Alon Schwarz, Haaretz, 12/8/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Le sionisme doit évoluer pour survivre, écrit le réalisateur du documentaire « Tantoura ». Les Israéliens devraient être assez forts pour reconnaître les souffrances de l'autre partie. Reconnaître la Nakba est un premier pas vers un avenir de paix
La principale technique utilisée pour faire taire Teddy Katz il y a près d'un quart de siècle était de rechercher quelques erreurs dans les citations qui apparaissent dans sa thèse de maîtrise sur l'affaire de Tantoura – qui faisait des centaines de pages – et de le menacer ensuite d'un procès-bâillon [alléguant la diffamation mais en réalité destiné à l’intimider pour qu’il se taise]. Le but était de rejeter toute sa thèse comme indigne et aussi de le faire récuser.
Des articles d'opinion récents sur le sujet dans Haaretz en hébreu – par le rédacteur de musique du journal Haggai Hitron, et par l'avocat Giora Erdinast - ainsi qu'un article publié par l'historien Yoav Gelber sur un autre site en hébreu, ont été écrits en réponse à mon film «Tantoura ». Tous sont des exemples du phénomène si commun à la gauche et à la droite d'Israël de nier ou de minimiser la « Nakba » palestinienne (arabe pour « catastrophe ») pendant la guerre de 1948.
C'est l'une des tentatives les plus sérieuses de l'histoire israélienne pour cacher des crimes de guerre et faire taire un débat. Les articles d'Erdinast, Hitron, Gelber et d'autres personnes partageant les mêmes idées incluent de nombreux détails biaisés ou incorrects. Ils ont pour effet de jeter du sable dans les yeux des Israéliens ordinaires, qui ne possèdent pas nécessairement les outils nécessaires pour vérifier les affirmations des auteurs.
Beaucoup d'Israéliens trouvent du réconfort dans ces articles, dont le véritable but est de préserver la belle histoire réchauffant le cœur avec laquelle nous avons grandi, et ainsi permettre à la répression nationale de notre propre histoire de continuer : Nous n'avons expulsé personne, les Arabes se sont enfuis tout seuls, les Forces de défense israéliennes sont l'armée la plus morale du monde, nos soldats ne commettent jamais de massacres.
Avant de traiter de la fausseté de ces articles, j'aimerais ajouter une observation générale qui s'applique également à la lettre que le recteur de l'Université de Haïfa, le professeur Gur Alroey, a envoyée à tous les professeurs en juin dernier la veille de la projection de mon film. « Tantoura » n'aspire ni à aborder la qualité de l'écriture académique de Teddy Katz ni la question de savoir s'il a mal cité quelques-unes des interviews qu'il a enregistrées au magnéto il y a 23 ans lorsqu'il était étudiant. Ce ne sont pas les questions intéressantes, et c'est pourquoi le film ne les traite pas. Ce qui est intéressant, c'est ce qui s'est réellement passé à Tantoura le 23 mai 1948, et comment cela a été obscurci et réduit au silence dans la société israélienne, presque obsessionnellement, depuis. Le film permet au public d'écouter directement le matériau brut enregistré par Katz. Il combine également des entretiens récents avec des soldats qui se trouvaient sur les lieux et présente les conclusions d'une enquête approfondie et nouvelle fondée sur des documents, des photographies aériennes militaires et d'autres documents d'archives.
L'affirmation selon laquelle les inexactitudes dans un petit nombre de citations dans l'œuvre de Katz signifient que le film mérite d'être ignoré est simplement une tromperie visant à réduire au silence toute l'affaire. La thèse principale de Katz était qu'au cours de la journée du 23 mai 1948, après la fin de la bataille nocturne, les FDI ont tué de nombreux hommes désarmés à Tantoura, commettant des crimes de guerre horribles. Je maintiens que Katz a raison.
Contrairement à ce qu'Hitron a écrit sur Haaretz en juin dernier, le film ne se concentre pas sur la question de savoir si 12, 20 ou 200 personnes ont été tuées à Tantoura. Cette affirmation est une tentative d'aplatir et de cadrer le sujet, en le limitant au débat sur un nombre qui est de toute façon inconnu. Le documentaire raconte une histoire beaucoup plus large, qui inclut le contexte de la guerre de 1948 et examine comment la mémoire personnelle et nationale est construite et réprimées Il comprend différentes versions de ce qui s'est passé à Tantoura, y compris les récits de nombreuses personnes interrogées qui nient qu'un massacre ait eu lieu.
Pour lire la suite, télécharger le document
Sur le même thème, lire
Un documentaire israélien reconstitue le massacre de Tantoura en mai 1948 : ses auteurs passent aux aveux
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire