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03/05/2023

PATRICIA YANELLI GUERRERO
Fritz Glockner : au Mexique, la réalité subordonne la fiction

 Patricia Yanelli Guerrero, La Jornada, 1/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Mexico- « Les individus qui ne connaissent pas leur passé, qui n’embrassent pas leur nostalgie, sont condamnés à cultiver leurs cauchemars », affirme l’historien Fritz Glockner (Puebla, 1961), qui prépare son prochain roman sur Manuel Buendía (1926-1984), l’un des journalistes les plus influents du Mexique, auteur de la chronique populaire “Red Privada” [Réseau Privé], assassiné par le chef de la Direction fédérale de la sécurité (DFS) pendant la guerre de basse intensité [aussi appelée Guerre sale, 1965-1990, NdT]. [voir le documentaire “Red Privada” sur Netflix, NdT].

Fritz Glockner, directeur d’Educal

Fritz Glockner, directeur d’Educal [organisme paraétatique d’édition et de distribution de livres, NdT], a passé plus de 30 ans à faire des recherches sur la guérilla, qui reste une “entité historique vivante”. Par son travail d’écrivain et de journaliste, il a pu traverser les sous-sols de l’oubli, de la répression, de la torture et de la clandestinité, mais aussi, chemin faisant, trouver l’espoir, le pardon et la manière d’honorer la mémoire.

« Je suis convaincu que nous sommes les seuls propriétaires de notre passé, ni notre volonté, ni nos décisions, ni nos regrets ne vous appartiennent. Vous ne possédez que votre mémoire, votre belle nostalgie et vos souvenirs », dit Glockner.

« Dans l’histoire, il y a un processus cyclique des passions humaines qui prend parfois conscience de l’incongruité de la réalité. Et alors, que vous le vouliez ou non, vous agissez. L’accumulation de la répression, de l’offense, de l’horreur, fait que les gens se radicalisent et choisissent alors d’agir différemment de ce qui est légalement établi. Chaque groupe armé radical au Mexique, qu’il soit rural ou urbain, trouve d’abord son origine dans l’autodéfenses.

Glockner souligne que « l’histoire doit être racontée ». Dans Los años heridos. La historia de la guerrilla en México 1968-1985 (Planeta, 2019), l’auteur retrace le parcours des organisations de guérilla à travers des récits et des personnages et leurs actions face au pouvoir et aux forces de l’ordre. Il a fait de même dans Memoria Roja : historia de la guerrilla en México 1943-1968 (Ediciones B, 2008), un livre qui est le fruit de vingt-cinq ans de recherches.

Pour le romancier, l’histoire des mouvements armés au Mexique est intrinsèquement liée à sa mémoire personnelle, à son âme, à son sang familial. « En tant qu’êtres humains, nous avons des traces de douleur, qui vous provoquent et vous construisent en tant qu’individu, en tant que société et en tant que mémoire collective », explique-t-il. La sienne est née lorsque son père Napoleón Glockner Carreto (médecin et directeur d’un hôpital à Puebla) l’a quitté en 1971, lorsqu’il avait neuf ans, pour rejoindre la guérilla des Fuerzas de Liberación Nacional (FLN). « En février 1974, mon père est devenu un invité de marque au Palais Noir de Lecumberri [sinistre prison de 1900 à 1976, aujourd’hui siège des Archives nationales, NdT] et je suis devenu un visiteur régulier à l’âge de 13 ans, lorsque je suis allé le voir (torturé) en compagnie de ma mère. Après sa sortie de prison, il a été assassiné le 5 novembre 1976, atteint par une balle rue de Medellín* ».

Le meurtre a été ordonné par Fernando Gutiérrez Barrios (1927-2000), ancien secrétaire à l’intérieur et chef de la défunte Direction fédérale de la sécurité (DFS), un appareil d’État chargé de contrôler, réprimer et exterminer les groupes et mouvements dissidents.

« À cette époque, j’ai commencé à creuser mes angoisses, car je ne pouvais pas élever la voix, le spectre de la répression continuant à me hanter. Après la mort de mon père, la famille Glockner Corte a transformé sa nostalgie, sa mémoire, en un murmure. Nous avions l’habitude de nous réunir lors des repas pour partager notre nostalgie et souffler sur les aspirations du passé. Mais le murmure commence à grandir et n’appartient plus au noyau familial. On en parle aux proches, aux amis, on commence à enquêter, à parcourir les archives de journaux, les librairies pour essayer de comprendre, et nulle part on ne m’a donné de réponse au traumatisme nostalgique de l’abandon à 9 ans, des retrouvailles adolescentes à 13 ans à Lecumberri, de l’assassinat du père à 15 ans. Mais ce n’était pas le père, c’était le pays. On essaie alors de renouer avec le passé collectif de ce qui s’est passé dans le microcosme familial et on ne trouve pas de réponses ».

Pour parcourir ces artères de la tragédie collective, l’auteur a écrit son premier roman, Veinte de Cobre : memoria de la clandestinidad (publié en 1996 dans une édition unique aux éditions J. Mortiz dans la série Volador et en 2021 dans sa deuxième édition), où il plonge dans la mémoire personnelle, familiale et historique de la guerre de basse intensité, mais surtout il raconte l’histoire émouvante de son père qui a été torturé, emprisonné, libéré et finalement assassiné.

« La littérature est le premier lien qui commence à briser le siège ou qui commence à éclairer les sous-sols de cette assemblée de fous qu’a été l’ignominie de l’État mexicain, qui a torturé, assassiné, fait disparaître, mais qui a aussi donné l’impression qu’au Mexique nous étions les meilleurs, invitant les persécutés des dictatures latino-américaines ; de Lázaro Cárdenas (1895-1970) en 1939 avec les exilés républicains espagnols, puis un peu plus tard avec Adolfo López Mateos (1909-1969), mais surtout avec Luis Echeverría Álvarez (1922-2022). Cela a permis de cacher l’horreur commise à l’encontre des Mexicains.

« Nous sommes un pays où, en tant qu’écrivain, ça vous coûte une couille et la moitié de l’autre, parce qu’écrire de la fiction implique un risque énorme lorsque la réalité subordonne la fiction. Je pense que nous sommes le seul pays où l’écrivain de fiction doit relever de très grands défis, afin que la réalité ne subordonne pas son écriture », ajoute-t-il.

Cementerio de papel (2004) est né lorsqu’en 2002, Fritz Glockner est retourné à Lecumberri pour retrouver son père, mais sous la forme de documents, de papiers conservés dans le château noir, puisque cette année-là, les archives de la DFS (Dirección Federal de Seguridad) ont été ouvertes dans l’Archivo General de la Nación (Archives générales de la nation). « Il a fallu tant de travail à la famille Glockner Corte pour sortir la figure, le corps, l’essence de Napoléon Glockner de Lecumberri en juillet 1974, pour que le système politique mexicain me le rende quelques années plus tard et l’enferme à nouveau à Lecumberri. Et ce n’était pas seulement celle de mon père, mais aussi celle de Heberto Castillo (professeur à l’UNAM et persécuté par le DFS) ou de Salvador Nava (médecin et homme politique connu pour sa lutte extraordinaire en tant que grand leader de l’opposition au Potosí). Comment ont-ils pu penser à cela !

« C’est une bonne chose que nous ayons accès aux archives de la police, mais quels connards de les avoir renvoyés à l’endroit où ils sont morts et où ils ont été battus et torturés. Nous sommes le seul pays à avoir ce genre de parodie qui n’est pas du surréalisme, mais bien une parodie tragicomique. Quel autre pays a enfermé ses opposants dans un centre de torture aussi impressionnant que le Palacio Negro de Lecumberri et les y a renvoyés des années plus tard sous forme de papier ? », dit Fritz Glockner.

Sur les fantômes

« Mes fantômes sont nombreux, mais ils m’accompagnent pour le mieux. Aucun fantôme ne devient un spectre du mal, pour moi ce sont des amis, car ce sont eux qui vous accompagnent dans le présent. Je suis toujours accompagné par la belle image très affectueuse de mon père, l’image de mon grand-père comme une petite mère, je suis toujours accompagné par la gentillesse de Paco Ignacio Taibo I (1924-2008), je suis toujours accompagné par la folie et la fermeté de Carlos Fernández del Real (l’avocat du travail des plus importants prisonniers politiques de la guérilla) et la nostalgie des mots d’Ángel González (un poète espagnol renommé qui a fait partie de la génération de 1950).

« Les spectres, oui, on les enterre dans un cimetière. J’ai enterré Luis Echeverría, Fernando Gutiérrez Barrios et Fernando Yáñez il y a longtemps. Tu ne peux pas garder la compagnie d’un connard dans ta vie actuelle parce que c’est un instantané et dans ta mémoire et ton souvenir, ces cadavres sont là mais ils ne t’accompagnent pas. Pour moi, chaque fantôme est une réconciliation dans le temps et il faut s’enivrer avec lui.

« Les fantômes, la mémoire, la nostalgie sont la meilleure option et la meilleure potion pour éviter le seul ennemi qui est l’oubli. La création de son propre imaginaire individuel et la conscience que l’on n’est que de son passé, parce qu’évidemment, je pense qu’on ne peut pas se permettre de tomber dans la rhétorique du passé sans fantômes, parce que ce serait alors un passé ou un moment historique qui n’agirait pas dans le présent et c’est pourquoi il faut faire appel à Benito Juárez (1806-1872), Máximo Serdán Alatriste (1879-1910), ou bien sûr, comme je l’ai dit dans mon cas, Julio, Napoleón, Paco, Ángel, ma sœur Julieta, ma tante, etc., parce que j’insiste sur le fait qu’il faut embrasser la nostalgie, qu’il faut savoir cultiver ses désirs pour éviter de tomber dans ses propres cauchemars », conclut Fritz Glockner.

Il espère rééditer cette année El Barco de la ilusión (Ediciones B, 2005), qui traite de la vie de Germán Valdéz, Tin Tan.

 NdT

* Selon les sources officielles, Napoleón Glockner Carreto et Nora Rivera Rodríguez ont été exécutés par un commando urbain des FLN à Mexico, pour venger leurs anciens camarades, parce qu’ils n’avaient pas supporté les tortures et avaient révélé l’emplacement de la planque de Nepantla, dans l’État de Mexico et du foyer de guérilla au Chiapas.

Livres de Fritz Glockner [inédits en français]

 

 

 

02/05/2023

GIANFRANCO LACCONE
La poste italienne, l’écoblanchiment et les consommateurs

Gianfranco Laccone, Climateaid.it, 2/5/2023
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ».


Aujourd’hui, en Italie, une action au bénéfice des citoyens, pour la transparence et l’information correcte, que nous définissons comme historique, commence : l’ACU (Associazione Consumatori Utenti, Association Consommateurs Usagers) et le réseau Climateaid Network ont signalé à l’Autorité Garante de la Concurrence et du Marché (AGCM) la publicité de Poste Italiane [privatisée à 40% en 2015, Ndlr] pour les produits de l’entreprise. Les résultats de l’enquête que le Garant va lancer seront un élément clé pour l’avenir de l’information environnementale dans notre pays, et l’ensemble de l’action menée par les deux associations marquera le sens de la nouvelle relation qui devra exister dans les rapports sociaux pour réaliser la transition écologique. Si nous voulons une véritable durabilité sociale, les comportements de chacun devront changer : plus de transparence, plus de collaboration, une décentralisation des décisions et une opérabilité constante. Des choses qui sont aujourd’hui beaucoup dans les rêves et peu dans la réalité. La Poste italienne est sur le point de passer des contrats de vente d’énergie (pour des tiers, elle n’en produit pas encore...), affichant un visage rassurant et “green”. L’ACU entend aborder le problème non seulement en termes juridiques et contractuels, mais aussi en termes techniques, et cherche à lancer des actions avec les forces professionnelles et sociales nécessaires. Jusqu’à présent, les actions en faveur de l’environnement étaient du ressort des associations environnementales, tout comme la vente d’énergie était du ressort des grandes entreprises énergétiques. Si une entreprise de services essentiels comme la Poste vend de l’énergie, les associations de consommateurs doivent s’y connaître en énergie et agir dans ce domaine.

 

La révolution durable dans le monde ressemble beaucoup à celle qui a eu lieu pendant la Renaissance, lorsque les compétences se sont répandues et que de grandes figures “mixtes”, comme Léonard de Vinci, ont excellé dans de nombreux domaines. Comme à l’époque, la collaboration entre les entreprises et les personnes, qu’il s’agisse de travailleurs ou de consommateurs, est fondamentale et les relations entre elles doivent changer. En fin de compte, la contrepartie de cette intervention est, malgré elle, appelée à prendre un engagement original, et avec elle le Garant qui devra baliser le chemin sur lequel la confrontation doit se poursuivre.

 

La durabilité passe par de nouveaux rapports entre les sujets qui la pratiquent (y compris les animaux et les plantes) et le système social et entrepreneurial ne peut pas ne pas les intégrer dans les comportements à venir, à commencer par le simple fait de dire la vérité sur ce que l’on fait, surtout si ces déclarations concernent des aspects scientifiques peu connus et des technologies dont nous sommes tous peu experts. La manière de traiter de manière simplifiée des problèmes complexes et difficiles s’explique par le monde fordiste que nous laissons progressivement derrière nous, dans lequel ce qui est simple est plus vendable et plus facilement reproductible. L’utilisation de termes génériques est l’outil principal de cette façon de concevoir les relations. Il est donc nécessaire de bien définir les questions avant de commencer à en discuter.

 

Pour comprendre de quoi on parle quand on dit “durable” ou - comme on le fait maintenant – “green” [verde, en italien], il faut partir de la définition donnée plus haut, publiée en 1987 dans le rapport final de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, “Notre avenir commun”, présidée par Gro Harlem Brundtland, qui contient deux concepts fondamentaux : l’environnement en tant qu’élément essentiel du développement économique et la responsabilité intergénérationnelle pour l’utilisation des ressources naturelles qui le composent. Cette notion a depuis été reprise dans les traités environnementaux (Convention sur le changement climatique de 1994 et Convention sur la diversité biologique de 1993) avec quelques précisions importantes : par exemple, l’article 2 de la Convention sur la diversité biologique contient la notion de durabilité, définie comme l’utilisation des ressources biologiques d’une manière et à un rythme qui n’entraînent pas leur diminution à long terme et qui préservent la capacité de répondre aux besoins des générations présentes et futures. Jusqu’à la conférence de Johannesburg en 2002, qui a confirmé que le développement durable était le moteur de l’avenir de l’humanité, fondé sur trois facteurs interdépendants : la protection de l’environnement, la croissance économique et le développement social. Regardons maintenant autour de nous et voyons ce qui a changé depuis 1987 dans les gestes que nous posons, les services que nous utilisons, les objets qui nous entourent : d’une méfiance initiale à l’égard du terme durabilité (ceux qui, comme nous à l’ACU, parlaient de la nécessaire durabilité du système économique et social à la fin des années 80 étaient considérés comme des “critiques pessimistes”), nous sommes passés à l’utilisation du terme comme signe distinctif et qualificatif des initiatives menées ou des produits, à l’utilisation rampante du mot “durable”, présent dans tous les livrets d’instructions des appareils ménagers, dans les promotions des produits, dans les stratégies des entreprises, des banques et des gouvernements.

 

L’utilisation du mot “durable” s’est tellement répandue que dans les publicités, pour se démarquer parmi tant de messages “durables”, il a fallu utiliser un autre mot : “green”", rendu efficace non seulement par le halo de mystère qui entoure chaque mot dans une autre langue, mais surtout par l’image que le mot évoque, après des décennies de batailles écologistes menées sur toute la planète, jusqu’à l’initiative de Greta Thunberg : Fridays For Future, l’initiative verte et jeune par excellence des temps modernes.

 

Les gouvernements ont tenté de s’adapter à l’évidence de la réalité (les ressources s’épuisent plus vite que prévu et le monde devient de plus en plus invivable, plus vite que nous ne le pensions) en essayant de servir de médiateur entre les groupes d’intérêt. Dans de nombreux cas, ils l’ont fait obtorto collo (à contrecœur, en français) ou tardivement, comme c’est souvent le cas pour l’UE. Dans l’Union européenne, plusieurs stratégies de durabilité ont été lancées ou sont sur le point de l’être (Farm to Fork [De la ferme à la table], Ecodesign, pour n’en citer que deux), face auxquelles les gouvernements des différents pays réagissent souvent par l’inertie ou en s’y opposant, en justifiant leur comportement par des raisons techniques (temps d’adaptation, insuffisance de l’information et de la formation, etc. ), comme c’est le cas de l’actuel gouvernement italien. Mais la durabilité est inéluctable et trace la voie de l’avenir de toute activité humaine. Les entreprises en sont conscientes et s’équipent, tout d’abord en changeant leur structure interne et leur image. L’utilisation des deux termes (durable ou vert), éventuellement associés à un pourcentage complet (100 %), rend les messages plus rassurants et nous convainc que nous n’avons pas besoin d’explications supplémentaires. Les explications sont compliquées, les experts les donnent, il y a des entreprises faites par des experts qui les connaissent, et puis il suffit de citer leur nom (encore mieux si c’est en anglais) pour rassurer. Les données sont ennuyeuses et donnent mal à la tête, le monde pour avancer rapidement dans le futur ne doit pas se perdre dans tant de détails. Alors tout le monde se met au vert et les philosophies d’écologisation des entreprises se transforment en écoblanchiment, un terme qui désigne la teinte verte superficielle avec laquelle les entreprises tentent de couvrir leurs produits et leurs politiques, évitant ainsi la coûteuse et difficile reconversion écologiste tout en montrant un visage rassurant à la société.

 

Nous avons appris le sens de cette philosophie de l’existence qui nous hante depuis les années de grande consommation, aujourd’hui grossièrement énoncée, dans les livres de Herbert Marcuse (L’homme unidimensionnel) ou de Vance Packard (La persuasion clandestine), dans les chansons et les films qui critiquent le consumérisme, philosophie de vie de la période de développement économique (je me souviens d’un morceau de Nino Rota “Drink More Milk” [Buvez plus de lait, Le lait fait du bien, Le lait convient à tous les âges], tiré de Bocaccio 70, un film de critique douce-amère de la société de l’époque). Et nous avons appris à réagir, en exigeant la transparence et la vérité dans les déclarations de chacun.


 

Tout devient green et renouvelable, mais est-ce vraiment le cas ? Car l’idée que tout est reconvertible provient de l’illusion d’une consommation facile dérivée d’une énergie fossile obtenue à bas prix (pour obtenir du gaz et du pétrole, il suffit de faire un trou dans la terre et ils sortent tout seuls) et des produits aux mille usages qui en découlent. Aujourd’hui, nous savons que l’énergie fossile n’est pas bon marché, mais qu’elle a un coût caché, car son rejet dans l’atmosphère a un coût très élevé en vies détruites et en changements irréversibles de moins en moins adaptables à la vie du système terrestre. Car en fin de compte, on cherche toujours à se rassurer et à trouver la clé qui nous permettra d’être tranquilles à l’avenir : il y a eu la recherche du Saint Graal, puis celle de la pierre philosophale qui, en transformant tout en or, permettait la richesse éternelle, remplacée aujourd’hui par la recherche d’une énergie propre, un rêve qui va de la fusion nucléaire à froid à l’éternelle énergie renouvelable.

 

La science nous dit autre chose : nous savons peu de choses sur les processus fondamentaux de la nature et ce peu de choses déforme notre façon de voir les choses, comme tentent de nous le dire Stefano Mancuso et Carlo Rovelli dans leurs écrits. Mais les nouvelles connaissances nous permettront de mieux vivre et d’avoir un avenir si elles sont rapidement appliquées dans les actions, les services et les produits.

 

“Une offre à 100% durable” : il s'avère que l'energie vendue ne provient de sources renouvelables qu'à 45%

 

Pourquoi Poste Italiane SpA s’intéresse-t-elle à l’énergie ? Ce que nous avons dit précédemment est clair : la production d’énergie à faible coût et à faible impact sur l’environnement est l’outil qui permettra aux entreprises de survivre et de collecter des flux de trésorerie de plus en plus importants. Les processus de fusion et de transformation des entreprises, qui ont commencé dans les secteurs de l’automobile et de la chimie, s’étendent désormais à d’autres secteurs. Par exemple, dans le secteur de l’énergie, les grandes compagnies pétrolières sont devenues des holdings dans lesquelles la dimension financière dépasse largement la dimension productive. Il en va de même dans tous les autres secteurs. Si nous voulons avoir notre mot à dire dans un tel monde, nous devons agir en conséquence, en nous intéressant, en tant qu’ACU, à l’écoblanchiment.

 

Nous devons aller au-delà de l’aspect spécifique et protéger non seulement la consommation, mais aussi la production, en particulier si les citoyens deviennent des producteurs de quelque chose, par exemple d’énergie (mais aussi de flux d’images et d’informations, par exemple en étant connectés pendant des heures à n’importe quel média social tel que Facebook).

 

Autrefois, nous aurions pu penser qu’un producteur ou un travailleur ne deviendrait un consommateur qu’à certains moments et pour certains aspects de sa vie. Aujourd’hui, ils sont à la fois producteurs et consommateurs et agissent sur les deux tableaux en même temps, ce qui nous demande d’intervenir avec des compétences accrues et un professionnalisme différent, filtrés par l’expérience de la consommation. Si nous nous contentions d’être des consommateurs, des producteurs, des écologistes ou des travailleurs, nous ne pourrions pas soutenir la confrontation et nous nous sentirions seulement comme des spectateurs d’une vie et d’un avenir qui passent devant nous, comme c’est le cas avec les grands partis ou les syndicats. L’ACU est encore petite par rapport aux besoins du “moment historique”, mais nous avons des idées et nous grandirons, et avec nous les entreprises qui s’engageront dans cette voie grandiront également.

 

Aujourd’hui, peut-être, elles le feront obtorto collo, mais elles seront des pionnières du pacte social de l’avenir.

 

 Le spot de lancement de l’offre de Poste Energia, la nouvelle filiale des postes italiennes, avec comme star Mara Venier, alias Tata Mara ou encore la Dame du Dimanche, animatrice de télé depuis 30 ans, prototype de la voisine d’à côté de la ménagère de 50 à 100 ans.

LESLIE CAMHI
La carrière oubliée et frustrée de Hedy Lamarr comme inventrice en temps de guerre

Leslie Camhi, The New Yorker, 3/12/2017
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La Dre Leslie Camhi est une essayiste et journaliste culturelle new-yorkaise qui écrit pour le New York Times, Vogue et d'autres publications. Elle contribue fréquemment à des monographies d'artistes et à des catalogues de musées. Elle a traduit en anglais le roman de Violaine Huisman, Fugitive parce que reine, sous le titre The Book of Mother, en lice pour l'International Booker Prize 2022. @CamhiLeslie

Hedy Lamarr, légende de l'écran hollywoodien, était née Hedwig Kiesler, fille unique de parents juifs riches et assimilés à Vienne, le 9 novembre 1914. Elle grandit en s'imprégnant de la vie culturelle brillante et de la sophistication décadente de la ville. À dix-huit ans, elle devient célèbre pour avoir crevé l'écran nue et simulant un orgasme - une première au cinéma!- dans le film Extase, de 1933, qui a été condamné par le pape et interdit par Hitler (bien que pour des raisons différentes). Quatre ans plus tard, elle se réfugie à Londres, fuyant à la fois la montée de l'antisémitisme et le premier de ses six mariages, avec un magnat autrichien des munitions allié aux nazis. Là, un agent de cinéma l’emmène dans un hôtel pour rencontrer “un petit homme”, comme elle l'a dit plus tard, Louis B. Mayer, le patron de la Metro Goldwyn Mayer. Peu de temps après, elle débarque d'un paquebot à New York sous les flashs des photographes, avec un nouveau nom et un contrat de studio de cinq cents dollars par semaine. Mais le tournant le plus surprenant de sa vie déjà mouvementée - sa carrière d'inventrice - n'a pas encore commencé.

Dans le documentaire "Bombshell", la réalisatrice Alexandra Dean dresse le portrait d'une femme brillante qui a souffert de la fixation du monde sur son célèbre visage. Photo Bombshell : The Hedy Lamarr Story

Le passe-temps favori de Lamarr consiste à démonter des objets, à bricoler et, une fois la Seconde Guerre mondiale commencée, à imaginer des idées pour aider la cause des Alliés. Travaillant dans son laboratoire à domicile ou dans sa caravane sur le plateau de tournage, elle crée de nouveaux modèles pour rationaliser les avions de son petit ami Howard Hughes. Son invention la plus importante, pour laquelle elle a obtenu un brevet, bien qu'elle n'en ait jamais tiré profit, a été créée en collaboration avec le compositeur d'avant-garde George Antheil, avec qui elle a mis au point une forme codée de communication radio pour guider en toute sécurité les torpilles alliées jusqu'à leur cible. Le “saut de fréquence”, comme elle l'a appelé, est aujourd'hui largement utilisé dans les technologies de communication sans fil, du GPS au Bluetooth et à la Wi-Fi.

La marine usaméricaine n'a pas utilisé l'invention de guerre de Hedy Lamarr pendant la Seconde Guerre mondiale. Le système de communication secret était destiné à empêcher le brouillage du signal entre un navire et une torpille. Photos originales avec l'aimable autorisation de hedylamarr.com et YouTube. Montage de Matt Fratus/Coffee or Die Magazine.


Dans Bombshell : The Hedy Lamarr Story [fr. Hedy Lamarr, star et inventeuse de génie], un nouveau documentaire d'Alexandra Dean, des spécialistes du cinéma et des historiens de la technologie, ainsi que la famille, les amis et les biographes de Hedy Lamarr, dressent le portrait d'une femme brillante anéantie par la fixation du monde sur son célèbre visage. Ce portrait est rendu encore plus net et plus poignant par l'inclusion, par Alexandra Dean, d'enregistrements audio récemment découverts de Hedy Lamarr lorsqu’elle était une septuagénaire recluse, tour à tour accro et charmante. « Je pense qu'Hedy a eu son plus grand pouvoir lorsqu'elle était adolescente - je ne pense pas que l'on puisse battre le pouvoir d'entrer dans une pièce et de voir les gens perdre leur souffle à votre vue », a déclaré Dean lors d'une projection spéciale de “Bombshell” réservée aux femmes, parrainée par le New York Hall of Science et organisée dans les bureaux de Two Sigma, un fonds spéculatif de haute technologie, à Manhattan. « Mais elle ne savait pas quoi faire de ce pouvoir. Et lorsque, enfin, elle a réussi à faire quelque chose d'incroyable pour essayer de changer le monde, elle n'a reçu que peu ou pas de reconnaissance pour cel »". C'est cette frustration, a dit Mme Dean, qui semble trouver le plus d'écho auprès des femmes qu'elle a rencontrées lors des projections dans tout le pays. « Et si notre arc de pouvoir, en tant que femmes, était différent de ce que nous pensons qu'il est ? a-t-elle demandé. Nous devons en parler, pleurer, crier un peu pour changer les choses ».

Lors d'une “réception de réseautage” organisée après la projection, Jeanne M. Sullivan, qui se décrit comme une “capital-risqueuse de longue date”, discutait avec Anna Ewing, l'ancienne directrice de l'information du Nasdaq. Mme Sullivan m'a dit qu'elle s'identifiait à la tendance de Mme Lamarr à disséquer les choses. « Vous savez, ces tests qui disent aux gens comment vous êtes, et vous devez choisir entre démonter une horloge et escalader une montagne ? », m'a-t-elle demandé. « J'ai toujours été du genre à démonter une horloge. Après ce film, j'ai envie de rentrer chez moi ce soir et d'inventer quelque chose ». Daria Shifrina, une élève de terminale de la Stuyvesant High School qui travaille comme “explicatrice” au Hall of Science, et Satbir Multani, une ancienne explicatrice qui dirige aujourd'hui le laboratoire de conception du musée, ont toutes deux déclaré que la lutte de Mme Lamarr pour la reconnaissance leur rappelait leurs propres familles immigrées. Marcia Bueno, née en Équateur et qui supervise aujourd'hui le programme Career Ladder [Échelle de carrière] du musée, est du même avis. Les hauts gradés de l'armée ont ignoré l'invention de Lamarr et ont dit à la star, qui n'était pas encore citoyenne usaméricaine, qu'elle ferait mieux de vendre des obligations de guerre, ce qu'elle a fait. Mais, à un moment de la guerre, le gouvernement usaméricain a saisi son brevet en tant que propriété d'un “étranger ennemi”. « J'ai bien aimé quand elle a dit : j'étais assez américaine pour vendre des obligations de guerre, mais que j'étais une étrangère quand il s'agissait de mon invention ! », constate Bueno.

Plus tard dans la soirée, Dean me parlait d'un nouveau film sur lequel elle travaille et qui retrace l'histoire de six femmes inventrices, dont deux scientifiques qui ont mis au point la technologie révolutionnaire d'édition de gènes CRISPR, lorsqu'une femme plus âgée s'est approchée de nous. Une femme plus âgée s'est approchée de nous : « C'était très douloureux de faire ce film ? » La réalisatrice a répondu par la négative avant de s’éloigner, mais la femme, Bernice Grafstein, âgée de quatre-vingt-huit ans et titulaire de la chaire Vincent et Brooke Astor en neurosciences à la faculté de médecine de Weill Cornell, est restée pour me parler. Sa spécialité, à l'époque où elle menait des recherches révolutionnaires, était la régénération des nerfs. « Lorsque j'ai été la première femme présidente de la Société des neurosciences, dans les années 1980, environ 30 % des membres étaient des femmes », se souvient-elle. « Malheureusement, les chiffres les plus importants se trouvent toujours dans les premiers stades, les post-docs, ils s'amenuisent au fur et à mesure que l'on gravit les échelons ».

Ce que Grafstein a trouvé le plus émouvant dans le film, c'est une situation que tout·e scientifique - et même toute personne créative - rencontre un jour ou l'autre. « Elle avait cette chose, ce brevet, et elle s'est heurtée à un mur », dit Grafstein. « Elle n'arrivait pas à franchir ce mur. Je ne pense pas que ce soit parce qu'elle était une femme. Je pense que c'est parce qu'elle n'avait pas le contexte pour le développer ». Bien qu'on lui demande parfois d'être la mentore de jeunes femmes qui espèrent faire carrière dans les sciences, Mme Grafstein admet qu'elle ne se sent pas tout à fait compétente pour le faire. « Ma carrière a été tellement différente de tout ce qu'elles sont susceptibles de vivre que je ne sais pas quoi leur dire », dit-elle. « J'avais une chose qu’elles n'ont pas, à savoir une grande visibilité. Lorsque j'entrais dans une réunion, j'étais la fille. The Girl. Tout le monde savait qui j'étais, instantanément ». Elle rit. « C'était donc un bon début ».


 
 

 
 

 


Tombe d'honneur au Cimetière central de Vienne (ses cendres ont été dispersées dans les bois de la capitale autrichienne). Un parc Hedy Lamarr avec un musée/café interactif sur le toit d'un grand magasin KaDeWe en construction ouvrira sur la Mariahhilfer-Strasse en novembre 2024

01/05/2023

Oto Higuita
Colombie : approfondir le changement ou accélérer le coup d’Etat ?

Oto Higuita, 1/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le triomphe du gouvernement du changement et du pouvoir de la vie, des “rues et des places”, a marqué une rupture historique dans la ligne de continuité des gouvernements traditionnels de la bourgeoisie. Pour la première fois dans l’histoire de la république, un président est élu qui, d’une part, représente un large mouvement populaire et des citoyens libres et, d’autre part, n’est pas issu des partis politiques libéraux et conservateurs, partis avec lesquels la Colombie a été gouvernée par une seule classe, l’oligarchie.

 

-Pourquoi votre réforme a-t-elle coulé ?
-Petro (aveec l'épée de Bolivar): Parce que je ne l'ai pas élevée
Paternité responsable, par Matador, El Tiempo

 Le gouvernement de l’espoir, comme ils l’appellent, avec un large soutien populaire, a commencé à naviguer dans les eaux turbulentes et polluées de la politique colombienne, comme tout le monde le sait. Il a passé huit mois à essayer de faire adopter un programme de réformes urgentes que la société des exclu·es réclame à cor et à cri ; des réformes qui, sans être les plus radicales et étant conformes à la Constitution, se heurtent à une opposition féroce et à la préparation d’un coup d’État par la classe qui s’est historiquement transformée en narco-oligarchie.

Cette opposition, dépourvue de scrupules et de respect pour les formes et les règles, a utilisé différentes stratégies pour l’épuiser et créer les conditions d’un coup d’État (soft) contre le premier gouvernement qui cherche à réformer l’État corrompu et criminel, au service des mafias, et à lui redonner le caractère d’un État social de droit, tel qu’il est établi dans la Constitution.

 Quiconque connaît et a étudié l’évolution et les changements radicaux qu’a connus l’État colombien au cours des cinq dernières décennies ne peut nier qu’il s’agit d’un État en déliquescence. Un État au service d’une minorité qui s’est emparée et enrichie des biens publics, du budget national, de la foire aux emplois publics, des grandes entreprises et des contrats qu’elle a monopolisés pour ses cercles oligarchiques, ses clients, ses serviteurs et ses laquais.

Cette concentration disproportionnée de la richesse en Colombie entre les mains de quelques-uns a laissé une majorité sans droits constitutionnels, qui souffre d’exclusion, de violence d’État lorsqu’elle proteste, d’extermination systématique, ainsi que de pauvreté massive, de chômage, de manque de services de base, d’accès de qualité à la santé, à l’éducation, à la culture et à un logement décent.

Il ne fait aucun doute que ceux qui s’opposent radicalement au gouvernement de changement sont les véritables facteurs de pouvoir dirigés par les forces politiques vaincues, à l’intérieur et à l’extérieur du pays (l’ingérence et les intérêts de l’impérialisme usaméricain), comme le grand capital, les banques privées, les institutions clés telles que le bureau du procureur général, l’armée et la police, les paramilitaires et les groupes paraétatiques de contre-insurrection qui continuent d’assassiner systématiquement les dirigeants sociaux, le haut clergé et les monstrueux médias capitalistes. Entre-temps, le gouvernement du changement ne peut compter que sur le triomphe électoral et une importante majorité populaire mobilisée.   

Par conséquent, le nouveau cabinet nommé par le président Petro soulève des questions fondamentales sur ce qu’il devra affronter à partir de maintenant, outre l’argument selon lequel ce qui est recherché est un “pacte social” avec toutes les forces politiques, principalement avec celles qui s’opposent radicalement à son mandat, le sabotent et cherchent à lui faire un coup d’État, comme l’a averti le jésuite Javier Giraldo, défenseur renommé des droits humains en Colombie. Par conséquent, si le gouvernement cherche à briser le siège dans lequel l’oligarchie l’a encerclé, en utilisant toutes les formes et tous les moyens de lutte politique, la seule chose garantie est que d’autres attaques se produiront, et nous ne savons guère comment, quoi et quand elles se produiront.

C’est pourquoi nous - mouvement populaire, citoyens libres et peuple mobilisé - devons être extrêmement vigilant
·es, pour reprendre immédiatement les rues et revenir à la lutte populaire et extraparlementaire, comme cela a été fait lors de la grève nationale du 28 avril 2021, qui est rapidement devenue l’explosion sociale la plus redoutée en Colombie depuis des décennies. 

Les profils des nouveaux membres du cabinet se caractérisent par leur parcours académique impeccable, leur expérience et leur spécialisation dans les questions liées aux postes auxquels ils ont été nommés, mais surtout, la plupart d’entre eux font partie du cercle de confiance du président, ayant déjà travaillé avec lui à la mairie de Bogota ou lorsqu’il était sénateur. Mais il y a aussi le contingent de convertis des partis traditionnels comme le ministre de l’intérieur, libéral, ancien sénateur (Luis Fernando Velasco) qui se trouve depuis quelques années dans le camp dissident de ce parti traditionnel ; un ministre des TIC (Mauricio Lizcano) fils d’un leader politique libéral corrompu du Caldas, héritier d’une énorme tradition politichienne ; et même un ministre de la Santé (Guillermo Alfonso Jaramillo) qui est médecin, chirurgien cardio-pédiatre et ancien gouverneur de Tolima sous le gouvernement de Virgilio Barco (libéral, 1986-1990).

Sans aucun doute, le fait d’avoir offert la tête de la ministre de la Santé Carolina Corcho sur un plateau d’argent à la droite, qui sabote les réformes urgentes dont le pays a besoin, relève davantage de la vieille stratégie d’un pas en avant et deux pas en arrière, avec l’idée de créer les conditions d’une nouvelle alliance de classe ou d’un pacte social, en cherchant un allié qui, peut-être, n’est pas au parlement mais dans les rues et dans les champs. 

Ce coup de barre à la tête du pays sans boussole est certainement le résultat de la tentative du gouvernement de faire passer en urgence une réforme vaste et profonde qui, en raison de la nécessité de créer des accords avec l’opposition pour la faire passer, est déjà en train de brinquebaler.

La question qui se pose est la suivante : quelle est la différence entre le nouveau cabinet et le précédent ? Elle semble être plus formelle que substantielle. Le pacte social que le gouvernement propose aujourd’hui n’est pas défini par un remaniement ministériel, la nouvelle alliance de classe qui est proposée est définie en termes concrets par un rapport de forces qui, dans les conditions actuelles, se situe en dehors du parlement bourgeois. Un parlement qui, en raison des majorités fragiles et incertaines auxquelles il est exposé, n’offre aucune garantie réelle pour la formation d’un gouvernement solide et cohérent qui apportera le changement tant attendu.

Par ce geste, le président Gustavo Petro s’éloigne du sujet politique, le seul véritable facteur de pouvoir, parmi d’autres, qui puisse briser l’état d’inertie et de stagnation du processus dans lequel la Colombie est plongée. Peut-être est-il convaincu que c’est à partir du parlement, aussi usé et illégitime soit-il, qu’il doit continuer à insister sur la recherche d’une majorité relative en faveur de la réforme, même si cette alliance de classe n’est pas en réalité une garantie pour y parvenir, et qu’au contraire, elle n’est qu’une stratégie de plus pour l’affaiblir encore davantage.

Ce n’est pas en mettant un autre collier au même chien que l’on obtiendra des changements. Cette alliance de classe dépendra toujours de la somme de tous les facteurs réels de pouvoir, et les facteurs concrets et existants, à l’exception du peuple mobilisé et du mouvement populaire, ne sont pas du côté du changement, mais du continuisme oligarchique qui ne cherche qu’à mettre fin au nouveau gouvernement, même si celui-ci a la légitimité des votes qui l’ont élu, mais pas une majorité parlementaire suffisante pour vaincre les forces qui ont gouverné la Colombie par la thanatopolitique.

En outre, il reste à voir si le pronostic de certains cadres oligarchiques, qui ont affirmé que Petro est le meilleur pompier de Colombie pour éteindre le volcan en ébullition qu’est la société colombienne, se réalisera. Cela ne sera possible que si la patience du peuple tient bon et n’explose pas n’importe quand, face à un événement inattendu ou sciemment provoqué.

Déjà, certains secteurs de la jeunesse, en particulier le secteur étudiant, commencent à ne plus croire un gouvernement qui a fait des changements mais qui les a laissés seuls et oubliés (à l’exception des dettes auprès d’ ICETEX [Institut colombien de crédit éducatif et d'études techniques à l'étranger, qui donne des prêts d’études ; le gouvernement a effacé les dettes de 8 000 étudiants, NdT] et de la promesse de plus d’universités et de financements), un gouvernement qui a sans doute pris des décisions qui favorisent les secteurs populaires (la prime ou le revenu pour les 3 millions de femmes cheffes de famille), a remis des biens confisqués à la mafia à des familles victimes de déplacements et d’expropriations, a fait preuve de détermination et de résultats dans la lutte contre le trafic de drogue, mais n’a toujours pas rempli d’autres points importants du programme de changement.

Des dizaines de jeunes qui ont participé au soulèvement social du 28 avril en 2021 sont toujours en prison. Ce n’est qu’un exemple du mécontentement croissant des secteurs qui ont contribué au changement par le biais de la lutte populaire et extraparlementaire, et qui commencent à douter de la capacité de manœuvre et de décision d’un gouvernement faible et qui s’éloigne des secteurs et du mouvement social. La soi-disant paix totale avance avec beaucoup d’obstacles, tandis que l’extermination quotidienne des leaders sociaux se poursuit. Et la question de la terre pour réaliser l’accord de paix non respecté avec les ex-FARC continue de s’enliser parce que l’aile droite est enracinée, armée et déterminée à empêcher une véritable réforme agraire en Colombie, tandis que le gouvernement avance comme une tortue, l’aile droite des paramilitaires et propriétaires terriens se déchaîne. 

Après le triomphe colossal et historique, il semble que nous ayons été anesthésiés par la croyance que tout serait résolu avec un nouveau gouvernement pour le changement et pour la vie ; alors que ce que nous avons vu, c’est que l’exercice de la gouvernance à partir d’un État décomposé et d’un parlement illégitime qui, en outre, représente les intérêts d’une classe assoiffée de sang, n’est rien d’autre qu’une répétition de la même chose.

OTO HIGUITA
Colombia: ¿profundizar el cambio o acelerar el golpe?

Oto Higuita, 1/5/2023

El triunfo del gobierno del cambio y potencia de la vida, de las “calles y las plazas”, marcó un quiebre histórico en la línea de continuidad de los gobiernos tradicionales de la burguesía. Por primera vez en la historia republicana es elegido un presidente que, por un lado, representa un amplio movimiento popular y de ciudadanías libres, y por el otro, no proviene de los partidos políticos liberal y conservador, partidos con los que ha sido gobernada Colombia por una sola clase, la oligarquía.


Paternidad responsable
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por Matador, El Tiempo

El gobierno de la esperanza, como lo llaman, con un amplio apoyo popular, ha empezado a navegar en las aguas turbulentas y contaminadas de la política colombiana, como todo el mundo sabe. Completa 8 meses tratando de aprobar un programa de reformas urgentes que pide a gritos la sociedad de los y las excluidas socialmente; reformas que sin ser las más radicales y estar ajustadas a la Constitución, encuentran una férrea oposición y la preparación de un golpe por la clase que históricamente ha devenido en una narco oligarquía.

Oposición carente de escrúpulos y respeto por las formas y las normas, que viene haciendo uso de diferentes estrategias para desgastarlo y crear las condiciones para dar un golpe (blando) contra el primer gobierno que busca reformar al Estado corrupto, criminal y al servicio de las mafias y devolverle su carácter de Estado Social de Derecho como lo establece la Constitución.

Nadie que conozca y haya  estudiado el desarrollo y los cambios radicales que ha sufrido el Estado colombiano en las últimas cinco décadas, puede negar la condición de Estado fallido que arrastra la nación. Un Estado al servicio de una minoría que lo ha capturado y se ha enriquecido de los bienes públicos, el presupuesto nacional, la feria de cargos públicos, los grandes negocios y contratos que han monopolizado para sus círculos oligarcas, sus clientes, sus sirvientes y sus lacayos.

Esa concentración desmesurada de la riqueza en Colombia en pocas manos, ha dejado sin derechos constitucionales a una mayoría que sufre la exclusión, la violencia estatal cuando protesta, el exterminio sistemático, además de la pobreza masiva, el desempleo, la carencia de servicios básicos, el acceso de calidad a la salud, la educación, la cultura y la vivienda digna.

Sin duda los que se oponen radicalmente al gobierno del cambio son los factores reales de poder encabezados por las fuerzas políticas derrotadas, dentro y fuera del país (la injerencia e intereses del imperialismo norteamericano), como el gran capital, la banca privada, instituciones claves como la Fiscalía, Procuraduría, ejército y policía, el paramilitarismo y la paraestatal contrainsurgente que sigue asesinando sistemática líderes sociales, el alto clero y los monstruosos medios de comunicación corporativos. Mientras, el gobierno del cambio sólo cuenta con el triunfo electoral y una importante mayoría de pueblo movilizado.    

De ahí que el nuevo gabinete nombrado por el presidente Petro plantee preguntas de fondo sobre lo que tendrá que enfrentar en adelante, aparte del argumento de que lo que se busca es “un pacto social” con todas las fuerzas políticas, principalmente con las que se oponen radicalmente a su mandato, lo sabotean y buscan darle un golpe de Estado, como lo advierte el jesuita Javier Giraldo, reconocido defensor de DD.HH. en Colombia. Así que si lo que busca el gobierno es romper el cerco en el que lo tiene cercado la oligarquía, haciendo uso de todas las formas y medios de lucha política, lo único garantizado es que vendrán más ataques de los que poco sabemos cómo, qué ni cuándo vendrán.

Por eso hay que estar extremadamente alertas, el movimiento popular, las ciudadanías libres y el pueblo movilizado para recuperar inmediatamente las calles y volver a la lucha popular y extraparlamentaria, tal y como se hizo durante el paro nacional del #28A del 2021, que pronto se convirtió en el más temido estallido social en Colombia en décadas.  

Los perfiles de los nuevos integrantes del gabinete se caracterizan por tener hojas de vida académicas intachables, experiencia y especialización en temas afines a los cargos que fueron nombrados, pero sobre todo la mayoría hace parte del círculo de confianza del presidente, por haber trabajado ya antes con él en la alcaldía de Bogotá o durante su período de senador. Pero también está la cuota de los conversos provenientes de partidos tradicionales como el min interior, un liberal, ex senador (Luis Fernando Velasco) que ha estado en las toldas disidentes de ese partido tradicional desde hace unos años; un ministro de TIC (Mauricio Lizcano) hijo de un corrupto líder político liberal de Caldas, heredero de una tradición politiquera mayúscula; hasta un ministro de Salud (Guillermo Alfonso Jaramillo) de profesión médico, cirujano cardiopediatra y ex gobernador del Tolima durante el gobierno de Virgilio Barco.

Sin duda, haber entregado en bandeja de plata la cabeza de la ministra de Salud Carolina Corcho a la derecha que sabotea las reformas urgentes que necesita el país, es más de la vieja estrategia de un paso adelante y dos atrás, con la idea de generar condiciones para una nueva alianza de clases o pacto social buscando un aliado que, tal vez, no está en el parlamento sino en las calles y campos.  

Este viraje en el timón de mando sin un norte claro es producto, seguramente, del acorralamiento en que está el gobierno tratando de impulsar con urgencia una reforma amplia y profunda que, por la necesidad de crear acuerdos con la oposición para que sea aprobada, ya anda coja.

Aquí es válida la pregunta: cuál es la diferencia entre el nuevo gabinete y el anterior? Da la impresión que es más formal que de fondo. El pacto social que propone el gobierno hoy no lo define un remezón del gabinete, esa nueva alianza de clases que se propone la define en concreto una relación de fuerzas que, bajo las condiciones actuales, está por fuera del parlamento burgués. Parlamento que por las mayorías frágiles e inciertas a las que está expuesto, no ofrece garantías reales para formar un gobierno sólido y cohesionado que genere el tan anhelado cambio.

Con este timonazo el presidente Gustavo Petro se distancia del sujeto político, único factor real de poder, entre otros, que puede romper el estado de inercia y estancamiento del proceso en que está sumida Colombia. Tal vez está convencido que es desde el parlamento por más desgastado e ilegítimo que esté, que se debe seguir insistiendo en buscar una mayoría relativa en favor de la reforma, así dicha alianza de clases no sea en realidad garantía para lograrla, y por el contrario, sea una estrategia más para seguir debilitándolo. 

No es poniéndole distinta guasca al mismo perro que se lograrán los cambios. Esa alianza de clases siempre dependerá de la suma de todos los factores reales de poder, y las concretas y existentes, con excepción del factor pueblo y movimiento popular movilizado, no están del lado del cambio sino del continuismo oligarca que solo busca poner fin al nuevo gobierno, así éste cuente con la legitimidad de los votos que lo eligieron, pero no la mayoría parlamentaria suficiente para derrotar a las fuerzas que han gobernado Colombia con la política de la muerte.

Está, además, por verse si se cumple el pronóstico de algunos cuadros de la oligarquía, que han sostenido que Petro es el mejor bombero que hay en Colombia para apagar el volcán en ebullición que es la sociedad colombiana. Eso sólo será posible si la paciencia de la gente aguanta y no revienta en cualquier momento, ante un hecho inesperado o conscientemente provocado. 

Ya algunos sectores juveniles, sobre todo el estudiantil, empiezan a descreer de un gobierno que ha hecho cambios pero que los ha dejado solos y olvidado (excepto las deudas con ICETEX y la promesa de más universidades y financiación), un gobierno que sin duda ha tomado decisiones que favorecen a sectores populares (el bono o renta para los 3 millones de mujeres cabeza de familia), ha entregado bienes confiscados a la mafia a familias víctimas de desplazamiento y expropiación, que ha demostrado decisión y resultados en la lucha contra el narcotráfico, pero que sigue sin cumplir con otros temas importantes del programa de cambio. 

Siguen en la cárcel decenas de jóvenes que estuvieron en el estallido social del #28A del 2021. Es solo un ejemplo de que el descontento en los sectores que ayudaron a generar el cambio desde la lucha popular y extraparlamentaria, aumenta y empieza a dudar de la capacidad de maniobra y decisión de un gobierno que se muestra débil y se distancia de los sectores y del movimiento social. La llamada paz total avanza con grandes tropiezos, mientras continúa el exterminio diario de líderes sociales. Y el tema de tierras para cumplir el incumplido acuerdo de paz con las ex FARC, sigue empantanado porque la derecha está atrincherada, armada y empecinada en impedir que haya una verdadera reforma agraria en Colombia, mientras el gobierno va avanza como una tortuga, la derecha paramilitar y terrateniente lo hace desbocada.  

Después del triunfo colosal e histórico, parece como si hubiéramos quedados anestesiados por la creencia de que todo se iba a solucionar con un nuevo gobierno para el cambio y para la vida; cuando lo que se ha visto es que ejercer gobernanza desde un Estado descompuesto y un parlamento ilegítimo que, además, representa mayoritariamente los intereses de una clase sanguinaria, es, sencillamente, más de lo mismo.