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16/05/2023

GIANFRANCO LACCONE
Qui sème le vent récolte la tempête
Les catastrophes agricoles ne tombent pas du ciel

Gianfranco Laccone, Climateaid.it, 11/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala


Depuis quelque temps, on évoque à grands cris le danger de disparition de la production agricole italienne : de ceux lancés lors de la journée nationale des fruits et légumes (Adieu aux 100 millions de plantes fruitières ! ), à l'appel au soutien de la production nationale de blé dur lancé par une organisation d'agriculteurs des Pouilles, jusqu'aux déclarations faites il y a quelques jours à Macfrut (une importante foire des fruits et légumes qui se tient à Rimini), devant le président Mattarella auquel, paradoxalement, on a exposé les problèmes causés par la sécheresse qui a frappé l'agriculture de la région ces derniers mois, au moment même où se produisaient des pluies diliuviennes qui auraient fait tomber en deux jours la quantité de pluie qui aurait du tomber au cours des mois précédents.


Au cours des 15 dernières années, 100 000 hectares de cultures fruitières auraient disparu. Mais quelle en est la cause ? On ne parle pas de l'utilisation des terres agricoles à d'autres fins, de l'urbanisation effrénée et, à la base, du système économique du marché libre qui, en visant le profit maximum, concentre la production là où elle est la plus rentable, souvent en dehors de l'Italie.

 

C'est cette même concurrence effrénée qui amène du blé bon marché (et de moins bonne qualité) dans les produits de grande consommation (pâtes, boulangerie et biscuits), qui met les agriculteurs (italiens et polonais) en crise, mais pas l'industrie alimentaire - dominée par les marques italiennes - qui, hier, exploitait les produits d'autres parties du monde et qui, aujourd'hui, exploite les lots importés d'Ukraine. Vous souvenez-vous de la campagne visant à libérer les céréales bloquées dans le port d'Odessa ? Elles étaient censées être envoyées aux populations nécessiteuses d'Afrique, mais il est presque certain qu'elles ont fini par devenir un produit d'exportation pour le monde entier, y compris pour nous, bien sûr.

 

Certaines questions telles que la disparition des cultures ou la crise de certains secteurs sont dangereusement utilisées pour protéger un système de marché (la véritable cause de la crise), même avec des motifs “écologiques”, craignant une dégradation de l'environnement en raison de la réduction de la capacité d'absorption du CO2 : une plante adulte capte 100/250 g de poussière et de smog par an, et moins de plantes signifie moins de dépollution. Un discours valable s'il s'agissait de plantes sans intervention humaine ; mais un verger ne naît pas avec un impact nul, car la quantité de smog créée pour obtenir une production agricole (entre celle nécessaire aux intrants productifs et celle nécessaire à leur distribution) réduit fortement la capacité d'absorption : les agriculteurs et les populations vivant dans les zones à plus forte concentration productive le savent bien.  C'est pourquoi il est essentiel de développer un discours agroécologique, dans lequel la réduction des intrants (et donc la réduction des polluants) est combinée à une présence accrue des plantes sur le territoire.

 

Motivées par de nobles objectifs “écologiques”, il y a aussi les demandes très pressantes, aujourd'hui, de soutien aux zones touchées par des “catastrophes environnementales”, de création de réservoirs qui serviraient à collecter et à régimenter l'eau, et de subventions visant à protéger l'agriculture, considérée comme la gardienne de la terre. Là aussi, il y a des incohérences et des non-dits qu'il convient de clarifier, en démystifiant certains clichés.


 

Les inondations d'il y a quelques jours ont touché la région de l'Émilie-Romagne, à la pointe de la production agricole italienne. Le fait que cette région ait été touchée en dit long sur la faiblesse du système mis en place. De même que le Covid a frappé de plein fouet la région de Lombardie, dotée du système de santé le plus “avancé”, montrant ainsi l'incapacité à protéger la masse des populations avec un tel système, aujourd'hui les dégâts causés par un événement qui n'était en rien imprévisible, montrent l'incapacité des systèmes hautement productifs à protéger le territoire et, avec lui, les populations qui y habitent. Il s'agit de repenser l'ensemble du système de production, en éliminant de la perspective la présence de territoires avec des zones cultivées avec un seul type de culture, voire avec une seule variété, pire, avec des plantes toutes dérivées d'un seul clone.  La solution proposée par les partisans de cette planification consiste, en se déchargeant de toute responsabilité, à augmenter les investissements et la dépendance vis-à-vis de mécanismes gérés par d'autres (comme dans le cas de la gestion de l'eau et des réservoirs) en augmentant leur présence sur le territoire : c'est comme si, face à un plafond troué, on augmentait le nombre de bassins sous les trous.

 

Il serait nécessaire de réduire la pression de la production, de différencier la production et les cultures, en insérant dans la même zone des plantes aux systèmes racinaires plus ou moins profonds, aux comportements différents face aux précipitations et aux températures, capables d'atteindre concrètement la résilience ; au lieu de cela, nous sommes toujours à la recherche de quelque chose qui représente la solution finale, à vendre aux agriculteurs par le biais d'une marque brevetée.

 

Le discours économique est encore plus déformé. Une région, un secteur productif, entre en crise : on en cherche alors les raisons parmi les causes “naturelles” (une maladie, une sécheresse, une inondation) et il est inutile d'ajouter que dans ces cas-là, on classe la région comme “touchée par une catastrophe naturelle”, ce qui est suivi par la déclaration de l'état d'urgence et le décompte des dommages, sans aucune autre mesure qui tende à supprimer les causes profondes. Pour les situations de crise qui ne peuvent être attribuées à des causes “naturelles”, on cherche frénétiquement le coupable, presque toujours un agent extérieur, un ennemi de nos productions qui, il va sans dire, sont les meilleures ; enfin, tout cela est une attaque contre notre façon d'être, contre le label “Made in Ital”, fleuron de nos exportations, et contre la culture italienne.

 

Même si le discours semble paradoxal et peut faire sourire, il est proposé dans des termes similaires par des représentants autorisés du monde agroalimentaire qui, face au changement climatique, ne savent pas comment mieux manifester leur surprise face à ce soi-disant “événement tragique” auquel, de temps en temps, même les animaux contribueraient, expression de cette “nature sauvage” que notre civilisation cherche à dominer.

 

Sans la moindre ironie, certains ont attribué ces derniers jours l'effondrement des digues en Émilie-Romagne aux ragondins et aux porcs-épics qui, par leurs tunnels, auraient sapé les travaux de remise en état. Les entreprises, le système de la chaîne d'approvisionnement, la recherche frénétique de l'exportation de la production sont les outils proposés au lieu de garantir une meilleure qualité et une sécurité des revenus pour la vente locale des produits. Quant à la propension écologique des entreprises, elle se réduit souvent à la recherche de compensations adéquates par des contributions extraordinaires ou des “titres” pour pouvoir nettoyer ou polluer ailleurs.

 

L'agriculture italienne n'a pas d'ennemis extérieurs qui la mettent en danger, elle est elle-même, conduite de manière hyper-productive et exportatrice, la cause des dangers qui la minent. C'est ce type d'agriculture qui est le danger, et pour en éliminer les causes, il faut au moins avoir l'humilité d'admettre les erreurs du passé, les sous-estimations, le manque de prévision et de planification et, enfin, le manque d'entretien, principal élément de conservation de ce qui existe. La situation d'alternance de périodes de sécheresse et d'épisodes nuageux est une manifestation du changement climatique, et il est nécessaire de pouvoir vivre avec de telles situations, qui devraient se succéder au cours des prochaines décennies.

Les seuls qui semblent s'en préoccuper sont les jeunes de Fridays For Future ou Ultima Generazione [Last Generation] dont les actions, même si on ne les partage pas entièrement, sont les seules à signaler l'absence, sur ce terrain, des institutions et des organisations sociales (syndicats de travailleurs et de patrons).


 

 

LUIS CASADO
Il condottiero...

Luis Casado, Politika, 15/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Cela fait maintenant plus de 60 ans que j'ai fréquenté le Liceo Neandro Schilling à San Fernando. Je ne l'ai jamais oublié, car il a été pour moi - et il l'est toujours - la meilleure preuve de l'excellence de l'enseignement public, laïque et gratuit. Un must.

En écoutant des opéras, un air de Boris Godounov est apparu, et je me suis souvenu que M. Benavides, notre professeur de musique, nous avait parlé de Moussorgski, ainsi que de Rimski-Korsakov et d'autres compositeurs russes.

Ma belle professeure de français avait la gentillesse d'inviter chez elle deux ou trois de ses élèves, dont moi, et de nous faire écouter La vie en rose et Je ne regrette rien de la voix d'Édith Piaf. A cette époque, il n'était pas courant d'avoir un “tourne-disques”. Loin de moi l'idée que, grâce à la dictature et à ses crimes, je finirais par m'ancrer à Paris.

Don Heriberto Soto, professeur d'histoire, a abordé le sujet du Moyen-Âge européen et a évoqué les condottieri. Les quoi ? Au Moyen Âge, un condottiero était un aventurier, un chef de soldats mercenaires mis au service de ceux qui avaient les moyens de les payer. Les mercenaires ont joué un rôle important au service des empires tout au long de l'histoire.

La créativité règne en maître sur le terrain. Les tirailleurs sénégalais étaient des troupes d'infanterie coloniales françaises recrutées en Afrique subsaharienne. Les premiers soldats noirs au service de la France étaient d'anciens esclaves de confiance - les “laptots” - recrutés au XVIIIe siècle pour assurer la sécurité des navires de la Compagnie générale des Indes, qui faisait commerce avec l'Afrique. Mercenaires et affaires allaient souvent de pair.

Les USA en savent quelque chose. Le coût des guerres perdues - Vietnam, Irak, Afghanistan... - est stupéfiant. Plus de 8 000 milliards de dollars pour les guerres au Moyen-Orient après les attentats contre les tours jumelles le 11 septembre 2001, conflits qui ont fait environ 900 000 morts (Watson Institute of Public and International Affairs - Brown University - Boston).

Les USA ont donc renforcé l'OTAN, dont Mon Général disait qu'elle n'était qu'un masque derrière lequel l'Empire cachait sa domination et ses desseins. De Gaulle avait raison. Au fur et à mesure que l'Empire se rétrécit, l'OTAN s'étend. Première cible : la Russie.

Comme vous le savez, la Russie est désormais capitaliste. La querelle usaméricaine ne porte pas sur l'idéologie, mais sur le contrôle de la planète. Le premier objectif était d'encercler la Russie par l'OTAN : tous les pays voisins devaient adhérer à l'Alliance, acheter des armements aux USA, oublier l'industrie européenne de l'armement et obéir.

La Russie a prévenu que mettre en péril ce qu'elle considère comme sa sécurité conduirait à des problèmes, mais c’est tombé dans des oreilles de sourds. Les USA, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la France et d'autres membres de l'UE ont participé aux manœuvres. Angela Merkel a reconnu que les accords de Minsk, censés mettre fin à l'agression ukrainienne contre deux provinces russophones, n'étaient rien d'autre qu'un prétexte pour armer les fous de Kiev : les mercenaires.

Si, en Europe, la plupart des dirigeants politiques se sont reconvertis en clowns, les USA ont trouvé à Kiev un clown dont ils ont fait un condottiere : Volodymyr Zelinsky.



À l'échelle historique, les sociaux-démocrates allemands Bernstein et Kautsky, qui ont trahi la cause des peuples, sont de vieux godillots comparés à des contemporains comme Tony Blair, Felipe Gonzalez, Josep Borrell et Jens Stoltenberg. Ces deux derniers méritent une reconnaissance particulière : Jens Stoltenberg est secrétaire général de l'OTAN et Josep Borrell secrétaire aux Affaires étrangères de l'Union européenne. Tous deux comptent parmi les promoteurs les plus enthousiastes de la guerre en Ukraine.

Dit comme ça, ça ne veut rien dire. Mais il faut savoir qu'à l'heure où nous écrivons ces lignes, l'“aide” militaire usaméricaine à Kiev s'élève à plus de 73 milliards de dollars. Pour leur part, les pays de l'UE ont apporté une “aide” de l'ordre de 65 milliards d'euros supplémentaires.

Les USA sont aux prises avec une dette publique qui a atteint son plafond - 31 000 milliards de dollars - et qui constitue un danger de déstabilisation de l'économie du monde entier. Le Congrès usaméricain doit voter pour augmenter le niveau de la dette fédérale, une procédure utilisée 78 fois depuis les années 1960, souvent sans débat. Le risque est que les USA se retrouvent en défaut de paiement le 1er juin. Cette fois, les Républicains ne semblent pas prêts à donner plus de mou à Mister Biden.

De leur côté, les pays de l'Union européenne affirment, les uns après les autres, qu'il n'y a pas d'argent pour les écoles, pas d'argent pour les hôpitaux, pas même d'argent pour les investissements. Alors, ils font comme la France : ils dansent sur la musique des investisseurs étrangers et baissent leur froc...

Pendant ce temps, le clown transformé en condottiero parcourt l'Europe pour demander des armes, des avions de chasse, des missiles et tout ce qui lui passe par la tête, tout en cachant dans d'autres pays le bakchich qu'il prend chaque fois que Kiev reçoit de l'argent.

L'objectif immédiat des USA est de soumettre la Russie, puis la Chine.

C'est pour ça qu'ils utilisent ces condottieri....

Cimetière d'Irpin, Ukraine, avril 2022. Photo Zohra Bensemra / REUTERS

 

13/05/2023

AZIZ KRICHEN
Avant qu’il ne soit trop tard : Appel au soutien des paysans de Ghannouch, dans le Sud tunisien

Aziz Krichen, Plateforme Tunisienne des Alternatives, Tunis, 10/5/2023

Chassées de leurs activités agricoles ancestrales dans l’oasis de Gabès – du fait d’une urbanisation irréfléchie et de la sévère pollution engendrée par l’industrie chimique –, de nombreuses familles paysannes de Ghannouch ont été contraintes de se déplacer et de se rabattre sur une zone sebkha, a priori impropre à la culture, plusieurs kilomètres plus au sud, en bordure de la délégation de Métouia. Cela se passait il y a 30 ans, au tout début des années 1990.

Les résultats de cette migration forcée ont été impressionnants. Au terme d’un labeur incessant, repris inlassablement saison après saison, les sols insalubres ont été progressivement amendés et bonifiés. Rendue à la vie, la région dite des Aouinet s’est transformée en un immense verger luxuriant, s’étendant sur près de trois mille hectares. Au fil des années, les premiers pionniers ont été rejoints par d’autres, encouragés par l’exemple. A la fin de la décennie, on pouvait compter plusieurs centaines d’exploitations. La majeure partie de la sebkha a fini par être mise en valeur, ainsi qu’un certain nombre de terrains relevant formellement du domaine de l’État, mais laissées à l’abandon depuis… 1970 et le démantèlement du système coopératif.

Aujourd’hui, les paysans – et les paysannes – de Ghannouch fournissent environ 70% de la production maraîchère totale du gouvernorat de Gabès (tomates, poivrons, oignons, pommes de terre, ail, etc.). Il s’agit, par conséquent, d’une incontestable réussite économique et agronomique. Et d’une formidable réussite sociale.

Où est alors le problème ? Il réside en ceci que la dynamique que l’on vient de décrire s’est déroulée sans l’aide des pouvoirs publics et hors du contrôle de l’administration. Ce qui signifie, en d’autres termes, que les paysans de Ghannouch ne disposent pas de titres de propriété formels pouvant justifier leur occupation de la terre.

Que fait-on dans ce cas ? Deux démarches sont possibles, qui relèvent de deux philosophies politiques différentes :

1) On peut « fabriquer » la propriété à partir du « bas », en conformant le droit à la réalité. D’après cette façon de voir, la solution du problème est simple. Nous avons ici affaire à des paysans productifs, qui fructifient depuis de longues années la terre qu’ils occupent. Cette permanence dans la production et l’occupation peut être attestée par des témoins dignes de foi : les voisins, les autorités locales, etc. Sur la base de tels témoignages, la loi introduit une clause de prescription (dans le droit tunisien, on parle de anjirar almalakiat bialtaqadum انجرارالملكية بالتقادم) et le tribunal foncier attribue de manière automatique des titres de propriétés aux occupants du sol concernés.

2) La deuxième approche prend l’exact contre-pied de la première : elle prétend fabriquer la propriété à partir du « haut », c’est-à-dire depuis l’État, et elle entend forcer la réalité à se conformer au droit existant, même lorsque celui-ci est totalement inadapté et irréaliste. C’est cette approche autoritaire et répressive qui a les faveurs de l’administration tunisienne. Ce qui entraîne des conséquences en cascades : au lieu de fabriquer de la légalité et de l’inclusion sociale, notre législation – un véritable fouillis de règlements superposés les uns aux autres et contradictoires entre eux – fabrique massivement de l’illégalité et de l’exclusion sociale.

Deux exemples pour le démontrer. Dans les campagnes, soixante ans après l’indépendance, l’apurement du statut juridique des terres collectives et des terres domaniales (la moitié du potentiel foncier global de notre agriculture) est toujours en suspens. Dans les villes, la situation n’est pas meilleure : les deux-tiers du parc logement du pays sont aujourd’hui sans titres de propriété et relèvent de ce que la bureaucratie classe, sans sourciller, dans la rubrique « habitat spontané » ou « habitat sauvage ».

Mais revenons à Ghannouch et à ses paysans. Après le 14-Janvier, ces derniers ont multiplié les démarches – aux échelles locale, régionale et nationale – pour essayer de régulariser leur situation. Au début, on s’est contenté de les balader, c’est-à-dire de les renvoyer d’une structure à l’autre. Ensuite, le ton s’est fait plus dur et l’on est passé du faux dialogue à la menace et à l’intimidation. Des poursuites judiciaires ont même été engagées contre plusieurs d’entre eux, pour « occupation de terrains appartenant à l’État », comme si la légalité de l’administration était supérieure à la légitimité des paysans dans l’exploitation de la terre.

Depuis l’an dernier, l’escalade a franchi un nouveau palier, jusqu’à la semaine dernière où un ultimatum leur a été lancé par la police : « Si vous ne quittez pas les lieux, nous allons vous en déloger par la force et des bulldozers viendront raser vos champs et vos habitations ! »

Contactés, les différents responsables à Ghannouch et à Gabès (le gouverneur, le délégué, l’OTD (Office des Terres Domaniales), l’UTAP (Union Tunisienne de l’Agriculture et de la Pêche), etc.) se défaussent les uns après les autres, disant que l’affaire les dépasse. Tout cela se produit, faut-il le souligner, à un moment où la conjoncture économique et sociale n’a jamais été aussi dégradée.

L’ultimatum expire d’ici peu. S’il devait avoir lieu, l’affrontement inévitable entre occupants et policiers pourrait avoir de graves répercussions. C’est la raison pour laquelle nous en appelons au ministre de l’Agriculture pour qu’il use de son autorité et empêche tout recours à la violence. La Tunisie ne peut plus continuer à être gérée de cette façon. Notre production vivrière est en ruine. Notre souveraineté alimentaire n’est plus qu’un slogan. Le chômage ravage notre jeunesse. On ne peut plus laisser à l’abandon des centaines de milliers d’hectares de terres agricoles au motif spécieux que ces terres appartiennent à l’État. Laissons les paysans et les jeunes ruraux travailler. Laissons-les produire. Accordons-leur les droits naturels qu’ils réclament. Arrêtons cette pression insupportable qu’on leur inflige. A deux jours de la commémoration du 12-Mai*, cessons de les voir comme des hors-la-loi. Apprenons à les considérer pour ce qu’ils sont réellement : des acteurs sociaux légitimes, dont le travail est indispensable au relèvement de l’économie, des acteurs qu’il convient par conséquent de protéger et non de réprimer. On ne dirige pas un pays contre sa population.

NdE

* Le 12 mai 1964 est la date de « l’évacuation agricole », la nationalisation des terres coloniales (lire ici)

 

AMEER MAKHOUL
L’union sacrée d’Israël autour de la nouvelle agression contre Gaza ne tiendra pas longtemps

Ameer Makhoul, Middle East Eye, 11/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La décision de frapper le Djihad islamique a donné à Netanyahou un regain de popularité, mais cela ne tiendra pas sur le long terme.

Carlos Latuff

Cette semaine, Israël a effectué une frappe cruciale en éliminant quatre dirigeants du Djihad islamique, ses médias soulignant la précision des missiles et l’exactitude des renseignements recueillis.

Mais cette couverture est restée largement indifférente au fait que l’opération s’est traduite par un massacre dévastateur.

Certains médias israéliens ont présenté le nombre de victimes - dont des enfants, des femmes et des professionnels de la santé - comme un bilan acceptable, fanfaronnant même sur le nombre relativement faible de victimes civiles palestiniennes. Un sentiment de célébration, de fierté et d’honneur a envahi Israël.

Un consensus national s’est dégagé lorsque les leaders de l’opposition parlementaire ont exprimé leur soutien aux actions du gouvernement Netanyahou. Les analystes estiment que l’opération pourrait prolonger la durée de vie du gouvernement assiégé, qui était aux prises avec des dissensions internes et semblait sur le point de s’effondrer.

Itamar Ben-Gvir, le leader d’extrême droite du parti Puissance juive, avait boycotté les sessions de la Knesset. Pourtant, même lui a fait l’éloge de l’opération, suggérant que ses pressions avaient porté leurs fruits, et vantant son propre rôle. Haut du formulaire

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Entre-temps, des milliers d’Israéliens ont fui leurs maisons dans les communautés proches de Gaza, tandis que l’armée supervisait un plan d’évacuation plus large.

Israël s’est félicité du succès de ses opérations militaires, citant la bonne coordination des renseignements entre l’armée et l’agence de sécurité Shin Bet. Cette démonstration de sa capacité à cibler les dirigeants palestiniens, même dans leurs propres chambres à coucher, vise à envoyer un message à toutes les factions du Sud-Liban, de la Cisjordanie occupée et de Gaza : le rayon d’action d’Israël est tous azimuts.

Assassinats ciblés

La stratégie israélienne d’assassinats ciblés démontre sa politique impitoyable d’éradication des dirigeants du Djihad islamique, en raison des opérations très médiatisées du groupe et de sa philosophie de résistance à l’occupation. Les responsables israéliens ont à plusieurs reprises exhorté le Hamas à ne pas s’impliquer dans la confrontation actuelle.

Pourtant, alors qu’Israël s’attendait à ce que la réponse palestinienne soit à l’image des précédentes agressions contre Gaza, ce n’est pas ce qui s’est produit immédiatement. Les tensions ont été exacerbées au sein de l’establishment sécuritaire, politique et médiatique israélien, alors que le pays attendait de voir ce qui allait se passer.

Bien que des roquettes aient été tirées de Gaza dans la nuit de mercredi à jeudi, le retard pris dans la réponse a semblé indiquer qu’Israël ne contrôlait plus la manière dont ces situations se développaient.

Les factions palestiniennes semblent agir selon leurs propres plans et calendriers, contrairement au rythme dicté par Israël.

Dans le même temps, Israël a perdu le soutien de l’Égypte qui, malgré ses efforts de médiation à Gaza, a fortement critiqué les récentes frappes contre le Djihad islamique, estimant que le massacre sapait les efforts visant à établir une stabilité à long terme et violait les engagements pris par Israël lors des récentes conférences d’Aqaba (Jordanie) et de Charm el-Cheikh (Égypte).

De nombreuses factions palestiniennes et forces régionales estiment que le pouvoir de dissuasion qu’Israël détenait autrefois a considérablement diminué au cours des cinq mois qui se sont écoulés depuis l’entrée en fonction du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou, et qu’il n’a pas réussi, sur le plan stratégique, à renforcer son influence régionale et à consolider ses défenses nationales. 

Un autre défaut d’Israël réside dans son incapacité à anticiper l’intensité de la réponse palestinienne à son agression. À Tel-Aviv, les services de sécurité ont choisi cette semaine d’ouvrir des abris anti-bombes publics et de fermer des écoles. Ces coûts sécuritaires, politiques et économiques supplémentaires pourraient inciter Israël à lancer une offensive plus large sur plusieurs fronts, afin de tenter de reprendre le contrôle de la trajectoire et des conséquences de la confrontation.

Neutraliser le Hamas

Bien qu’il n’y ait aucune preuve que la dernière agression d’Israël soit une conséquence directe de ses profonds troubles internes, la diminution du pouvoir de dissuasion de l’État peut certainement être attribuée au climat politique actuel et à la crise intérieure. Par conséquent, l’agression doit être considérée dans ce contexte. 

Si cette stratégie agressive s’avère fructueuse du point de vue israélien, le premier bénéficiaire politique en sera Netanyahou, dont la cote de popularité est sur le point de grimper.

Mais ce regain de popularité ne sera pas durable et ne garantira pas non plus la longévité du gouvernement de Netanyahou, compte tenu des conflits intérieurs profondément enracinés et des manifestations publiques en cours. Il ne permettra pas à Netanyahou de relever les défis les plus pressants auxquels il est confronté. Dans le même temps, les sondages ont montré que la confiance des citoyens israéliens dans le chef de l’opposition, Benny Gantz, s’accroît.

Entre-temps, Israël fait le pari de neutraliser le Hamas - qui gouverne effectivement la bande de Gaza et détient la plus grande puissance militaire - et de garantir un cessez-le-feu durable.

Cependant, la situation s’est encore aggravée après que le ministre de l’Énergie, Israel Katz, a menacé cette semaine d’assassiner Yahya Sinwar, le chef du Hamas à Gaza, et son chef militaire Mohammed Deif, en cas de représailles de la part du Hamas. Le Hamas a publié mercredi une déclaration suggérant que ses forces participaient aux tirs de roquettes de représailles, bien que cela n’ait pas été immédiatement vérifié.

L’appareil de sécurité israélien est perplexe face à la réaction tardive et imprévisible des Palestiniens, car il s’attendait à une réaction immédiate de tirs de roquettes, suivie d’une médiation, de pressions et finalement d’une trêve jusqu’à la prochaine agression. Mais la réalité s’est avérée plus complexe.

Des inquiétudes sont apparues quant à la possibilité que l’état d’urgence israélien se prolonge indéfiniment, les coûts associés pouvant dépasser ceux d’un engagement militaire limité. La possibilité que les Palestiniens prennent pour cible les manifs des colons dans la partie occupée de Jérusalem-Est suscite également des craintes.

Toutes les options semblent être sur la table, une trêve paraissant peu probable. Les factions palestiniennes semblent agir selon leurs propres plans et calendriers, par opposition au rythme dicté par Israël, passant d’un cycle réactif à un plan d’action plus délibéré. Bien que cela crée une nouvelle dynamique, cela ne modifie pas fondamentalement l’essence du conflit.

 

 

12/05/2023

AMIRA HASS
Chaque attaque sur Gaza entraîne son lot de “dommages collatéraux” et de dégâts absurdes

Amira Hass, Haaretz, 11/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Les termes comme “dommages collatéraux” et “proportionnalité” ne tiennent pas compte des civils dont les vies ont été prises dans le dernier cycle inutile de douleur et de souffrance. Lorsque la logique qui sous-tend les attaques est si incompréhensible, les mots manquent.

L’hôpital Shifa dans la ville de Gaza, mercredi. Photo : AHMED ZAKOT/Reuters

Pour cette femme de 87 ans, malade dans sa maison de Khan Younis, les 75 dernières années se sont réduites à un seul moment, qui remonte à avril ou mai 1948. Csest à ce moment-là qu’elle et sa famille ont fui leur maison de Jaffa après qu’elle avait été bombardée par les miliciens de l’Irgoun et de la Haganah, qui existaient avant la création de l’État. Ils pensaient rentrer chez eux au bout de deux ou trois jours, une semaine ou deux tout au plus.

Mardi, elle a surpris sa famille en se réveillant d’un coma de deux jours. Ses enfants ont compris, à travers ses marmonnements, qu’à son réveil, elle se croyait redevenue celle qu’elle était à l’âge de 12 ans, une fille dont le monde avait été bouleversé en l’espace de quelques heures.

« Cela n’a rien à voir avec les récents attentats. Je ne pense pas qu’elle sache qu’il y a une nouvelle guerre », m’a dit sa petite-fille. « C’est courant. Même lorsque nos aînés perdent la mémoire, ils se souviennent d’eux-mêmes pendant la Nakba. Alors je me suis dit que peut-être, quand je serai vieille et atteinte d’Alzheimer, je ne me souviendrai de rien d’autre que de cette terrible guerre en 2008, quand j’avais 12 ans ».

Nous avons ici tout ce qu’il faut pour faire une remarque factuelle sur la Nakba en cours. Non pas une remarque conflictuelle, argumentative ou narrative, mais un simple fait : la Nakba, un désastre de dépossession et d’expulsion, n’a pas cessé un seul instant depuis que nous avons transformé le peuple palestinien en une nation de réfugiés. Et les Palestiniens - comme c’est irritant - refusent de s’adapter ou de se rendre à cette réalité. C’est le point de départ nécessaire pour comprendre les facettes politiques, militaires et sociales de la situation israélo-palestinienne.

 

Des garçons palestiniens dans une maison détruite par les frappes des FDI à Gaza, mercredi. Photo : MOHAMMED SALEM/Reuters

Mais les oncles de ma jeune interlocutrice sont préoccupés par un problème plus prosaïque. Leur mère a un rendez-vous pour une dialyse, mais ils ont peur de la conduire à l’hôpital. Que se passe-t-il si les FDI reçoivent l’image d’une voiture depuis l’un de leurs drones en vol stationnaire au-dessus de Gaza et que le commandant en charge décide que toute personne conduisant à cette heure-ci doit être un lanceur de roquettes et qu’un missile doit donc être tiré sur elle ?

Un militant du Hamas qui n’était  pas membre de l’aile militaire de l’organisation m’a dit un jour avec fierté : « Pendant la première Intifada, nous avons jeté des pierres - mais maintenant, nous avons des roquettes ». Pour notre part, nous, Israéliens, avions le mortier artisanal Davidka, et aujourd’hui nous avons le genre de bombes et d’avions militaires que la censure militaire nous interdirait de nommer. Chaque camp se vante du développement et de l’efficacité de ses armes, mais les organisations palestiniennes vivent dans un déni constant alors que l’écart entre leur arsenal et celui d’Israël ne cesse de se creuser.

« Je m’apprêtais à dormir. Soudain, j’ai ressenti des ondes de choc. Comme un tremblement de terre. Ce n’est qu’ensuite que le son a suivi », raconte la petite-fille, que je connais depuis qu’elle est enfant, à propos des bombardements de mardi matin. « J’ai pensé que, comme toujours, les Juifs bombardaient des zones ouvertes, des bases vides du Djihad ou du Hamas ». Elle a utilisé un terme blessant pour moi, qui est couramment utilisé par les Palestiniens, ne ressentant pas le besoin de remplacer “les Juifs” par “l’armée” par égard pour moi.

« Dans les cas précédents, nos organisations de résistance ont tiré sur Israël et savaient qu’aucun Israélien ne serait tué », a-t-elle poursuivi. « L’armée a bombardé et savait qu’aucun Palestinien ne serait tué », a-t-elle ajouté. « Chacun répondait à l’autre et nous pouvions revenir à la normale ».

 

Un homme marche parmi les ruines d’un bâtiment à Gaza, mercredi. Photo : IBRAHEEM ABU MUSTAFA/Reuters

C’est pourquoi le choc a été si grand cette fois-ci. « Quinze minutes seulement après le bombardement, nous avons commencé à entendre des informations faisant état de femmes et d’enfants tués. Mon amie et sa famille vivent dans le même immeuble que la famille du commandant du Jihad islamique, Tareq Izzeldeen. Ils se trouvaient dans l’appartement lorsque la maison a été bombardée, mais heureusement ils n’ont pas été blessés. Par contre, tout leur appartement est en ruine. Il est complètement détruit. Mon amie a quitté l’appartement et a vu des cadavres dans les escaliers ».

Ses propos rappellent l’inimaginable résilience des Palestiniens. « Nous sommes des héros malgré nous », m’ont dit mes amis de Gaza en 2008, 2012, 2014, 2021 et à de nombreuses occasions entre-temps, lors d’invasions militaires et d’attaques qui n’ont pas reçu le titre de “guerre”. Pourtant, à chaque guerre, cet “héroïsme à contrecœur” devient plus difficile.

Je discutais avec cette jeune amie mercredi en début d’après-midi, alors que les lance-roquettes du Djihad islamique étaient encore silencieux et que les alarmes de missiles n’avaient pas encore interrompu les émissions de la radio israélienne. « Tout le monde s’attend à ce que le Djihad réagisse », dit-elle. « La vue des enfants assassinés par Israël a choqué tout le monde ».

Je lui ai demandé, comme si elle était une experte du Djihad islamique ou une stratège militaire, pourquoi elle pensait qu’ils ne réagissaient pas. « Maintenir les Israéliens dans la peur est aussi une arme », a-t-elle expliqué. « Le problème, c’est que nous avons également peur. L’attente est parfois plus difficile que le moment même de l’attentat. Je pense aussi que le Jihad islamique doit réagir. Mais je ne souhaite pas une nouvelle guerre ».

 Des secouristes au travail à Gaza, mercredi. Photo : MOHAMMED SALEM/Reuters

C’est un témoignage de première main des contradictions internes dans le cœur de chacun. Je n’ai pas remarqué si elle a dit que le Hamas devait également réagir. En tant que parti au pouvoir, il a des considérations différentes de celles de la petite organisation militaire [le Djihad islamique, NdT]. Le Hamas n’aime pas la comparaison, mais il est passé par des étapes similaires à celles que son rival, le mouvement Fatah, a traversées au cours de la deuxième Intifada. Le Hamas ressent également la contradiction et la tension entre un mouvement de libération et un gouvernement au pouvoir avec des fonctionnaires et la responsabilité de payer les salaires et d’entretenir les écoles.

Une autre amie de la jeune femme à qui je parlais a survécu au cancer, après de nombreux traitements et un amour inébranlable pour la vie. Un rendez-vous a été fixé pour elle mercredi, dans un hôpital de Jérusalem. Il a été coordonné après de nombreux efforts et après que l’Autorité palestinienne a garanti la prise en charge des coûts du traitement. Mais les points d’entrée en Israël étaient fermés. « Combien d’autres patients qui devaient voyager pour recevoir un traitement vital n’ont pas pu le faire ? », s’est demandé mon amie.

La procureure générale d’Israël, Gali Baharav-Miara, qui a approuvé l’assassinat des hauts responsables du Jihad islamique et de leurs familles, a dû penser à des termes tels que “dommages collatéraux” et “proportionnalité” Mais ces dommages collatéraux et proportionnels sont les civils dont les vies ont été prises, et les nombreux autres cycles de douleur et de souffrance. Tous ceux qui ont été blessés et traumatisés à vie ; tous ceux qui auront besoin de traitements contre le stress et l’anxiété et contre le diabète qui pourrait se développer en raison de leur inquiétude et de leur peur ; tous ceux qui souffriront de dépression, d’apathie, d’une perte de jours d’école et même de mois sans éducation ; tous les traitements médicaux qui ont été reportés ou annulés. Et tout cela sans parler de l’immense dévastation matérielle.

L’écriture est un acte humain qui combine la logique et l’apprentissage, l’expérience et la créativité pour transmettre un message clair et éclairant. Mais il est difficile de faire appel à la créativité, encore et encore, pour décrire la destruction. Il est difficile de décrire la logique qui sous-tend chaque série d’obus, de bombardements, de tirs et de meurtres.

Que cette logique soit dictée par des considérations politiques et organisationnelles momentanées, des plans militaires à long terme ou des considérations nationales et patriotiques, lorsque la logique est si illogique, les mots manquent.

 

 

09/05/2023

“Euskalwashing” : une entreprise basque tente de justifier sa participation au projet de tramway léger de Jérusalem-Est, dont Veolia s'est retirée

Alaitz Amundarain, Richard Wendling et Eneko Calle, Groupes  BDS en Alava, Navarre et Biscaye, naiz, 3/5/2023
Euskera

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Le fait que les entreprises transnationales violent les droits humains, environnementaux et du travail n'est pas nouveau. Mais la demande sociale est de plus en plus forte pour que les entreprises transnationales soient contrôlées et contraintes de les respecter. C'est pourquoi les entreprises ont défini des stratégies pour “laver"”leur image négative en utilisant superficiellement des causes et des préoccupations sociales.

Greenwashing, purplewashing, pinkwashing, rainbow washing, vegan washing... et, pourquoi pas, euskalwashing.

La compagnie ferroviaire basque CAF (Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles, Beasain, Gipuzkoa) doit redorer son blason depuis 2020, date à laquelle des dizaines de groupes sociaux du Pays basque ont lancé une campagne pour dénoncer sa participation à la construction et à l'entretien du tramway de Jérusalem.

Action de protestation contre les travaux à Jérusalem en décembre 2020. Photo BDS CAF EUSKAL HERRIA

Cette semaine ont été décernés les prix CAF-Elhuyar, qui visent à promouvoir, récompenser et reconnaître la diffusion, le journalisme et l'inclusion sociale en langue basque de la recherche et des thèmes scientifiques et technologiques. Et dans ce cas, la CAF utilise la langue basque et la science pour blanchir sa complicité avec l'apartheid israélien en Palestine.

Car Israël ne peut maintenir son régime d'occupation, de colonisation et d'apartheid envers le peuple palestinien que grâce à la complicité internationale, et en cela, les entreprises jouent un rôle fondamental.

En août 2019, un consortium formé par l'entreprise israélienne Shapir et la CAF a remporté un contrat pour l'expansion du réseau ferroviaire reliant les colonies illégales en territoire palestinien occupé, connu sous le nom de Jerusalem Light Rail (JLR). Le JLR fait partie intégrante du plan sioniste d'annexion de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie à l'État d'Israël.

À cette fin, le projet implique la confiscation de terres palestiniennes pour sa construction et crée un nouvel obstacle physique à la libre circulation de la population palestinienne ; en outre, le tramway relie les colonies israéliennes illégales en territoire palestinien occupé à la ville de Jérusalem, facilitant ainsi le déplacement de la population de la puissance occupante (colons) vers le territoire occupé.

La complicité de la CAF avec l'apartheid israélien, en plus d'être moralement répréhensible, peut entraîner des difficultés pour la CAF et ses filiales, telles que Solaris, dans l'obtention de nouveaux contrats, étant donné qu'il existe une campagne internationale pour que les villes et les gouvernements annulent tous les contrats avec la CAF jusqu'à ce qu'elle se conforme au droit international.

L'entreprise française Veolia a été contrainte de se retirer du même projet illégal de JLR en 2015 après avoir perdu des milliards de dollars en affaires internationales à la suite d'une campagne BDS soutenue en Europe, aux USA et dans plusieurs pays arabes.

En ce sens, il est paradoxal que la CAF soutienne des prix pour la diffusion de la science en basque et l'innovation, tout en collaborant à la consolidation du projet colonial d'Israël en Palestine. Depuis 1948, Israël tente de désarabiser la Palestine, en particulier dans les Territoires de 1948 (aujourd'hui l'État d'Israël), où la population arabo-israélienne ne jouit pas des mêmes droits que la population israélienne. Il maintient une occupation militaire en Cisjordanie et à Gaza depuis 1967, qui, outre les points de contrôle militaires, les assassinats, les raids, les détentions et autres violations des droits humains, a également favorisé la construction d'un mur de plus de 700 km de long ; et il ne reconnaît toujours pas le droit au retour des réfugiés palestiniens, qui sont aujourd'hui plus de 5 millions.

Cependant, la CAF ne semble pas se soucier du développement scientifique et de l'innovation en Palestine (difficile dans un contexte d'occupation coloniale), puisque malgré la pression de ses travailleurs, des syndicats et des groupes sociaux du Pays Basque, ainsi que les demandes de la société civile et de l'Autorité nationale palestinienne, elle a poursuivi la construction du tramway illégal à Jérusalem-Est.

C'est pourquoi nous pensons qu'une réflexion interne est nécessaire à Elhuyar et euskalgintza (la culture basque), sur l'utilisation de la langue basque pour blanchir, dans ce cas, les violations des droits humains commises en Palestine par une entreprise basque, et que la participation de la CAF à l'édition 2024 des prix pourrait être reconsidérée.

De même, nous réitérons que la CAF doit annuler son contrat de fourniture et de maintenance du tramway de Jérusalem-Est.