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05/03/2025

DAHLIA SCHEINDLIN
Pourquoi il est impossible de célébrer pleinement le succès de “No Other Land” aux Oscars

Je crains que, tout comme l’âge d’or des documentaires sur Israël et la Palestine qui a transformé mon appréciation du genre, cela ne suffise pas. Le film n’arrêtera pas l’occupation

Dahlia Scheindlin, Haaretz, 3/3/2025

 Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


Basel Adra et Yuval Abraham posent avec l’Oscar du meilleur film documentaire pour No Other Land lors du Governors Ball qui suit le spectacle des Oscars à la 97e cérémonie des Oscars à Hollywood, Los Angeles, Californie, dimanche soir. Photo : Mike Blake/Reuters

Lorsque j’ai appris à mon réveil que “No Other Land” avait remporté l’Oscar du meilleur film documentaire, j’étais ravie. Ravie pour les réalisateurs et pleine d’espoir que les messages émouvants de leur discours de remerciement - arrêter la guerre, rendre les otages, libérer le peuple palestinien - soient entendus par tous les Israéliens qui écoutent les nouvelles du matin. Mais il manquait encore quelque chose.

Je suis assez âgée pour me souvenir du film “Budrus”, sorti en 2009, qui raconte la lutte des Palestiniens de Cisjordanie contre la barrière de séparation. Mais le mur n’a fait que grandir, et en 2011, le documentaire “5 Broken Cameras” est apparu. Ce documentaire exquis a profondément humanisé la vie des Palestiniens sous l’occupation. Le principe d’un père qui documente son enfant mais qui est entraîné dans la politique par le biais de sa caméra était créatif, original et universel.

Ce film avait lui aussi été réalisé par un Israélien et un Palestinien (Guy Davidi et Emad Burnat). Il avait lui aussi été nominé aux Oscars, propulsant le sort des Palestiniens sous les feux de la rampe, à la vue du monde entier.

Cette situation aurait dû susciter une nouvelle vague d’indignation lorsque le réalisateur palestinien Burnat a fait l’objet de tracasseries à son entrée aux USA  pour assister à la cérémonie. Mais le film n’a pas gagné, le mur de béton qu’il a détesté et documenté a été construit, et l’occupation s’est poursuivie.

Je suis du côté de “No Other Land”. Je me sens mal à l’aise face à la violence brutale, kafkaïenne, exercée pendant toute la durée de l’occupation contre les villages palestiniens pauvres et sales de Masafer Yatta. J’ai visité les collines du sud d’Hébron, j'ai vu comment ils vivent, je me suis assise avec les enfants, j'ai regardé leurs livres scolaires et j'ai vu “No Other Land” lors d'une projection spéciale en plein air qui s'y est tenue l'année dernière..

Je suis assez fière que le coréalisateur israélien, Yuval Abraham, ait été un grand reporter d’investigation pour Local Call et +972 Magazine - un projet médiatique que j’ai aidé à fonder en 2010, avec des collègues. J’ai beaucoup écrit pour +972 Magazine et j’ai été présidente du conseil d’administration de l’ONG pendant les huit premières années (qui se sont achevées avant l’arrivée d’Abraham).

Inutile de dire que le film lui-même est excellent. Mais en le regardant, je me suis sentie troublée. Je suis déjà passée par là.

De plus, “5 Broken Cameras” est apparu dans une phase où les conflits israélo-palestiniens et israélo-arabes ont produit certains des plus superbes films documentaires que j’avais vus jusqu’alors.

Il y avait “Valse avec Bashir” en 2008, qui ne traitait pas de l’occupation des territoires palestiniens mais exposait le traumatisme et l’angoisse morale de la première guerre du Liban à travers ce qui était pour moi un style cinématographique envoûtant. “The Law in these Parts”, de 2011, reste le meilleur exposé cinématographique d’un aspect sous-estimé et pourtant omniprésent de l’occupation : le système juridique militaire d’(in)justice qui sous-tend les pratiques d’occupation les plus injustes, raconté par ceux qui l’ont construit minutieusement au fil des ans. Les recherches du film ont été si riches que les créateurs ont créé un un site ouèbe dédié, rempli de documents d’archives, qui ne laisse aucune excuse pour ne pas connaître cette colonne vertébrale essentielle de l’occupation.

Et puis il y a eu “Les gardiens”. Ce film de 2012 a fait sensation dans le monde entier. Pendant des années, des personnes extérieures m’ont demandé si le film avait marqué un tournant dans l’attitude des Israéliens à l’égard de l’occupation ou, plus généraleEment, des pratiques militaires d’Israël. La réponse était non.

Il y a près de deux ans, j’ai été bouleversé par le film documentaire “20 jours à Mariupol”.  J’étais sûre que personne ne pourrait rester indifférent à la souffrance de l’Ukraine après l’avoir vu. Un an plus tard, le film le film remporte l’Oscar tant convoité. Mais la guerre continue, le monde avance - et la vérité aussi : selon le président usaméricain Donald Trump, l’Ukraine a déclenché la guerre, Volodymyr Zelenskyy est un dictateur, et le pays pourrait être contraint de renoncer à ses ressources et à son territoire pour parvenir à la paix.

Je suis ravie pour Basel Adra et Yuval Abraham. J’espère désespérément que leur collaboration et leur amitié convaincront les gens de suspendre leur cynisme, de respecter la façon dont les gens peuvent canaliser l’injustice et la fureur qui en résulte dans l’art plutôt que dans la violence. Je ne cesserai jamais d’aimer les grands documentaires émouvants, et je prie pour que Miki Zohar, le bouffon ministre de la culture d’Israël, qui a vomi sa bile sur le film qu'il n'a pas vu, soit démasqué pour le fraudeur proto-fasciste qu'il est.

Mais je crains que, tout comme l’âge d’or des documentaires israéliens et palestiniens qui ont transformé mon appréciation du genre, cela ne suffise pas. Le film n’arrêtera pas l’occupation.

En même temps, si une seule personne change d’avis pour s’opposer à l’occupation, le film est un succès à mes yeux, bien au-delà des Oscars. 

04/03/2025

GIDEON LEVY
Et si Netanyahou avait été sur la sellette de Trump au lieu de Zelensky ?

Gideon Levy , Haaretz, 2/3/2025
 Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Dans mon rêve, ce n’est pas le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui était assis dans le bureau ovale l’autre jour, mais bien le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Le président usaméricain Donald Trump et le vice-président JD Vance assaillaient le premier ministre devant les caméras du monde entier, lui disant qu’en refusant de mettre fin à la guerre à Gaza, il jouait avec la Troisième Guerre mondiale.

 

Trump et Zelensky dans le bureau ovale vendredi 28 février. Photo Saul Loeb/AFP

 « Vous devez dire plus souvent merci. Vos gens sont en train de mourir. Et vous nous dites : “Je ne veux pas de cessez-le-feu”. Si vous pouviez obtenir un cessez-le-feu maintenant, je vous dirais de l’accepter. Ainsi, les balles cesseront de voler et vos hommes cesseront d’être tués. Mais vous ne voulez pas de cessez-le-feu. Je veux un cessez-le-feu. Vous n’avez pas les cartes en main. Avec nous, vous avez les cartes. Mais sans nous, vous n’avez aucune carte. Ou bien vous faites un deal, ou bien nous, on se casse ».

Dans mon rêve, Trump a dit à Netanyahou exactement ce qu’il a dit à Zelensky. Voilà, mot pour mot, ce qu’il a à lui dire.

Mais un rêve est un rêve et le spectacle d’horreur de vendredi ne s’est pas produit avec Netanyahou. On peut supposer qu’il ne se produira jamais, même s’il le devrait. Imaginez une telle conversation. Netanyahou quitte la Maison Blanche en panique, le visage aussi cendré que celui de Zelensky, et le lendemain, il revient frapper à la porte à plusieurs reprises : Il est prêt à mettre fin à la guerre à Gaza  et à retirer immédiatement toutes les forces israéliennes de la bande de Gaza. Tous les otages sont libérés et un autre génocide est évité.

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En l’absence d’une telle conversation, Israël galope vers la reprise de la guerre. Il est difficile d’imaginer une perspective plus horrible, de penser à une guerre plus inutile, dont le deuxième chapitre sera encore plus terrifiant.

Le bizutage infligé à l’allié impuissant Zelensky, y compris les abus malveillants inhérents aux personnes de l’acabit de Trump et de Vance, n’était certainement pas sans précédent. La nouveauté, c’est qu’il s’est déroulé devant des caméras. Hormis le « Signe, chien ! » de Hosni Moubarak à Yasser Arafat lors de la signature de l’accord Gaza-Jéricho au Caire en 1994, jamais les caméras n’avaient montré un tel étalage humiliant de la puissance des seigneurs du monde, ou de ceux qui croient l’être, envers un protégé.

Il faut remercier Trump d’avoir révélé son monde intérieur, dans lequel il n’y a pas de place pour la justice, les valeurs, le droit international,  l’humanité ou la loyauté.. Seulement le pouvoir et l’argent, l’argent et le pouvoir. Mais même cette perspective est appliquée de manière sélective. La rencontre Trump-Zelensky aurait pu et dû avoir lieu avec Netanyahou également. Chaque mot prononcé par Trump à l’encontre de Zelensky est pertinent pour Netanyahou. Mais personne n’imagine un tel scénario, peut-être parce qu’aucun gisement de minerai n’a été découvert sous la Cisjordanie. Mais qu’en est-il de la Riviera à Gaza ?

Pour Netanyahou et pour Israël - qui ne comprennent que le langage de la force - il pourrait s’agir d’une conversation historique qui changerait la donne. Il est probable qu’elle n’aura pas lieu. Mais tant que nous rêvons, pourquoi ne pas rêver grand ? Énorme ? Imaginez une conversation similaire à la Maison Blanche, avec pour thème la fin de l’occupation israélienne. Dans son sillage, l’occupation prendrait fin plus rapidement que nous ne pouvons l’imaginer. En fait, le seul moyen restant de mettre fin à l’occupation est une telle conversation.


Trump et Netanyahou en conférence de presse à la Maison Blanche à Washington, le mois dernier. Photo Jim Watson/AFP

Israël n’a pas d’autres cartes pour perpétuer l’occupation que le soutien usaméricain. Des personnes sont tuées à cause de l’occupation en permanence. C’est un foyer de tension qui met le monde en danger. Aucun pays ne la soutient et aucun sujet n’unit le monde comme l’opposition à l’occupation, du moins pour la forme.

Il est difficile de comprendre quel intérêt usaméricain est servi par cette occupation, qui fait que les USA sont méprisés au même titre que leur protégé. Même en termes trumpiens, il est difficile de comprendre pourquoi une telle conversation n’a jamais eu lieu.

Dans mon rêve, Netanyahou arrive à la Maison Blanche et Trump, cet homme terrible et dangereux, le menace comme il a menacé Zelensky l’autre jour. Le lendemain matin, le démantèlement des colonies de Kiryat Arba et Kiryat Sefer en Cisjordanie commence. Malheureusement, ça n’est qu’un rêve.

03/03/2025

GIDEON LEVY
Israël “gazafie” la Cisjordanie et fait de ces Palestiniens, une fois de plus, des réfugiés

 

Après l’expulsion par Israël de 40 000 habitants des camps de réfugiés de Cisjordanie, un nouveau flot de personnes déplacées a commencé. Dans la ville d’Anabta, les abris de fortune sont remplis de familles qui ont tout perdu et qui craignent l’avenir.

Gideon Levy & Alex Levac, Haaretz, 1/3/2025

Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala


Le camp de réfugiés de Jénine cette semaine. L’expulsion des résidents pourrait être un processus irréversible, surtout à la lumière de la destruction totale des camps. Photo Jaafar Ashtiyeh/AFP

 Trois hommes pas très jeunes s’entassent dans une seule pièce. Il n’y a pas de toilettes. Les rideaux sont tirés et la pièce est bondée, avec trois lits en fer qui tiennent à peine à l’intérieur. Au centre se trouve un bol de dattes, que l’on mange généralement pendant les périodes de deuil. Cette semaine, ils pleuraient la mort du frère de l’un des occupants de la pièce, un homme qui avait succombé à des blessures subies dans la bande de Gaza.

Tous trois ont des femmes et des enfants à Gaza qu’ils n’ont pas vu depuis le 7 octobre et qu’ils ne reverront peut-être jamais. Arrachés à leur famille, ils vivent désormais dans cette petite pièce, au deuxième étage d’un centre communautaire qui accueille les jeunes de la région. Ce sont des ouvriers de Gaza qui travaillaient légalement en Israël jusqu’au 7 octobre. Après cette date, Israël les a expulsés vers la Cisjordanie. C’est ici, dans la ville d’Anabta, qu’ils ont trouvé un refuge temporaire, survivant grâce à l’aide sociale.

Non loin du centre communautaire se trouve le diwan de la famille A’mar - une structure conçue à l’origine pour les fonctions familiales telles que les mariages et les jours de deuil, mais qui sert aujourd’hui de refuge improvisé. Des rideaux séparent l’espace des femmes de celui des hommes, et les toilettes se trouvent dans le couloir. Ici, 26 membres d’une famille qui a été expulsée de force de leur maison dans le camp de réfugiés de Nur Shams, ont trouvé un abri. Ils ne savent pas si leur maison a été démolie. Le père de famille, qui gagnait sa vie comme chauffeur, a perdu sa voiture lorsqu’elle a été écrasée par un véhicule militaire blindé. Aujourd’hui, il arpente le diwan, en colère, indigné, frustré. Il refuse d’endurer l’humiliation de vivre de dons - de nourriture, de vêtements, de chauffage et parfois d’argent.

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Les vents de la guerre soufflent sur le nord de la Cisjordanie. Le chef du conseil local d’Anabta déclare que des plans d’urgence sont en place pour absorber des milliers de réfugiés. Jénine a déjà été envahie par les chars et trois camps de réfugiés - Jénine, Toulkarem et Nur Shams - ont été presque entièrement dépeuplés par les forces de l’armée.


Des réfugiés gazaouis vivant actuellement dans un centre de jeunesse à Anabta, de gauche à droite, Ahmed Abu al-Hosna, Zuheir al-Hindi et Imad Moutawek, qui étaient employés dans la cuisine d’une école juive ultra-orthodoxe à Haïfa, dont ils n’ont jamais connu le nom. Photo Alex Levac

Le ministre de la défense, Israël Katz, s’est vanté cette semaine que 40 000 résidents déplacés de Cisjordanie ne pourront pas rentrer chez eux avant au moins un an. Pendant ce temps, les Forces de défense israéliennes ont démoli les infrastructures des camps, des dizaines de maisons ayant déjà été réduites à l’état de ruines. Les personnes déplacées n’auront manifestement nulle part où retourner - et l’opération ne fait que commencer. On peut supposer que la campagne s’étendra à tous les camps de réfugiés de Cisjordanie. La “gazafication” de la Cisjordanie bat son plein. Les trois camps du nord ressemblent déjà à Jabalya et personne n’est autorisé à y pénétrer.

La route de Toulkarem, qui traverse deux camps de réfugiés, a été éventrée, la rendant impraticable. Le quartier Al-Manshiyya, dans le camp de Nur Shams, a été entièrement vidé de ses 4 000 habitants. Il s’agit de descendants de réfugiés de la guerre de 1948, originaires de Manshiyya, au nord de Jaffa, contraints une nouvelle fois à l’exil, pour la deuxième, la troisième, voire la quatrième fois.

Certains d’entre eux ont été contraints de faire plusieurs arrêts avant d’arriver à Anabta. Selon Abd al-Karim Saadi, chercheur de terrain de l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, il ne reste que 11 personnes dans le camp de Toulkarem, toutes âgées et assiégées. Saadi sait qui sont ces personnes, mais il n’a pas pu se rendre dans le camp depuis le début de l’incursion militaire.

Le 21 janvier, l’armée a envahi le camp de Jénine, expulsé tous ses habitants et commencé à détruire les maisons et les infrastructures. Le 27 janvier, les troupes sont entrées dans le camp de Toulkarem. Le 7 février, elles ont envahi Nur Shams. Depuis lors, l’armée maintient sa présence dans les trois camps, tandis que leurs habitants restent déplacés et démunis.


Des Palestiniens quittent leurs maisons dans le camp de réfugiés de Nur Shams en février. Les trois camps du nord de la Cisjordanie ressemblent déjà à Jabalya, et personne n’est autorisé à y entrer. Photo Zain Jaafar/AFP

Les affirmations des FDI selon lesquelles les habitants “sont partis d’eux-mêmes” ont été réfutées par toutes les personnes déplacées à qui nous avons parlé, ainsi que par les organisations d’aide qui travaillent avec elles. Les récits de soldats faisant irruption dans les maisons et forçant les occupants à fuir, sans rien emporter, et les appels par haut-parleurs dans les rues, exigeant que tout le monde évacue, ne cessent d’apparaître.

Avec seulement les vêtements qu’elles portaient sur le dos, des dizaines de milliers de personnes ont été forcées de chercher refuge dans d’autres communautés. Ce sont les nouveaux réfugiés, les “Gazaouis” de Cisjordanie, victimes d’un processus qui pourrait être irréversible, surtout si l’on considère la destruction totale des camps.

Anabta, relativement calme et aisé, compte 8 500 habitants. Il y a quelques décennies, j’y ai rendu visite au journaliste et caricaturiste politique israélo-usaméricain Ranan Lurie. Lurie avait été gouverneur militaire d’Anabta en 1967 et m’a raconté qu’à l’époque, c’était lui qui avait remis au chef du conseil local une lettre officielle de reddition à signer, puisque sa ville était désormais sous juridiction israélienne. Lurie se souvient que l’homme tremblait de peur. Plus tard, Lurie lui-même a vu des bus avec des plaques d’immatriculation israéliennes garés sur la route et a compris qu’il y avait un plan pour expulser les habitants de la ville au-delà du Jourdain. Il est allé jusqu’au Premier ministre de l’époque, Levi Eshkol, pour mettre un terme à ce plan - et a réussi à empêcher l’évacuation.

La crainte d’un transfert forcé de population n’a pas quitté Anabta depuis 1948, et cette semaine, les gens en parlaient à nouveau. Depuis cette visite à Lurie, je suis passé par là des dizaines de fois pour me rendre à Toulkarem. La route est maintenant bloquée, l’armée est partout. Dimanche dernier, les soldats ont posé des barbelés à toutes les entrées de Nur Shams, qui étaient jusqu’à présent bloquées par des tas de terre.


Un Palestinien marche sur une route détruite dans le camp de réfugiés de Jénine cette semaine. Photo John Wessels/ AFP

Soufian Barakat, 54 ans, dirige le centre d’Anabta - sous les auspices d’une organisation appelée Wasel Center For Youth Development - qui accueille normalement une troupe de théâtre de jeunes, mais qui est devenu un refuge pour les réfugiés de Gaza. Barakat, qui a lui-même été emprisonné en Israël pendant 13 ans, a été le fer de lance du bénévolat et de la collecte de dons pour les réfugiés. Après le 7 octobre, 17 hommes, pour la plupart des ouvriers, se sont installés dans le centre ; neuf d’entre eux y sont encore. Nous sommes montés au deuxième étage, où les déplacés de Gaza ont trouvé refuge. Le spectacle est déchirant.

Ahmed Abu al-Hosna, 55 ans, père de neuf enfants, originaire de Jabalya, nous salue ; c’est son frère de 69 ans qui est mort cette semaine, après avoir été blessé par balle par des soldats à Gaza. Il nous montre une photo de son frère, qu’il n’a pas vu depuis 18 mois, sur son téléphone portable. Un lit plus loin, Zuheir al-Hindi, 60 ans, également père de neuf enfants, est originaire de Deir al-Balah. Il vit ici alors qu’une trentaine de personnes déplacées s’entassent dans sa maison, dans la partie centrale de Gaza. Le plus jeune occupant de la chambre, également originaire de Jabalya, est Imad Moutawek, 39 ans, père de cinq enfants. Ces trois bons gars travaillaient dans la cuisine d’une école juive ultra-orthodoxe de Haïfa, peut-être une yeshiva, dont ils n’ont jamais su le nom. L’entrepreneur bédouin qui les employait leur doit encore leur dernier salaire, mais il a disparu ; pour leur part, ils ont été expulsés vers un poste de contrôle en Cisjordanie et, de là, se sont rendus à Anabta.

Ils vont de temps en temps chercher du travail dans la région, principalement des travaux agricoles, mais ils dépendent surtout des dons.

Mohammed Khader, 38 ans, originaire de Beit Lahia, dans le nord de Gaza, vit dans l’autre pièce de cet étage. Sa femme, Yasmeen, 25 ans, et leurs quatre enfants, dont le plus jeune a 5 ans, ont survécu à la guerre ; son beau-père a été tué. La femme et les enfants de Khader ont fui vers Khan Younès, puis sont retournés à Beit Lahia après l’entrée en vigueur du récent cessez-le-feu, pour découvrir que leur maison n’existait plus. Ils vivent dans une tente sur ses ruines. Mohammed Abu Lakhia, 52 ans, père de cinq enfants et originaire de Khan Younès, habite avec Khader et a également perdu sa maison. Sa femme et ses enfants vivent désormais sous une tente à Bani Suheila, dans le sud de la bande de Gaza.



Mohammed Abu Lakhia, Anas Abu Rabi et Mohammed Khader au centre communautaire d’Anabta. Des plans d’urgence ont été mis en place pour permettre à la ville d’absorber des milliers de réfugiés. Photo Alex Levac

Le troisième occupant de cette chambre, Anas Abu Rabi, 20 ans, a quitté Gaza quelques mois avant que la guerre n’éclate pour se faire soigner d’une maladie du sang à l’hôpital Makassed de Jérusalem-Est ; il est resté bloqué ici depuis. Sa famille - ses parents, sept sœurs et un frère, originaires de Jabalya - a perdu sa maison et vit désormais sous une tente.

Assis dans son bureau, le chef du conseil d’Anabta, Thabet A’mar, explique qu’avec le Ramadan qui commence la semaine prochaine, le flux de dons aux réfugiés s’est intensifié, en particulier de la part des Arabes israéliens. Mais il est préoccupé par l’avenir. Il craint que la répression militaire ne s’intensifie, et avec elle le flot de réfugiés arrivant en ville. Des plans d’urgence ont déjà été mis en place pour loger les nouveaux arrivants dans plusieurs bâtiments publics. « Nous devons partager notre vie avec ces gens », déclare-t-il, ajoutant qu’il attend une décision du ministère palestinien de l’Éducation pour savoir s’il peut transformer les écoles en refuges, comme à Gaza. En attendant, les efforts se poursuivent pour intégrer les jeunes réfugiés dans les écoles locales.

Au rez-de-chaussée d’un nouvel immeuble, dans un appartement pratiquement vide au sol en marbre, vivent Rukiah Uffi et sa famille, qui se sont récemment échappés du camp de Toulkarem pour se rendre à Anabta. Elle a 65 ans et a travaillé comme professeur de sciences et de mathématiques en Arabie Saoudite avant de retourner en Cisjordanie en 2000.

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Le 27 janvier, l’armée a envahi le camp, dit-elle, et les soldats ont ordonné aux résidents d’évacuer. Ils se sont d’abord installés dans la ville de Toulkarem puis à Anabta. Voyant les soldats se préparer à un long séjour près de leur camp, ils ont décidé de louer ce nouvel appartement, pour attendre la fin de la crise.



Le camp de réfugiés de Toulkarem la semaine dernière. Photo Jaafar Ashtiyeh/AFP

Uffi vit ici avec sa propre fille et sa petite-fille, en plus de sa sœur et de sa famille - trois générations, huit personnes. Elles dorment sur des matelas posés à même le sol. Des bénévoles leur ont apporté de la nourriture et les ont aidées à subvenir à leurs autres besoins. La fille d’Uffi, Aya, une étudiante de 31 ans, raconte qu’elle a fait une fausse couche après avoir été chassée de chez elle.

Non loin de là, dans le diwan de la famille élargie d’A’mar, Jamal Khalil et sa famille ont trouvé refuge.

« Pourquoi suis-je ici ? » demande-t-il, irrité. « Pourquoi devrais-je vivre de l’assistanat ? Pourquoi ne puis-je pas être chez moi ? Les habitants d’Anabta sont des gens bien, mais je ne peux pas vivre avec l’argent des autres. J’ai travaillé toute ma vie et je n’ai jamais dépendu de personne. J’ai compris, j’ai compris. Vous [les Israéliens] avez déjà tué tous les militants armés du camp, alors pourquoi avez-vous envoyé les chars ? Et pourquoi détruisez-vous tout ? Vous vous battez contre les murs ? Les briques ? Qu’est-ce que je vous ai fait ? Pourquoi mes enfants et moi devrions-nous souffrir ? Pourquoi m’avez-vous chassé de ma maison ? Votre cible, ça n’est pas les militants. Votre but, c’est de ruiner nos vies, les vies des innocents".

Khalil a déménagé à Anabta avec sa famille immédiatement après l’invasion de Nur Shams par l’armée. Il raconte qu’une quarantaine de soldats ont fait irruption dans sa maison ; ils étaient agressifs et violents, criant et bousculant les gens pour les faire partir. Les soldats ont expulsé 26 membres de sa famille, qui n’ont pas été autorisés à emporter quoi que ce soit. Sa belle-fille n’a même pas pu prendre une boîte de lait en poudre pour son petit-fils de 9 mois. Deux jours après leur expulsion, un voisin a réussi à se faufiler dans le camp et à fermer la porte de sa maison, qui avait été forcée par les soldats. Il ne sait pas ce qui s’est passé, mais sa Mazda 5, son gagne-pain, a été écrasée par un véhicule blindé, comme beaucoup d’autres voitures.

Mohammed Sarhan, 53 ans, son gendre, se joint à notre conversation. Il dit qu’il craint qu’après avoir été expulsée du camp, sa famille ne soit maintenant expulsée vers la Jordanie. Qui va enlever la poussière des yeux de Ranan Lurie pour qu’il puisse voir ce qui se passe maintenant ?

01/03/2025

Le Mexique livre 29 chefs de narco-cartels aux USA

La remise d’un si grand nombre de figures importantes des cartels a constitué l’un des efforts les plus importants déployés par le Mexique dans l’histoire moderne de la guerre contre la drogue pour envoyer les trafiquants répondre de leurs actes devant les tribunaux usaméricains.

Alan Feuer, The New York Times, 27/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Alan Feuer couvre l’extrémisme et la violence politique pour le Times, en se concentrant sur les affaires pénales liées à l’attaque du 6 janvier au Capitole et à la première présidence Trump.

Le gouvernement mexicain a envoyé jeudi aux USA 29 hauts responsables de cartels recherchés par les autorités usaméricaines, dont un célèbre baron de la drogue que les autorités usaméricaines cherchaient à traduire en justice depuis 40 ans, selon les déclarations des gouvernements usaméricain et mexicain.


Les 29 narcos extradés

Le transfert a concerné non seulement plusieurs puissants chefs de cartel, mais aussi certains des meurtriers les plus prolifiques dans les annales de la criminalité mexicaine. Le nombre et l’importance des personnes envoyées en même temps aux USA ont fait de cet événement l’un des efforts les plus importants déployés par le Mexique dans l’histoire moderne de la guerre contre la drogue pour envoyer les trafiquants répondre de leurs actes devant les tribunaux fédéraux usaméricains.

Ce développement est intervenu alors que l’administration Trump s’appuyait fortement sur le gouvernement mexicain pour intensifier sa lutte contre les cartels, et la concession des responsables mexicains est apparue comme une première victoire pour le président Trump dans ce qui sera probablement une lutte de plus longue haleine contre les groupes criminels.

Parmi les personnes envoyées par avion aux USA figure Rafael Caro Quintero, membre fondateur du cartel de la drogue de Sinaloa, qui a été condamné au Mexique pour avoir commandité le meurtre, en 1985, d’Enrique Camarena, un agent de la Drug Enforcement Administration, a indiqué la ministre de la justice Pam Bondi dans un communiqué. Mettre la main sur Caro Quintero a été pendant des décennies une véritable obsession pour les fonctionnaires de l’agence antidrogue.

« Comme le président Trump l’a clairement indiqué, les cartels sont des groupes terroristes, et ce ministère de la Justice se consacre à la destruction des cartels et des gangs transnationaux », a déclaré Bondi dans son communiqué. « Nous poursuivrons ces criminels avec toute la rigueur de la loi en l’honneur des courageux agents des forces de l’ordre qui ont consacré leur carrière - et dans certains cas, donné leur vie - pour protéger des innocents du fléau des cartels violents ».

Le transfert des hommes recherchés, qui étaient détenus par le Mexique, intervient alors qu’une délégation mexicaine de haut niveau est arrivée à Washington pour rencontrer de hauts responsables usaméricains afin d’élaborer un accord de sécurité dans un contexte de tension entre les deux pays. Le ministère mexicain des Affaires étrangères a publié une déclaration annonçant la libération des membres du cartel avant que Bondi ne publie sa propre déclaration.

« Cette action fait partie du travail de coordination, de coopération et de réciprocité dans le cadre du respect de la souveraineté des deux nations » indique le communiqué mexicain.

Ces dernières semaines, l’administration Trump s’est engagée dans un un débat houleux pour savoir jusqu’où - et avec quelle force - pousser le gouvernement mexicain à s’attaquer aux cartels qui, depuis des années, sèment la violence sanglante au Mexique et font passer des quantités incalculables de drogues illégales aux USA.

Certains responsables de la Maison-Blanche ont adopté une position agressive, préconisant une action militaire unilatérale contre les barons de la drogue et les infrastructures des cartels au Mexique afin d’empêcher les stupéfiants, tels que le fentanyl, de franchir la frontière. D’autres ont plaidé pour une approche plus pragmatique, affirmant qu’un partenariat renforcé avec le gouvernement mexicain garantirait la poursuite de la coopération sur des questions telles que l’immigration.

Au cours de ces délibérations, Trump et ses alliés ont exercé d’énormes pressions diplomatiques et économiques sur la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, notamment en menaçant d’imposer des droits de douane élevés à son pays.

Jeudi, lors d’une conférence de presse conjointe avec le premier ministre britannique, Keir Starmer, Trump a maintenu cette pression, affirmant que le flux de drogues mortelles traversant la frontière sud n’avait pas cessé.

« Les drogues continuent de se déverser dans notre pays, tuant des centaines de milliers de personnes », a-t-il déclaré, même si le nombre de décès par overdose a récemment baissé aux USA, selon les responsables de la santé publique. 3Nous perdons bien plus que 100 000 personnes. Je veux dire, des morts ».

Néanmoins, la décision du Mexique d’envoyer les trafiquants emprisonnés aux USA a été saluée dans les milieux usaméricains de l’application de la loi comme une victoire majeure et un signal clair que Sheinbaum avait l’intention de coopérer avec l’administration Trump pour sévir contre les cartels.

« C’est un moment incroyablement important qui marque un véritable tournant », a déclaré Ray Donovan, l’ancien chef des opérations de la D.E.A. « Cela montre la volonté de la présidente Sheinbaum de travailler avec nous pour cibler et démanteler les organisations criminelles qui ont eu un impact sur les USA et le Mexique pendant des générations ».


Le lieu où un hélicoptère de l’armée mexicaine s’est écrasé lors de l’opération de capture de Caro Quintero dans l’État rural de Sinaloa en 2022. Photo Guillermo Juarez/Associated Press

Caro Quintero est un personnage hors norme au Mexique. Il est également honni par les agents fédéraux usaméricains chargés de la lutte contre la drogue pour le rôle qu’il a joué dans la torture et le meurtre de Camarena, connu sous le nom de Kiki, alors qu’il travaillait sous couverture au Mexique. Le meurtre de  Camarena a longtemps été considéré comme une sorte de catalyseur qui a propulsé les forces de l’ordre usaméricaines plus profondément dans la guerre cataclysmique du Mexique contre les cartels.

Après avoir été condamné à 40 ans de prison, Caro Quintero a été libéré de la prison mexicaine en 2013 sur la base d’un vice de forme et est retourné se cacher dans la région rurale de Sinaloa, son État d’origine. Il a finalement été capturé par les autorités mexicaines près de San Simón, une ville de Sinaloa, en 2022.

Quelques heures seulement après son arrestation, un hélicoptère militaire s’est écrasé à l’extérieur de la ville voisine de Los Mochis, tuant les 14 marines mexicains qui se trouvaient à bord. Le président mexicain de l’époque, Andrés Manuel López Obrador, avait alors déclaré que les soldats tués avaient participé à la mission visant à capturer l’ancien seigneur du crime.

Caro Quintero est inculpé de plusieurs chefs d’accusation liés au trafic de stupéfiants devant le tribunal fédéral de Brooklyn depuis 2020. Il pourrait y comparaître devant un juge fédéral dès vendredi, a déclaré l’une des personnes au fait de l’affaire.

Le Mexique a également remis aux USA Miguel Ángel Treviño Morales, un ancien chef du cartel des Zetas dont la brutalité est tristement célèbre et qui a été capturé au Mexique en 2013.

Treviño, mieux connu sous le nom de Z-40, du nom de son indicatif radio au sein des Zetas, est largement considéré comme l’un des membres les plus violents des cartels mexicains, ayant contribué à perfectionner la pratique consistant à utiliser le carnage comme message.

Son organisation a été fondée par des commandos mexicains très bien entraînés et lourdement armés qui avaient initialement pour mission de s’attaquer aux gangs, mais qui ont fini par vendre leurs services à un cartel en particulier, le cartel du Golfe. Après une période de prospérité et d’effusion de sang, les Zetas, avec Treviño dans leurs rangs, ont fait cavalier seul et sont devenus l’une des organisations criminelles les plus puissantes et les plus redoutées du Mexique.

Treviño fait l’objet d’accusations de trafic de drogue qui se recoupent dans les tribunaux fédéraux du Texas, notamment ceux d’Austin et de Laredo.

Sur la liste des personnes envoyées aux USA figuraient d’autres dirigeants - et tueurs - des Zetas. Il y avait également des agents de haut niveau d’autres groupes criminels, dont le cartel Nueva Generación Jalisco et le cartel La Familia Michoacana.

L’une des personnes récupérées par les agents fédéraux usaméricains est José Ángel Canobbio Inzunza, qui serait le bras droit d’Iván Archivaldo Guzmán Salazar, fils du célèbre baron de la drogue Joaquín Guzmán Loera, plus connu sous le nom d’El Chapo. Canobbio Inzunza, qui fait l’objet de poursuites à Chicago, a été arrêté au Mexique la semaine dernière seulement.

NdT

  1. 6 des 29 extradés sont inculpés aux USA pour des crimes pouvant être punis par la peine de mort, mais le traité d’extradition signé par le Mexique et les USA en 1978 exclut l’exécution de condamnés.
  1. Le Département d'État a désigné ces six cartels mexicains comme organisations terroristes étrangères (FTO) : Cártel de Sinaloa, Cártel Jalisco Nueva Generación (CJNG), Cártel del Noreste, Nueva Familia Michoacana, Cártel del Golfo, Cárteles Unidos. S’y ajoutent  le Tren de Aragua [Venezuela] et la Mara Salvatrucha (MS-13) [Salvador/USA]

“Ou vous faites un deal ou nous, on se casse et vous vous démerdez” : extraits de l’échange entre Trump, Vance et Zelensky à la Maison Blanche
“Un grand moment de télé”

The New York Times, 28/2/2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Le point de presse [ou plutôt le show] de Trump, Vance et Zelensky vendredi 28 février 2025 dans le bureau ovale s’est transformé en une confrontation houleuse. Ci-dessous des extraits clés de l’échange, qualifié par Trump de « grand moment de télévision »


Thiago Lucas, Brésil 

Trump (répondant à un journaliste) : Je ne suis pas aligné avec Poutine. Je ne suis aligné avec personne. Je suis aligné avec les États-Unis d’Amérique. Et pour le bien du monde. Je suis aligné avec le monde. Et je veux en finir avec cette histoire. Vous voyez la haine qu’il a pour Poutine. C’est très difficile pour moi de faire un marché avec une telle haine. Il a une haine énorme. Et je le comprends. Mais je peux vous dire que l’autre camp n’est pas vraiment amoureux de lui non plus.

Donc ce n’est pas une question d’alignement. Je suis aligné avec le monde. Je veux que les choses s’arrangent. Je suis aligné avec l’Europe. Je veux voir si nous pouvons faire avancer les choses. Vous voulez que je sois dur ? Je peux être plus dur que n’importe quel être humain que vous ayez jamais vu. Je serais très dur. Mais vous n’obtiendrez jamais d’accord de cette façon. C’est comme ça que ça se passe.

Vice-président JD Vance : Je vais répondre à ça. Écoutez, pendant quatre ans, aux États-Unis d’Amérique, nous avons eu un président qui a tenu des conférences de presse et a parlé durement de Vladimir Poutine. Et puis Poutine a envahi l’Ukraine et détruit une partie importante du pays. La voie de la paix et de la prospérité passe peut-être par la diplomatie. Nous avons essayé la voie de Joe Biden, celle de se frapper la poitrine et de prétendre que les paroles du président des États-Unis importaient plus que ses actions.

Ce qui fait de l’Amérique un bon pays, c’est que l’Amérique s’engage dans la diplomatie. C’est ce que fait le président Trump.

Zelensky : Oui. OK. Il l’a occupée, nos régions. De grandes régions d’Ukraine. Une partie de l’est et la Crimée. Il l’a donc occupée en 2014. Donc pendant de nombreuses années, je ne parle pas seulement de Biden. Mais à cette époque, il y avait Obama, puis le président Obama, puis le président Trump, puis le président Biden, maintenant le président Trump. Et que Dieu le bénisse : maintenant, le président Trump va l’arrêter. Mais en 2014, personne ne l’a arrêtée. Il a juste occupé et pris. Il a tué des gens.

Trump : 2015.

Zelensky : 2014.

Vance : 2014 et 2015.

Trump : 2014. Je n’étais pas là.

Zelensky : Mais de 2014 à 2022. (...) Personne ne l’a arrêté. Vous savez que nous avons eu des conversations avec lui, beaucoup de conversations. Ma conversation bilatérale. Et nous avons signé avec lui. Moi, comme un nouveau président. En 2019, j’ai signé avec lui l’accord que j’ai signé avec lui, Macron et Merkel. Nous avons signé le cessez-le-feu, le cessez-le-feu. Tous m’ont dit qu’il ne partirait jamais. Nous l’avons signé. Le contrat gazier. Le contrat gazier. Mais après cela, il a rompu le cessez-le-feu. Il a tué nos gens et il n’a pas échangé de prisonniers. Nous avons signé l’échange de prisonniers, mais il ne l’a pas fait. De quel genre de diplomatie, JD, parlez-vous ? Que voulez-vous dire ?

Vance : Je parle du genre de diplomatie qui mettra fin à la destruction de votre pays.

Vance : Monsieur le Président, Monsieur le Président, avec tout le respect que je vous dois. Je pense que c’est irrespectueux de votre part de venir au bureau ovale et d’essayer de plaider cette affaire devant les médias américains. En ce moment, vous allez de l’avant et vous forcez les conscrits à aller au front parce que vous avez des problèmes de main-d’œuvre. Vous devriez remercier le président d’essayer de mettre fin à ce conflit.

Zelensky : Êtes-vous déjà allé en Ukraine ? Vous dites quels sont nos problèmes.

Vance : Je suis allé en...

Vance : En fait, j’ai regardé et vu les reportages, et je sais que ce qui se passe, c’est que vous amenez des gens, vous les emmenez dans une tournée de propagande, Monsieur le Président. N’êtes-vous pas d’accord pour dire que vous avez eu des problèmes pour faire entrer des gens dans votre armée ?

Zelensky : Nous avons des problèmes. Je vais répondre.

Vance : Et pensez-vous qu’il soit respectueux de venir au bureau ovale des États-Unis d’Amérique et d’attaquer l’administration qui tente d’empêcher la destruction de votre pays ?

Zelensky : Beaucoup de questions. Commençons par le début.

Vance : Bien sûr.

Zelensky : Tout d’abord, pendant la guerre, tout le monde a des problèmes, même vous. Mais vous avez un bel océan [entre les USA et l’Europe, allusion à une phrase de Trump, NdT] et vous ne le ressentez pas maintenant, mais vous le ressentirez à l’avenir.

Trump : Vous n’en savez rien.

Zelensky : Dieu vous bénisse, vous n’aurez pas de guerre.

Trump : Ne nous dites pas ce que nous allons ressentir. Nous essayons de résoudre un problème. Ne nous dites pas ce que nous allons ressentir.

Zelensky : Je ne vous le dis pas.

Trump : Parce que vous n’êtes pas en position de le dicter. Rappelez-vous ceci : vous n’êtes pas en position de dicter ce que nous allons ressentir. Nous allons nous sentir très bien.

Zelensky : Vous ressentirez l’influence. Je vous le dis.

Trump : Nous allons nous sentir très bien et très forts.

Zelensky : Vous ressentirez l’influence.

Trump : Vous n’êtes pas en très bonne position en ce moment.

Trump : Vous vous êtes mis dans une très mauvaise position. Et il a raison à ce sujet. Vous n’êtes pas en bonne position. Vous n’avez pas les cartes en ce moment. Avec nous, vous commencez à avoir des cartes.

Zelensky : Je ne joue pas aux cartes. Je suis très sérieux, Monsieur le Président. Je suis très sérieux. Je suis le président en guerre...

Trump : Vous jouez aux cartes. Vous jouez aux cartes. Vous jouez avec la vie de millions de personnes. Vous jouez avec la Troisième Guerre mondiale. Vous jouez avec la Troisième Guerre mondiale. Et ce que vous faites est très irrespectueux envers le pays, ce pays, qui vous a soutenu bien plus que ce que beaucoup de gens auraient dû faire.

Vance : Avez-vous dit « merci » une seule fois pendant toute cette réunion ? Non. Avez-vous dit « merci » une seule fois pendant toute cette réunion ? Vous êtes allé en Pennsylvanie et vous avez fait campagne pour l’opposition en octobre. Dites quelques mots de reconnaissance pour les États-Unis d’Amérique et le président qui essaie de sauver votre pays.

Zelensky : S’il vous plaît. Vous pensez que si vous parlez très fort de la guerre, vous...

Trump : Il ne parle pas fort. Il ne parle pas fort. Votre pays est en grande difficulté. Attendez une minute.

Zelensky : Puis-je répondre ?

Trump : Non. Non. Vous avez beaucoup parlé. Votre pays est en grande difficulté.

Zelensky : Je sais. Je sais.

Trump : Vous ne gagnez pas. Vous ne gagnez pas cette guerre. Vous avez de très bonnes chances de vous en sortir grâce à nous.

Zelensky : Monsieur le Président, nous restons dans notre pays, nous restons forts, depuis le tout début de la guerre, nous sommes seuls, et nous en sommes reconnaissants. J’ai dit merci dans ce cabinet, et seulement dans ce cabinet.

Trump : Vous n’avez pas été seuls. Nous vous avons donné, par l’intermédiaire de ce stupide président [Biden, NdT], 350 milliards de dollars [un chiffre inventé par Trump : en fait, les USA ont « donné » un max de 114 milliards, NdT]. Nous vous avons donné du matériel militaire. Et vos hommes sont courageux. Mais ils ont dû utiliser nos militaires. Si vous n’aviez pas eu notre matériel militaire...

Zelensky : Vous m’avez invité...

Trump : Si vous n’aviez pas eu notre matériel militaire, cette guerre aurait été terminée en deux semaines.

Zelensky : En trois jours. C’est ce que m’a dit Poutine : en trois jours.

Trump : Peut-être moins.

Zelensky : C’est quelque chose, en deux semaines. Bien sûr. Oui.

Trump : Ce sera très difficile de faire des affaires comme ça. Je vous le dis.

Vance : Dites simplement merci.

Zelensky : J’ai dit merci au peuple américain à plusieurs reprises.

Vance : Acceptez qu’il y ait des désaccords. Et allons plaider ces désaccords plutôt que d’essayer de vous battre dans les médias américains lorsque vous avez tort. Nous savons que vous avez tort.

Trump : Mais vous voyez, je pense que c’est bien pour le peuple américain de voir ce qui se passe. Je pense que c’est très important. C’est pourquoi j’ai fait durer ça si longtemps. Vous devez être reconnaissant.

Zelensky : Je vous en suis reconnaissant.

Trump : Vous n’avez pas les cartes en main. Vous êtes enterrés là-bas, vos hommes meurent. Vous manquez de soldats.

Zelensky : Non, s’il vous plaît, Monsieur le Président.

Donald Trump : Écoutez. Vous manquez de soldats. Ce serait une sacrée bonne chose. Ensuite, vous nous dites : « Je ne veux pas de cessez-le-feu. Je ne veux pas de cessez-le-feu. Je veux partir, et je veux ça. » Écoutez, si vous pouviez obtenir un cessez-le-feu maintenant, je vous le dirais, prenez-le. Pour que les balles cessent de voler et que vos hommes cessent de se faire tuer.

Zelensky : Bien sûr que nous voulons arrêter la guerre.

Trump : Mais vous dites que vous ne voulez pas de cessez-le-feu.

Zelensky : Mais je vous l’ai dit, avec des garanties.

Trump : Je veux un cessez-le-feu, car vous obtiendrez un cessez-le-feu plus rapidement qu’un accord.

Zelensky : Demandez à nos gens ce qu’ils pensent du cessez-le-feu...

Trump : Ce n’était pas avec moi. Ce n’était pas avec moi. C’était avec un type nommé Biden qui n’était pas intelligent. C’était avec Obama.

Zelensky : C’était votre président.

Trump : Excusez-moi. C’était avec Obama, qui vous a donné des draps [sic], et moi je vous ai donné des Javelines [missiles, NdT].

Zelensky : Oui.

Donald Trump : Je vous ai donné des Javelines pour éliminer tous ces chars. Obama vous a donné des draps. En fait, la déclaration est la suivante : Obama a donné des draps et Trump a donné des javelots. Vous devez être plus reconnaissant, car laissez-moi vous dire que vous n’avez pas les cartes en main. Avec nous, vous avez les cartes en main. Mais sans nous, vous n’avez aucune carte.

Ce sera difficile à faire, car les attitudes doivent changer.

Journaliste : Et si la Russie rompt le cessez-le-feu ? Et si la Russie rompt les négociations de paix ? Que faites-vous alors ? Je crois comprendre que la conversation est animée ?

Donald Trump : Que dites-vous ?

Mark Vance : Elle demande : Et si la Russie rompt le cessez-le-feu ?

Donald Trump : Et si quoi que ce soit ? Et si une bombe vous tombait sur la tête maintenant ? OK ? Et s’ils le rompaient ? Je ne sais pas, ils l’ont rompu avec Biden parce que Biden, ils ne l’ont pas respecté. Ils n’ont pas respecté Obama. Ils me respectent. Laissez-moi vous dire que Poutine a traversé un enfer avec moi. Il a traversé une fausse chasse aux sorcières où ils l’ont utilisé et la Russie, la Russie, la Russie, la Russie. Vous avez déjà entendu parler de cette affaire ? C’était bidon. C’était une arnaque bidon de Hunter Biden, Joe Biden. Hillary Clinton, le sournois Adam Schiff. C’était une arnaque démocrate. Et il a dû subir ça. Et il l’a subi. Nous n’avons pas fini dans une guerre. Et il l’a subi. Il a été accusé de toutes ces choses. Il n’avait rien à voir avec ça. Ça venait de la salle de bain de Hunter Biden. Ça venait de la chambre de Hunter Biden. C’était dégoûtant. Et puis ils ont dit : « Oh, l’ordinateur portable de l’enfer a été fabriqué par la Russie. » Les 51 agents. Tout ça n’était qu’une arnaque. Et il a dû supporter ça.

Il a été accusé de toutes ces choses. Tout ce que je peux dire, c’est ceci : il a peut-être rompu des accords avec Obama et Bush, et il les a peut-être rompus avec Biden. C’est vrai. Peut-être. Peut-être que non. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Mais il ne les a pas rompus avec moi. Il veut conclure un accord. Je ne sais pas s’il peut conclure un accord.

Le problème, c’est que je vous ai donné le pouvoir d’être un dur à cuire, et je ne pense pas que vous seriez un dur à cuire sans les États-Unis. Et votre peuple est très courageux.

Vladimir Zelensky : Merci.

Donald Trump : Mais soit vous concluez un accord, soit nous partons. Et si nous partons, vous vous démerderez. Je ne pense pas que ce sera joli, mais vous vous démerderez.

Mais vous n’avez pas les cartes en main. Mais une fois que nous aurons signé cet accord, vous serez dans une bien meilleure position. Mais vous n’agissez pas du tout avec gratitude. Et ce n’est pas gentil. Je vais être honnête. Ce n’est pas gentil.

Très bien. Je pense que nous en avons assez vu. Qu’en pensez-vous ? Ça va être un super moment de télévision. Je vous le dis. Très bien. Nous verrons ce que nous pouvons faire pour mettre ça en place. Merci.