Les Palestiniens ont besoin d’un leader populaire
capable de faire avancer les choses. Être originaire de Gaza serait un plus
Jack Khoury, Haaretz, 25/12/2023
Traduit par
Fausto
Giudice, Tlaxcala
L’opinion publique palestinienne n’a pas de figure,
autre que Marwan Barghouti, emprisonné, qui puisse prendre les rênes en
Cisjordanie et à Gaza dès la fin de la guerre et jouir de la légitimité à la
fois du Fatah et du Hamas.
"Nous nous rencontrerons bientôt" : fresque murale dédiée à Marwan Barghouti dans le camp de réfugiés de
Jabalya, à Gaza, en avril. Photo Majdi Fathi via Reuters
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La conversation sur la revitalisation de l’Autorité
palestinienne par des réformes internes et des changements de dirigeants après
la guerre n’a pas épargné la Cisjordanie. Ramallah est au courant des
discussions et de la nécessité d’un changement, mais contrairement aux
précédents cycles de combats entre Israël et Gaza, il n’y a personne pour
parler en leur nom, ni pour proclamer des slogans sur un nouvel horizon.
Les enfants de la bande de Gaza sont les “stars”
actuelles de la politique palestinienne. L’attention du public se concentre sur
eux et sur la situation humanitaire catastrophique de Gaza.
L’Autorité palestinienne n’a pas de réponse claire à
la question de l’après-guerre
à Gaza, ce qui laisse présager toute une série de scénarios
possibles, allant d’un chaos total à la somalienne à la création d’un forum
international chargé d’œuvrer à une solution diplomatique et à des élections
qui donneraient un coup de pouce à une nouvelle équipe dirigeante
palestinienne.
Des sources proches du président palestinien Mahmoud
Abbas ont déclaré à plusieurs reprises que des élections libres dans tous les
territoires de l’Autorité palestinienne - y compris Jérusalem-Est et la bande
de Gaza - étaient le seul moyen d’obtenir la légitimité. Cependant, il est
clair pour tous que la tenue d’élections, qui aurait été compliquée même avant
le 7 octobre, n’est pas envisageable à court terme, et que la réalité imposera
une sorte de mesure provisoire pour préparer l’étape suivante. La condition est
que les USA et Israël acceptent de coopérer et de présenter une vision claire
de la paix.
Un processus intérimaire inclurait probablement des
changements dans la gestion de l’Autorité palestinienne et de l’Organisation de
libération de la Palestine (l’organisation faîtière qui la supervise). Mais le
réseau d’intérêts est complexe. Le débat sur la prochaine étape commence par la
question de savoir quel
gouvernement Israël aura après la guerre.
Il se poursuit avec les plans régionaux usaméricains,
puis avec la Russie et la Chine. L’Égypte et la Jordanie font également partie
de ce réseau, en raison de leur intérêt pour la stabilisation de la région,
tandis que les États du Golfe participent à la mêlée grâce à leur énorme
influence financière.
En ce qui concerne la politique palestinienne interne,
il n’y a pas de consensus sur la personne qui pourrait immédiatement et
naturellement prendre les rênes en Cisjordanie et à Gaza avec une large
légitimité. La seule personnalité qui pourrait obtenir le soutien de toutes les
factions est Marwan Barghouti, qui est emprisonné en Israël.
Dans toutes les enquêtes menées au cours de la
dernière décennie, Barghouti a reçu le plus grand
soutien en tant que leader, y compris dans une enquête publiée la semaine dernière
par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les sondages,
Barghouti - obtenant une moyenne de 55 %, en tenant compte des données de la
Cisjordanie et de la bande de Gaza. Toutefois, il est peu probable qu’il puisse
être libéré (ou peut-être dans le cadre d’un accord pour la libération des
otages restés à Gaza), et qu’il soit préparé à occuper un poste de direction.
Le président palestinien Mahmoud
Abbas, le mois dernier. Photo Pool/Reuters
Les proches d’Abbas espèrent que l’Autorité
palestinienne, sous sa direction, pourra gérer la tâche gigantesque de la
reconstruction de la bande de Gaza après la guerre. Ils conditionnent toutefois cette
possibilité à des garanties internationales - principalement de la part des USA
et des États arabes - selon lesquelles un cadre clair pour la création d’un
État palestinien accompagnera ce mouvement.
« Il y a un grand point d’interrogation
concernant Israël et les USA », déclare un haut responsable du Fatah. « Veulent-ils
vraiment stabiliser Gaza, la rendre à l’Autorité palestinienne d’une manière ou
d’une autre, puis lancer un processus diplomatique et entamer des négociations
? Ou bien ont-ils intérêt à maintenir la séparation entre la Cisjordanie et la
bande de Gaza, puis à plonger Gaza dans le chaos le plus total et à provoquer l’effondrement
de l’Autorité palestinienne ? Quels que soient les espoirs des Palestiniens,
sans implication internationale et arabe, les choses ne progresseront pas ».
Ne pas aller n’importe où
À 88 ans, Mahmoud Abbas est toujours considéré comme l’homme
fort de la Cisjordanie et ne montre aucun signe de départ de la scène politique
- en tout cas pas tant que sa santé le permet et que des élections ne se
profilent pas à l’horizon. Mais dans le même temps, les critiques croissantes
de la situation de l’AP, le manque de légitimité publique d’Abbas et le
discours international sur la nécessité d’un changement alimentent les rumeurs
sur les candidats à la direction palestinienne de l’après-guerre.
Il y a deux noms importants dans le cercle d’Abbas. Le
premier est le secrétaire général du comité exécutif de l’OLP, Hussein
al-Sheikh, qui assure la liaison directe avec Israël et l’administration usaméricaine
et qui assiste à toutes les réunions diplomatiques importantes. L’autre est
Majed Faraj, chef du service des renseignements généraux.
Toutefois, il est peu probable que l’un ou l’autre
puisse prendre le contrôle de Gaza sans l’implication
du Hamas. Le Premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh est une autre figure
familière à tous les acteurs de l’arène, mais il a fait l’objet de critiques de
la part des Palestiniens. Il était question de le remplacer avant la guerre.
Des enfants cherchent leurs
affaires dans un bâtiment de Rafah, à Gaza, après une frappe aérienne
israélienne, dimanche. Photo Said Khatib/AFP
Un candidat potentiel pour remplacer Shtayyeh est
Mohamed Mustafa, qui gère l’appareil financier de l’AP et est un proche
associé d’Abbas. Il est considéré comme un personnage quelque peu ennuyeux,
mais capable de diriger le gouvernement. Il est cependant peu probable que les
factions de Gaza soient prêtes à coopérer avec lui.
Un autre candidat est Ziad Abu Amr, l’actuel
vice-premier ministre, qui est également proche d’Abbas. Contrairement à
Mustafa, Abu Omar est originaire de Gaza et a été ministre des Affaires
étrangères en 2007 pendant le gouvernement d’unité. Comme Mustafa, cependant,
il ne jouit pas d’une base populaire qui lui permettrait de prendre des
décisions importantes.
Un autre nom est apparu récemment, celui de Husam
Zomlot, ambassadeur palestinien à Londres et ancien chef de la mission de l’OLP
aux USA. Zomlot, issu d’une famille de Gaza, parle couramment l’anglais et a
joué un rôle important dans les efforts de diplomatie publique palestinienne
dans les médias usaméricains et britanniques pendant la guerre.
Si, à 50 ans, il fait partie de la jeune génération de
fonctionnaires, il est plus connu en tant qu’universitaire et diplomate que
dans un contexte populaire. Il n’a pas non plus occupé de poste administratif,
de sorte qu’Abbas est plus susceptible d’envisager de le ramener à Ramallah en
tant que ministre des Affaires étrangères plutôt que comme premier ministre.
Hussein al-Sheikh, qui assure la
liaison entre les Palestiniens et les USA et Israël, ce mois-ci. Photo Ammar Awad/Reuters
Salam Fayyad, premier ministre de 2007 à 2013, est l’une
des personnes qui a occupé un poste exécutif dans le passé et qui jouit de la
confiance des USA, d’Israël et de la communauté internationale. Le principal
inconvénient de Fayyad est - une fois de plus - l’absence d’une large base de
soutien. Lors des élections au Conseil législatif palestinien en 2006, son
parti, la Troisième Voie, n’a remporté que deux sièges. Tant Ramallah que Gaza
pensent que Fayyad peut être une solution provisoire, en particulier si la
communauté internationale et les pays arabes font pression pour le nommer, mais
ils estiment que le fait qu’il ne soit pas originaire de Gaza est un
inconvénient évident.
Azzam Al-Shawwa, ancien ministre de l’énergie qui a
occupé des postes clés dans des institutions économiques et financières (y
compris dans le secteur privé), est issu d’une famille bien connue et bien
établie dans la bande de Gaza, ce qui pourrait l’aider à obtenir le soutien du
Hamas et du Djihad islamique.
Un autre nom notable mentionné comme candidat
potentiel à la direction de l’AP pendant une période de transition est celui de
Mahmoud al-Aloul, chef adjoint du parti Fatah d’Abbas. Al-Aloul est un
politicien chevronné et un membre de la génération fondatrice, mais ses
perspectives dépendent principalement de la mesure dans laquelle le comité
central du Fatah est prêt à prendre la décision spectaculaire
d’écarter Abbas. En outre, comme d’autres, Al-Aloul ne dispose pas d’une
base de soutien à Gaza, et sa capacité à y obtenir une légitimité est douteuse.
Bien entendu, Abbas a également des opposants
politiques convaincus qui se considèrent comme des candidats. Mohamed Dahlan,
qui a été exclu du Fatah et de l’Autorité palestinienne en 2010, est une figure
incontournable dans le contexte de la lutte pour la succession, d’autant plus
qu’il est né à Gaza, qu’il bénéficie d’un certain soutien dans les cercles de
Gaza et de Cisjordanie et qu’il entretient des liens étroits avec les Émirats
arabes unis.
Salam Fayyad , par John Springs (2010)
Pendant la guerre, les alliés de Dahlan ont insisté
sur le fait qu’il avait contribué, entre autres, à l’établissement d’un hôpital
de campagne émirati à Gaza. Dahlan a également des liens avec le Hamas (tant à
Gaza qu’à l’étranger), les services de renseignement égyptiens, Israël et les USA.
Une source proche de lui a déclaré à Haaretz qu’il pourrait être un
acteur majeur dans la gestion de la bande de Gaza, mais qu’il ne pourrait pas
en prendre la tête.
Une autre figure - qui est anathème
pour Abbas, mais dont le nom est apparu dans les discussions sur
la nouvelle direction palestinienne - est Nasser al-Kidwa. Le neveu de Yasser
Arafat a occupé plusieurs postes officiels dans le passé, notamment celui d’ambassadeur
palestinien auprès des Nations unies et de ministre des affaires étrangères,
mais il admet lui-même qu’il ne pourra occuper aucune fonction exécutive tant
qu’Abbas restera au pouvoir.
Le mois dernier, le Hamas a publié une photo d’une
réunion conjointe d’al-Kidwa et de Samir Mashharawi, considéré comme le bras
droit de Dahlan, avec Ismail Haniyeh, haut responsable du Hamas, et Khaled
Meshal au Qatar. Les observateurs considèrent que cette réunion a été organisée
en vue de « l’étape suivante ».
Les détracteurs d’Al-Kidwa, même au sein du Fatah,
admettent qu’il a des liens internationaux étendus et une expérience
diplomatique et politique. De plus, ils pensent que le fait qu’il soit issu d’une
famille gazaouie l’aidera. Selon eux, une question plane sur al-Kidwa en ce qui
concerne sa « maison » politique. Dans quelle mesure devra-t-il
lutter pour obtenir l’accord du Fatah pour diriger l’AP ? Il semble qu’il
puisse obtenir l’accord du Hamas et le soutien de Dahlan, mais il est beaucoup
plus douteux qu’Abbas et la direction de l’AP acceptent cette idée, du moins
dans l’immédiat.
Mohamed Dahlan, contre lequel la Turquie a émis une “notice rouge”, le suspectant entre autres d'avoir été impliqué dans le coup d'État raté de Gülen en 2016 et dans l'assassinat de Jamel Khashoggi en 2018, vu par le journal turc Daily Sabah