05/05/2024

AMIRA HASS
Les conséquences de l’anonymat confortable accordé à l’armée et aux forces de répression israéliennes

Amira Hass, Haaretz, 27/4/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Italiano:  LE CONSEGUENZE DELLE VIOLENZE ISRAELIANE PROTETTE DALL'ANONIMATO CONCESSO AI MILITARI E AI SERVIZI DI SICUREZZA ISRAELIANI

Lorsque nous marchons dans une rue israélienne, il est probable que, dans l’heure qui suit, nous rencontrerons des dizaines d’Israéliens tout à fait ordinaires qui ont été et sont activement impliqués dans le meurtre de Palestiniens armés et non armés, dans les tirs et les blessures, dans leur dépossession, dans la destruction de leurs maisons, dans l’interrogatoire des détenus palestiniens au moyen de la torture, dans les mauvais traitements infligés à eux et à leurs frères et sœurs aux points de contrôle, dans une rue de Jérusalem ou dans leurs maisons au cours d’un raid nocturne.

Des soldats israéliens avec un chargement de Palestiniens capturés à Shuja’iyya, Gaza, en décembre 2023.  Photo : Moti Milrod

Des Israéliens ordinaires tiraient et tirent, torturaient et torturent, brutalisaient et brutalisent, parfois directement, ou bien ils faisaient et font des ordres, signent des ordres et paient des salaires. Ils ont approuvé lexpulsion de familles de leurs maisons, ainsi que la fourniture généreuse d’eau à des Israéliens au détriment de l’approvisionnement en eau de Palestiniens. Ils ont planifié des routes pratiques qui coupent les communautés palestiniennes les unes des autres. Leurs faits et gestes ne sont pas inscrits sur leur front. Eux-mêmes ne se considèrent pas comme des criminels, des meurtriers, des voleurs.

Les actes de ces centaines de milliers d’Israéliens sont connus, mais ils ne sont pas liés personnellement à leurs auteurs : les soldats et les petits fonctionnaires sont protégés par l’anonymat confortable que leur accorde l’État. Ce n’est que dans des cas exceptionnels que leurs noms sont publiés dans le contexte d’actes spécifiques de violence. Les noms des commandants responsables sont connus du public, mais en Israël, il n’est pas d’usage de leur accoler les étiquettes de criminel, meurtrier, voleur, dépossesseur ou extorqueur.

Il en va de même pour les législateurs qui proposent des lois d’apartheid, ou les chefs d’état-major militaires et les responsables du Shin Bet. Il serait contraire aux conventions sociales et linguistiques d’ajouter ces terribles épithètes au nom d’un fonctionnaire bien connu : cela ne passerait jamais les fourches caudines des rédacteurs en chef d’un média quelconque.

Les gradés subalternes - dont les pilotes de chasse idolâtrés par les Israéliens - sont protégés par le secret institutionnel, profondément ancré dans les lois et usages du pays. Les hauts fonctionnaires bien connus sont protégés parce qu’ils ont fait ce qu’ils ont fait au nom et au service de l’État.

Ainsi, l’ancien chef d’état-major des FDI, Benny Gantz, et l’ancien commandant de l’armée de l’air israélienne, Amir Eshel, étaient persuadés qu’un tribunal civil néerlandais rejetterait une action civile intentée contre eux, demandant des dommages et intérêts pour le meurtre de six membres d’une famille dans le camp de réfugiés d’Al Boureij en 2014.

Ismail Ziada, citoyen néerlandais, avait porté plainte pour le bombardement de la maison familiale et la mort de sa mère de 70 ans, Muftiah, de trois de ses frères, Jamil, Yousef et Omar, de l’épouse de Jamil, Bayan, et de leur fils de 12 ans, Shaban. La Cour suprême des Pays-Bas a confirmé les décisions de deux juridictions inférieures selon lesquelles Gantz et Eshel - les personnes qui ont directement ou indirectement donné l’ordre de bombarder et de tuer une famille à l’intérieur de sa maison - bénéficient d’une « immunité fonctionnelle » qui les protège des poursuites civiles aux Pays-Bas parce qu’ils ne faisaient qu’appliquer la politique du gouvernement israélien.

Une enquête des FDI sur l’incident a conclu que « l’ampleur du préjudice attendu pour les civils à la suite de l’attaque » - c’est-à-dire le meurtre d’une grand-mère, de sa belle-fille et de sa petite-fille – « ne serait pas excessive par rapport à l’important bénéfice militaire attendu » : c’est-à-dire les dommages causés à ce que les avocats des FDI ont affirmé être un centre de commandement militaire, et le meurtre des agents militaires supposés qui se trouvaient dans l’immeuble.

À l’époque, on considérait qu’il était permis de tuer trois civils pour tuer quatre agents militaires supposés. Aujourd’hui, comme nous le montrent le nombre considérable de civils tués lors de chaque frappe aérienne à Gaza et les quelque 15 000 enfants qui y ont été tués jusqu’à présent, ainsi que les enquêtes choquantes de Yuval Avraham pour +972 Magazine, le taux de mortalité que les juristes de Tsahal et l’État autorisent aujourd’hui pour les pilotes et les opérateurs de drones est de 20, 30, 40, voire un quartier entier de civils, pour un seul militant du Hamas.

L’histoire et les juristes ont autorisé les États à recourir à la violence contre leurs propres citoyens et contre d’autres États. Ce sont les États qui accordent l’autorisation et l’immunité à leurs citoyens au sein de la police, de l’armée et des agences de sécurité pour qu’ils utilisent la violence dans le cadre de ce qui est défini comme la défense de la patrie et du peuple. C’est parfois le cas. Mais très souvent, il s’agit de la défense des privilèges des classes supérieures, d’une dictature, du vol institutionnalisé, de l’oppression et de l’abus organisé des minorités.

Les États et leurs juristes ont également déterminé que tous ceux qui utilisent la violence contre eux et leurs élites - c’est-à-dire tous ceux qui résistent violemment à la violence de l’État de quelque manière que ce soit - sont des criminels, des meurtriers, des combattants illégaux. Nous parlons ici de membres de groupes minoritaires, de peuples autochtones devenus minoritaires à la suite de massacres systématiques et de migrations massives, de travailleurs, de migrants, de peuples conquis et déshérités.

Chaque Palestinien naît dans cette injustice inhérente : la violence bureaucratique, militaire et policière à leur encontre, qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes et déplacé des millions d’autres au fil des ans, est légale et n’est donc pas de la violence, mais plutôt de l’autodéfense et de l’héroïsme sublime et noble. En revanche, les actions des Palestiniens - qu’il s’agisse d’une affiche, d’un message sur les médias sociaux, d’une manifestation, d’un jet de pierres ou d’un attentat-suicide - sont définies a priori comme une infraction pénale.

Qui plus est, un Israélien qui ôte la vie de nombreux Palestiniens est un héros vénéré, tandis qu’un Palestinien qui ôte directement ou indirectement la vie d’un Israélien est puni même après sa mort.

Telle est la réalité totalement asymétrique dans laquelle Walid Daqqa est né et dans laquelle il est mort. La soif de vengeance éternelle de l’État et d’un grand nombre de ses citoyens l’a maintenu en prison, où il a développé sa profonde philosophie humaniste. Cette même soif de vengeance envoie à chaque Palestinien le message que la violence israélienne est incurable, même si les juristes ne la considèrent pas comme un crime.

Carlos Latuff

REBECCA RUTH GOULD
Littérature carcérale palestinienne et lutte pour la liberté
Présentation du roman “Les trois principes premiers”de Wissam Rafidi

 Rebecca Ruth Gould, Books Are Our Superpower, 26/4/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Dans son introduction à la traduction anglaise en 2024 de son roman الأقانيم الثلاثة (Les trois principes premiers, publié pour la première fois en arabe en 1998), Wissam Rafidi, ancien prisonnier politique et actuel professeur d'université, cite l'écrivain palestinien emblématique et symbole de la résistance révolutionnaire Ghassan Kanafani. Dans sa nouvelle Retour à Haïfa publiée en 1969, Kanafani écrit : « en dernière analyse, l'homme est une cause ».

Pour les non-initiés à la lutte palestinienne, ces mots peuvent sembler quelque peu énigmatiques. Qu'est-ce que cela signifie exactement de dire que « l'homme » - signifiant ici « l'humain » - est une cause ? Une cause de quoi ? Une cause pour qui ?

La vie de Kanafani, artiste révolutionnaire et créatif - bien connu de tous les écrivains palestiniens - nous indique le sens de ces mots. En affirmant que l'homme est une cause, Kanafani insiste sur le maintien de l'humanisme et de l'humanité, même face à la violence israélienne brutale et à des décennies de colonisation. L'humanité passe toujours en premier : c'est la base de la lutte et sa justification ultime. En citant Kanafani comme son mentor spirituel, Rafidi s'inscrit dans une longue tradition de fiction révolutionnaire, en arabe et au-delà.

Le remarquable roman carcéral de Rafidi est le dernier épisode d'une longue tradition de littérature carcérale palestinienne, qui comprend Walid Daqqa, décédé d'un cancer dans une prison israélienne en avril 2024, Nasser Abu Srour et Mahmud Isa.

La politique de la fiction révolutionnaire

On peut dire que la fiction révolutionnaire est née dans les romans russes du XIXe siècle, tels que Que faire ? de Nikolaï Tchernychevski (1863), et Les possédés (1871-1872) de Fiodor Dostoïevski. La tradition a connu un nouvel essor dans la littérature arabe, avec notamment La neige entre par la fenêtre (1969) de l'écrivain syrien Hanna Mina*.

La fiction révolutionnaire se définit par ses objectifs : comment renverser l'ordre existant de la société contemporaine. Toutes les fictions révolutionnaires ne prônent pas activement la révolution - la critique brutale de l'hypocrisie révolutionnaire par Dostoïevski en est un exemple - mais la fiction révolutionnaire palestinienne le fait certainement.

The Trinity of Fundamentals est une œuvre de fiction révolutionnaire dans le sens où elle a été écrite par un révolutionnaire autoproclamé qui a été emprisonné en raison de ses affiliations politiques. Peut-être plus important encore, il s'agit également d'une œuvre de fiction révolutionnaire parce qu'elle nous aide à imaginer un monde meilleur, fondé sur la conviction que l'humanité est elle-même une cause.

Comment le roman a été écrit et conservé

L'existence de La Trinité des fondamentaux est un miracle en soi. Le roman a été composé entre 1993 et 1995, pendant l'incarcération de Rafidi dans le cam de détention de Ketziot**, dans le désert du Naqab/Néguev (connue par de nombreux Palestiniens sous le nom de Naqab-Ansar 3), alors qu'il rêvait d'être libéré. Afin de dissimuler le manuscrit en cours aux gardiens, les codétenus de Rafidi ont copié des passages du roman en écriture miniature et ont fourré ces extraits dans des capsules de pilules qu'ils ont ensuite fait passer en contrebande dans d'autres prisons.

Le roman a finalement été publié en arabe à Damas en 1998. Il arrive maintenant dans le monde anglophone grâce à 1804 Books et au Mouvement de la jeunesse palestinienne, Mohamed Tutunji ayant rédigé une première version. La traduction se lit bien, même si elle s'écarte par endroits de l'original arabe.

Alors que le manuscrit circulait clandestinement d'une cellule de prison à l'autre, Rafidi, qui languissait dans sa propre cellule, pensait que celui-ci avait été perdu à jamais. En effet, alors qu'il était sur le point d'achever son récit, un gardien a découvert les méthodes utilisées par les prisonniers pour faire passer le manuscrit en contrebande et l'a confisqué.

À l'insu de Rafidi et du gardien israélien, le manuscrit existait en deux exemplaires. Trois codétenus de Rafidi avaient copié le roman sur du papier suffisamment petit pour tenir dans des capsules de médicaments, qui ont ensuite été passées en contrebande dans six prisons, jusqu'à ce que l'auteur découvre en 1996 que le manuscrit qu'il croyait perdu était largement lu par des prisonniers palestiniens.

Fiche d’identité du détenu Wissam Rafidi

Une histoire de vie, de révolution et d'amour

La révolution pour laquelle le protagoniste du roman, Kan'an Subhi, vit et est prêt à mourir est celle du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), une organisation militante à laquelle appartenait Kanafani et que Rafidi a rejointe à l'âge de 16 ans.

Le roman retrace les neuf années (1982-1991) pendant lesquelles Kan'an mène une vie clandestine en Cisjordanie occupée, déménageant de maison en maison pour garder une longueur d'avance sur les autorités militaires israéliennes, qui ont proscrit le FPLP.

La famille de Kan'an lui conseille de sortir de la clandestinité, afin qu'après avoir purgé sa peine, il puisse éventuellement mener une vie normale, mais il a reçu des instructions du FPLP de ne pas se rendre et de ne pas rompre avec la discipline du parti. Les engagements révolutionnaires intransigeants de Kan'an déterminent la structure générale du roman. Pourtant, ses principes politiques coexistent avec un vaste éventail de vies, allant de l'amour passionné à la douleur intense.

En effet, le titre - une traduction plus littérale de l'arabe Al-Aqanim Al-Thalatha serait Les trois hypostases - fait référence aux trois principes que Rafidi considère comme constitutifs du sens de toute chose : la vie, la révolution, l'amour. La tâche de Kan'an, qu'il ne parvient pas à accomplir à la fin du roman, est d'unir ces trois principes en un tout.

Alors que la plupart des ouvrages sur les prisons se concentrent sur l'expérience de l'incarcération, The Trinity of Fundamentals est un roman sur la vie en dehors de la prison, écrit depuis une cellule de prison. L'histoire est racontée à la troisième personne, mais filtrée par le point de vue de Kan'an. Le récit de l'existence clandestine de Kan'an est entrecoupé de digressions historiques éclairantes qui enrichissent considérablement le récit et donnent un aperçu des conditions de la résistance palestinienne tout au long des années 1980.

Entre les explications sur le rôle du FPLP dans la formation de l'activisme étudiant, nous découvrons l'amour de Kan'an pour sa camarade Mouna et les tensions que ses engagements révolutionnaires entraînent dans leur relation. Mouna recherche le bonheur, pas l'action révolutionnaire. Elle est dépeinte de manière quelque peu unidimensionnelle, comme une femme pour qui « l'activité de résistance n'a qu'une influence superficielle, comme du rouge à lèvres ». Au fur et à mesure qu'elle s'efface de sa vie, Mouna devient pour Kan'an un vague souvenir, transformé en « shrapnel d'une image ».

D'autres femmes, comme Hind, son dernier amour avant son emprisonnement, sont encore plus éphémères. Dans la mémoire de Kan'an, Hind est un « éclair qui vous donne le souvenir d'une blessure ». Ces deux femmes sont comparées par le narrateur à des serre-livres qui marquent le début et la fin de son existence clandestine.

Lorsqu'il est capturé par les Israéliens, il consolide « son alliance avec son moi révolutionnaire » et se prépare « à entrer dans la nouvelle phase de confrontation » avec l'État d'Israël, celle d'un prisonnier politique. À travers l'histoire du passage à l'âge adulte d'un prisonnier politique, Rafidi articule un récit central de la littérature carcérale palestinienne. Ce même thème revient dans la fiction d'autres écrivains palestiniens emprisonnés, tels que Walid Daqqa.

Internationalisme palestinien contre domesticité usaméricaine

Comme d'autres romans révolutionnaires, La trinité des fondamentaux est imprégné d'un didactisme sincère. Après tout, il ne s'agit pas seulement de l'histoire d'un individu et de sa quête d'épanouissement personnel ; c'est aussi l'histoire du peuple palestinien dans sa résistance à l'occupation coloniale israélienne. Avec ses longues mais instructives digressions historiques et politiques, The Trinity of Fundamentals a plus en commun avec un roman comme Guerre et Paix ou Que faire ? qu'avec les derniers lauréats du Booker ou du prix Pulitzer.

Je dis cela entièrement dans un esprit de louange. Le sérieux et le didactisme du roman sont en décalage avec la plupart des romans anglophones contemporains, dans lesquels la quête du héros pour la réalisation de soi se déroule dans un monde tourné vers l'intérieur, qui ne tient guère compte des injustices globales.

Une autre qualité qui distingue ce livre de la plupart des romans de langue anglaise est son mélange unique de faits et de fiction. (À cet égard, le roman rappelle celui d'un merveilleux écrivain palestinien de cette plateforme, Ramsey Hanhan 🇵🇸 🌍, auteur de l'autobiographie romancée Fugitive Dreams). Dans l'introduction, Rafidi lui-même décrit La trinité des fondamentaux comme un « roman fictif de la vie clandestine ».

En effet, au milieu du récit, nous avons droit à une histoire de la lecture en prison. Le narrateur nous raconte comment la littérature a « nourri » Kan'an et a également « renforcé sa fibre morale, cultivé son goût pour l'art et la beauté, attisé en lui les flammes de l'inimitié envers les tyrans, stimulé son opposition à toutes les manifestations d'oppression ».

Parmi les romans qui se sont révélés essentiels à l'éducation littéraire de Kan'an, citons La neige entre par la fenêtre (1969), de Hanna Mina, et le classique soviétique Et l’acier fut trempé (1932), de Nikolaï Ostrovsko. Cependant, les œuvres qui inspirent Kan'an ne sont pas toutes ouvertement politiques ; elles comprennent des œuvres de fiction de l'écrivain brésilien Jorge Amado et de l'écrivain saoudien Abderrahmane Mounif.

Bien établi en Russie et dans d'autres traditions littéraires révolutionnaires, le genre de l'autobiographie romancée n'a pas encore réussi à s'imposer en anglais, où l'on préfère généralement que les faits soient étroitement séparés des fictions.

Réunir le personnel et le politique

La séparation de la fiction usaméricaine entre le politique et le personnel se fait à son détriment, comme le montre la comparaison avec les engagements politiques qui animent la fiction palestinienne et arabe. Selon Rafidi, cette séparation du politique et du personnel a conduit à une société dans laquelle « la quête libérale d'enterrer les concepts et les points de départ révolutionnaires, et de semer le doute à leur sujet, a atteint des proportions sans précédent ».

L'évolution de la conscience révolutionnaire de Kan'an au cours de sa vie dans la clandestinité acquiert une acuité particulière dans le contexte du génocide en cours à Gaza. Rafidi nous fait réfléchir sérieusement à ce que signifie se consacrer à une cause et tout sacrifier pour la libération collective.

Comme Kan'an le conseille à Mouna lorsqu'elle met en doute sa lutte révolutionnaire : « Arme-toi de détermination et cela rendra l'impossible possible ». En nous armant de détermination, La Trinité des fondamentaux devient un roman non seulement pour notre époque, mais aussi pour toutes les générations futures. Puisse-t-il nous aider à imaginer collectivement un avenir dans lequel la révolution pour laquelle Kan'an lutte atteindra ses objectifs.

NdT

*Hanna Mina (1924-2018), considéré comme le père du roman arabe moderne, reste un inconnu pour l’édition francophone. Sur ses plus de 40 romans, un seul a été publié en français en 1986, traduit par Abdellatif Laâbi : Soleil en instance.

** La prison de Ketziot, dans le désert du Naqab/Néguev, est le plus grand camp de détention d’Israël et du monde. Ouverte pendant le première Intifada en 1988, elle hébergeait en 1990 6 216 prisonniers palestiniens. Fermée en 1995, elle fut réouverte en avril 2002. En 2010, de nouvelles sections ont été ouvertes pour des immigrants irréguliers érythréens et soudanais. Le camp a fait l’objet de nombreux rapports critiques d’organisations de défense des droits humains. En décembre 2023, une enquête a été ouverte sur 19 gardiens suite à la mort violente sous les coups d’un membre du Fatah détenu, Tair Abu Asab.


 

 

 

 

04/05/2024

PAOLO VERNAGLIONE BERARDI
Israël a détruit le judaïsme

Un court texte de Paolo Vernaglione Berardi explique pourquoi l’alliance entre le sionisme d’État et le fascisme renaissant est en train de détruire l’héritage de la culture juive.

Paolo Vernaglione Berardi, il disertore, 4/5/2024

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

L’auteur est un philosophe et historien italien, auteur, entre autres, de Il sovrano l’altro, la storia; Dopo l’umanesimo. Sfera pubblica e natura umana; Filosofia del comune; Michel Foucault: genealogie del presente; Scritti su Walter Benjamin. Il a fondé en 2016  le laboratoire d’archéologie philosophique, reprenant l’expression par laquelle Giorgio Agamben a désigné le vaste champ de recherche autour des dispositifs de connaissance et des seuils économico-théologiques de l’histoire occidentale. Ce laboratoire nomade réalise des rencontres, des séminaires, des écrits et des textes sur le chemin ouvert par Michel Foucault avec L’archéologie du savoir et parcouru par Enzo Melandri (1926-1993), l’un des grands philosophes oubliés de la seconde moitié du XXe siècle. FB

La propagande occidentale opiniâtre et totalitaire pour la défense d’Israël ne parvient pas à dissimuler le saut dans l’inconnu du gouvernement de Netanyahou, accusé de crimes de guerre, qui, en 7 mois, a détruit la raison historique, discutable mais vraie, de l’identité juive constituée en État-nation.

La guerre génocidaire menée par Israël à Gaza a produit la rupture entre le judaïsme et l’État juif sanctionné en 1917 par la déclaration Balfour. La conséquence tragique de cette rupture est qu’Israël n’a plus rien à voir avec le judaïsme et la culture historico-politique millénaire de l’exode qui, dans la modernité, constituait une alternative à la souveraineté de l’État.

Plus dramatique encore, la fin de la revendication de liberté d’un peuple dispersé en exil permanent, qui a pratiqué pendant des siècles le conflit contre “les chefs des nations”, a engendré en quelques années la fin de la culture messianique qui a nourri une pensée anarchiste et une théorie politique séculaire de lutte contre le Léviathan.


Dès le début de la Torah, c’est en effet l’histoire d’une population qui reçoit sa constitution avant de « devenir une nation ». Dès l’origine, il s’agit de s’affranchir du sens univoque de la loi dans la pluralité des significations. Les tribus, pas l’État. La maison dans le désert, et non le temple fermé. La loi orale, la Mishna, et non la loi positive ; le Talmud, et non les rituels du sang, du feu et de l’expiation. Le silence et la retraite. Le judaïsme est cette forme de vie.

Le sionisme, qui se composait de différentes tendances et qui, dans l’idée originale de Herzl, était le résultat de la libération de Sion, avait pour but une constitution politique qui n’aboutissait pas à l’État-nation, mais à une terre sur laquelle une population pouvait habiter. Mais à partir du moment où le sionisme est devenu une catégorie politique violemment agitée par la droite, représentée au fil des ans au sein des communautés juives, la confusion entre antisionisme et antisémitisme est devenue un prétexte à la réaction armée d’Israël et à la répression des manifestations dans le monde.

Accuser d’antisémitisme toute protestation, toute prise de position contre la guerre et les massacres témoigne de la distance abyssale qui sépare Israël du judaïsme prophétique de la promesse. En effet, ce que la religion d’Abraham désignait comme la primauté du choix était la justification de la constitution tribale d’un peuple luttant contre les empires et les formes politiques de domination. Mais à partir du moment où la politique israélienne a coïncidé avec l’État, l’héritage de la vie communautaire a disparu.

Les racines juives de la modernité ne font plus partie de la tradition d’ouverture (les portes ouvertes de Pessah) dans laquelle, cependant, la coexistence nécessaire avec le peuple palestinien se poursuit, comme en témoignent la littérature et le cinéma [israéliens, NdT] les plus conscients, en exil volontaire depuis des années.

L’histoire des kibboutzim est révélatrice de ce mouvement. Les pionniers anarcho-socialistes de la première immigration, racontés par Gershom Scholem et Gustav Landauer, après avoir formé des associations privées, ont abandonné la vie collective et ont commencé à défendre par tous les moyens les colonies et les terres qui leur avaient été vendues par de riches Arabes. Martin Buber a écrit sur cette mutation, et de ce mouvement émerge la distance entre les revendications libertaires que des générations de révolutionnaires ont recueillies et pratiquées, et qu’aujourd’hui peut-être une minorité cultive en privé, et l’état de guerre permanent entre  Cisjordanie et Gaza.

Dans l’accusation d’antisémitisme se trouve la nouvelle forme de fascisme en vigueur en Occident. Justifier par cette accusation émanant de « démocrates » la « défense d’Israël » après le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre est un signe flagrant qu’il n’y a plus rien de juif dans les démocraties occidentales et que même la racine juive des lumières libérales a été coupée.

Comme Hannah Arendt, nous n’aimons pas un peuple, mais nous continuons à aimer nos ami·es.*

*NdT

Extrait de la réponse d’Hannah Arendt à la critique que Gershom Scholem lui avait adressé à propos de son livre “Eichmann à Jérusalem”, qui lui reprochait son absence d’amour du peuple juif (« Ahabath Israel »)

« Vous avez parfaitement raison : je ne suis pas animée par un tel « amour », et cela pour deux raisons.

De ma vie, je n’ai jamais « aimé » aucun peuple, ni aucune collectivité, ni le peuple allemand, ni le peuple français, ni le peuple américain, ni la classe ouvrière, ni quoi que ce soit de semblable. Je reconnais que je n’aime en effet que mes amis ; et que la seule sorte d’amour que je connaisse et en laquelle je crois est l’amour pour des personnes. De plus, cet « amour des Juifs » m’apparaîtrait, à moi qui suis juive, comme assez suspect. Je ne peux m’aimer moi-même ou aimer quoi que ce soit dont je sache qu’il fait partie de moi. Pour clarifier ce que j’entends par là, j’évoquerai une conversation que j’ai eue en Israël avec une personnalité politique de premier plan qui défendait l’absence de séparation entre la religion et l’État en Israël, une situation qui me paraît désastreuse. Je ne me souviens plus des mots exacts qu’elle employa, mais [elle] dit quelque chose comme :

« Vous comprendrez bien que, en tant que socialiste, je ne crois bien sûr pas en Dieu ; je crois au peuple juif. »

Je fus particulièrement choquée par cette affirmation, ce qui m’empêcha d’y répondre sur le moment. Mais j’aurais pu lui répondre ceci : la grandeur de ce peuple a été autrefois de croire en Dieu, et de croire en Lui de telle manière que sa confiance et son amour pour Lui étaient plus grands que sa peur. Et maintenant ce peuple ne croit plus qu’en lui-même ? Mais qu’est-ce qui pourrait bien sortir de bon de cela ? Eh bien, je n’« aime » pas les Juifs en ce sens-là, et je ne « crois » pas non plus en eux ; je suis l’une des leurs, voilà tout, cela relève de l’évidence, et ne peut prêter à discussion. »

(in Hannah Arendt, film de Margarethe von Trotta, 2012)

 

03/05/2024

FRANCO ‘BIFO’ BERARDI
La fin d’Israël
Lire Amos Oz en temps de génocide

Lisons Amos Oz pour comprendre le monstrueux paradoxe d’Israël, l’État-nation par lequel les Euro-USAméricains ont mis les Juifs en danger de mort.

 Franco “Bifo” Berardi, il disertore, 4/4/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Plus les jours passent, plus Israël avance dans sa campagne d’extermination, plus il s’isole du reste du monde, plus je comprends que le pogrom du 7 octobre*, bien qu’étant, comme un pogrom ne peut que l’être, une action atroce moralement inacceptable, a été un acte politique capable de changer la direction du processus historique. La conséquence immédiate de cet acte a été le déclenchement d’un véritable génocide contre la population de Gaza, mais le génocide se poursuivait de manière rampante depuis 75 ans, dans les territoires occupés, au Liban, en Syrie.

Mais à moyen terme, je crois que l’État colonialiste d’Israël, de plus en plus ouvertement nazi dans son fonctionnement, ne survivra pas longtemps.

Lorsque le contexte est profondément immoral, l’action ne peut être éthiquement acceptable pour être efficace. C’est l’horreur de l’histoire, à laquelle nous ne pouvons échapper qu’en désertant l’histoire.

L’occupation de la terre palestinienne par un avant-poste de l’impérialisme occidental appelé Israël est une condition d’immoralité absolue. Dans ce contexte, aucune action efficace n’est possible si ce n’est immorale.

Je pense que nous nous rendrons bientôt compte qu’Israël n’a rien à voir avec l’histoire du monde juif, qu’il en est même la négation. C’est pourquoi le spectacle génocidaire provoqué par le pogrom du 7 octobre a enclenché une dynamique destinée à faire s’écrouler l’État colonialiste.

La majorité des citoyens de cet État soutient le génocide, cent mille colons ont été armés par l’État colonial pour continuer à étendre l’occupation et l’extermination dans les territoires, et Israël jouit d’une supériorité techno-militaire incontestable.

Néanmoins, la dynamique qui se développe actuellement crée une condition de guerre totale que l’État israélien ne pourra pas soutenir longtemps.

Pour expliquer ce que je veux dire, je cède la parole à celui qui est probablement l’un des plus grands écrivains juifs du XXe siècle, Amos Oz, qui explique d’abord quelle contribution la culture juive a apportée au monde.

« Mon oncle était un Européen conscient à une époque où personne en Europe ne se sentait européen, à part les membres de ma famille et d’autres Juifs comme eux. Tous les autres étaient des patriotes panslaves, pangermaniques ou simplement lituaniens, bulgares, irlandais ou slovaques. Dans les années 1920 et 1930, les seuls Européens étaient les Juifs. Mon père avait l’habitude de dire : en Tchécoslovaquie, il y a trois nationalités, les Tchèques, les Slovaques et les Tchécoslovaques, c’est-à-dire les Juifs. En Yougoslavie, il y a les Serbes, les Croates, les Slovènes et les Monténégrins, mais une poignée de Yougoslaves y vivent aussi, et même avec Staline, il y a les Russes, les Ukrainiens, les Ouzbeks, les Tchétchènes et les Cathares, mais parmi eux, vivent aussi nos frères, membres du peuple soviétique... Aujourd’hui, l’Europe est complètement différente, elle est pleine d’Européens, d’un mur à l’autre. D’ailleurs, l’écriture sur les murs a également changé du tout au tout : lorsque mon père était enfant à Vilna [Vilno/Vilnius], il était écrit sur tous les murs d’Europe : « Juifs, rentrez chez vous, en Palestine ». Cinquante ans ont passé et mon père est revenu pour un voyage en Europe où les murs lui criaient : « Juifs, sortez de Palestine ». (Une histoire d’amour et de ténèbres, version italienne, Feltrinelli, 2004, 86-87).

La culture juive est le fondement de l’universalisme rationaliste, du droit et même de l’internationalisme ouvrier. Lorsque le nationalisme européen, surtout allemand et polonais, mais aussi français et italien, s’est déchaîné contre le corps étranger qu’était la culture universaliste et internationaliste des Juifs, de nombreux Juifs européens ont dû fuir l’Europe pour se réfugier en Palestine, dans les années où le rêve sioniste semblait pouvoir se réaliser dans des conditions pacifiques. Parmi eux, les parents de l’écrivain.

« Bien sûr, nous savions à quel point la vie était dure en Israël : nous savions qu’il faisait très chaud, qu’il y avait des déserts et des marécages, du chômage et des Arabes pauvres dans les villages, mais nous voyions sur la grande carte accrochée dans la salle de classe qu’il n’y avait pas beaucoup d’Arabes sur la terre d’Israël, peut-être en tout un demi-million à l’époque, certainement moins d’un million, et nous étions certains qu’il y avait assez de place pour quelques millions de Juifs, que les Arabes seraient probablement excités contre nous comme les petites gens en Pologne, mais on pouvait leur expliquer qu’ils ne pourraient que bénéficier de nous, économiquement, sanitairement, culturellement et pour tout le reste. Nous pensions qu’en peu de temps - quelques années seulement - les Juifs seraient majoritaires en Israël - et que nous montrerions alors au monde entier comment se comporter de manière exemplaire avec une minorité. C’est ce que nous aurions fait avec les Arabes : nous, qui avions toujours été une minorité opprimée, aurions traité notre minorité arabe avec honnêteté et justice, avec générosité, et nous aurions construit la patrie ensemble, nous aurions tout partagé avec eux, et nous n’en aurions absolument jamais fait des chats. Quel beau rêve ! » (page 240)

C’était le rêve d’une époque où existait une conscience solidaire, égalitaire et internationaliste. Mais la construction de l’État d’Israël contredit complètement cette aspiration, comme Hanna Arendt s’en est rendue compte dès la fin des années 1940 lorsqu’elle a déclaré que le projet de création d’un État sioniste était « un coup mortel porté aux groupes juifs de Palestine qui ont inlassablement plaidé pour la nécessité d’une compréhension entre Arabes et Juifs ».

Après l’Holocauste, après avoir assassiné six millions de Juifs, les peuples européens ont semblé satisfaits lorsque les Juifs ont décidé de partir vers un territoire contrôlé par les Britanniques.

« On peut peut-être se consoler en se disant que si les Arabes ne veulent pas de nous ici, les peuples d’Europe, eux, n’ont pas la moindre envie de nous voir revenir pour repeupler l’Europe. Et le pouvoir des Européens est de toute façon plus fort que celui des Arabes, si bien qu’il y a une certaine probabilité qu’ils nous laissent ici de toute façon, qu’ils forcent les Arabes à digérer ce que ‘l’Europe essaie de vomir’ » (402).

Les Européens ont vomi la communauté juive, dit Amos Oz, ils ont d’abord exterminé puis expulsé ce qui était pourtant la communauté la plus profondément européenne, parce qu’elle incarnait de la manière la plus accomplie les valeurs des Lumières, du rationalisme et du droit, alors que le nationalisme prévalait en Europe. C’est précisément parce que les Juifs n’avaient aucune relation ancestrale avec la terre européenne que leur européanisme était fondé sur la raison et le droit, et non sur l’identité ethnique.

Le sionisme est donc une trahison de la vocation universaliste de la culture juive moderne. Mais pas seulement : le sionisme était aussi l’identification des victimes avec le bourreau nazi, la tentative d’affirmer la nation juive (horrible oxymore) par les mêmes moyens que ceux par lesquels la nation germanique (et européenne) avait exterminé la communauté non nationale des Juifs.

Cet enchevêtrement a maintenant - je crois - atteint son point de crise final. Il se peut que la conjoncture à venir soit encore plus tragique que ce que nous avons vu jusqu’à présent. Mais l’État d’Israël, instrument de la domination euro-usaméricaine sur le Moyen-Orient (et sur le pétrole), ne manquera pas d’exploser bientôt.  

NdT

*Qualifier l’opération Toufan Al Aqsa de « pogrom » me semble relever du non-sens et même du contresens, concession de l’auteur à la doxa occidentale dominante, qui ne fait qu’amplifier la hasbara israélienne. Rappelons que pogrom (« dévastation » en russe) a désigné les émeutes contre des quartiers et des établissements juifs dans l’ancien Empire russe et en Roumanie, entre 1880 et 1920, au cours desquelles une populace, tolérée, encouragée et même encadrée par des milices paramilitaires (les « Cent-Noirs ») et/ou par la police secrète (l’Okhrana), se déchaînait contre les minorités juives désarmées. Le 7 octobre 2023 a, en revanche, vu une force militaire régulière (dotée d’un commandement, d’uniformes et de règles d’engagement) venue d’un territoire soumis à un siège militaire depuis 17 ans attaquer des bases militaires et des kibboutz paramilitaires hébergeant des hommes et des femmes armé·es chargé·es de surveille ce territoire. Il appartiendra à la justice internationale de déterminer si les dommages collatéraux de cette opération relèvent de crimes de guerre, à défaut d’être des « pogroms », une catégorie qui n’a aucune définition juridique. On peut en revanche parler de pogroms pour qualifier certaines attaques de colons juifs armés contre des habitants palestiniens désarmés en Cisjordanie, par exemple à Huwara en février 2023. [FG]

Guerre contre Gaza : le chirurgien palestinien Adnan al-Bursh torturé à mort dans une prison israélienne

Adnan al-Bursh était un chirurgien palestinien et le chef du service de médecine orthopédique de l’hôpital al-Shifa.

Rédaction MEE, 2/5/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Adnan al-Bursh a été arrêté par les forces israéliennes en décembre de l’année dernière (X)

Adnan al-Bursh, chirurgien palestinien et professeur de médecine orthopédique, a été tué sous la torture alors qu’il était détenu par Israël, selon une déclaration de la Société des prisonniers palestiniens.

Dans ce qui a été qualifié d’ « assassinat délibéré », Bursh, 50 ans, est mort dans la prison israélienne d’Ofer, en Cisjordanie occupée, le 19 avril, selon la Commission palestinienne des affaires civiles, et son corps n’a toujours pas été rendu à sa famille.

Un autre détenu, Ismail Abdul Bari Khader, 33 ans, est également décédé en détention, selon la déclaration commune, et son corps a été remis le 2 mai en même temps que 64 autresprisonniers (vivants).

« Les deux victimes sont mortes des suites de tortures et de crimes commis à l’encontre de détenus gazaouis », indique la déclaration.

Al-Bursh était le chef du service de médecine orthopédique de l’hôpital al-Shifa de la ville de Gaza et avait été arrêté en décembre, à peu près au moment où il aurait été blessé par un bombardement israélien à l’hôpital indonésien dans le nord de la bande de Gaza.

Jusqu’à son arrestation, Bursh se rendait régulièrement dans différents hôpitaux de la bande de Gaza pour soigner des patients et, au moment de son arrestation, il travaillait à l’hôpital al-Awda. Plusieurs membres du personnel médical et des patients ont également été arrêtés en même temps que Bursh. 

Francesca Albanese, rapporteuse spéciael des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, s’est déclarée aujourd’hui « extrêmement alarmée » par la mort de cet éminent médecin.

« J’exhorte la communauté diplomatique à prendre des mesures concrètes pour protéger les Palestiniens. Aucun Palestinien n’est en sécurité sous l’occupation israélienne aujourd’hui », a-t-elle écrit dans une déclaration sur X.

Des groupes médicaux, dont l’Organisation mondiale de la santé, ont demandé à plusieurs reprises que cessent les attaques contre le personnel soignant de Gaza. Selon une estimation, plus de 200 soignant·es ont été tué·es à ce jour dans le conflit de Gaza.

Le ministère palestinien de la Santé a déclaré que la mort de M. Bursh portait à 496 le nombre de travailleurs du secteur médical tués par Israël depuis le 7 octobre, date à laquelle la guerre a éclaté. Il a ajouté que 1 500 autres travailleur·ses avaient été blessé·es et 309 arrêté·es.

La guerre d’Israël contre l’enclave de Gaza a tué plus de 34 000 Palestiniens, dont la plupart étaient des femmes et des enfants, rasé des quartiers résidentiels entiers et pris pour cible d’autres infrastructures civiles, notamment des écoles, des hôpitaux, des mosquées et des églises.

Sans précédent

Au terme de six mois de détention administrative renouvelable en avril, Israël a libéré des dizaines de prisonniers palestiniens de plusieurs prisons - des personnes qui avaient été arrêtées à la suite du déclenchement de la guerre contre Gaza le 7 octobre.

Les mauvais traitements subis par les prisonniers sont révélateurs de ce que les groupes de défense des droits ont qualifié de niveau d’abus sans précédent dans les prisons israéliennes, comme l’a rapporté Middle East Eye à la fin du mois dernier.

Les associations de prisonniers palestiniens affirment que l’armée israélienne a arrêté plus de 8 000 Palestiniens en Cisjordanie depuis le 7 octobre, dont 280 femmes et au moins 540 enfants.

Les groupes de défense des droits ont fait état de mauvais traitements généralisés, et l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNWRA) a publié la semaine dernière un rapport décrivant, entre autres, des détenus à qui l’on a uriné dessus et que l’on a obligés à se comporter comme des animaux, ainsi que des enfants attaqués par des chiens.

Le traitement des prisonniers palestiniens ayant fait l’objet d’un black-out total, les groupes de défense des droits se sont appuyés sur les témoignages des personnes libérées pour documenter les mauvais traitements qui leur ont été infligés.

Les témoignages des prisonniers palestiniens ont horrifié leurs familles et les familles de ceux qui ont des proches encore en prison.

On estime qu’au moins 18 prisonniers palestiniens sont morts depuis le 7 octobre.