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06/09/2022

DILYANA GAYTANDZHIEVA
Documents reveal supply of 47 tons of controlled drugs to US military

Dilyana Gaytandzhieva, ОБЕКТИВНО, 5/9/2022
Translated by Lena Bloch

Bill Mauldin, Chicago Sun-Times, 1972

The Pentagon is shipping dozens of tons of controlled drugs to U.S. military bases around the world, documents obtained by the U.S. Federal Register of Contracts reveal. The U.S. Transportation Command (USTRANSCOM) has contracted with fourteen U.S. airlines to transport military cargo, including sensitive cargo (narcotics) to various locations around the world. The delivery schedule shows a planned total of 47.5 tons of controlled drugs (2018–2023) to U.S. military bases overseas.

The projected quantity for Romania alone is 10 tons of controlled drugs, Kosovo is 5 tons, and Estonia is 2 tons, while the projected shipments of controlled drugs to the other destinations are in a significantly smaller quantity of 898 kg per base (the quantities shown in the document are measured in the U.S. unit of lbs, 1 lbs equals 0.453592 kg).

Schedule for the delivery of military cargo, including controlled drugs, to U.S. military bases worldwide in Pentagon Category A Federal Contract Announcement HTC71117RCC05. Source: govtribe.com

Kosovo — 11 117 lbs (2018–2023) or 5 042 kg

Romania — 21 607 lbs (2018–2023) or 9 800 kg

Malatya — 2803 lbs (2018–2023) or 1271 kg

Erbil — 1457 lbs (2018–2023) or 660 kg

Estonia — 4 516 lbs (2018–2023) or 2 048 kg

Estimated quantities for other U.S. military bases are 1,980 pounds or 898 kilograms of controlled drugs per base (2018–2023) Source

The total quantity of controlled drugs to be supplied is 47 560 kg (2018–2023).

US Army — the largest user of controlled drugs in the world

The U.S. Department of Defense has awarded a $23 million contract (2020–2025) for the supply of amphetamines, according to another federal order posted on the U.S. Federal Contracts Register.

According to the contract notice, the annual consumption by the Department of Defense alone is 15.6 million amphetamine tablets.

Pentagon Dextroamphetamine/Amphetamine Federal Order Notice SPE2D2–20-R-0062.

Amphetamine — a widely used drug in the US military

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05/09/2022

ANNAMARIA RIVERA
Déconstruire le langage raciste
Au-delà du “hate speech”


Annamaria Rivera , Comune-Info, 5/9/2022
Traduit par
Fausto Giudice

Les lexiques frelatés, la rhétorique et les représentations négatives d'autrui ou la propension à dissimuler des mesures et des institutions racistes et anticonstitutionnelles derrière des euphémismes sont, à la fois, l'une des causes et l'un des effets de ce système complexe et multidimensionnel que nous appelons racisme : un système, souvent sournois, d'inégalités juridiques, économiques, sociales et de statut ; un système généralement caractérisé par de fortes inégalités de pouvoir entre les groupes sociaux concernés.

Par conséquent, pour contrer le racisme, il est utile, mais pas suffisant, de déconstruire et de démasquer les mots et la rhétorique qu'il utilise ou qu'il invente, endosse ou affirme comme s'il s'agissait de vérités indiscutables. Même s'il est insuffisant à lui seul, le travail d'écologie des mots représente un des moyens pour tenter de décomposer ce qu'Étiennne Balibar appelait la communauté raciste, ou du moins d'en ébranler la compacité et essayer ainsi de la mettre en crise.

Cela dit, je trouve que le terme de hate  speech (discours de haine), qui est devenu officiel au niveau international, est très problématique. Ce n'est pas un hasard s'il a été inventé aux USA par un groupe de juristes à la fin des années 1980, dans un pays où le terme “race” est utilisé couramment, comme s'il était neutre. La croyance selon laquelle toutes les insultes, les déclarations, les phrases offensantes et discriminatoires sont des expressions de haine est, à mon avis, tout à fait infondée.

Même si nous élargissions le sens du mot “haine” à l'hostilité, l'aversion, le rejet, l'antipathie, l'inimitié envers certains individus et groupes, nous ne serions pas en mesure de comprendre toute la gamme des motivations qui inspirent les mots, les phrases et les discours racistes et discriminatoires, y compris les discours sexistes et homophobes. Si nous voulions vraiment attribuer les motifs du discours raciste commun à la sphère des sentiments et des émotions, nous serions forcés de constater que c'est souvent le mépris, le dédain, la dérision et la moquerie qui prévalent.

La croyance de plus en plus répandue selon laquelle le racisme systémique peut être démantelé en combattant les discours de haine détourne l'attention et l'énergie du caractère concret des luttes et de la capacité à communiquer de l'antiracisme.

Ce n'est pas une coïncidence si, en Italie, l'un des premiers lemmes inventés pour nommer les immigrants et les réfugiés en bloc a été l'expression napolitaine vu' cumprà (“tu veux acheter ?”) : on croyait qu'il s'agissait de la phrase typique avec laquelle le vendeur ambulant étranger typique [sénégalais, bien sûr, NdT] s'adressait aux passants et elle était basée sur la généralisation arbitraire selon laquelle tous les migrants sont au mieux de misérables colporteurs. Par ailleurs, les représentations véhiculées par les médias et parfois par les institutions elles-mêmes tendent le plus souvent à occulter ou à minimiser le rôle productif réel joué par les travailleur·ses migrant·es et donc leur contribution à l'économie des différents pays européens.

En outre, je ne crois pas du tout que ces hommes politiques et représentants d'institutions, qui ont l'habitude de proférer les pires insultes et obscénités racistes (les entrepreneurs politiques du racisme, comme je les ai appelés par le passé) soient mus par une quelconque passion ou un quelconque sentiment. Au contraire, ils sont guidés par une idéologie et une stratégie très précise : ils visent à obtenir un consensus, en détournant le ressentiment populaire, principalement dû aux conditions économiques et sociales vécues, vers des boucs émissaires.

Il existe un autre paradoxe qui caractérise les discours de haine. Dans certains pays européens, dont l'Autriche et l'Espagne, la “race” est mentionnée avec insistance parmi les motifs. Il en va de même pour les organismes internationaux tels que le CERD et la CEDH, c'est-à-dire respectivement le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale (des Nations unies) et la Convention européenne des droits de l'homme.

Pourtant, c'est à partir du début des années 1940 que les biologistes, les généticiens et surtout les anthropologues culturels tels que Franz Boas, Fernando Ortiz et Ashley Montagu ont commencé à démontrer l'absence totale de fondement scientifique de la “race”. Par conséquent, on pourrait paradoxalement dire que ceux qui continuent aujourd'hui à en perpétuer le mythe sont eux-mêmes racistes, même s'ils s’en prennent aux discours de haine.

On peut dire la même chose des expressions “de couleur” ou “basé sur la couleur", comme s'il s'agissait d'une réalité et non d'une perception historiquement et culturellement déterminée. En réalité, c'est le discours dominant qui décide qui est noir, qui est blanc, qui est de la “race juive”, qui est d'une autre “race”. Aux USA, toute personne ayant ne serait-ce qu'un huitième de “sang noir” est considérée comme noire, même si son apparence est résolument “blanche”. Pour n'en citer qu'un autre exemple de désignation, l'Afrique du Sud de l'apartheid a inventé la catégorie des blancs honoraires (les Japonais, en particulier), pour les basanés de condition de classe supérieure. 

Gringoire, 1937


Détective, 1938

 D’autre part, tout le monde peut être racisé : en Italie, pendant un bon nombre d'années, et encore aujourd'hui en Grèce, les principales victimes du racisme étaient les Albanais, puis aussi les Roumains. À propos de ces derniers, en 2006, le journaliste d'un journal de droite a osé écrire : « Ils sont considérés comme la race la plus violente, la plus dangereuse, la plus autoritaire, capable de tuer pour une poignée de centimes, qui terrorise notre pays depuis des années. Pourtant, cette race se prépare même à entrer dans l'Union européenne ». (Augusto Parboni : « Un groupe ethnique toujours dans les faits divers. Ils ont un monopole criminel sur le clonage [de cartes de crédit, NdT] et la prostitution », Il Tempo, 3 octobre 2006).

2013

Plus tard, le 10 avril 2017, ce sera Luigi Di Maio, leader du M5S et plusieurs fois ministre, qui postera une affirmation similaire sur Facebook : « L'Italie a importé 40% de ses criminels de Roumanie » .   On lui doit aussi la définition navires des ONG engagés dans la recherche et le sauvetage en mer, comme « taxis de la Méditerranée », une formule suivie du classique « Qui les paie ? Et pourquoi le font-ils ? », posté onze jours plus tard.     

Depuis un bon nombre d’ années, en Italie comme dans d'autres pays européens, un racisme institutionnel gagne du terrain, si extrême et insistant qu'il alimente, par l'utilisation décisive des médias et des réseaux sociaux, des formes répandues de xénophobie populaire. Corollaire et en même temps agent de ce processus, la détérioration progressive du langage public, qui semble désormais débarrassé de tout frein inhibiteur.

La chute de l'interdit a fait que peu de gens ont été choqués lorsque Beppe Grillo a publié sur son blog en 2006 une longue citation de Mein Kampf d'Hitler contre « les bouffons du parlementarisme ». Et lorsque Matteo Salvini, leader de la Ligue du Nord, a osé déclarer en public en 2008 que les rats « sont plus faciles à éradiquer que les gitans parce qu'ils sont plus petits », faisant écho, peut-être inconsciemment, à l'une des métaphores zoologiques typiques de l'antisémitisme le plus classique. Ce qui ne l'a pas empêché de devenir ministre de l'Intérieur dix ans plus tard.

Mais c'est aussi le même lexique réglementaire et bureaucratique qui désigne parfois les migrants par des épithètes stigmatisantes et infériorisantes : " clandestins ", " extra-communautaires ", " badanti " [aides à domicile]... En particulier, le mot clandestin a joué un certain rôle dans le renforcement de l'axe répressif et discriminatoire des politiques d'immigration en Italie : le seul pays européen dans lequel ceux qui ne sont pas en règle en ce qui concerne leur permis de séjour sont définis de manière péjorative : ailleurs on dit, de manière plus ou moins neutre, sans papiers, indocumentados et autres. Ces politiques, à leur tour, ont fini par entériner la rhétorique qui tourne autour de l'équation qui assimile l'immigrant au “clandestin”, et donc au criminel.

Une autre tendance consiste à utiliser le lemme ethnie (en fait un synonyme euphémique de race) pour définir l'origine des immigrants, au lieu d'utiliser le critère neutre, ou du moins symétrique, de la nationalité. Et ceci avec des résultats grotesques : dans la meilleure presse italienne, récemment même dans le manifesto, un journal de gauche, il nous est arrivé de lire des articles sur l'ethnie latino-américaine ou même l'ethnie chinoise (alors que nous ne lisons jamais l'ethnie européenne ou l'ethnie nord-américaine).

Dessin de Jiho

Il existe également un jargon du sens commun raciste apparemment innocent qui utilise des mots connotés idéologiquement comme s'ils étaient neutres. On pense au néologisme buonismo (et buonista angélisme et angéliste), par lequel il est d'usage de stigmatiser les politiques égalitaires et inclusives, les actes et les discours de solidarité envers les migrants et les réfugiés, et les minorités. C'est un lemme qui appartient à la même famille sémantique que pietista, utilisé en Italie pendant le fascisme comme une accusation contre les Italiens qui, après l'approbation des lois anti-juives, ont essayé de défendre, protéger, sauver leurs concitoyens juifs.

Au fait et en conclusion : pensez aux souverainismes qui traversent la plupart des pays européens, à la réémergence de formes explicites d'antisémitisme en même temps que d'anti-islamisme : verbal et même factuel (des affaires récurrentes du foulard en France aux attaques contre les synagogues et les mosquées). Tout cela rend d'autant plus nécessaire le travail d'une “écologie des mots”, à condition qu'il soit mené dans le cadre d'une activation capillaire de la société civile.


     

04/09/2022

RONNY BLASCHKE
La foire aux vanités : comment la Coupe du monde de football est devenue un objet de prestige pour les autocrates

Ronny Blaschke, Neue Gesellschaft, 4/7/2022
Traduit par
Fausto Giudice
 Versión española

 

Ronny Blaschke est un journaliste indépendant allemand spécialisé dans l'arrière-plan politique du sport. Il travaille entre autres pour le Deutschlandfunk, la Süddeutsche Zeitung et la Neue Zürcher Zeitung. Auteur de cinq livres dans lesquels il examine la violence, les formes de discrimination et la géopolitique dans le football. Son dernier ouvrage en date de 2020 est Machtspieler - Fußball in Propaganda, Krieg und Revolution (Joueurs de pouvoir - Le football dans la propagande, la guerre et la révolution). Il est par ailleurs actif dans l'éducation politique. twitter.com/RonnyBlaschke

Depuis l'attribution de la Coupe du monde de football au Qatar, il est moins question de sport que d'achat de voix, d'exploitation des travailleurs sur les chantiers et de violation des droits humains fondamentaux. Dans le classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières pour l'année 2021, le Qatar occupe la 128e  place sur 180 États. Les homosexuels doivent s'attendre à des persécutions. Les partis politiques sont interdits au Qatar. Les médias indépendants qui remettent en question la monarchie héréditaire n'existent pas. Mais du 21 novembre au 18 décembre 2022, la partie du monde passionnée de football aura les yeux rivés sur Doha, au Qatar. Et redorera comme il se doit le blason de cet émirat autoritaire.

 C'était un signe de rejet. Lors de la demi-finale de la Coupe d'Asie 2019, des spectateurs du pays hôte Abou Dhabi lancent des bouteilles et des chaussures sur l'équipe du Qatar. Abu Dhabi est la capitale des Émirats arabes unis, une riche monarchie pétrolière du Golfe persique. Les EAU sont un partenaire important de l'Arabie saoudite. Les deux pays résistent à leur manière à l'influence croissante du Qatar.

 Trois jours après la demi-finale, le Qatar remporte la finale contre le Japon et devient pour la première fois champion d'Asie. Les politiques et les fonctionnaires sportifs des EAU boycottent la cérémonie de remise des prix. « Le football est le reflet des tensions dans le Golfe », explique Jassim Matar Kunji, ancien gardien de but dans la ligue professionnelle qatarie et désormais journaliste pour la chaîne de télévision Al Jazeera. « Des contrats de sponsoring ont été annulés entre les pays et des transferts de joueurs ont été annulés ».

En 2017, un vieux conflit s'est aggravé dans le Golfe. À l'époque, l'Arabie saoudite avait imposé un blocus économique au Qatar. Les EAU, le Bahreïn et l'Égypte se sont joints à eux et ont également suspendu leurs relations diplomatiques avec Doha. Ils reprochaient au Qatar de soutenir des groupes terroristes et d'entretenir une trop grande proximité avec les Frères musulmans et l'Iran. L'Arabie saoudite a suspendu ses exportations de produits alimentaires au Qatar. La compagnie aérienne nationale Qatar Airways n'a plus été autorisée à utiliser l'espace aérien saoudien.

« De nombreux Qataris ont cru à la possibilité d’une invasion saoudienne », explique Jassim Matar Kunji. L'armée saoudienne compte environ 200 000 soldats, celle du Qatar 12 000. Pour compenser son infériorité militaire, le Qatar poursuit une coûteuse stratégie de soft power : avec des investissements de plusieurs milliards dans la culture, la science - et le football, avec de grandes manifestations, des participations à des clubs ou des partenariats de sponsoring avec le Paris Saint-Germain ou le FC Bayern Munich. L'organisation de la Coupe du monde de football fin 2022 est la partie la plus importante de cette stratégie.

Il y a un peu plus de 50 ans, les centres de pouvoir arabes se trouvaient encore au Caire, à Bagdad et à Damas. Les petits cheikhats de la péninsule arabique comme le Koweït, Bahreïn ou les EAU ne jouaient encore aucun rôle. Le Qatar, contrôlé en dernier lieu par les Britanniques, comptait à peine 100 000 habitants l'année de son indépendance en 1971 et était sous la protection militaire de l'Arabie saoudite. En 1990, le tout-puissant Irak a envahi le Koweït et les USA se sont sentis obligés d’intervenir pour le libérer. Les petits États de la région ont pris conscience qu'ils seraient nettement en position d’infériorité en cas d'attaque comparable.

Traditionnellement, les décisions les plus importantes au Qatar étaient prises par une poignée de personnes, écrit le politologue Mehran Kamrava dans son livre Qatar : Small State, Big Politics. Au pouvoir depuis des décennies : la dynastie Al Thani, originaire d'Arabie saoudite. En 1995, Hamad ben Khalifa Al Thani a déposé son propre père lors d'un coup d'État sans effusion de sang. En Arabie saoudite et aux EAU, les dirigeants craignaient que le pouvoir ne leur échappe également.

Pour un avenir sans pétrole ni gaz

Le nouvel émir voulait libérer le Qatar de l'emprise de l'Arabie saoudite et a entamé une modernisation. Il a fait construire la chaîne d'information Al Jazeera au milieu des années 90 et a ouvert l'économie aux investisseurs étrangers. Des antennes d'universités renommées des USA, de Grande-Bretagne et de France, trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, se sont installées à Doha.

GIDEON LEVY
Quand le Shin Bet est plus gentil que la Cour suprême d'Israël

 Gideon Levy, Haaretz, 4/9/2022
Traduit par
Fausto Giudice

La bataille sur le caractère, le statut et la composition de la Cour suprême d’Israël est réservée aux experts, et est beaucoup moins importante qu'on ne le pense généralement. C'est comme la bataille sur le caractère du tribunal militaire de la prison d'Ofer, ou la composition de l'orchestre de l’armée. On peut en débattre, écrire des articles d'opinion percutants, faire des discours enflammés et même descendre dans la rue, mais le tribunal militaire d'Ofer restera le tribunal militaire d'Ofer, et l'orchestre des FDI jouera les mêmes marches. Même si Lahav Shani, le directeur musical de l'Orchestre philharmonique d'Israël, dirigeait l'Orchestre des FDI et que le célèbre avocat des droits civils et humains Avigdor Feldman était président du tribunal militaire, cela n'en ferait pas un véritable orchestre ou un véritable tribunal.

La même chose est vraie, croyez-le ou non, de la Cour suprême, appelée Haute Cour de justice lorsqu'elle siège en tant que cour constitutionnelle. Elle est pieds et poings liés au récit national qui, à ses yeux, croyez-le ou non, l'emporte sur tout autre principe. La cour d'Ofer et la cour de Jérusalem sont subordonnées aux mêmes principes et au même establishment de défense presque dans la même mesure ; toutes deux en sont des sous-traitantes. Des luttes passionnées sont menées sur la composition de la Cour suprême, sur le nombre de juges libéraux par rapport aux juges conservateurs - sur les questions essentielles, le résultat est le même. Une seule et même voix, même au sein de la Cour.

À cet égard, la Cour est un étonnant reflet de la société israélienne : à la Cour suprême, comme en politique, les différences entre les individus sont beaucoup, beaucoup plus faibles qu'on ne le dit généralement. Lorsqu'il s'agit de valeurs fondamentales, il n'y a pas de différences. Maintenir la suprématie juive au-dessus de toute autre valeur ; placer les considérations sécuritaires au-dessus de toutes les autres ; ignorer complètement le droit international, comme s'il n'existait pas ; et obéir aveuglément, automatiquement et inconditionnellement aux jeux de pouvoir et de contrôle de l'establishment de la défense - et la Cour suprême capitule sans aucune honte.

Lorsqu'il y a une bataille sur la composition de la Cour suprême des USA, il est clair pour tous que c'est une bataille qui va façonner le visage de la société pour les années à venir, de l'avortement aux lois sur les armes à feu. Aux USA, vous savez qu'un juge libéral sera libéral et qu'un juge conservateur sera conservateur. En Israël, ils suivront tous la même ligne, se blottiront tous dans le giron chaleureux du consensus militaire, et aucun des juges, pas même le dernier des libéraux, n'osera adopter une position différente.


Khalil Awawdeh

La semaine dernière, la Cour a démontré, de façon si typique, son attitude de carpette envers l'establishment de la défense, mais cette fois-ci, sa conduite a pris des proportions grotesques. Il est difficile de trouver quelque chose de plus ridicule que la façon dont la plus haute cour du pays ferme les yeux, endurcit son cœur et prononce un “oui” soumis aux caprices du service de sécurité du Shin Bet, et la façon dont le Shin Bet se moque d'elle. Le Shin Bet a manqué de respect à la cour, l'a ridiculisée et humiliée, et la cour l'a encore une fois cru lorsque l'agence lui a craché au visage en disant qu'il pleuvait. Il n'y a aucune entité dans le pays, à part l'establishment de la défense et les colons - allez à Homesh et voyez comment les colons se moquent des sentences de la cour, avec le soutien de l'armée - qui puisse faire de la Cour la risée de tous.

La Haute Cour a rejeté la demande de libération du détenu administratif Khalil Awawdeh, qui a fait une grève de la faim de six mois, au motif que son état n'a pas changé et que sa détention sans charges est justifiée. Le lendemain, le Shin Bet a annoncé sa libération, crachant au visage des juges. Soudain, il s'avère que le cruel Shin Bet est plus humain que la Haute Cour. C'est la façon dont l'agence punit la Cour et les juges “libéraux” qui ont également rejeté la requête, les juges Anat Baron et Khaled Kabub. Soudain, il est devenu évident qu'il n'y a aucune différence entre eux et le juge Alex Stein, et entre eux tous et le juge Noam Sohlberg, un colon.

La guerre sur le caractère de la Cour suprême a été réglée il y a longtemps. La prochaine commission des nominations judiciaires pourra choisir les juges en jouant à pile ou face. Peu importe qui formera le prochain gouvernement. Tant que perdurera la situation dans laquelle le gouvernement soutient la perpétuation de l'apartheid, une chose est sûre : quelle que soit la composition de la Cour suprême, elle le soutiendra et cautionnera tous ses crimes. L'apartheid a des collaborateurs à Jérusalem.