immigrant déraciné. Kashua est parfaitement conscient d'une ironie particulière et amère dans ce qui est devenu sa galère cosmopolite déracinée : la figure du « Juif errant », note-t-il, a été remplacée par celle du « Palestinien errant ».

Sayed Kashua en 2021. Photo Karl Gabor

Il pourrait s'agir d'une lamentation, mais elle est teintée de l'humour caractéristique de son écriture : aujourd'hui, lorsque quelqu'un à St. Louis lui demande d'où il vient - son apparence méditerranéenne et son accent inhabituel le rendent difficile à situer - il répond qu'il est albanais. « Contrairement au Moyen-Orient, très peu d'USAméricains connaissent l'Albanie ; ils ne savent pas si elle est bonne ou mauvaise », écrit-il. « Cela sonne suffisamment européen, et presque personne ne sait à quoi un Albanais moyen est censé ressembler ou quel genre d’accent il a ».

Kashua a grandi à Tira, un village palestinien à l'époque de la fondation d'Israël en 1948, aujourd'hui une ville arabe animée. Son grand-père a été tué lors des combats de 1948, mais la famille de sa grand-mère a réussi à rester sur place et à ne pas perdre sa maison et ses terres, alors situées dans les frontières du nouvel État juif. La famille de Kashua était musulmane, mais son père, comme beaucoup de Palestiniens de cette génération plus laïque, était communiste. Comme Kashua l'a dit à Ruth Margalit dans son profil de 2015 (peu de temps après son arrivée aux USA) pour le New Yorker : « Il [son père] pensait que Lénine, Trotsky et Marx étaient toute la littérature dont vous aviez besoin. Alors j'ai essayé. J'ai lu toute cette merde ».

SAYED KASHUA
Ma diaspora palestinienne

Sayed Kashua, The New York Review of Books, 7/8/2021
Traduit par Fausto Giudice

Sayed Kashua (Tira, 1975) est un écrivain, journaliste et scénariste palestinien de langue hébreu. En 2014, il a décidé de quitter Israël – « ce pays qui ne reconnaît pas à l’Arabe le droit de vivre » - et de partir vivre avec sa femme et leurs trois enfants aux U.S.A.

Ses romans, comme ses chroniques pour le journal Haaretz, manifestent la même ironie dans le traitement des difficultés parfois insurmontables que rencontrent les Palestiniens de 1948 en Israël. Depuis 2006, les éditions de l’Olivier publient l’œuvre romanesque de cet écrivain atypique dans le paysage littéraire israélien. Ont paru Les Arabes dansent aussi (10-18, 2006 ; réédité aux Éditions de l'Olivier dans la collection Replay en 2015), Et il y eut un matin (2006), La Deuxième Personne (2012) et Les Modifications (2019). Son dernier roman, , Track Changes, est paru chez Grove Press en 2020Sayed Kashua est aussi l’auteur d’une célèbre sitcom (Travail d’Arabe), qui a reçu le prix de la meilleure série télévisée en 2008 au Jerusalem Film Festival. Il prépare un doctorat en littérature comparée à la Washington University de St. Louis, Missouri.
Lire 
L’écriture romanesque extraordinaire en hébreu de Sayed Kashua le Peptimiste, par Sâadia Agsous-Bienstein (Tsafon, 2016)

Vivre en exil forcé au cœur de ma patrie ou vivre en exil volontaire en tant qu'étranger résident, tel est mon choix. Dans les deux cas, être un étranger sur une terre étrangère.

 

Le jour où mon frère a appelé, les nouvelles locales rapportaient la présence d'un ours dans une arrière-cour de Richmond Heights, la banlieue du Missouri où nous vivons. Un nouveau round de combats avait éclaté entre Israéliens et Palestiniens, exactement sept ans après le cycle sanglant de 2014, qui était l'été où ma femme et moi avons décidé de quitter notre maison à Jérusalem. Nous étions poussés par le désespoir politique et la perte d'espoir en un avenir meilleur.

Des femmes et des enfants d'un village palestinien près de Haïfa marchent avec les biens qu'ils peuvent porter, à travers le no man's land, vers Toulkarem en Cisjordanie, pendant une trêve entre les forces israéliennes et arabes, Palestine, 26 juin 1948. Photo Bettmann via Getty Images

« Exil volontaire » : c’est ainsi que les experts appellent notre décision, même si je ne suis pas sûr de comprendre le sens du mot exil dans ce cas précis. De quoi sommes-nous exilés exactement : de la Palestine, ou plutôt de l'idée de la Palestine ? Ou est-ce d'Israël, qui a prouvé à ses citoyens palestiniens que même les personnes qui n'ont jamais quitté leur foyer peuvent être contraintes à un sentiment d'exil ? Ou peut-être que cet « exil volontaire » est surtout l'intense culpabilité qui m'a envahi lorsque mon frère a appelé ce matin-là pour parler du bain de sang et de la haine en Israël-Palestine. Au lieu de nous prouver que nous avions pris la bonne décision pour nous et nos enfants - car nous n'étions plus menacés par les roquettes, les bombardements, les politiciens et les foules en colère - la dernière guerre a suscité un sentiment de détresse et de honte de ne pas avoir été là. Je me suis senti coupable d'avoir fui mon foyer naturel, pour ainsi dire : l'endroit auquel je suis censé appartenir.

« Tu as fait le bon choix », a dit mon frère, d'une voix peinée. « Au moins, tu n'as pas à avoir peur chaque fois que tes enfants sortent de la maison ». Je voulais lui parler de l'ours qui errait dans notre quartier et qui faisait peur aux habitants, et de comment j'avais dit aux enfants qu'ils ne pouvaient pas sortir tant que l'ours n'avait pas été attrapé. Je voulais lui dire à quel point je me sentais coupable de ne pas avoir été là pour que nous ayons peur ensemble, pour que je puisse être horrifié de près, pour que je puisse pleurer les morts et la dévastation, et surtout pour que je puisse simplement être là, être présent. Après tout, c'est ce que ma grand-mère et mon père m'avaient appris depuis ma naissance : ne jamais quitter la maison, ne jamais quitter la patrie, qu'elle s'appelle Palestine, Israël ou Dieu sait quoi.

« Regardez ce qui est arrivé aux réfugiés », je me souviens de ma grand-mère - dont le mari, mon grand-père, a été tué sous ses yeux lors de la bataille de Tira, en 1948 - expliquant à ses petits-enfants, des larmes de chagrin coulant sur ses joues. Pour elle, la pire chose qui pouvait arriver à quelqu'un était de devenir un réfugié. Nous, les restes du peuple palestinien, ceux qui sont restés dans les villages qui ont fait partie d'Israël après la guerre, on nous a appris que nous avions la chance d'avoir encore nos terres et de ne pas être des réfugiés comme la moitié de la nation qui avait perdu ses maisons et n'avait jamais été autorisée à revenir. « Au moins, nous sommes restés à la maison », nous apprenait-on à réciter, chaque fois que quelqu'un mettait en doute notre loyauté parce que nous étions devenus des citoyens israéliens après la Nakba (Catastrophe). Nous étions les chanceux. Chanceux - malgré les deux décennies de loi martiale, l'expropriation de la plupart de nos terres, les maisons détruites, la négligence, la haine, le racisme, la discrimination et la persécution. Chanceux parce que nous n'étions pas parmi les Palestiniens apatrides enfermés dans des camps de réfugiés au Liban, à Gaza, en Syrie et en Cisjordanie.

18/05/2021

Al-Nakba: Die Vertreibung der Palästinenser
Eine Reise durch israelische Archive

Online-Vortrag von Ahmad Yacob, Ilmenau,  am 25.3.2021

Ahmad Yacob, geboren 1986, ist ein Sohn palästinensischer Flüchtlinge in Damaskus. Er ist Ingenieur und lebt seit 2010 in Deutschland. Ahmad Yacob kämpft gegen die Ausblendung der geschichtlichen Fakten und der falschen Sicht auf die Palästinenser in der deutschen Öffentlichkeit.

 

„Es ist ganz leicht, die Wahrheit mithilfe eines einfachen linguistischen Tricks zu verfälschen: Man muss seine Geschichte nur mit einem "Zweitens" beginnen. Genau das hat [Jitzhak] Rabin getan. Er hat ganz einfach unterlassen, von dem zu sprechen, was als Erstes passiert ist. Wenn man seine Ge-schichte mit dem „Zweitens" beginnt, wird die Welt auf den Kopf gestellt. Wenn man die Geschichte mit dem „Zweitens“ beginnt, sind die Pfeile der Indianer die ursprüngli-chen Verbrecher und die Gewehre des wei-ßen Mannes die ausschließlichen Opfer. Es genügt, mit "Zweitens" zu beginnen, damit der Zorn der Schwarzen gegen die Weißen barbarisch wird und die verbrannten Vietna-mesen die Menschlichkeit des Napalms verletzt haben. Es genügt, mit dem „Zweitens“ zu beginnen, und meine Großmutter Umm 'Ata ist Verbrecherin und Ariel Sharon ihr Opfer.“

Mourid Barghouti, I Saw Ramallah, Random House, 2003

Die Nakba (arabisch „die Katastrophe“) ist ein historisches Ereignis, welches das palästinensische Volk bis heute zutiefst prägt. Sie bezeichnet die ethnische Säuberungskampagne Palästinas, welche im Jahr 1947/48 begann und somit der Staatsgründung Israels unmittelbar vorausging. Historisch belegt ist hierbei die Vertreibung von über 800 000 Palästinenser*innen aus dem Gebiet des heutigen Israels, das entspricht etwa 80% der damaligen dortigen palästinensischen Bevölkerung. Dabei wurden 11 Städte und über 531 Dörfer zerstört und insgesamt 78% des historischen Palästinas erobert und als Staat Israel ausgerufen. Dabei wurde nicht nur das Land eingenommen: Auch Bibliotheken, Konzertsäle, Kinos, Felder, und gleichermaßen die Häuser der Bewohner mit aller persönlichen Habe darin wurden mit Gewalt eingenommen. Innerhalb weniger Monate wurde so aus dem Volk der Palästinenser ein Heer aus mittellosen Flüchtlingen. Zahllose palästinensische Flüchtlingslager entstanden im noch nicht besetzten Gaza und Westjordanland sowie in den Nachbarländern Syrien, Libanon und Jordanien, wo sie bis heute bestehen und zu einem dauerhaften Provisorium geworden sind. Heute sind zwei von drei Einwohnern Gazas Flüchtlinge und deren Nachfahren, im Westjordanland einer von vier. Ebenso haben viele Palästinenser mit israelischem Pass die gleiche Familiengeschichte. Im vorliegenden Text wird gezeigt, dass die Ereignisse der Nakba kein versehentlicher „Unfall“ bei der israelischen Staatsgründung, sondern ein wohlgeplantes, gründlich vorbereitetes Resultat der politisch nationalen Ideologie des Zionismus sind.

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