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20/10/2024

DOHA CHAMS
L’écosystème de la résistance libanaise : incubateur ou pépinière ?

 Doha Chams, Al Araby Al Jadid, 18/10/2023

Original: بيئة حاضنة مقابل بيئة حاضنة؟

Traduit par Tafsut Aït Baamrane, Tlaxcala

Le terme « écosystème de la résistance » a longtemps été brandi pour désigner les Libanais qui soutiennent la résistance à l’ennemi israélien.

Je n’ai jamais aimé ce terme. Il implique que la résistance à l’ennemi est d’abord un choix d’une communauté confessionnelle particulière de Libanais*, et deuxièmement, indépendamment des lois libanaises qui déclarent explicitement qu’Israël est un ennemi, c’est une position libre garantie par la démocratie et la liberté d’expression !


Bienvenus en enfer, par José Alberto Rodríguez Avila, Cuba

Indépendamment de mon interprétation, quelle est la définition d’un écosystème ?

Comme tous les termes au Liban, chacun a un codage idéologique/sectaire. Ceux qui utilisent ce terme à l’intérieur du Liban, et aussi chez l’ennemi, veulent se référer exclusivement à la communauté chiite, alors que les partisans de la résistance, qu’ils soient islamistes, de gauche ou nationalistes, ne se limitent jamais à telle ou telle communauté. Cela vaut pour la trahison comme pour le travail. Les Libanais se souviennent encore que certains des principaux agents de l’occupation israélienne du sud avant la libération de 2000 étaient chiites et maronites. La trahison n’a pas de religion ni de secte, comme l’ont prouvé l’armée du Liban-Sud d’Antoine e Lahad alliée à Israël à l’époque, et les arrestations répétées d’agents [d’Israël] par la suite.

Cependant, depuis le début de l’agression israélienne, Israël utilise une définition plus large de l’“environnement nourricier” [du “terrorisme”, autrement dit la résistance]. Ainsi, il a considéré que toute personne hébergeant des Libanais déplacés des zones bombardées par l’occupation, que ce soit dans la Bekaa, le sud du pays ou la banlieue sud de Beyrouth, en particulier dans les zones mixtes multiconfessionnelles, était accusée de collaborer avec l’écosystème de la résistance, et donc avec la résistance elle-même. Leur punition, malgré leur statut de civil, et malgré le fait qu’ils ne soient pas de l’environnement immédiat, est tout simplement un meurtre avec préméditation. C’est-à-dire le ciblage avec des missiles lourds et interdits à l’échelle internationale, dont les sources se promènent entre notre mer et notre ciel, qui sont violés, matin et soir, avec des armes données par le partenaire usaméricain.

Ce même partenaire a historiquement empêché l’armée légitime libanaise de posséder des armes, même défensives, qui lui permettraient de résister à l’agression et à la domination aérienne israéliennes, et de protéger ainsi les civils et le territoire libanais. C’est ce qui a justifié historiquement la résistance populaire libanaise sous toutes ses formes.

Cependant, à l’exception de quelques cacophonies ici et là, amplifiées par les médias anti-résistance, et malgré le bombardement de diverses zones résidentielles accueillant des personnes déplacées, Israël a échoué. Il n’a pas réussi à déclencher le conflit confessionnel sur lequel il misait. Depuis le début des déplacements forcés, les Libanais ont accueilli chaleureusement leurs frères déplacés, quelle que soit la confession à laquelle ils appartenaient, en particulier dans les zones connues pour leur tendance à la « pureté sectaire ».

C’était rafraîchissant à entendre et à voir. Les différents dialectes régionaux ont commencé à se mélanger sur toute la carte du pays, à l’image de ce à quoi une nation devrait ressembler. Je l’ai remarqué un jour à Tripoli et un autre jour dans mon village, où l’on pouvait entendre un mélange de dialectes de régions que l’on n’avait jamais l’habitude de visiter.

À Achrafieh, un quartier christianisé depuis la guerre civile, où je suis allée aider dans une cuisine ouverte par un ami pour nourrir les personnes déplacées, j’ai arrêté un passant un peu perdu et lui ai demandé l’adresse que j’avais sur moi. L’homme a souri et m’a répondu, à ma grande surprise, avec un « pur » accent du sud, qui m’est tombé dans les oreilles comme une note juste dans une symphonie de cacophonie sectaire, à laquelle, malheureusement, nous étions trop « habitués » pour nous attendre à entendre cet accent dans cet endroit.

Achrafieh, Tariq El Jdideh, le Chouf, Zghorta, Akkar, Jbeil [Byblos], Batroun, Deir al-Ahmar... Tous ces lieux sont en train de devenir un environnement incubateur, selon la définition israélienne.

Une définition insidieuse et dangereuse, que la récente déclaration de la ministre allemande des affaires étrangères Annalena Baerbock, qui a analysé les bombardements de civils, a rendu encore plus dangereuse si elle est adoptée comme précédent dans les guerres futures.

Et je me suis interrogée : que penserait cette ministre intelligente [ouais, enfin…,NdlT], dont le gouvernement a utilisé hier une frégate de la FINUL pour intercepter un drone libanais lancé par la résistance vers l’ennemi avec lequel elle est engagée dans une bataille féroce ? Et si nous utilisions la définition israélienne élargie d’un écosystème, mais dans le sens inverse, et avec une petite réflexion sur la performance collective de l’Occident depuis un an jusqu’à aujourd’hui, que ce soit au Liban ou en Palestine ?

Intuitivement, les États-Unis d’Amérique, avec leur composante sioniste, et la majorité des pays européens complices de la guerre d’Israël, deviendront aussi, dans ce sens, un environnement nourricier ! Avec une différence morale majeure, ils sont une couveuse pour les criminels de guerre, qu’ils soutiennent par la parole, les actes, les armes et la diplomatie.

Aujourd’hui, Israël ressemble plus que jamais à une base militaire avancée pour l’Occident collectif. Le poids d’une entité qui n’a aucune morale, aucun respect pour le droit international ou les considérations humanitaires. Son « écosystème » l’encourage à poursuivre sa brutalité en s’abstenant, en plus de le soutenir en armes et en expertise, de le punir, même au prix de la vie de ses citoyens, comme c’est le cas pour la FINUL.

D’autre part, l’adhésion aux lois internationales pendant les guerres, qui étaient destinées à préserver notre humanité, est presque une faiblesse dans la performance de la résistance contre un ennemi psychologiquement perturbé et brutal.

Dans un monde qui observe depuis plus d’un an le génocide à Gaza, en Cisjordanie et en Palestine en général, en plus de ce qu’il a commencé à faire au Liban, surtout depuis les assassinats que le monde « libre » a traités comme s’il s’agissait d’un comportement légitime, suivi du massacre des bipeurs, le bombardement de civils sous le prétexte qu’ils sont l’environnement incubateur de la résistance, pour ensuite les déplacer et les prendre pour cible. Tout cela fait que l’idée de viser l’environnement de soutien de l’ennemi, qui est au moins les colons armés et au plus les soutiens internationaux, est un objectif que les personnes endeuillées peuvent considérer comme plus que légitime, surtout depuis le début des assassinats que le monde « libre » a traité comme un comportement légitime. C’est très dangereux.

Depuis le début de l’agression contre le Liban, des amis européens et usaméricains, notamment de pays qui soutiennent farouchement Israël, nous appellent pour prendre de nos nouvelles. Ils nous disent qu’ils sont de tout cœur avec nous et nous demandent s’ils peuvent nous aider d’une manière ou d’une autre.

Il est vrai que nous avons besoin de toute l’aide possible, et nous en sommes reconnaissants, mais ce dont nous avons vraiment besoin, c’est qu’ils influencent positivement les politiques de leurs gouvernements afin d’empêcher leurs dirigeants fascistes de faire d’eux et de leur pays une simple couveuse pour le monstre.

Si cette définition d’incubateur échappe à tout contrôle, elle pourrait conduire à des représailles aveugles dans une réaction qui exprime le désespoir face à une justice internationale défaillante. Une justice qui, aujourd’hui plus que jamais, semble brisée et impuissante.

Le simple fait d’y penser m’effraie. Mon Dieu, que l’avenir de cette planète est sombre !

NdlT

*Le Liban compte 18 communautés confessionnelles : quatre musulmanes, douze chrétiennes, une druze et une juive. Depuis 1943, le système politique en vigueur est confessionnaliste, ce qui a eu des conséquences tragiques (notamment la guerre civile de 1975-1990)