17/02/2022

REINALDO SPITALETTA
Cinq prostituées et un anarchiste
Il y a un siècle, dans la Patagonie rebelle

 

Avec le massacre des travailleurs en Patagonie à la fin de l'année 1921, où 1 500 travailleurs agricoles ont été fusillés par l'armée, il s'est produit ce qui s'est produit plus tard avec le massacre des travailleurs de la banane à Ciénaga, dans le Magdalena colombien, en 1928, qui, selon les positions idéologiques plutôt que selon les documents et autres témoignages, ne fit que neuf victimes et non  mille ou plus, comme la légation usaméricaine à Bogota l'a reconnu à l'époque.

Lorsqu'il s'agit de travailleurs, il semble que cela ne fasse aucune différence que ce soient quelques-uns ou des centaines d'entre eux qui aient été massacrés. Ils étaient sûrement des communistes, dira-t-on. Ou des anarchistes. Et ils l'ont même mérité, diront les bourreaux. C'est ainsi que l'histoire, les contextes et les manifestations contre l'injustice sont niés. Et ceux qui sont au pouvoir font tout leur possible pour effacer de la mémoire des événements aussi horribles, des crimes contre l'humanité, comme on les a appelés plus récemment.

Dans le sud de l'Argentine, à Santa Cruz, les ouvriers ruraux de Patagonie, à la fin de l'année 1920, se sont mis en grève pour exiger des éleveurs un jour de repos par semaine, un endroit propre pour dormir et un paquet de bougies. Ce n'était pas grand-chose, mais les éleveurs se sont opposés et, de plus, ont renié les accords. Quelques années plus tard, les travailleurs se sont soulevés, puis l'armée est apparue, commandée par le colonel Héctor Benigno Varela. Et c'est ainsi qu'a commencé une histoire d'horreur, mais aussi de démonstration de dignité de la part de cinq prostituées de Puerto San Julián.


Varela a lancé les pelotons d'exécution en masse, sans procès. L'objectif était de punir les travailleurs (presque tous des tondeurs et des cardeurs de laine), de les passer par les armes, de les qualifier de hors-la-loi, d'insurgés et de bandits. Et ainsi, en divers endroits, les exécutions étaient un pain quotidien dur et amer. Au début de l'année 1922, après avoir perpétré le massacre, que le gouvernement appelle "pacification", Varela veut récompenser ses soldats par un prix en nature, comme une libération de leur libido refoulée.

Les soldats font la queue devant un bordel. On ne leur ouvre pas la porte. Soudain, la propriétaire, Paulina Rovira, sort et annonce que les demoiselles refusent de les servir. "C'est de la trahison", lui dit le sous-officier, et la foule tente de forcer l'entrée, quand, à ce moment-là, les cinq "élèves" surgissent, armées de balais et de bâtons, et les réprimandent : "assassins", "ordures", "on ne couche pas avec les assassins !".

Cette réaction inattendue a coupé le souffle aux soldats (et leur a ôté toute envie de s'envoyer en l'air), paralysés par les hijueputazos ["fils de putes"], les crachats, les balais et les "insultes obscènes typiques des bonnes femmes", selon un rapport de police. Cette démonstration de courage et de dignité des prostituées sera racontée, entre autres, par le romancier David Viñas et l'historien et écrivain Osvaldo Bayer, ce dernier dans son impressionnant livre La Patagonie rebelle.

Il y a un siècle, le 17 février 1922, cinq femmes courageuses, prostituées de profession, du bordel La Catalana, ont posé un acte audacieux de rejet du massacre des travailleurs. Face au silence et à la peur générale de la population, elles ont affronté les auteurs de l'un des massacres les plus atroces d'Argentine et de l'histoire du mouvement ouvrier. Les autres viendront des années plus tard, avec la dictature militaire de Videla et compagnie.

Consuelo García, Ángela Fortunato, Amalia Rodríguez, María Juliache et Maud Foster sont les cinq héroïnes de San Julián, sauvées de l'oubli par les recherches et les enquêtes d'Osvaldo Bayer. L'autre héros de cette histoire singulière est Kurt Wilckens, un anarchiste allemand de tendance tolstoïenne qui, le 27 janvier 1923, prend sa revanche en tuant le lieutenant-colonel Varela avec une bombe à percussion et un revolver Colt dans une rue du quartier Palermo à Buenos Aires.

Varela, comme le raconte Bayer dans son livre, "obligeait les travailleurs à creuser leurs tombes, puis les forçait à se déshabiller et les abattait. Il a fait battre les chefs des travailleurs et les a mis au tapis avant de donner l'ordre de les abattre de quatre balles". En Patagonie, consacrée par les latifundistes aux moutons (l'un d'entre eux, Mauricio Braun, est parvenu à posséder la superficie astronomique de 1 376 160 hectares de terres, avec des moutons), les ouvriers étaient soumis à des journées d'exploitation sans pitié.


 Wilckens, un anar pacifiste, abstinent et végétarien, décide de se faire justice lui-même face à la "violence d'en haut". Il n'avait aucun parent parmi les personnes abattues. Il ne connaissait pas la Patagonie (le Grand Sud argentin) et croyait seulement qu'il allait accomplir "un acte de justice individuel". Lorsqu'il atteint son but, dans une attaque cinématographique au cours de laquelle il est gravement blessé, il déclare : "J'ai vengé mes frères".


Cinq prostituées (quatre argentines et une espagnole) et un anarchiste allemand sont entrés dans l'histoire (enfin, disons que des gens comme Bayer et d'autres les ont sauvé·es de l'oubli officiel) des luttes contre l'injustice et l'exploitation.

16/02/2022

REINALDO SPITALETTA
Cinco prostitutas y un anarquista

Con la matanza de obreros en la Patagonia a fines de 1921, cuando fueron fusilados por el ejército mil quinientos trabajadores agrarios, pasó como sucedió después con la masacre de las bananeras, en Ciénaga, Magdalena, en 1928, que, según las posiciones ideológicas y no los documentos y otros testimonios, fueron solo nueve y no un millar o más, como lo reconoció en su momento la Legación de EE.UU. en Bogotá.

 Cuando se trata de trabajadores, parece dar lo mismo que sean unos cuántos o centenares de ellos los masacrados. Seguro eran comunistas, dirán. O anarquistas. Y hasta se lo merecían, acotarán los verdugos. Así se niegan la historia, los contextos, las manifestaciones contra las injusticias. Y desde el poder se hace lo posible por borrar de la memoria tales acontecimientos de espanto, crímenes de lesa humanidad, como se han catalogado en tiempos más recientes.

En el sur de la Argentina, en Santa Cruz, los peones rurales de la Patagonia, a fines de 1920, declararon una huelga para reclamar a los estancieros un día de descanso a la semana, tener un lugar limpio donde dormir y un paquete de velas. No era gran cosa, pero los hacendados se opusieron y, además, incumplieron acuerdos. Un años después, los trabajadores se levantaron y entonces apareció el ejército, comandado por el coronel Héctor Benigno Varela. Y ahí comenzó una historia de horror, pero, a su vez, de demostraciones de dignidad por parte de cinco prostitutas del Puerto San Julián.


Varela inició los fusilamientos a granel, sin fórmula de juicio. Se trataba de escarmentar a los trabajadores (casi todos esquiladores y cardadores de lana), de pasarlos por las armas, de calificarlos de forajidos, insurrectos y bandoleros. Y así, por distintos predios, los fusilamientos fueron un pan duro y amargo de cada día. A comienzos de 1922, tras cumplir con la masacre, a la que el gobierno llamó “pacificación”, Varela quiso galardonar a sus soldados con un premio en especie, en desfogue para su libido reprimida.

En un burdel la soldadesca hizo la fila. No les abrieron. Y de pronto, salió la dueña, Paulina Rovira, y les anunció que las damiselas se negaban a atenderlos. “Eso es traición a la patria”, le dijo el suboficial al mando, y una patota intentó meterse a la fuerza, cuando, en esas, emergieron las cinco “pupilas”, armadas de escobas y palos, y los increparon: “¡asesinos!”, “¡porquerías!”, “¡con asesinos no nos acostamos!”.

La inesperada reacción dejó sin aliento (y sin ganas de un polvazo) a los soldados, que se paralizaron ante los hijueputazos, los escupitajos, los escobazos y los “insultos obscenos propios de mujerzuelas”, según se consignó en un informe policial. Esta muestra de coraje y dignidad de las prostitutas, la va a narrar, entre otros, el novelista David Viñas y el historiador y escritor Osvaldo Bayer, este en su impresionante libro La Patagonia rebelde.

Hace un siglo, el 17 de febrero de 1922, ocurrió el atrevido acto de rechazo a la masacre obrera por parte de cinco valientes mujeres, putas de profesión, del prostíbulo La Catalana, que, ante el silencio y el miedo general de la población, enfrentaron a los autores de una de las más atroces matanzas de la Argentina y de la historia del movimiento obrero. Las otras llegarían años después, con la dictadura militar de Videla y compañía.

 

Consuelo García, Ángela Fortunato, Amalia Rodríguez, María Juliache y Maud Foster eran las cinco heroínas de San Julián, rescatadas de la desmemoria por las pesquisas e investigaciones de Osvaldo Bayer. El otro héroe de esta singular historia fue Kurt Wilckens, anarquista alemán de tendencia tolstoiana, quien, el 27 de enero de 1923, tomó venganza por mano propia al ultimar con una bomba de percusión y un revólver Colt al teniente coronel Varela en una calle del barrio Palermo, de Buenos Aires.

Varela, como lo cuenta Bayer en su libro, a los trabajadores “les hacía cavar las tumbas, luego los obligaba a desnudarse y los fusilaba. A los dirigentes obreros los mandaba apalear y sablear antes de dar la orden de pegarles cuatro tiros”. En la Patagonia, dedicada por los latifundistas a las ovejas (uno solo de ellos, Mauricio Braun, llegó a tener la astronómica cantidad de 1′376.160 hectáreas de tierra, con ganado lanar), los peones eran sometidos a jornadas de explotación inmisericorde.

 Wilckens, un anarco que además era un pacifista, abstemio y vegetariano, se decidió a tomar justicia por mano propia ante “la violencia de arriba”. No tenía parientes entre los fusilados. No conocía la Patagonia (el Far South argentino) y solo creía que iba a cumplir “un acto individual justiciero”. Cuando alcanzó su cometido, en un atentado cinematográfico, del que además salió mal herido, declaró: “He vengado a mis hermanos”.


 Cinco prostitutas (cuatro argentinas y una española) y un anarquista alemán pasaron a la historia (bueno, digamos que gente como Bayer y otros los rescataron del olvido oficial) de las luchas contra la injusticia y la explotación.

13/02/2022

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Tlaxcala, 13/2/2022

La scène se passe à Elx/Elche, dans la province d’Alicante, dans l’Espagne profonde, dans une famille de paysans : papa, maman et deux garçons, de 15 et 10 ans. Mardi dernier, l’adolescent rentre de l’école avec des mauvaises notes. Sa mère décide de lui supprimer la connexion internet pour le punir et qu’il consacre plus de temps à ses devoirs. Le garçon saisit un fusil de chasse et abat la maman. Puis il tire sur le petit frère. Quand le père rentre à la maison, il le tue à son tour. Puis il cache les corps dans la remise à outils. Les jours passent. Le vendredi, une voisine demande au garçon où sont ses parents, qu’elle n’a pas vus depuis 4 jours. Le garçon répond tranquillement : « Je les ai tués ». La voisine alerte la police qui interpelle le garçon. Les policiers qui ont recueilli sa déposition ont souligné « son sang-froid », sa sérénité « inhabituelle » et le fait qu'il n'ait exprimé « aucun remords ». La morale de cette histoire : parents, avant de couper la connexion à vos enfants, vérifiez qu’il n’y a aucune arme qui traîne dans les environs.

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Tlaxcala, 4/2/2022

« Mao, réveille-toi ! Ils sont devenus fous ! » : c’est le seul cri qu’on peut pousser en entendant les nouvelles de Beijing, où s’ouvrent les Jeux Olympiques. On apprend que, dans cette zone aride, disposant de très peu de ressources hydriques durables, on est en train de déverser des quantités kolossales d’eau et de neige artificielle pour faire ressembler la région à la Suisse en décembre. Quoiqu’on pense du système de pouvoir chinois, on ne peut qu’être affligé et révolté par cette folie pharaonique du XXIème. Siècle. Allez, camarade Xi, encore un effort pour méditer cette phrase du Président Mao : « Gardez-vous d'être orgueilleux. C'est une question de principe pour tous les dirigeants, et c'est aussi une condition importante pour le maintien de l'unité. Même ceux qui n'ont pas commis de faute grave et qui ont obtenu de grands succès dans leur travail ne doivent pas être orgueilleux. »

“¡Mao, despierta! ¡Se han vuelto locos!”. Este es el único grito que se puede lanzar al escuchar las noticias de Pekín, donde se inauguran los Juegos Olímpicos. Nos enteramos de que en esta zona árida, con muy pocos recursos hídricos sostenibles, se vierten kolosales cantidades de agua y nieve artificial para que la región parezca Suiza en diciembre. Independientemente de lo que uno piense del sistema de poder chino, no puede sino sentirse angustiado y revuelto por esta locura faraónica del siglo XXI. Vamos, camarada Xi, haz otro esfuerzo para meditar esta frase del presidente Mao: “Cuidado con ser orgulloso. Esto es una cuestión de principios para todos los líderes, y también es una condición importante para mantener la unidad. Incluso aquellos que no han cometido una falta grave y que han logrado un gran éxito en su trabajo no deben sentirse orgullosos”.

“Mao, wake up! They have gone mad!” This is the only cry you can utter when you hear the news from Beijing, where the Olympic Games are opening. We learn that in this arid area, with very few sustainable water resources, kolossal amounts of water and artificial snow are being poured to make the region look like Switzerland in December. Whatever one thinks of the Chinese power system, one can only be distressed and revolted by this pharaonic madness of the 21st century. Come on, Comrade Xi, make another effort to meditate on Chairman Mao's phrase: “Beware of pride. This is a matter of principle for all leaders, and it is also an important condition for maintaining unity. Even those who have not committed a serious fault and have achieved great success in their work should not be proud.”

„Mao, erwache! Sie sind verrückt geworden!“ ist der einzige Schrei, den man ausstoßen kann, wenn man die Nachrichten aus Peking hört, wo die Olympischen Spiele eröffnet werden. Man erfährt, dass in diesem trockenen Gebiet, das nur über sehr wenige nachhaltige Wasserressourcen verfügt, kolossale Mengen an Wasser und Kunstschnee verklappt werden, um die Region wie die Schweiz im Dezember aussehen zu lassen. Was auch immer man vom chinesischen Machtsystem halten mag, man kann nicht anders, als über diesen pharaonischen Wahnsinn des 21. Jahrhunderts betrübt und empört zu sein. Ach komm, Genosse Xi, bemühe Dich noch einmal, über den Satz des Vorsitzenden Mao nachzudenken: „Hütet Euch davor, hochmütig zu sein. Dies ist eine Grundsatzfrage für alle leitenden Personen und auch eine wichtige Voraussetzung für die Aufrechterhaltung der Einheit. Auch diejenigen, die keine schweren Fehler begangen und große Erfolge in ihrer Arbeit erzielt haben, dürfen nicht hochmütig sein“.

ALEXIS OKEOWO
Les portraits de Somalien·nes en exil dans la poésie pop de Warsan Shire

Alexis Okeowo, The New Yorker, 14/2/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Dans son nouveau recueil, la poétesse mêle vers et reportages pour faire entendre les voix de la diaspora somalienne.

Les « hymnes à la résilience » de Shire ont commencé sur Tumblr, où elle est devenue une star. Photographie de Tracy Nguyen pour The New Yorker

Par une journée humide à Londres, vers 2013, la poétesse Warsan Shire a branché un magnéto tandis que son oncle parlait de sa jeunesse en Somalie, de sa vie de réfugié et de son addiction au khat, un stimulant aux feuilles amères. Shire, qui a trente-trois ans, des boucles sombres et un front haut, s'est assise avec lui dans sa chambre d'une pension de famille du nord-ouest de Londres, où vivent plusieurs hommes immigrés. Son oncle avait perdu la plupart de ses dents à cause de son addiction au khat. « Quand vous mâchez du khat, vous ne dormez pas, ça vous empêche de dormir », m'a dit Shire récemment. « Je lui ai demandé ce que ça faisait de faire ça ». Il lui a répondu : « Quand tu es défoncé, c'est comme si tu construisais, avec tes mots et tes rêves, ces tours massives de ce que tu vas faire demain, comment tu vas arranger ta vie. Et puis le soleil se lève, et les tours ont été renversées. Et vous faites ça tous les jours et vous n'arrivez jamais à rien, parce que vous vous mentez constamment à vous-même ».

Lorsque son oncle était adolescent, il a obtenu une bourse pour étudier à l'étranger ; les membres de sa famille parlaient de lui comme d'un garçon très prometteur. Mais lorsqu'une guerre civile a éclaté en Somalie, au début des années 90, il a perdu sa bourse. Il a émigré en Angleterre, mais ne s'est jamais marié ni n'a eu d'enfants. Les parents de Shire étaient également partis en Angleterre en tant que réfugiés de Somalie, et au fil des ans, elle a souvent parlé avec son oncle de son passé. Dans la pension, en sirotant du qaxwo (café somalien, épicé à la cannelle et à la cardamome), il lui a dit qu'il avait l'impression d'avoir « raté sa vie » et d'être « maudit par la guerre ».

Une grande partie de la poésie de Shire s'est concentrée sur les expériences des femmes immigrées. Ces dernières années, cependant, elle est devenue plus curieuse de la vie intérieure des hommes de sa famille. « Il y a toujours eu cette chose que je trouvais particulièrement triste chez certains des hommes autour desquels j'ai grandi », m'a-t-elle dit. « Ils portaient ces costumes, qui étaient un peu trop grands et qui pendaient sur les poignets, et ils avaient l'air de petits garçons qui jouent à se déguiser pour aller à un entretien d'embauche auquel ils ne seront jamais acceptés. Quelque chose dans tout cela m'a fait penser à la futilité de leur vie dans ce nouveau monde. Ils n'ont leur place nulle part ». Le premier recueil complet de Shire, « Bless the Daughter Raised by a Voice in Her Head » [Bénissez la fille élevée par une voix dans sa tête], sortira en mars. Dans un poème, « My Loneliness Is Killing Me » [Ma solitude me tue], elle décrit sa rencontre avec son oncle à la pension de famille, alors que de la musique pop somalienne est diffusée en fond sonore : « De la vapeur s'élève du qaxwo amer de larmes, soigneusement / roulant du tabac de la même couleur que ses mains / Il chante en même temps. Seul cette fois, seul à chaque fois ». Vers la fin de la visite, son oncle lui dit : « Ma fille, sois plus forte que la solitude que ce monde va te présenter ». Shire cite cette phrase dans la dernière strophe de son poème, et elle a inspiré le titre. « Tous ces hymnes à la résilience », m'a-t-elle dit. « J'ai juste pensé, ce sont les chansons pour le réfugié ».

Shire fait partie d'une génération de jeunes poètes qui ont attiré un large public en publiant initialement leur poésie sur la toile. Elle s'est d'abord fait connaître grâce à Tumblr, et compte aujourd'hui quatre-vingt mille adeptes sur Twitter, et cinquante-sept mille autres sur Instagram, des chiffres plus proches de ceux de la star d'une série FX que de ceux d'une poétesse. Elisa Ronzheimer, spécialiste de littérature à l'université de Bielefeld, en Allemagne, m'a dit que la poésie de Shire produit « quelque chose de valeur dans ce terrain intermédiaire qui n'est pas super hermétique, mais qui n'est pas non plus ce que je considère comme de la culture pop ».  Shire est surtout connuE pour avoir collaboré avec Beyoncé, en 2016, sur « Lemonade », un album visuel dans lequel la musique de la chanteuse est entrecoupée de la poésie de Shire. Le poète Terrance Hayes m'a dit : « Shire possède une manière féroce de dire la vérité féroce à la Sylvia Plath ». Hayes enseigne à l'université de New York, et il est frappé par le nombre de ses étudiants qui sont des inconditionnels de l’œuvre de Shire. « Elle ne touche pas seulement des gens qui suivent Beyoncé », dit-il. « Ce sont aussi des gens qui veulent devenir poètes et qui étudient ce qu'elle fait ».

11/02/2022

GIDEON LEVY
Israël maintient en prison Amal Nakhleh, un adolescent palestinien atteint d'une maladie rare. Il n'y a pas de procès en vue

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz, 11/2/2022
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Deux juges militaires israéliens ont ordonné la libération d'Amal Nakhleh, mais le système prédateur qui les dépasse a insisté pour le maintenir en prison.

Amal Nakhleh et son père Mouammar, en des temps meilleurs

 Qu'est-ce que le service de sécurité Shin Bet et les Forces de défense israéliennes ont contre un adolescent au lycée, dont le père dit qu'il ne connaît pas la différence entre l'idéologie et la biologie, qui souffre d'une maladie auto-immune rare et qui, en 2020, a subi une opération chirurgicale pour retirer une tumeur de sa poitrine ? Pourquoi l'emprisonnent-ils à répétition, sans procès, sans acte d'accusation, sans tenir compte de son âge ou de sa santé ?

Personne ne sait quels sont les soupçons qui pèsent sur Amal Nakhleh, qui était en 11e année au moment de sa première et de sa deuxième arrestation, dont le père est le directeur général d'une société de radiodiffusion à Ramallah et dont la mère est gynécologue dans le camp de réfugiés de Jalazone, près de cette même ville. Personne ne sait combien de temps l'adolescent restera en prison - apparemment pour avoir jeté des pierres. Deux juges militaires israéliens ont déjà ordonné sa libération après avoir examiné les informations relatives à la sécurité dans son cas, mais le système prédateur qui les dépasse a insisté pour le maintenir en prison et, à cette fin, a émis un ordre de détention administrative - incarcération sans procès, arbitraire et inconstitutionnelle - qui est renouvelé tous les quelques mois. Cela s'est produit à plusieurs reprises jusqu'à présent, et la fin ne se profile pas nécessairement à l'horizon.

Comme si sa maladie et l'opération qu'il a subie ne suffisaient pas, la semaine dernière, Nakhleh est également tombé malade du COVID-19 et a été emmené à l'hôpital de la prison de Ramle. Il ne peut pas être vacciné, en raison de sa maladie auto-immune. Il a été renvoyé dans sa cellule en début de semaine.

Amal aura 18 ans la semaine prochaine. Sa détention administrative actuelle doit prendre fin à la mi-mai, mais elle pourrait être à nouveau prolongée. Son père, qui réside à Ramallah, est à la tête du réseau médiatique Wattan, qui emploie une centaine de journalistes. Au siège de l'organisation, situé dans une tour de bureaux au cœur de la ville, le personnel était occupé cette semaine à préparer une campagne en faveur de la solution d'un seul État. Par le passé, les Forces de défense israéliennes ont fait plusieurs fois irruption dans les bureaux et les studios de l'entreprise - la dernière fois en 2012 - emportant du matériel qui n'a jamais été restitué.

Mouammar Nakhleh, 50 ans, journaliste, avocat et militant de gauche, a deux enfants. Osama, qui a maintenant presque 19 ans, a été arrêté pour la première fois à l'âge de 13 ans et a passé deux ans de sa vie derrière les barreaux. Amal est maintenant incarcéré depuis 14 mois au total. Leurs parents sont divorcés, et les fils partagent leur temps entre leur mère, Iman, à Jalazone, et leur père, à Ramallah.

Amal Nakhleh

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Les pinocchios de la politique yankee


Sergio Rodríguez Gelfenstein, 9/2/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Je m'excuse auprès des lecteurs d’insister sur le sujet, mais lorsque la paix mondiale et l'impératif d'empêcher une guerre insensée sont en jeu, nous devons tous fournir un effort pour contribuer à ces objectifs. C'est pourquoi, pour la troisième semaine consécutive, je reviens sur cette question. Cette fois, je l'aborderai sous l'angle de la manière dont les mensonges sont fabriqués par la collusion entre les gouvernements occidentaux et les médias transnationaux.


La semaine dernière, le ministère usaméricain de la Défense a déclassifié une vidéo de l'attentat suicide perpétré par l'État islamique (EI) le 26 août 2021 à l'une des entrées de l'aéroport international de Kaboul, faisant des centaines de victimes. L'enquête sur l'attentat a conclu que, contrairement aux rapports initiaux, il ne s'agissait pas d'une attaque de haute technologie organisée et structurée par des terroristes de Daech qui, après l'explosion, ont apparemment tiré sur la foule rassemblée à l'aéroport pour tenter de quitter le pays après l'arrivée au pouvoir des talibans. En réalité, un kamikaze a fait exploser « un seul engin explosif », selon le général Frank McKenzie, chef du commandement central usaméricain.

Cependant, la reconnaissance que les informations fournies étaient fausses ne cache pas le fait qu'affirmer n'importe quoi sans responsabilité, monter des campagnes médiatiques, mobiliser l'opinion publique et même prendre des décisions étatiques sur la base de ces « erreurs » est devenu une pratique courante en Occident. En arrière-plan, il est clair que tout est valable - y compris les mensonges, la stupidité et la tromperie - lorsqu'il s'agit d'atteindre les objectifs souhaités.



Presque en même temps que ce mensonge aberrant était dévoilé, lors d'une conférence de presse le 4 février, le journaliste de l'Associated Press Matt Lee a mis le porte-parole du Département d'État Ned Price au pied du mur en exigeant qu'il présente des preuves de l' « attaque imminente » que la Russie préparait contre l'Ukraine, d'autant plus qu'il justifiait le fait de ne pas présenter de preuves ou de sources en supposant que les informations avaient été obtenues par des agences de renseignement.

L'exposé « hollywoodien » de Mister Price n'a pas convaincu Mister Lee, journaliste vétéran chevronné, qui lui a demandé de présenter des preuves concernant les actions sous faux drapeau que la Russie organisait et la grave accusation portée contre elle. Au malaise apparent de Price, qui semblait être pris en flagrant délit de mensonge, Lee a répété les questions. M. Price a cherché à rassurer le journaliste en affirmant qu'il s'agissait d'informations connues du gouvernement usaméricain, les qualifiant d' « informations de renseignement que nous avons déclassifiées ». Le dialogue qui a suivi mérite d'être cité textuellement :

Matt Lee : Eh bien, où est-elle ? Où est cette information ? 

Ned Price : Ce sont des renseignements que nous avons déclassifiés.

Matt Lee : Mais où sont-elles ? Où sont les informations déclassifiées ?

Ned Price : Je viens de le remettre.

Matt Lee : Non, vous avez fait une série d'accusations...

Ned Price : Qu’est-ce que tu veux, Matt ?

Matt Lee : Je veux voir des preuves que je peux montrer afin de confirmer que les Russes ont fait cela.

Ned Price : Tu fais ça depuis...

Matt Lee : C'est vrai, je fais ça depuis longtemps... Je me souviens des ADM [armes de destruction massive] en Irak, et je me souviens que Kaboul n'allait pas s'effondrer... Je me souviens de beaucoup de choses. Alors où sont les informations, autres que les déclarations que tu as faites ?

 


Jen Psakinocchio

SERGIO RODRÍGUEZ GELFENSTEIN
Los “pinochos” de la política de Estados Unidos

Sergio Rodríguez Gelfenstein, 9-2-2022

Pido disculpas a los lectores por insistir en el tema, pero cuando está en juego la paz mundial y la imperiosa necesidad de impedir una guerra absurda, todos tenemos que hacer un esfuerzo por aportar a tales objetivos. Por esa razón, por tercera semana seguida, insisto en el tema. Esta vez lo abordaremos desde la perspectiva de cómo se fabrica la mentira a partir del contubernio entre gobiernos occidentales y medios transnacionales de comunicación.

La semana pasada, el  Departamento de Defensa de Estados Unidos desclasificó un video del atentado suicida perpetrado por el Estado Islámico (EI) el 26 de agosto del año 2021 en uno de los accesos al Aeropuerto Internacional de Kabul causando cientos de víctimas. La investigación realizada al respecto concluye en que contrariamente a lo que se informó en un primer momento, no se trató de un atentado organizado y estructurado con alta tecnología por terroristas del EI, los que aparentemente después de la explosión, habrían disparado a la muchedumbre que se concentraba en el aeropuerto para intentar abandonar el país tras la llegada de los talibanes al poder. En realidad lo que ocurrió fue que un terrorista suicida hizo detonar "un único artefacto explosivo", según informó el jefe del Mando Central de Estados Unidos general Frank McKenzie.

No obstante, el reconocimiento de que la información entregada era falsa, no oculta que afirmar cualquier cosa sin responsabilidad alguna, construir campañas mediáticas, movilizar a la opinión pública e incluso tomar decisiones de Estado a partir de esos “errores”, se ha ido transformando en práctica cotidiana en Occidente. En el trasfondo, se hace patente que todo resulta válido - incluyendo la mentira, la estulticia y el engaño- cuando se trata de obtener los objetivos deseados,

Casi al mismo tiempo en que se develaba esta aberrante mentira, durante una rueda de prensa el pasado 4 de febrero, el periodista de Associated Press, Matt Lee puso en duros aprietos al portavoz del Departamento de Estado Ned Price al requerirle la presentación de pruebas sobre el “inminente ataque” que estaría preparando Rusia contra Ucrania, sobre todo cuando tras ello se justifica la no presentación de evidencias ni fuentes tras la suposición de que la información es obtenida por agencias de inteligencia.

La “hollywoodense” exposición de Price no convenció a Lee, un veterano periodista con larga experiencia quien le pidió que presentara evidencias acerca de las acciones de falsa bandera que estaría organizando Rusia y la grave acusación que se le estaba haciendo. Ante la ostensible incomodad de Price que pareció verse descubierto en una mentira, Lee reiteró las preguntas. Price quiso conformar al periodista diciéndole que esa era información conocida por el gobierno estadounidense, la llamó “información de inteligencia que hemos desclasificado”. Vale la pena referir textualmente el diálogo que se produjo a continuación:

Matt Lee: Bueno, ¿pues dónde está ella? ¿Dónde está esta información?

Ned Price: Es información de inteligencia que hemos desclasificado.

Matt Lee: Pero ¿dónde está? ¿Dónde está la información desclasificada?

Ned Price: Acabo de entregarla.

Matt Lee: No, usted presentó una serie de acusaciones…

Ned Price: ¿Qué quiere usted, Matt?

Matt Lee: Quiero ver un poco de evidencia que pueda mostrar a fin de confirmar que los rusos han estado haciendo esto.

Ned Price: Usted ha estado haciendo esto durante…

Matt Lee: Es cierto, he estado haciendo esto durante mucho tiempo…Yo recuerdo las ADM [armas de destrucción masiva] en Irak, y recuerdo que Kabul no iba a derrumbarse…Yo recuerdo muchas cosas. Por eso, ¿dónde está la información, aparte de afirmaciones expresadas por usted?

Price fue descubierto en su mentira que quedó patentizada ante la opinión pública por más intentos que se haga por ocultarlos. Él y Jen Psaki, vocera de la Casa Blanca son los patrañeros oficiales del gobierno de Estados Unidos, hacen el mismo papel que Joseph Goebbels en la Alemania nazi. En uno y otro gobierno se organizaron máquinas de propaganda a fin de confundir a la opinión pública, crear falsas imágenes de la realidad y tratar de conducir a los ciudadanos como si fueran borregos que se apretujan en el corral de los intereses corporativos del poder imperial.

Jen Psakinocchio

Cuando a Price no le quedaban argumentos intentó contraatacar a Lee conminándolo a asumir posiciones a partir no de la ética periodística, sino de la defensa irrestricta de la “verdad” del gobierno estadounidense. Le dijo: “…lamento si no le gusta a usted el contenido, lamento que esté dudando de la información que tiene el gobierno estadounidense…Si duda de la credibilidad del gobierno estadounidense, del gobierno británico y de otros gobiernos y quiere confiar en la información que emiten los rusos, lo puede hacer”. De esta manera, Price, actuando en consonancia con su anterior empleo como agente de la CIA, más que como vocero de la cancillería de Estados Unidos emitió una abierta amenaza insinuando que repetir lo que dice el gobierno ruso colocaba al periodista en el umbral de la traición. ¡Vaya libertad de prensa!

En este contexto, el sábado 6, la misma agencia Associated Press dio a conocer que su confianza en el gobierno de Estados Unidos había decaído abruptamente “debido a sus declaraciones erróneas, mentiras, falsedades y falta de transparencia”.

ANNAMARIA RIVERA
Pour en finir une bonne fois pour toutes avec la race

Annamaria Rivera, Comune-Info, 10/2/2022
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Comme on le sait, la notion de « race » - critiquée puis abandonnée par une grande partie des sciences sociales et biologiques qui avaient contribué à son élaboration - est une catégorie aussi infondée que paradoxale, car elle repose sur le postulat qui établit une relation déterministe entre les caractéristiques somatiques, physiques et génétiques et les caractéristiques psychologiques, intellectuelles, culturelles et sociales.

 

Oswaldo Guayasamín, Mère et enfant de la série Ternura [Tendresse] (1989)

Je rappelle qu'en 1950, le déterminisme biologique a été formellement dénoncé par l'UNESCO dans la Déclaration sur la race, considérée comme le premier document officiel à nier la corrélation entre les différences biologiques et les différences culturelles, psychologiques, intellectuelles et comportementales.

Toutefois, cette déclaration n'a pas abandonné la catégorie de la race, mais uniquement le déterminisme biologique. En tant que tel, il ne s'agissait pas, même pour son époque, d'un document très avancé, bien que des chercheurs du calibre de Claude Lévi-Strauss et Ashley Montagu aient contribué à sa rédaction.

Je rappelle que ce dernier - biologiste, psychologue et enfin anthropologue (il fut l'un des premiers élèves de Malinowski, puis de Boas) - avait déjà en 1942 démoli « le mythe de la race » dans un essai (Man's Most Dangerous Myth : The Fallacy of Race), traduit tardivement en italien, sous le titre La race. Analyse d'un mythe [et pas encore traduit en français depuis 80 ans...].

En ce qui concerne la contribution de l'anthropologie culturelle à la déconstruction de la « race » (qui est souvent sous-estimée par les anthropologues eux-mêmes), il suffit de considérer le rôle de Franz Boas, un pionnier de l'anthropologie moderne. Boas, qui a également souffert personnellement de l'antisémitisme, est devenu, au fil du temps, un opposant acharné au racisme improprement appelé scientifique. Et ce, dans une phase historique où prévalaient encore des pseudo-sciences telles que la physiognomonie, la phrénologie et l'anthropologie criminelle de Cesare Lombroso.

C'est en démolissant progressivement l’innéisme et le biologisme déterministe que Boas a réussi à introduire la culture comme concept primaire, puis le relativisme culturel.

 

Autoportrait avec « document de voyage juif » (1943) de Felix Nussbaum (Osnabrück, 1904), mort à Auschwitz peu avant la libération du camp

Ce n'est pas un hasard si l'un des volumes que les nazis ont brûlé à Berlin dans la nuit du 10 mai 1933, cinq mois après l'arrivée au pouvoir d'Hitler, était l'un des essais les plus populaires de Boas : The Mind of Primitive Man, datant de 1911 (publié trois ans plus tard en allemand sous le titre plus explicite de Kultur und Rasse).

 Beaucoup plus tard, en 1946, Fernando Ortiz, considéré comme le plus important ethnologue et anthropologue cubain, publiera El engaño de las razas. Influencé avant tout par l'anthropologie culturelle usaméricaine, Ortiz y réfute radicalement, entre autres, le racisme scientiste. Je rappelle d'ailleurs que c'est lui qui a inventé le mot et le concept de transculturation.

 La Déclaration sur la race, votée à l'unanimité et par acclamation en 1978 par la Conférence générale de l'UNESCO, ne brille pas non plus par son audace. Il suffit de dire que, alors que pour l'anthropologue cubain, « race » était « una mala palabra que non debiera decirse », ici les adjectifs « racial »/ « raciaux » reviennent trente-deux fois et même les groupes raciaux sont mentionnés à plusieurs reprises comme une évidence.