25/08/2022

GIDEON LEVY
Les détentions sans jugement de Palestiniens prouvent que Lapid et Gantz menacent aussi la démocratie

Gideon Levy, Haaretz, 24/8/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Il y a 723 raisons de ne pas soutenir l’actuel gouvernement israélien, et six autres en bonus. Les 723 personnes qui sont en prison sans jugement sont une raison suffisante pour comprendre qu'il n'y a pas de réelle différence entre le gouvernement actuel et son prédécesseur. L’interdiction et fermeture de six groupes de défense des droits humains en Cisjordanie fournit six raisons supplémentaires à quiconque insiste sur le fait que notre “gouvernement de changement” et d'espoir diffère de son prédécesseur.

Des manifestant·es palestinien·nes demandent la libération du détenu administratif Maher Akhras, dans le centre-ville d'Hébron en Cisjordanie occupée, le 14 octobre 2020.Photo : AFP

Maintenant, 729 éléments de preuve montrent qu'aucune amélioration significative n'est visible sur les questions fondamentales sous le gouvernement de centre-gauche. Nous pourrions même aller plus loin et conclure, au moins en ce qui concerne les détentions administratives scandaleuses - des détentions sans jugement - que Benjamin Netanyahou était préférable. Pendant 14 ans, dont la quasi-totalité sous son gouvernement, le nombre de détenus administratifs n'a jamais atteint ces proportions monstrueuses - et puis le gouvernement de centre-gauche est arrivé.

L'incarcération massive sans procès et la fermeture des groupes de défense des droits humains constituent un bon test décisif pour le caractère réel d'un gouvernement et de ses valeurs. « Cette loi est une loi nazie. Elle est tyrannique. Elle est immorale - et une loi immorale est une loi illégale », a déclaré Menahem Begin à propos des règlements d'urgence autorisant la détention administrative. Begin s'exprimait en mai 1951 à la Knesset après que des membres de Brit Hakanaim [Pacte des zélotes, qui voulait faire de la Halakha, la loi juive, celle de l’État, NdT], un groupe clandestin ultra-orthodoxe radical, avaient été placés en détention administrative.

Mais ses paroles s'appliquent aujourd'hui aux détenus palestiniens retenus sans procès, même si aucune personne de gauche n'oserait les qualifier de lois nazies comme l'a fait Begin. Seule la droite peut le faire.

De telles décisions concernant les arrestations massives et la fermeture d'organisations de la société civile sont intrinsèquement politiques. Elles dépendent essentiellement d'une ou deux personnes : le ministre de la défense et le premier ministre. Si ces deux personnes le veulent, les détentions administratives peuvent cesser. Si elles le veulent, leur nombre peut être réduit. Si elles le veulent, leur nombre peut être augmenté sans fin.

Sur leur ordre, des soldats seront envoyés dans les bureaux des organisations de la société civile composées de bienfaiteurs non-violents et scelleront les portes. Sur leur ordre, le service de sécurité du Shin Bet menacera les directeurs de ces groupes comme le font ses homologues en Russie ou en Turquie. Non seulement Yair Lapid et Benny Gantz ne desserreront pas le joug sur la société palestinienne, mais dans certains domaines, ils le resserreront davantage que leurs prédécesseurs de droite.

Le cabinet a adopté ces deux mesures tyranniques sans réelles objections. Le parti travailliste, dirigé par le successeur de Yitzhak Rabin, les soutient certainement avec enthousiasme. Le nouveau Meretz, dont la liste électorale a été choisie cette semaine, s'y oppose certainement dans son for intérieur, mais cela ne suffit pas.

Faute d'une véritable opposition, chaque composante de la coalition gouvernementale est entachée de ce péché. La facilité avec laquelle le centre-gauche a adopté ces deux mesures prouve ce qui n'est plus à prouver : la droite est parfois préférable. La droite arrête moins de gens, tue parfois moins souvent et au moins elle n'est pas pharisienne.

Comment les partisans de l'État de droit et les défenseurs du système juridique, ceux qui mettent en garde contre un gouvernement composé de Netanyahou, d'Itamar Ben-Gvir et de l’étoile montante Yariv Levin [Likoud], peuvent-ils parler des dommages causés à la démocratie dans un pays où un gouvernement de centre-gauche emprisonne des centaines de personnes sans procès pendant de longues périodes et ferme des ONG comme s'il s'agissait de maisons closes ou de tripots ?

Pourquoi mettre en garde contre le risque que Ben-Gvir mette à exécution sa menace d'expulser les opposants à Israël si les si éclairés Lapid et Gantz les ont déjà arrêtés ? Il est facile et commode de brandir la menace de Ben-Gvir pour unifier les gens dans la peur. Il est beaucoup plus difficile d'admettre que Lapid et Gantz ne sont pas moins dangereux pour la démocratie israélienne. Ben-Gvir parle - et Gantz agit.

Oui, il est désagréable de comparer les effrayants Netanyahou et Ben-Gvir aux affables et libéraux Lapid et Gantz. Mais au test décisif, les meilleurs sont ceux qui commettent les pires actes. Nous devrions les craindre et les combattre.

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