30/10/2024

Un mouvement international de la société civile pour la Palestine est aujourd’hui plus que jamais nécessaire


Il y a quarante ans, une coalition internationale de plus de 1 200 organisations œuvrant pour la liberté en Palestine se réunissait chaque année pour partager des informations et coordonner des actions. Un effort similaire est nécessaire aujourd’hui plus que jamais.

Kathy Bergen, Don Betz, Larry Ekin et le Révérend Dr Don Wagner , Mondoweiss, 27/10/2004
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Soyons clairs.

Gaza était un crime, même avant la guerre génocidaire menée actuellement par Israël. L’un des espaces les plus densément peuplés du monde a servi pendant des années à ce qui était essentiellement la plus grande prison à ciel ouvert du monde. Si ce n’était pas un crime, c’était certainement une violation du droit international et un affront à la dignité humaine et à la décence.

Toutefois, les événements horribles qui s’y sont déroulés récemment semblent avoir réveillé la conscience mondiale. Tragiquement, malgré les manifestations et les condamnations internationales généralisées, aucun cessez-le-feu n’a été conclu et la crise humanitaire de Gaza se poursuit. Ceux qui ne sont pas tués par les bombardements incessants d’Israël souffriront d’un déplacement continu ou, pire encore, mourront de faim et de maladie.

De plus, cette crise continue de s’aggraver. Ce qui a commencé à Gaza il y a un an menace maintenant d’engloutir toute la région dans une conflagration qui pourrait encore enflammer la haine, causer des ravages, aggraver la crise humanitaire et redessiner la carte de toute la région.


2 septembre  1983 : Yasser Arafat, président du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), s’est adressé ce matin à la Conférence internationale sur la question de Palestine, à la suite de quoi le débat général a repris sur les moyens pour le peuple palestinien d’obtenir ses droits inaliénables. Lors d’une réunion informelle avant le discours de M. Arafat ce matin, on peut voir, dans le sens des aiguilles d’une montre à partir de l’extrême gauche, : Nabil Ramlawi (OLP), observateur permanent auprès de l’Office des Nations unies à Genève (ONUG) ; Lucille Mair, secrétaire générale de la Conférence internationale sur la question de Palestine (CIPP) ; Yasser Arafat ; Mustapha Niasse (Sénégal), président de la CIPP ; Erik Suy, directeur général de l’ONUG ; (dos à la caméra) Massamba Sarre (Sénégal), président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien ; et Alioune Sene (Sénégal), représentant permanent auprès de l’ONUG. (Photo : Archives des Nations unies)

Cependant, imaginez un instant ce qui aurait pu se passer s’il existait un mouvement mondial coordonné de solidarité pour la paix et la justice en Israël et en Palestine. Aurait-il pu exercer une pression politique sur les gouvernements pour qu’ils exigent un cessez-le-feu et mettent fin aux livraisons d’armes à Israël, mettant ainsi un terme au génocide à Gaza, peut-être dès le premier mois des hostilités ? Combien de vies auraient pu être sauvées, et combien de violence et de dévastation insensées auraient pu être évitées ?

Beaucoup d’entre nous, issus d’une génération antérieure, pensaient avoir construit un tel mouvement au milieu des années 1980.

À une époque, le Comité international de coordination sur la question de Palestine (ICCP) comptait plus de 1 200 organisations membres dans le monde entier. Fruit d’une initiative des Nations unies en faveur d’une conférence mondiale sur la Palestine, ces organisations non gouvernementales (ONG) très diverses variaient en taille, en portée et en diversité, allant de petits comités de base à de grandes organisations complexes telles que les Travailleurs canadiens de l’automobile et de nombreuses églises protestantes usaméricaines. Des réseaux dynamiques fonctionnaient en Europe, en Amérique du Nord, en Afrique, en Amérique latine et en Asie, ainsi que des réseaux distincts en Israël et en Palestine.

Cependant, nous avons été hantés par la question de la durabilité, car nous avons assisté à sa disparition au milieu des années 1990. Il est probable que la plupart des organisateurs contemporains ignorent son existence, mais l’histoire de l’ICCP est riche d’enseignements pour les organisateurs d’aujourd’hui.

Yasser Arafat rencontre les journalistes après son discours à la Conférence internationale sur la question de Palestine (ICQP). Sont également présents, de gauche à droite, Liselotte Waldheim-Natural, chef du protocole, Office des Nations Unies à Genève (ONUG) ; Roger Neild, chef de la sécurité, ONUG ; Anthony Curnow, directeur, Service d’information des Nations Unies, Genève ; Nabil Ramlawi  et Chawki Armali (OLP), ambassadeur en Grèce. (Photo : Archives des Nations Unies)

L’histoire de l’ICCP

En 1981, les Nations unies ont appelé les États membres à organiser une conférence sur la Palestine. L’ajout d’une composante ONG s’est fait presque après coup, car les Nations unies n’avaient pas anticipé le niveau d’intérêt ou la croissance expansive qui s’est produite. Le secrétariat de la conférence des Nations unies a commencé à développer la participation des ONG au cours de l’été 1982.

L’objectif du réseau d’ONG était de créer le terrain d’entente nécessaire pour développer une coalition dans le cadre de « toutes les résolutions pertinentes des Nations unies ». À l’époque, il était admis que cela signifiait une solution à « deux États ». Mais ce que nous n’avions pas prévu au début de la planification, c’était l’ampleur de l’intérêt mondial des ONG pour la question de la Palestine. Elles n’avaient jamais été invitées à se rencontrer de manière organisée auparavant.

À certains égards, le mouvement que nous avons contribué à créer était un sous-produit de la conférence des Nations unies, et peut-être sa plus grande réalisation.

Affiche de la Conférence internationale sur la question de Palestine (ICQP) (Photo : Don Betz)

Lorsque l’ONU a convoqué la Conférence internationale sur la question de Palestine (ICQP) au Palais des Nations à Genève à la fin du mois d’août 1983, cent dix-sept États membres se sont inscrits à l’ICQP. Vingt autres, principalement des pays européens, ont envoyé des observateurs. Don Betz, organisateur de la conférence, se souvient : « C’est bien plus que ce qu’avaient prévu les sceptiques sur la conférence ». Ces sceptiques provenaient à la fois du personnel des Nations unies et des diplomates, ainsi que d’une grande partie de la presse européenne. La France devait être l’hôte initial de l’événement à l’UNESCO. Beaucoup pensaient que les pressions exercées par Israël et ses alliés bloqueraient l’initiative.

Ces pressions ont effectivement eu lieu. Cependant, les contre-pressions de l’OLP et de ses alliés ont forcé le transfert de la conférence au siège des Nations unies à Genève, où il était plus difficile pour la Suisse de refuser sa tenue, puisqu’il existait une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en ce sens.

En réalité, deux conférences ont eu lieu. La première était le rassemblement officiel des Nations unies des gouvernements membres accrédités, de la presse mondiale, des représentants d’organisations internationales et d’un grand nombre de « personnalités éminentes ». Cette conférence était destinée à « rechercher des moyens efficaces pour permettre au peuple palestinien d’obtenir et d’exercer ses droits inaliénables ».

La seconde était la conférence simultanée des ONG parrainée par l’ONU. Cent quatre ONG y ont participé, dont des organisations israéliennes et palestiniennes. Il convient de noter que, dès le début, la participation palestinienne à l’ICCP a couvert toute la gamme du discours politique palestinien existant : le Fatah, le Front démocratique, le Front populaire et des organisations indépendantes ont rejoint l’organe.

Au fur et à mesure que les conférences se déroulaient, la prise de conscience s’est accrue et l’intérêt s’est concentré sur le rassemblement des ONG, où un dialogue plus vivant et interactif contrastait fortement avec les interminables messages officiels d’État lus pour mémoire à l’étage.

Edward Said, l’un des conseillers les plus en vue engagés par les Nations unies, s’est rendu à plusieurs reprises à la réunion des ONG. Un jour, il est entré dans la salle animée par de multiples conversations simultanées et a déclaré : « Je préférerais être ici avec vous plutôt que là-haut. Il se passe ici quelque chose d’important, peut-être sans précédent ».

Au Forum des ONG, l’énergie interactive a généré un environnement de dialogue ouvert, franc et parfois contradictoire. Réunis pour la première fois en un même lieu, les représentants des ONG ont abordé la question de la Palestine, l’avenir du peuple palestinien et la paix globale au Moyen-Orient. Bien que cet organe ad hoc ne possède aucune autorité politique officielle, les participants semblaient animés par un sentiment commun de l’importance de la question et du moment qu’ils partageaient.

Il est clair que le rôle de l’ONU s’est avéré important pour le succès de la réunion des ONG. Tout d’abord, elle a fourni un pouvoir de convocation et des ressources. Mais deux autres raisons ont également fait de l’ONU un point focal attrayant pour nos efforts d’organisation.

Le contexte est toujours important, et une partie du contexte de l’époque était qu’il ne pouvait y avoir de contact direct entre un Israélien et un membre de l’OLP. Se réunir au sein et sous l’égide de l’ONU permettait de contourner cette interdiction. Don Betz, principal organisateur de la conférence des Nations unies et de la réunion des ONG, se souvient d’avoir fait passer des notes d’une personne à l’autre afin d’éviter tout « contact direct ». Kathy Bergen, qui a été membre de l’exécutif de l’ICCP, se souvient d’une plate-forme où des plantes en pot devaient diviser les participants sur l’estrade.

Résultats de la conférence

En fin de compte, les conférences ont permis d’accomplir deux choses importantes. Au niveau « officiel », les Nations unies ont publié un document politique, la Déclaration de Genève sur la Palestine, une déclaration plus explicite et plus complète que les précédentes. Deuxièmement, et c’est plus pertinent pour notre propos, le succès du forum des ONG a fondamentalement modifié le programme de travail pour la Palestine au sein de l’ONU, ce qui a conduit à la création de l’ICCP et à la poursuite de l’engagement avec les ONG à une échelle plus large et plus systématique.

Au cours de la décennie suivante, le symposium international annuel, renforcé par des dizaines de symposiums régionaux dans le monde entier, s’est avéré être une composante essentielle d’un mouvement mondial émergent. Ils ont permis aux leaders d’opinion et aux universitaires d’interagir avec les militants et les organisateurs, aux Palestiniens et aux Israéliens d’interagir entre eux et avec d’autres. L’éventail des sujets abordés couvrait pratiquement toutes les facettes du dilemme.

Mais au-delà de la fourniture d’informations, les symposiums ont profité au mouvement de manière plus tangible. Ils ont permis aux membres potentiels de se rencontrer. Ils ont fourni une plate-forme qui leur a permis d’identifier des préoccupations communes et des points d’intérêt commun. Ils les ont alertés sur les tendances et les questions émergentes. Ils les ont aidés à formuler un langage et des stratégies communs. Le Comité international de coordination des ONG sur la question de Palestine (ICCP) et divers réseaux régionaux sont nés de ces symposiums.

En Amérique du Nord, il a été décidé d’étendre le travail du Comité de coordination nord-américain (CCNA) au-delà du symposium annuel. Cette coalition binationale de 85 à 100 ONG usaméricaines et canadiennes a créé un réseau d’action urgente, publié un répertoire annuel des ressources et entrepris des projets spéciaux tels que le projet d’information sur la conférence de paix.

Des organisations disparates ont travaillé ensemble et des personnalités disparates ont établi un climat de confiance. Bien sûr, des conflits ont surgi et certaines personnalités se sont opposées, mais nous avons finalement tiré de précieux enseignements. Par exemple, l’importance d’identifier les préoccupations communes, de partager l’information et de construire des structures qui nous aident à renforcer nos objectifs communs.

Tout a été fait avec des moyens limités, c’est-à-dire avec peu de ressources financières. Ni l’ICCP, ni le NACC n’ont jamais fonctionné avec plus d’un membre du personnel ; la plupart des autres comités régionaux n’en avaient pas. Mais en fin de compte, le dévouement et l’esprit d’innovation ne suffisent pas.

L’expiration de l’ICCP et du NACC en 1994 reste une situation complexe qui mérite une attention et une discussion sérieuses. Parmi les facteurs, on peut citer la disparition de plusieurs organisations laïques, la perte importante de membres et la réduction des ressources parmi les principales dénominations protestantes, et même l’attitude des dirigeants palestiniens à l’ONU.

Néanmoins, les réalisations et la disparition de l’ICCP et de la NACC offrent des leçons qui pourraient être utiles à une nouvelle génération. En outre, elles soulèvent des questions pressantes pour les dirigeants d’aujourd’hui.

Des leçons pour aujourd’hui

Que se passera-t-il une fois la crise actuelle passée ? Les militants et les leaders d’opinion d’aujourd’hui peuvent-ils identifier et mettre en place des espaces et un cadre qui encourageront la coopération, tant au niveau national qu’international, ce qui renforcera leurs efforts ? Peuvent-ils organiser des opérations durables à long terme ? Est-il possible que les Nations unies fournissent à nouveau un tel cadre ?

Tout aussi important, quelles stratégies doivent être adoptées face à une opposition croissante - dont une grande partie est constituée de brimades sans principes, d’intimidations et de désinformation ? Il est clair que cela se produit déjà. Les campagnes de diffamation, les attaques ad hominem et la perception de la culpabilité par association sont lancés contre de jeunes professionnels et d’autres personnes qui s’expriment en faveur des droits des Palestiniens et qui contestent la campagne militaire effrénée d’Israël. Malheureusement, l’une des leçons du passé est que les leaders émergents doivent se préparer à l’éventualité que les tentatives de les réduire au silence puissent s’intensifier jusqu’à la violence, la tentative d’infiltration, le cambriolage et le vandalisme. Les dirigeants de l’ICCP et du NACC pourraient documenter et amplifier toutes ces activités répréhensibles qui ont été dirigées contre eux et qui seront probablement déployées contre les nouveaux dirigeants, d’autant plus que les entités habituées à dominer le discours public se retrouvent de plus en plus en minorité.

Une leçon positive encourageante tirée de l’expérience de l’ICCP et du NACC est que les efforts déployés pour mettre en place une coalition efficace peuvent produire des résultats positifs inattendus. La mise en place d’une coalition efficace demande du temps, de l’énergie et de l’engagement. Les relations humaines aident à surmonter les disparités organisationnelles, et c’est ainsi qu’avec l’ICCP et la NACC, on a pu trouver des athées engagés travaillant respectueusement aux côtés de responsables d’églises. Mais les organisations, comme les personnes, ont souvent des limites qui doivent être respectées. La coordination n’est pas synonyme de domination, ni d’accord sur tout. Néanmoins, l’identification de principes communs et la mise en œuvre d’actions coordonnées renforcent et mettent davantage l’accent sur les domaines qui font l’objet d’un accord commun.

Les militants d’aujourd’hui peuvent également tirer leur force du fait qu’au niveau international, le climat politique a changé. Le soutien aux droits des Palestiniens s’est accru de manière exponentielle, car de plus en plus de personnes dans le monde en sont venues à la conclusion que la paix israélo-palestinienne et la stabilité dans la région ne peuvent être obtenues que par des moyens politiques.

Bien que certains puissent affirmer qu’il est prématuré de le faire, la question de la suite doit être abordée, en particulier compte tenu de la menace que cette crise fait peser sur l’ordre fondé sur des règles et sur le droit international. Une fois la crise apaisée, comment maintenir l’élan et pérenniser les acquis ? L’évolution mesurable de l’opinion publique crée une occasion nouvelle et sans précédent de transformer le discours et d’introduire un changement durable. Il est clair que les décideurs politiques usaméricains travaillent déjà à l’élaboration de leur propre réponse - la société civile doit faire de même.

Cet article est le fruit d’une collaboration entre des personnes cumulant un engagement collectif de plus de deux cents ans. Les principaux auteurs sont Kathy Bergen, Don Betz, Larry Ekin et Don Wagner. Ils ont interrogé ou sollicité la contribution de 20 autres dirigeants d’ONG, anciens ou actuels.

Kathy Bergen a été secrétaire générale du Comité international de coordination des organisations non gouvernementales sur la question de Palestine à Genève de 1990 à 1994. Sur les 43 années pendant lesquelles elle a travaillé sur les questions de Palestine/Israël, elle a travaillé à Jérusalem pendant neuf ans et à Ramallah pendant sept ans et demi.  

Don Betz est un ancien professeur de sciences politiques et président d'université à la retraite. Il a été officier de liaison pour la Conférence internationale des Nations unies sur la question de Palestine (ICQP) en 1983, en se concentrant sur la participation des organisations non gouvernementales, et dans la division des droits des Palestiniens. Betz a présidé le Comité international de coordination des ONG sur la question de Palestine (ICCP) à partir de 1984. Le réseau de l'ICCP s'est étendu à plus de 1200 organisations dans le monde.

Larry Ekin a été président du comité de coordination nord-américain pendant cinq mandats. En coopération avec le Conseil des Églises du Moyen-Orient, il a fondé le Bureau de voyage œcuménique et a dirigé personnellement plus de 20 délégations dans la région. Il est l'auteur de Enduring Witness : The Palestinians and The Churches et d'autres publications.

Don Wagner est un professeur retraité d'études sur le Moyen-Orient, un membre du clergé presbytérien et un militant des droits de l'homme. Il a été directeur national de la campagne pour les droits de l'homme en Palestine de 1980 à 1989 et membre du comité directeur de la NAAC et du comité directeur international au cours des années 1980.

29/10/2024

FABER CUERVO
Une femme présidente pour la Colombie

Faber Cuervo, La Pluma, 27/10/2024
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala

Faber Cuervo (El Cerrito, Vallée du Cauca) est un économiste environnemental, chercheur et essayiste colombien, diplômé de l’université d’Antioquia. Il a publié des essais dans le supplément littéraire d’El Colombiano, dans les revues « Lecturas de Economía », « Estudios Políticos », « Oikos » et « Debates », de l’université d’Antioquia, et dans le journal « La Piedra » de la ville d’Envigado. Papiers de recherche : « Recreación histórica de Envigado alrededor de la quebrada La Ayurá » (1993 - 1994), « Justicia Distributiva y Liberalismo Político en John Rawls » (1997), « El desarrollo local desde la Economía de las Realizaciones Humanas - Los casos de Envigado, Caldas, Segovia y Betulia » (1998 - 1999), « Historia del periodismo envigadeño » (2000) et « La prehistoria de Fernando González » (2001). Il a publié « ¿Cómo nos ve el Reino Animal ? » (nouvelles, 2001), « La frágil tolerancia de Occidente » (essais, 2003), « El Sol nació de la Luna » (essais, 2003), « Locos por las Amazonas » (roman, 2005) et « Cometas y peñascos » (poèmes, 2007). Il vit à Envigado depuis 1973. Il est également peintre.

On dit que la Colombie n’élira pas de femme présidente. Le Mexique l’a fait, pourquoi pas nous ? Les préjugés ne sont pas éternels. Nous ne sommes pas condamnés à un état éternel de machisme, de racisme et de classisme. Il y aura toujours des moments de rupture avec des conditions culturelles enracinées dans l’inconscient collectif.

       

Le terrain est devenu fertile pour qu’une femme convaincante, réfléchie et intelligente accède au poste de premier magistrat de l’État. L’élévation de la conscience politique et sociale déterminée par l’explosion sociale, l’élection du premier gouvernement progressiste et populaire et la pédagogie permanente du chef d’orchestre de la symphonie démocratique fertilisent le sol pour que le yin germe comme une pointe complémentaire dans l’ensemencement. Le yin est l’énergie féminine qui peut diriger le destin de la société colombienne avec des directives renouvelées. Le moment est venu pour la force de la terre nourricière incarnée par la figure féminine de faire irruption dans le pouvoir gouvernemental et de canaliser les eaux déséquilibrées de la nation. Les femmes au pouvoir rendront possible le slogan [lancé par le président Gustavo Petro, NdT] « Colombie puissance mondiale de la vie ».

Carolina Corcho, ancienne ministre de la Santé et de la Protection sociale, possède les qualités professionnelles, éthiques et humaines pour devenir la première femme présidente de Colombie. Les secteurs de la politique ploutocratique ne veulent pas d’elle, les hommes d’affaires sans scrupules du secteur de la santé ne veulent pas d’elle, les personnes qui ne votent que pour les blancs et les noms de famille traditionnels qui sont les héritiers des postes publics concernés ne veulent pas d’elle. Corcho est un nom de famille de la province, un de ceux qui sont invisibles dans les récits officiels. Ils ne veulent pas voir Corcho flotter parmi les fleurs de lotus qui poussent. Elle a été chassée du ministère par les propriétaires des EPS (Entités de promotion de la santé) et de la presse achetée par des intérêts mesquins.

Mais les secteurs progressistes, démocratiques et populaires le veulent. Les universités indépendantes et réfléchies le veulent, les organisations à l’esprit critique le veulent, les zones rurales dépourvues de soins de santé le veulent, les quartiers marginalisés des villes le veulent, les jeunes étudiants et les travailleurs le veulent. Les femmes autonomes et les personnes âgées qui aspirent à de meilleurs services le réclament. Jamais dans l’histoire de la Colombie une telle occasion en or ne s’est présentée pour qu’une femme aux capacités aussi remarquables devienne présidente pour la première fois.

          

Des femmes remarquables ont peuplé le territoire de jardins. Mais nous ne les voyons pas. Les pouvoirs dominants les ont rendues invisibles, voire stigmatisées. Depuis les femmes indigènes qui ont résisté au patriarcat espagnol pendant la conquête et la colonie, les héroïnes de l’indépendance Policarpa Salavarrieta, Antonia Santos, Manuelita Sáenz, jusqu’aux dirigeantes ouvrières María Cano et Betsabé Espinal ; les paysannes qui ont mis en œuvre des projets agricoles et de paix, l’artiste dérangeante Débora Arango, les poètesses María Mercedes Carranza et Meira Delmar, la chanteuse Totó la Momposina et bien d’autres encore.

              

Les femmes colombiennes n’ont pas cédé à la discrimination, elles ont ouvert des sillons pour briller de leur puissante énergie, ont poussé avec fermeté et joie, sont devenues au cours du XXe siècle les architectes et les protagonistes de la construction de la culture, de la science, de l’université, de la lutte sociale et environnementale, et de l’urbanisme. Aujourd’hui, au XXIe siècle, elles sont autonomes et indépendantes. Elles ont déjà surmonté de nombreux stéréotypes de machisme. Elles sont déjà présentes dans la leadership communautaire. Elles sont déjà un bastion dans toutes les sphères de l’entreprise publique et privée. Elles brillent déjà dans le sport, dans les arts et la littérature, dans les sciences exactes, humaines et sociales. L’une d’entre elles est Ana Patricia Noguera, philosophe de l’environnement, qui propose de réenchanter le monde, c’est-à-dire d’abandonner les visions qui divisent et séparent l’intégralité de la vie, de la culture, des êtres humains et des écosystèmes. La préoccupation de Noguera explore les plus grands défis auxquels la Colombie est confrontée : allons-nous continuer à miner la nature ? Comment allons-nous habiter la terre ? Comment pouvons-nous atténuer le changement climatique ?

           

L’écologie, l’anthropologie et l’ethnologie - considérées comme des sciences faibles et soft- jouent un rôle important dans ce nouveau scénario de poursuite des réformes et des transformations initiées par un gouvernement de changement culturel, social, économique et environnemental. L’anthropologie s’intéresse aux êtres humains dans leur contexte culturel, dans leurs coutumes, leurs croyances, leurs rites, leurs traditions, leurs artefacts et leurs multiples formes de connaissance. En d’autres termes, elle traite de leurs relations avec les autres êtres vivants et avec la terre. Trois femmes pionnières des études anthropologiques en Colombie nous ont montré l’énorme valeur de cette science pour comprendre les pouvoirs culturels de notre société et, par conséquent, les possibilités de nous améliorer et de devenir des communautés solidaires et prospères.

Virginia Gutiérrez de Pineda (1921-1999) était l’une d’entre elles ; une anthropologue, précurseure des études sur la famille en Colombie. Elle a étudié les fondements historiques de la formation des familles, le matriarcat et le patriarcat, les influences de la religion et de la colonisation sur le comportement, ainsi que les problèmes rencontrés par les enfants. Ses recherches approfondies sont aujourd’hui très utiles, car la Colombie est confrontée à l’immense défi de bien traiter cette population, les fruits des familles, les futurs piliers de la société. Il est impératif que la Colombie concentre son attention sur les enfants. Pour qu’ils progressent, qu’ils soient renforcés dans leurs vocations, pour que la cristallisation de leurs droits devienne une réalité. Pour répondre aux traumatismes, aux conflits et aux manques qui les affligent, causés par la violence endémique, les abus familiaux, la malnutrition, le travail des enfants, l’exclusion sociale, le manque de connectivité, le manque de scolarisation, les routes précaires pour aller à l’école. Qu’ils ne souffrent pas de la faim, que personne ne se vende à des groupes armés parce qu’il ne trouve pas d’autres options pour développer sa vie. Qu’aucune famille ne se sente abandonnée à son sort dans des territoires où l’État n’est arrivé qu’avec des armes. Heureusement, l’histoire commence à tourner, à Argelia (Cauca) et dans son village d’El Plateado, ce n’est pas seulement l’armée qui arrive, mais aussi des semences, de l’aide alimentaire, la construction d’hôpitaux, des crédits, l’achat de feuilles de coca, et des ministres à l’écoute des habitants.


Alicia Dussán de Reichel Dolmatoff (1920) est anthropologue, archéologue et ethnologue. Elle est l’une des premières femmes scientifiques de notre pays et d’Amérique latine. Alicia a rendu visibles les communautés indigènes et les familles paysannes de la région caraïbe. Elle a critiqué la prolétarisation des indigènes, le déracinement et l’atteinte à leur dignité. Elle a également observé qu’un monde divisé entre une pensée « moderne » qui instrumentalise les ethnies et la nature, et un autre monde dominé et exploité pour le « développement » et le « progrès », conduit au vide spirituel et au chaos matériel, ce qui est exactement la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Le grand défi aujourd’hui serait de garantir les droits de tous les peuples indigènes, de leur garantir de rester sur leurs terres, sans être contraints de les abandonner pour devenir des mendiants ou des travailleurs informels sur les trottoirs et aux feux rouges des villes. Les peuples indigènes ont d’autres types de connaissances ancestrales, abstraites, botaniques, linguistiques, spirituelles, rituelles, très élaborées et culturellement complexes ; ils n’ont pas besoin d’un changement culturel dirigé par une « culture supérieure » techno-scientifique. Essayer de les « intégrer » dans le système socio-économique dominant revient à les sortir de leur culture, à en faire un instrument de la civilisation occidentale ethnocentrique. La modernisation pourrait les aider à renouveler leurs infrastructures, à les connecter au cyberespace, à améliorer leurs services de santé, à leur fournir des outils technologiques. Ils disposent des autres éléments depuis des siècles. Leurs méthodes de production alimentaire sont encore largement utilisées dans les temps modernes. Leur médecine botanique est toujours leur moyen de guérison.


Nina S. de Friedemann (1930-1998), une autre anthropologue, est une pionnière des études afro-colombiennes. Elle a décrit les mémoires culturelles des populations noires marginalisées dans l’histoire de la Colombie. Elle a documenté la diaspora africaine forcée par l’esclavage, les siècles de résistance pour faire de la dignité une coutume. À l’aide de photos et de films, elle a montré les liens entre l’environnement physique et la culture et l’histoire noires du littoral colombien. Fêtes, folklore, gastronomie, coutumes, ponts culturels, patrimoine esclavagiste, métiers, tout ce qui a trait à la résistance et aux traces de l’africanité. Que de choses les négritudes ont donné à la patrie ! Tant de gloire et de contributions dans le sport, la littérature, les arts, l’université, la construction des villes, l’embarquement et le débarquement dans les ports, la production alimentaire, l’extraction des minerais, les services médicaux, les postes publics, les forces armées. Nina ouvre la voie à l’approfondissement de la reconnaissance, du respect et de l’acceptation de nos frères et sœurs afro-descendants.

Marta Rodríguez 

Toutes ces femmes colombiennes exceptionnelles ont contribué à ouvrir la voie à de nouvelles valeurs dans la culture colombienne, des valeurs antagonistes des anti-valeurs semées depuis des siècles par les élites économiques et politiques. Des valeurs et des pratiques de coopération, de solidarité, d’empathie, de tolérance, de respect d’autrui, de résolution décente des conflits, de critique constructive, de pédagogie et d’information véridique ont brillé au firmament de la société. Et nous ne faisons référence qu’à quelques-unes de ces femmes brillantes qui honorent les femmes colombiennes. Elles sont nombreuses. Mentionnons en passant d’autres qui méritent les hommages les plus mérités : Marta Rodríguez (1933), pionnière du film documentaire anthropologique en Amérique latine ; Ángela Restrepo Moreno, microbiologiste et chercheuse en maladies fongiques ; María Teresa Uribe de Hincapié, sociologue et chercheuse en violence régionale ; les architectes et professeures María Clara Echavarría, Cecilia Moreno et Zoraida Gaviria, qui ont proposé de démocratiser l’élaboration des plans d’occupation des sols afin de créer des villes où il fasse bon vivre, et non des villes dortoirs, des villes casinos, des villes parkings ou des villes gentrifiées.


Les femmes colombiennes ont été des bastions dans la construction de la République, de la démocratie, des universités, des institutions, de l’économie industrielle et agricole, des services, des transports, des arts, des sports, de l’urbanisme, des luttes sociales, politiques, culturelles et environnementales.

Médecin, psychiatre et politologue, Carolina Corcho Mejía est la continuation de l’œuvre des femmes qui l’ont précédée dans l’histoire du pays. Elle a hérité, conquis et développé d’autres connaissances et compétences. Elle a mené la lutte politique pour les droits professionnels des travailleurs de la santé et contre les orientations mercantiles des EPS. Elle a également réussi à construire un diagnostic détaillé des soins de santé en Colombie, accompagné d’une proposition de transformation de leur état critique. Ses arguments véhéments, solides et convaincants lui ont valu la sympathie de nombreux Colombiens qui sentent que leur malaise face au pillage institutionnalisé du système de santé du pays a été compris. Sa position ferme, intransigeante, inébranlable et courageuse lui a valu la diabolisation et l’animosité des opposants à tout changement dans l’administration et la politique publiques.

Outre la maîtrise des questions relatives à des soins de santé adéquats pour la population, elle possède également une connaissance approfondie de la question du financement des soins de santé. Elle a présidé des organisations nationales et latino-américaines de femmes et des organisations médicales nationales. Elle a mené des recherches en psychiatrie. En d’autres termes, elle s’est consacrée à la promotion du bien-être intégral de ses semblables. La réforme qu’elle a présentée au Congrès a touché le point sensible de la crise sanitaire, en demandant l’élimination de l’intermédiation des ressources envoyées par l’État aux EPS, ce qui lui a valu des diatribes furieuses de la part des pilleurs de ces ressources. Comme le poète Ruben Darío, Carolina a su dire : « Cuando los perros ladran es señal que cabalgamos” [quand les chiens aboient, c’est signe que nous chevauchons, équivalent de : les chiens aboient, la caravane passe, NdT]. Cependant, le président Petro a été contraint de la démettre de son poste ministériel pour éviter son lynchage, ne pas la sacrifier et permettre aux eaux troubles de se calmer. Carolina était réservée pour de plus grandes actions.

La tradition misogyne qui associe ce qui est faible et répréhensible aux femmes a perdu du terrain dans la société colombienne. Les phrases antiques qui remerciaient les dieux d’être nés homme et non femme (Thalès de Milet), qui affirmaient qu’une femme n’était qu’une moitié d’homme incapable de participer à l’agora (Aristote), qui affirmaient que celui qui n’affronte pas la vie est une femme (Sénèque), sont restées dans les livres. Les événements de l’histoire postérieure ont montré que c’est le contraire qui est vrai. Être une femme signifie être porteuse de vie, être intelligente et déterminée, être plus forte qu’un homme dans les situations extrêmes. La femme inspire l’homme guerrier ou, pour reprendre les vers du poète surréaliste chilien Vicente Huidobro

Femme, le monde est meublé par tes yeux

Le ciel s’élève en ta présence

La terre s’étend de rose en rose

Et l’air s’étend de colombe en colombe



Wir weigern uns an Israels literarischen Institutionen mitschuldig zu machen
Ein Brief von SchriftstellerInnen, ÜbersetzerInnen, VerlegerInnen und anderen Buchschaffenden

 

Montag, den 28. Oktober 2024

Wir, als Autoren, Verleger, Mitarbeiter von Literaturfestivals und andere Buchmitarbeiter, veröffentlichen diesen Brief, da wir uns der tiefgreifendsten moralischen, politischen und kulturellen Krise des 21. Jahrhunderts gegenübersehen. Die überwältigende Ungerechtigkeit, mit der die Palästinenser konfrontiert sind, kann nicht geleugnet werden. Der aktuelle Krieg ist in unsere Häuser eingedrungen und hat unsere Herzen durchbohrt.

Die Notlage ist da: Israel hat Gaza unbewohnbar gemacht. Es ist nicht möglich, genau zu wissen, wie viele Palästinenser Israel seit Oktober getötet hat, weil Israel die gesamte Infrastruktur zerstört hat, einschließlich der Fähigkeit, die Toten zu zählen und zu begraben. Wir wissen, dass Israel seit Oktober mindestens 42.126 Palästinenser in Gaza getötet hat und dass dies der größte Krieg gegen Kinder in diesem Jahrhundert ist.

Dies ist ein Völkermord, wie führende Experten und Institutionen seit Monaten sagen. Israelische Beamte sprechen offen über ihre Motivation, die Bevölkerung von Gaza zu eliminieren, die Eigenstaatlichkeit der Palästinenser zu verhindern und palästinensisches Land zu beschlagnahmen. Dies folgt auf 75 Jahre Vertreibung, ethnische Säuberung und Apartheid.

Die Kultur hat eine wesentliche Rolle bei der Normalisierung dieser Ungerechtigkeiten gespielt. Israelische Kulturinstitutionen, die oft direkt mit dem Staat zusammenarbeiten, waren jahrzehntelang entscheidend daran beteiligt, die Enteignung und Unterdrückung von Millionen Palästinensern zu verschleiern, zu tarnen und zu verbrämen.

Wir haben eine Rolle zu spielen. Wir können uns nicht guten Gewissens mit israelischen Institutionen zusammentun, ohne ihre Beziehung zu Apartheid und Vertreibung zu hinterfragen. Dies war die Position, die unzählige Autoren gegen Südafrika einnahmen; es war ihr Beitrag zum Kampf gegen die Apartheid dort.

Deshalb: Wir werden nicht mit israelischen Kulturinstitutionen zusammenarbeiten, die sich an der überwältigenden Unterdrückung der Palästinenser mitschuldig machen oder stumme Beobachter geblieben sind. Wir werden nicht mit israelischen Institutionen zusammenarbeiten, einschließlich Verlagen, Festivals, Literaturagenturen und Publikationen, die

  • sich an der Verletzung palästinensischer Rechte mitschuldig machen, unter anderem durch diskriminierende Richtlinien und Praktiken oder durch Schönfärberei und Rechtfertigung der israelischen Besatzung, Apartheid oder des Völkermords, oder 
  • die unveräußerlichen Rechte des palästinensischen Volkes, wie sie im Völkerrecht verankert sind, nie öffentlich anerkannt haben. 

Mit diesen Institutionen zusammenzuarbeiten bedeutet, den Palästinensern zu schaden, und deshalb rufen wir unsere Schriftstellerkollegen, Übersetzer, Illustratoren und Buchhändler auf, sich uns in diesem Versprechen anzuschließen. Wir rufen unsere Verleger, Lektoren und Agenten auf, sich uns anzuschließen, Stellung zu beziehen, unser eigenes Engagement und unsere eigene moralische Verantwortung anzuerkennen und die Zusammenarbeit mit dem israelischen Staat und mit mitschuldigen israelischen Institutionen einzustellen. 

Die ersten 1496 UnterzeichnerInnen 

Um Ihren Namen diesem Brief hinzuzufügen, füllen Sie bitte das Formular hier aus


Rechazamos la complicidad con las instituciones literarias de Israel
Una carta de escritores, traductores, editores y otros trabajadores del libro

Lunes 28 de octubre de 2024

Nosotros, como escritores, editores, trabajadores de festivales literarios y otros trabajadores del libro, publicamos esta carta mientras nos enfrentamos a la crisis moral, política y cultural más profunda del siglo XXI. No se puede negar la abrumadora injusticia a la que se enfrentan los palestinos. La guerra actual ha entrado en nuestros hogares y ha traspasado nuestros corazones.

La emergencia está aquí: Israel ha hecho de Gaza un lugar inhabitable No es posible saber exactamente cuántos palestinos ha matado Israel desde octubre, porque Israel ha destruido todas las infraestructuras, incluida la capacidad de contar y enterrar a los muertos. Lo que sí sabemos es que Israel ha matado, como mínimo, a 42.126 palestinos en Gaza desde octubre y que se trata de la mayor guerra contra niños de este siglo.

Se trata de un genocidio, como llevan meses afirmando destacados expertos e instituciones. Los funcionarios israelíes hablan sin rodeos de sus motivaciones para eliminar a la población de Gaza, imposibilitar la creación de un Estado palestino y apoderarse de tierras palestinas. Todo ello tras 75 años de desplazamiento, limpieza étnica y apartheid.

La cultura ha desempeñado un papel integral en la normalización de estas injusticias. Las instituciones culturales israelíes, que a menudo trabajan directamente con el Estado, han sido cruciales para ofuscar, disfrazar y blanquear con arte (artwashing) el desposeimiento y la opresión de millones de palestinos durante décadas.

Tenemos un papel que desempeñar. No podemos en conciencia comprometernos con las instituciones israelíes sin cuestionar su relación con el apartheid y el desplazamiento. Esta fue la postura adoptada por innumerables autores contra Sudáfrica; fue su contribución a la lucha contra el apartheid allí.

Por lo tanto: no trabajaremos con instituciones culturales israelíes que sean cómplices o hayan permanecido como observadores silenciosos de la abrumadora opresión de los palestinos. No cooperaremos con instituciones israelíes, incluidas editoriales, festivales, agencias literarias y publicaciones que

  • Sean cómplices de la violación de los derechos de los palestinos, incluso mediante políticas y prácticas discriminatorias o encubriendo y justificando la ocupación, el apartheid o el genocidio de Israel, o 
  • Nunca han reconocido públicamente los derechos inalienables del pueblo palestino consagrados en el derecho internacional. 

Trabajar con estas instituciones es perjudicar a los palestinos, por lo que pedimos a nuestros colegas escritores, traductores, ilustradores y trabajadores del libro que se unan a nosotros en este compromiso. Pedimos a nuestros editores, redactores y agentes que se unan a nosotros para adoptar una postura, reconocer nuestra propia implicación, nuestra propia responsabilidad moral y dejar de colaborar con el Estado israelí y con instituciones israelíes cómplices. 


Nous refusons la complicité avec les institutions littéraires israéliennes
Une lettre d'écrivains, de traducteurs, d'éditeurs et d'autres travailleurs du livre

Lundi 28 octobre 2024

Nous, écrivains, éditeurs, professionnels des festivals littéraires et des autres métiers du livre, publions cette lettre alors que nous faisons face à la crise morale, politique et culturelle la plus profonde du XXIe siècle. L’injustice écrasante que subissent les Palestiniens ne peut être niée. La guerre actuelle a fait irruption dans nos foyers et nous transperce en plein cœur.
L’urgence est là : Israël a fait de Gaza une terre invivable. Il n’est pas possible de savoir le nombre exact de Palestiniens tués depuis le mois d’octobre, puisqu’Israël a détruit toutes les infrastructures, parmi lesquelles, celles qui permettent de faire le décompte des morts et de pouvoir enterrer ceux-ci. Nous savons cependant, qu’Israël a tué au grand minimum 39 363 Palestiniens à Gaza depuis octobre et qu’il s’agit de la plus grande guerre contre les enfants que ce siècle ait connue.
Nous faisons face à un génocide, comme le répètent depuis des mois des experts et des institutions de renom. Les autorités israéliennes expriment clairement leur intention d’éliminer la population gazaouie, de rendre impossible la création d’un Etat palestinien et de s’emparer des terres palestiniennes. Tout ceci fait suite à 75 années de déplacements de population, de nettoyage ethnique et d’apartheid.
Le monde de la culture a joué un rôle essentiel dans la normalisation de ces injustices. En se servant de l’art, les institutions culturelles israéliennes - souvent en coopération directe avec l’Etat - ont très largement contribué à camoufler et à masquer la dépossession et l’oppression de millions de Palestiniens depuis des décennies.
Nous avons un rôle à jouer. Nous ne pouvons en toute conscience être en relation avec les institutions israéliennes sans questionner leurs liens avec l’apartheid et le déplacement de population. Un nombre incalculable d’auteurs s’était positionné contre l’Afrique du Sud ; et c’est ainsi qu’ils ont contribué à la lutte contre l’apartheid dans ce pays.
Dès lors, nous ne travaillerons pas avec les institutions culturelles israéliennes qui sont complices de l’oppression écrasante subie par les Palestiniens, ni avec celles qui ont fait le choix d’observer en silence. Nous ne coopérerons pas avec les institutions israéliennes, y compris les éditeurs, les agences littéraires et les publications  qui :
- Sont complices de la violation des droits des Palestiniens, par le biais notamment de politiques et de pratiques discriminatoires ou en blanchissant et en justifiant l’occupation, l’apartheid ou le génocide menés par Israël
Ou qui :
- N’ont jamais reconnu publiquement les droits inaliénables du peuple palestinien tels que consacrés par le droit international.
Travailler avec ces institutions reviendrait à nuire aux Palestiniens. Nous appelons donc nos collègues écrivains, traducteurs, illustrateurs et professionnels des métiers du livre à se joindre à nous dans cet engagement. Nous appelons nos éditeurs, nos rédacteurs en chef et nos agents à se joindre à nous et à prendre position, afin de reconnaître notre propre implication, notre propre responsabilité morale et afin de cesser toute collaboration  avec l'État israélien et les institutions israéliennes qui en sont complices. 

 Premiers 1496 signataires 

 Signez la lettre 

Refusing Complicity in Israel's Literary Institutions
A letter by writers, translators, publishers, and other book workers

Monday, October 28, 2024:

We, as writers, publishers, literary festival workers, and other book workers, publish this letter as we face the most profound moral, political and cultural crisis of the 21st century. The overwhelming injustice faced by the Palestinians cannot be denied. The current war has entered our homes and pierced our hearts. 

The emergency is here: Israel has made Gaza unlivable. It is not possible to know exactly how many Palestinians Israel has killed since October, because Israel has destroyed all infrastructure, including the ability to count and bury the dead. We do know that Israel has killed, at the very least, 43,362 Palestinians in Gaza since October and that this is the biggest war on children this century. 

This is a genocide, as leading expert scholars and institutions have been saying for months. Israeli officials speak plainly of their motivations to eliminate the population of Gaza, to make Palestinian statehood impossible, and to seize Palestinian land. This follows 75 years of displacement, ethnic cleansing and apartheid. 

Culture has played an integral role in normalizing these injustices. Israeli cultural institutions, often working directly with the state, have been crucial in obfuscating, disguising and artwashing the dispossession and oppression of millions of Palestinians for decades.

We have a role to play. We cannot in good conscience engage with Israeli institutions without interrogating their relationship to apartheid and displacement. This was the position taken by countless authors against South Africa; it was their contribution to the struggle against apartheid there.

Therefore: we will not work with Israeli cultural institutions that are complicit or have remained silent observers of the overwhelming oppression of Palestinians. We will not cooperate with Israeli institutions including publishers, festivals, literary agencies and publications that:

  • Are complicit in violating Palestinian rights, including through discriminatory policies and practices or by whitewashing and justifying Israel's occupation, apartheid or genocide, or 
  • Have never publicly recognized the inalienable rights of the Palestinian people as enshrined in international law. 
To work with these institutions is to harm Palestinians, and so we call on our fellow writers, translators, illustrators and book workers to join us in this pledge. We call on our publishers, editors and agents to join us in taking a stand, in recognising our own involvement, our own moral responsibility and to stop engaging with the Israeli state and with complicit Israeli institutions.


28/10/2024

MILENA RAMPOLDI
We need a pedagogy of resistance

Milena Rampoldi, 28-10-2024

Pedagogy is one of the fundamental sciences when it comes to changing the world, which we do not like the way it looks right now. Pedagogy thus has the task of anticipating the socio-political utopia that we would like to see in the near future. Pedagogy should sow the desire in our minds and in the minds of our children to bring these ethical ideals forward in time, to stop dreaming about them and to experience them first hand. Any change in people and in society begins with the education of children and of society as a whole in the sense of lifelong learning.


‘Autonomous education builds different worlds where many true worlds with truths fit’, mural by a collective led by Gustavo Chávez Pavón, Zapatista primary school in Oventic, Chiapas, Mexico.
‘Autonomous education builds different worlds where many true worlds with truths fit’, mural by a collective led by Gustavo Chávez Pavón, Zapatista primary school in Oventic, Chiapas, Mexico.
The pedagogy of human rights is also often mentioned. Children should be sensitised from an early age to grow into people who neither discriminate nor exploit others. They should develop into people who show empathy, oppose violence and war, and work actively and dynamically for a better world in the spirit of peace and justice. They should grow up to be tolerant and cooperative people who support the weak, oppose all violence in their environment, denounce racism and discrimination, advocate for a just starting point and think in a tolerant and open way.
But for people who have been subjected to extreme oppression or genocide, human rights education is not enough. In an environment of total dehumanisation, where the killing and suffocation of every human life dream is brutal, no pedagogy for human rights can take root, because that would mean that people have not been deprived of their humanity, but that is the case. Because the narrative of genocide requires the dehumanisation of the enemy. I can only kill if I know that there are no humans in front of me. Only then can I pull the trigger and only then can I kill children en masse. And that was the case in the Nazi regime. And it is being repeated today in Gaza. The victims are children who have been dehumanised in advance so that they can be killed coldly and without any ethical consideration.
What we urgently need in an environment of dehumanisation is not a pedagogy of human rights, but an education in resistance. And the goal of this resistance, which is the result of the pedagogy of resistance, is the renewed recognition of the humanity of the dehumanised, along with overcoming their role as victims and their reification.
What Theodor Adorno says, albeit with some ethnocentric restrictions, applies to all of humanity. In his essay from 1966, the Jewish philosopher expressed the following view on the ‘never again’ of the concentration camp of Auschwitz and the killing of fellow citizens who were gassed because they belonged to a Jewish and thus inferior Semitic ‘race’:
“The first demand of education is that Auschwitz not happen again. It precedes all others to such an extent that I believe I neither have to nor should justify it. I cannot understand why it has been given so little attention to date. Justifying it would be monstrous in view of the monstrosity that occurred […] …. Any debate about educational ideals is futile and irrelevant compared to this one: that Auschwitz must never be repeated. It was barbarism that all education is directed against.”
And this paradigm of the pedagogy of resistance is precisely the common thread running through the book by the Colombian history professor Renán Vega Cantor, entitled “Education after Gaza”, which I have just translated from Spanish into English and German.
Resistance in such an enclave, which symbolises the quintessential example of Zionist, imperialist oppression of the Other, is not only a universal right, but a universal obligation that must come from both within as well as from without. Educators from all over the world are called upon to name Israeli human rights violations and denounce the brutality of this genocide. Because neither Auschwitz nor Gaza must be repeated. Resistance to the killing machine of the Zionist state, which completely reverses Jewish ethics and religious thought, can only be guaranteed by this reversal: the children of Gaza are not victims, but fighters.
The Palestinian-Brazilian poet Yasser Jamil Fayad has summed up this concept in a few brief but eloquent words:
“Running/ Dancing/ Crying/ Kissing/ Loving/ Suffering/ Helping/ Screaming/ There are countless verbs in life/ I am only Palestinian/ My verb is fighting!’
This is the pedagogy of resistance that we need worldwide. This is a paradigm of pedagogical thinking that will take its place in schools all over the world.
The No is a universal No to the dehumanisation of any human being, of the Jews of yesteryear and the Palestinians of today.

MILENA RAMPOLDI
Necesitamos una pedagogía de la resistencia

Milena Rampoldi, 28-10-2024

La pedagogía es una de las ciencias fundamentales a la hora de cambiar el mundo que no nos gusta como es ahora. Por lo tanto, la pedagogía tiene la tarea de plantear la utopía sociopolítica que nos gustaría ver en un futuro próximo. La pedagogía debe sembrar en nuestras mentes y en las de nuestros hijos el deseo de adelantar en el tiempo esos ideales éticos, dejar de soñar con ellos y vivirlos en primera persona. Cualquier cambio en las personas y en la sociedad empieza por la educación de los niños y de la sociedad en su conjunto en el sentido de un aprendizaje permanente.


“La educación autónoma construye mundos diferentes donde quepan muchos mundos verdaderos con verdades”, mural realizado por un colectivo liderado por Gustavo Chávez Pavón, Oventic, Chiapas, México

A menudo se habla de la pedagogía de los derechos humanos. Hay que sensibilizar a los niños desde pequeños para que crezcan como personas que no discriminan ni explotan a los demás. Deben convertirse en personas que muestren empatía, se opongan a la violencia y a la guerra y trabajen activa y dinámicamente por un mundo mejor en un espíritu de paz y justicia. Deben crecer como personas tolerantes y cooperativas que apoyan a los débiles, se oponen a toda violencia en su entorno, denuncian el racismo y la discriminación, hacen campaña a favor de situaciones de partida justas y piensan de forma tolerante y abierta.

Pero para las personas sometidas a una opresión extrema o a un genocidio, la educación en derechos humanos no es suficiente. Porque en un entorno de completa deshumanización, o de brutal asesinato y asfixia de todo sueño humano de vida, ninguna pedagogía de los derechos humanos puede afianzarse, porque eso significaría que a las personas no se les ha negado su humanidad, como es el caso. Pues la narrativa del genocidio requiere la deshumanización previa del enemigo. Sólo puedo matar si sé que no hay humanos delante de mí. Sólo entonces puedo apretar el gatillo y sólo entonces puedo matar niños en masa. Y así ocurrió en el régimen nazi. Y vuelve a ocurrir hoy en Gaza. Las víctimas son niños que han sido deshumanizados de antemano para poder matarlos fríamente y más allá de cualquier consideración ética.
Por tanto, lo que necesitamos urgentemente en un entorno de deshumanización no es una educación en derechos humanos, sino una educación en resistencia. Y el objetivo de esta resistencia, que es el resultado de la pedagogía de la resistencia, es el reconocimiento renovado de la humanidad de los deshumanizados, junto con la superación de su papel de víctimas y su cosificación.
Lo que Theodor Adorno dice tan bellamente, aunque con algunas restricciones etnocéntricas, se aplica a toda la humanidad. En su ensayo de 1966 sobre el Nunca más del campo de concentración de Auschwitz y la matanza de conciudadanos que fueron gaseados por pertenecer a una «raza» judía y, por tanto, semita inferior, el filósofo judío se expresaba de la siguiente manera, refiriéndose a la educación tras este genocidio contra los judíos:
« La exigencia de que Auschwitz no se repita es la primera de todas en la educación. Hasta tal punto precede a cualquier otra que no creo deber ni poder fundamentarla. No acierto a entender que se le haya dedicado tan poca atención hasta hoy. Fundamentarla tendría algo de monstruoso ante la monstruosidad de lo sucedido. […] Cualquier debate sobre ideales de educación es vano e indiferente en comparación con este: que Auschwitz no se repita. Fue la barbarie contra la que se dirige toda educación. »
Y este paradigma de la pedagogía de la resistencia es precisamente el hilo conductor del libro del profesor de historia colombiano Renán Vega Cantor titulado «La educación después del genocidio de Gaza», que acabo de traducir del español al inglés y alemán.
La resistencia en ese enclave, que simboliza el ejemplo máximo de la opresión sionista e imperialista del Otro, no es sólo un derecho universal, sino una obligación universal que debe venir tanto de dentro como de fuera. Los educadores de todo el mundo están llamados a poner nombre a las violaciones israelíes de los derechos humanos y a denunciar la brutalidad de este genocidio. Porque ni Auschwitz ni Gaza deben repetirse. La resistencia al aparato asesino del Estado sionista, que pone completamente patas arriba la ética y el pensamiento religioso judíos, sólo puede garantizarse mediante esta inversión: los niños de Gaza no son víctimas, sino luchadores.
Este concepto fue resumido por el poeta palestino-brasileño Yasser Jamil Fayad en breves pero elocuentes palabras como sigue:
“Correr/ Bailar/ Llorar/ Abrazar/ Amar/ Sufrir/ Ayudar/Gritar/ En la vida caben muchos y muchos verbos./ Yo Soy Simplemente palestino/ ¡Mi verbo es luchar!”
Esta es la pedagogía de la resistencia que necesitamos en todo el mundo. Este es un paradigma de pensamiento pedagógico que ocupará su lugar en las escuelas de todo el mundo.
El No es un No universal contra la deshumanización de todas las personas, los judíos del pasado y los palestinos de hoy.


MILENA RAMPOLDI
Nous avons besoin d’une pédagogie de la résistance

Milena Rampoldi, 28/10/2024

La pédagogie est l’une des sciences fondamentales lorsqu’il s’agit de changer le monde qui ne nous plaît pas tel qu’il est actuellement. La pédagogie a donc pour mission d’anticiper l’utopie socio-politique que nous aimerions voir se réaliser dans un avenir proche. La pédagogie doit semer dans nos têtes et dans celles de nos enfants le désir d’anticiper ces idéaux éthiques dans le temps, pour cesser d’en rêver et pour les vivre de près. Tout changement de l’homme et de la société commence dans le domaine de l’éducation des enfants et de l’ensemble de la société dans le sens d’un apprentissage tout au long de la vie.


« L’éducation autonome construit des mondes différents où s’intègrent de nombreux mondes vrais avec des vérités » : peinture murale  réalisée par un collectif dirigé par Gustavo Chávez Pavón, école primaire zapatiste d’Oventic, au Chiapas, Mexique.

On parle aussi très souvent de la pédagogie des droits humains. Les enfants doivent être sensibilisés dès leur plus jeune âge afin de devenir des personnes qui ne discriminent ni n’exploitent les autres. Ils doivent devenir des personnes qui font preuve d’empathie, qui s’opposent à la violence et à la guerre et qui travaillent activement et de manière dynamique pour un monde meilleur dans le sens de la paix et de la justice. Ils doivent grandir en tant que personnes tolérantes et coopératives, qui soutiennent les faibles, s’opposent à toute violence dans leur environnement, dénoncent le racisme et la discrimination, s’engagent pour des situations de départ équitables et pensent de manière tolérante et ouverte.
Mais pour les personnes exposées à une oppression extrême ou à un génocide, la pédagogie des droits humains ne suffit pas. En effet, dans un environnement de déshumanisation totale ou de mise à mort pure et simple et d’étouffement de tout rêve de vie humaine, aucune pédagogie pour les droits humains ne peut prendre racine, car cela signifierait que les personnes n’ont pas été privées de leur humanité, ce qui est pourtant le cas. Car le récit d’un génocide nécessite la déshumanisation préalable de l’ennemi. Je ne peux tuer que si je sais qu’il n’y a pas d’êtres humains face à moi. Ce n’est qu’alors que je peux appuyer sur la gâchette et que je peux tuer des enfants en masse. Et c’est ce qui s’est passé sous le régime nazi. Et cela se répète aujourd’hui à Gaza. Les victimes sont des enfants qui ont été déshumanisés au préalable afin de pouvoir les tuer froidement, au-delà de toute considération éthique.
Ce dont nous avons urgemment besoin dans un environnement de déshumanisation, ce n’est donc pas d’une pédagogie des droits humains, mais d’une éducation à la résistance. Et le but de cette résistance, qui est le résultat de la pédagogie de la résistance, est la reconnaissance renouvelée de l’humanité des déshumanisés, en même temps que le dépassement de leur rôle de victime et de leur chosification.
Ce que Theodor Adorno dit si bien, même si c’est avec quelques restrictions ethnocentriques, vaut pour l’humanité entière. Dans son essai de 1966 sur le « plus jamais ça » du camp de concentration d’Auschwitz et la mise à mort de concitoyens gazés parce qu’ils appartenaient à une « race » sémite inférieure, le philosophe juif s’exprimait ainsi et faisait référence à l’éducation après ce génocide des Juifs :
« L’exigence qu’Auschwitz ne se reproduise plus est la toute première en matière d’éducation. Elle précède tellement toutes les autres que je ne crois en rien avoir à la justifier. Je ne peux pas comprendre qu’on ne s’en soit pas préoccupé à ce jour. Lui trouver une justification serait monstrueux face à la monstruosité qui se produisit. […] …. Discuter d’idéaux dans le domaine de l’éducation ne mène à rien face à cette exigence : plus jamais d’Auschwitz. Ce fut le type de barbarie contre laquelle se dresse toute éducation1 » .
Et ce paradigme de la pédagogie de la résistance est justement le fil conducteur du livre du professeur d’histoire colombien Renán Vega Cantor, intitulé « Éduquer après le génocide de Gaza », que je viens de traduire de l’espagnol en anglais et en allemand.
La résistance dans une telle enclave, qui symbolise l’exemple par excellence de l’oppression sioniste et impérialiste de l’Autre, n’est pas seulement un droit universel, mais une obligation universelle qui doit venir à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. Les pédagogues du monde entier sont appelés à nommer par leur nom les violations israéliennes des droits humains et à dénoncer la brutalité de ce génocide. Car ni Auschwitz ni Gaza ne doivent se répéter. La résistance à l’appareil meurtrier de l’État sioniste, qui met totalement sens dessus dessous l’éthique et la pensée religieuse juives, ne peut être garantie que par ce renversement : les enfants de Gaza ne sont pas des victimes, mais des combattants.
Ce concept a été résumé par le poète palestino-brésilien Yasser Jamil Fayad en termes brefs mais éloquents comme suit :

« Courir/ Danser/ Pleurer/ Embrasser/ Aimer/ Souffrir/Aider/ Crier/ Dans la vie, il y a beaucoup, beaucoup de verbes/Je suis simplement Palestinien/ Mon verbe, c’est lutter ! »
C’est la pédagogie de la résistance dont nous avons besoin dans le monde entier. C’est un paradigme de la pensée pédagogique qui prendra place dans les écoles du monde entier.
Le Non est un Non universel à la déshumanisation de tout être humain, des Juifs d’hier et des Palestiniens d’aujourd’hui.

1- Trad. de Marc Jimenez et Éliane Kaufholz, in Modèles critiques, Payot 2003, p. 235


MILENA RAMPOLDI
Wir brauchen eine Pädagogik des Widerstands

Milena Rampoldi, 28.10.2024

Die Pädagogik ist eine der grundlegenden Wissenschaften, wenn es darum geht, die Welt zu verändern, die uns so, wie sie gerade aussieht, nicht gefällt. Die Pädagogik hat somit die Aufgabe, die sozio-politische Utopie vorzuziehen, die wir in der nahen Zukunft gerne sehen möchten. Die Pädagogik soll in unseren Köpfen und in den Köpfen unserer Kinder den Wunsch säen, diese ethischen Ideale zeitlich vorzuziehen, um aufzuhören davon zu träumen und diese hautnah zu erleben. Jegliche Veränderung des Menschen und der Gesellschaft nimmt ihren Anfang im Bereich der Erziehung der Kinder und der gesamten Gesellschaft im Sinne des lebenslangen Lernens.

Wandbild „Autonome Bildung baut verschiedene Welten, in die viele wahre Welten mit Wahrheiten passen“, von einem Kollektiv unter der Leitung von Gustavo Chávez Pavón, zapatistische Grundschule in Oventic, Chiapas, Mexiko

Sehr oft wird auch von der Pädagogik der Menschenrechte gesprochen. Kinder sollen von Klein auf sensibilisiert werden, um zu Menschen heranzuwachsen, die andere weder diskriminieren noch ausbeuten. Sie sollen sich zu Menschen entwickeln, die Empathie walten lassen, sich Gewalt und Krieg widersetzen und aktiv und dynamisch für eine bessere Welt im Sinne des Friedens und der Gerechtigkeit arbeiten. Sie sollen als tolerante und kooperative Menschen heranwachsen, die Schwache unterstützen, sich jeglicher Gewalt in ihrer Umgebung widersetzen, Rassismus und Diskriminierung anprangern, sich für gerechte Ausgangssituationen einsetzen und tolerant und offen denken.

Aber für Menschen, die einer extremen Unterdrückung bzw. dem Völkermord ausgesetzt sind, reicht die Pädagogik für die Menschenrechte nicht aus. Denn in einer Umgebung der vollkommenen Entmenschlichung bzw. der knallharten Tötung und Erstickung jedes menschlichen Lebenstraums kann keine Pädagogik für die Menschenrechte Fuß fassen, denn das würde bedeuten, dass den Menschen ihre Menschlichkeit nicht aberkannt wurde, was aber der Fall ist. Jegliches Narrativ eines Genozids bedarf nämlich der vorausgehenden Entmenschlichung des Feindes. Ich kann nur zielen und töten, wenn ich weiß, dass vor mir keine Menschen stehen. Nur dann kann ich abdrücken und nur dann kann ich auch Kinder in Massen töten. Und das war im NS-Regime der Fall. Und das wiederholt sich heute in Gaza. Die Opfer sind Kinder, die im Vorfeld entmenschlicht wurden, um sie kalt und jenseits jeglicher ethischen Überlegung töten zu können.

Was wir in einer Umgebung der Entmenschlichung dringend brauchen, ist somit nicht eine Pädagogik der Menschenrechte, sondern eine Erziehung zum Widerstand. Und das Ziel dieses Widerstands, der das Ergebnis der Pädagogik des Widerstands ist, ist die erneute Anerkennung der Menschlichkeit der Entmenschlichten, einher mit der Überwindung ihrer Opferrolle und ihrer Verdinglichung.

Was Theodor Adorno, wenn auch mit einigen ethnozentrischen Einschränkungen, so schön sagt, gilt für die gesamte Menschheit. Der jüdische Philosoph äußerte sich in seinem Aufsatz von 1966 über das Nie wieder des Konzentrationslagers von Auschwitz und der Tötung von Mitbürgern, die als Zugehörige einer jüdischen und somit unterlegenden semitischen „Rasse“ vergast wurden, wie folgt und bezog sich auf die Erziehung nach diesem Völkermord an den Juden:

„Die Forderung, daß Auschwitz nicht noch einmal sei, ist die allererste an Erziehung. Sie geht so sehr jeglicher anderen voran, daß ich weder glaube, sie begründen zu müssen noch zu sollen. Ich kann nicht verstehen, daß man mit ihr bis heute so wenig sich abgegeben hat. Sie zu begründen hätte etwas Ungeheuerliches angesichts des Ungeheuerlichen, das sich zutrug. […] …. Jede Debatte über Erziehungsideale ist nichtig und gleichgültig diesem einen gegenüber, daß Auschwitz nicht sich wiederhole. Es war die Barbarei, gegen die alle Erziehung geht”.

Und dieses Paradigma der Pädagogik des Widerstands ist gerade der rote Faden, der sich durch das Buch des kolumbianischen Geschichtsprofessors Renan Vega Cantor mit dem Titel „Erziehung nach Gaza“ zieht, das ich gerade aus dem Spanischen ins Englische und Deutsche übersetzt habe.

Der Widerstand in einer solchen Enklave, die das Paradebeispiel der zionistischen, imperialistischen Unterdrückung des Anderen symbolisiert, ist nicht nur ein universelles Recht, sondern eine universelle Verpflichtung, die sowohl von Innen als auch von Außen kommen muss. Pädagogen aus aller Welt sind dazu aufgerufen, die israelischen Verstöße gegen die Menschenrechte beim Namen zu nennen und die Brutalität dieses Genozids anzuprangern. Denn weder Auschwitz noch Gaza darf sich wiederholen. Der Widerstand gegen den mörderischen Apparat des zionistischen Staates, der die jüdische Ethik und das jüdische religiöse Denken vollkommen auf den Kopf stellt, lässt sich nur durch diese Umstülpung gewährleisten: Die Kinder von Gaza sind keine Opfer, sondern Kämpfer.

Dieses Konzept hat der palästinensisch-brasilianische Dichter Yasser Jamil Fayad in kurzen, aber beredten Worten wie folgt zusammengefasst:

„Laufen/ Tanzen/ Weinen/ Küssen/Lieben/Leiden/Helfen/Schreien/ E gibt unzählige Verben im Leben/ Ich bin nur Palästinenser/ Mein Verb lautet Kämpfen!“

Diese ist die Pädagogik des Widerstandes, die wir weltweit brauchen. Es handelt sich hierbei um ein Paradigma des pädagogischen Denkens, das in den Schulen aller Welt seinen Platz einnehmen muss.

Das Nein der Pädagogik des Widerstands ist ein universelles Nein gegen die Entmenschlichung jeglicher Menschen, der Juden von damals und der Palästinenser von heute.