Deux
garçons palestiniens, âgés de 11 et 15 ans, ont chacun perdu un œil après s’être
fait tirer dessus par des soldats israéliens. Le plus jeune s'est vu refuser
l'entrée en Israël pour recevoir des soins médicaux car il représente un “risque
pour la sécurité”. Le plus âgé s'est rendu en Jordanie pour tenter de sauver
son œil.
Ils
vivent à un kilomètre de distance, ne se sont jamais rencontrés et ne le feront
probablement jamais. L'un est issu d'une famille de réfugiés et il vit dans
l'un des camps les plus sinistres, les plus pauvres et les plus surpeuplés de
Cisjordanie. L'autre, plus âgé de quelques années, vit avec sa mère et ses
frères et sœurs dans une maison relativement spacieuse dans une ville voisine.
Le père du premier est l'imam du camp. Le père du garçon plus âgé vit à
Houston, au Texas, depuis quatre ans et demi, dans l'espoir d'améliorer sa vie
et d'obtenir la citoyenneté usaméricaine pour lui et sa famille, et d'assurer
un avenir à ses enfants. Pour le garçon du camp de réfugiés, cependant, il n'y
a ni présent ni avenir.
La
principale chose que ces deux jeunes ont en commun, outre le fait qu'ils sont
des Palestiniens vivant sous l'occupation israélienne, est la triste réalité :
chacun d'eux a récemment perdu un œil suite à des tirs de soldats des forces de
défense israéliennes. Safi Jawabra, 11 ans, a perdu son œil gauche ; Ziad Abu
Ayyash, 15 ans, a été touché à l'œil droit.
Une
autre chose que les deux enfants ont en commun concerne Ibrahim al-Nabulsi,
l'un des individus les plus recherchés par Israël jusqu'à ce qu'il soit abattu
par les forces de sécurité israéliennes à Naplouse le 9 août. C'est ce même
jour, lors d'une manifestation de protestation contre le meurtre de Nabulsi
organisée à Beit Ummar, sa ville, que Ziad Abou Ayyash a été blessé. Pour sa
part, Jawabra porte aujourd'hui une photo de Nabulsi en pendentif accroché à
une chaîne autour de son cou.
Al-Aroub
évoque les images d'un camp de réfugiés comme à Gaza. Des allées étroites où se
pressent des hordes d'enfants après l'école, des ordures qui s’entassent dans
les rues, une pauvreté abjecte, un fatras de structures, avec des maisons
superposées, et des hommes sans emploi, oisifs et apathiques. Et comme si tout
cela ne suffisait pas, une tour de béton fortifiée de l'armée israélienne
domine le camp, tandis que des soldats tiennent les postes de contrôle postés à
chacune des deux entrées d'Al-Aroub depuis la route 60, entre Bethléem et Hébron.
Safi
Jawabra vit au deuxième étage d'un immeuble situé à l'extrémité d'une des
étroites ruelles d'Al-Aroub. C'est une maison misérable, dont l'entrée est
également pleine d’ ordures, bien qu'une tentative désespérée ait été faite
pour atténuer la grisaille sous la forme de canapés en velours cramoisi délavé
dans le salon. Jawabra, vêtu d'un jean à la mode, est un garçon séduisant, avec
deux fossettes et un sourire conquérant. Il est le plus jeune des sept membres
de la famille ; c'est son père, Ahmed, 65 ans, qui est l'imam local.
Jawabra porte une
photo d'Ibrahim al-Nabulsi en pendentif
En règle
générale, les Israéliens ne croient pas les Palestiniens et sont convaincus que
l'armée a toujours raison, mais dans le cas de Shireen Abu Akleh, la victime
n'est pas anonyme. Cela n'a quand même pas empêché Tsahal de mener une
opération de camouflage
Peinture
murale sur Shireen Abu Akleh après sa mort, à Gaza, en mai. Photo :
Adel Hana/AP
L'armée israélienne veut nous faire croire qu'il y a une “forte probabilité”
qu'un de ses soldats de l'unité d'élite Duvdevan se soit trompé et ait pensé
que la journaliste Shireen Abu Akleh était une Palestinienne armée (à cause du
casque sur la tête et du gilet pare-balles qu'elle portait). C'est pourquoi il
lui a tiré dessus à travers une lunette de visée, qui grossit par une puissance
de quatre, depuis l'intérieur de la jeep blindée où il était assis. D'un point
de vue civil, et non militaire, deux conclusions découlent de la nouvelle
dissimulation de Tsahal, connue sous le nom d’« enquête ». La première est que
si un soldat confond les journalistes et les hommes armés, et si ses
commandants lui permettent de continuer à tirer dans cette confusion vers les
journalistes au moins 10 balles, alors Tsahal est vraiment dans un sale état.
La deuxième conclusion est qu'une telle confusion n'est possible que parce que
Tsahal, ses commandants et ses soldats, ont un mépris profond et croissant pour
la vie des civils palestiniens.
Les soldats sont programmés pour être “confus” et faire de telles erreurs
professionnelles, parce qu'ils sont socialisés pour croire qu'ils sont la
victime alors que le criminel est la population civile palestinienne qui est
sous la domination étrangère israélienne.
L'annonce par l'unité du porte-parole des FDI des conclusions de la
nouvelle enquête sur le meurtre de la journaliste, qui avait l'habitude de
couvrir les invasions et les raids militaires, ignore le fait qu'avant de tirer
et de la tuer, le soldat ou un autre soldat a tiré sur le journaliste Ali
al-Samoudi et l'a blessé à l'épaule.
La déclaration du porte-parole des FDI et les reportages des médias passent
également sous silence le fait que quelques minutes avant le tir mortel, le
groupe de journalistes - portant des casques et des gilets pare-balles - est
passé devant les soldats qui se trouvaient à l'intérieur de leurs véhicules
blindés.
« Nous avons marché de manière rectiligne, alors que devant nous, à
une distance d'environ 200 mètres, se trouvaient quelques jeeps de l'armée.
Nous voulions que les soldats nous voient et nous reconnaissent en tant que
journalistes », a expliqué le journaliste vétéran al-Samoudi à l'ONG
israélienne de défense des droits humains B'Tselem. Comme sa collègue Abu
Akleh, al-Samoudi avait l'expérience de la couverture de tels événements et
avait appris quels moyens de prudence étaient nécessaires pour rester en
sécurité.
Deux autres journalistes qui se trouvaient sur les lieux à Jénine et ont
livré leurs témoignages à B'Tselem - Shatha Hanaysha et Mujahid al-Sa'adi - ont
également souligné que leurs actes visaient à assurer aux soldats dans les
jeeps qu'ils étaient des journalistes. S'il y avait eu une bataille à cet
endroit, ils ne seraient pas passés devant les jeeps avec autant de confiance.
Selon les FDI, le soldat a tiré une vingtaine de balles, dont 10 sur la “zone”
où se tenait Abu Akleh. Selon B'Tselem, les soldats ont tiré environ 16 balles
en direction des journalistes. L'un des six premiers tirs a blessé al-Samoudi.
Il s'est précipité pour s'abriter derrière une voiture en stationnement. Trois
autres journalistes, dont Abu Akleh, ont reculé de l'endroit où ils se
trouvaient. Puis sept coups de feu ont été tirés dans leur direction, dont l'un
a touché Abu Akleh à la tête, par derrière. Alors qu'un habitant palestinien
tentait de l'évacuer, les soldats ont tiré vers lui trois autres coups de feu.
Alors, est-ce ce seul soldat qui a tiré ou plusieurs ? Nous ne le savons pas.
Il y a cinq conditions nécessaires pour que le meurtre ou la blessure de
civils palestiniens par des soldats des FDI se passe tranquillement et sans
aucune complication médiatique. Dans le cas du meurtre d'Abu Akleh, seules
quatre de ces cinq conditions étaient réunies.
La première condition est que le public israélien croie les histoires de
cow-boys dont il est gavé, comme si les soldats des FDI en Cisjordanie étaient
envoyés au combat, même symétrique, contre des forces ennemies de même
puissance qui n'ont aucune raison ou justification de résister à l'invasion
militaire de leur quartier.
La dernière couverture en date fait état de tirs nourris en direction des
jeeps blindées des FDI dans lesquelles se trouvaient les soldats. Il est vrai
que de nombreux jeunes Palestiniens, en particulier dans la région et le camp
de réfugiés de Jénine, se sont procuré des armes et ont juré de ne pas laisser
l'armée envahir leurs villages et leurs quartiers sans résistance, comme si les
soldats étaient des chasseurs en safari.
Sur les reportages occasionnels à la télévision, les tireurs armés ont
effectivement l'air effrayants : des visages masqués, d'énormes fusils à la
main. Parfois, ils parviennent même à toucher un soldat. Mais être considéré
comme un héros par les Palestiniens et être prêt à sacrifier sa vie contre un
ennemi équipé d'armes sophistiquées et avancées ne remplace pas les exercices
d'entraînement et le développement continu des tactiques de combat dans des
conditions de guérilla. Et ces deux éléments font manifestement défaut.
Les sources militaires, qui ont rendu compte de l'“enquête” et ont été
citées dans la presse, ont fait état de tirs massifs, indiscriminés et mettant
en danger la vie des soldats pendant la bataille. Personne ne peut douter de la
peur subjective des soldats, mais est-il possible de croire la description
faite par l'“enquête” d'une bataille dans laquelle les soldats des FDI sont
décrits comme des civils presque innocents qui se trouvaient là par hasard ?
Des clips vidéo filmés en temps réel, obtenus et diffusés par des médias
internationaux - tels que CNN et le New York Times - montrent
qu'il n'y a eu aucune bataille, ni pendant ni avant que le soldat désorienté ne
tire sur les deux journalistes. Si des balles ont touché les jeeps, cela ne
s'est pas produit à ce moment-là. Alors de quelle bataille nous parle-t-on ?
La deuxième condition requise pour que la mort d'un civil palestinien passe
complètement sous le radar est l'incrédulité et le discrédit automatiques de
l'opinion publique israélienne à l'égard de tout témoignage oculaire palestinien
et de toute enquête indépendante - que ce soit par des médias étrangers ou par
des organisations de défense des droits humains.
Même si, après la publication de ces enquêtes et d'autres enquêtes
journalistiques indépendantes, les FDI peuvent toujours se cacher derrière des
termes comme “par erreur” et “forte probabilité” - c'est précisément parce
qu'elles se sentent protégées par le même discrédit israélien de toute constatation
palestinienne.
La troisième condition est le mépris collectif et constant des Israéliens pour
la liste croissante de civils palestiniens tués ou blessés par des soldats des
FDI ou des agents de la police des frontières, qui laisse entrevoir un modèle
de règles d'engagement très indulgentes. B'Tselem documente chaque cas, dont
certains obtiennent l'attention des lecteurs du Haaretz, et c'est tout.
Les chiffres croissants ne tirent pas la sonnette d'alarme - ni pour le public,
ni pour la Knesset, ni pour le ministère public, ni pour les tribunaux. Alors
pourquoi les FDI devraient-elles se transformer et modifier leurs protocoles ?
La quatrième condition est que le public israélien considère comme
naturelle et normale la mission des forces de sécurité - l'armée, les services
de renseignement, la police - en tant que gardiens et protecteurs de
l'entreprise de colonisation. Parce que le projet de colonisation s'étend sans
opposition internationale, de plus en plus d'Israéliens en profitent
directement et indirectement - une apparente normalité que les Palestiniens -
également des manifestants non armés - perturbent parfois.
Et comme presque tous les foyers israéliens ont un fils ou un fille soldat
auquel ils s'identifient automatiquement, la capacité cognitive à mettre en
doute cette fausse normalité est altérée et paralysée. Le soldat a toujours
raison. C'est pourquoi les FDI ont toujours raison aussi. (Sauf, bien sûr, si
les commandants maltraitent les soldats ou leur donnent de la nourriture
immangeable. C'est seulement dans ce cas que les parents gueulent).
La cinquième condition est l'anonymat des victimes palestiniennes.
Lorsqu'un Israélien est blessé dans une attaque palestinienne, il est
immédiatement reconnu et cher au public israélien : avec une histoire de vie,
et le contexte sociologique qui est compris sans beaucoup de mots.
Le tueur inconnu de #ShireenAbuAkleh !, par Emad Hajjaj
Lorsque les morts et les blessés sont des Palestiniens - même si leurs noms
sont publiés - ils sont étrangers, aucun des quelques détails connus ne peut
susciter des associations d'affection et d'identification chez les Israéliens.
Dans le cas d'Abu Akleh, c'est exactement la condition qui n'a pas été remplie.
Elle était à la fois une citoyenne usaméricaine et une icône médiatique pour
des centaines de millions de téléspectateurs de la chaîne de télévision Al
Jazeera. Elle est également devenue célèbre pour ceux qui ne la
connaissaient pas auparavant.
Mais cela n'a pas suffi pour que les FDI s'abstiennent d'étouffer
l'affaire. C'est précisément le fait que les FDI aient ignoré la documentation
vidéo et les témoignages de témoins palestiniens, publiés par des médias
internationaux respectés, qui soulève des questions sur la véritable raison de
la dissimulation dans cette affaire.
S'agissait-il vraiment d'un soldat confus (ou deux) qui a fait une erreur,
ou d'un doigt léger sur la gâchette dans le cadre d'une routine - une routine
que Tsahal n'a pas l'intention de changer parce qu'elle est un moyen de “gouvernabilité”
nécessaire pour faire avancer l'entreprise de colonisation ?
Ce qui s'est passé dans les derniers instants de
la Seconde Guerre du Liban le hante jour et nuit. Entretien à cœur ouvert
avec le général de brigade des FDI Effie Defrin
Le général Effie Defrin : « Mon état d’esprit était
déjà que je ne reviendrais pas. Le vendredi soir, j'ai parlé avec ma femme au
téléphone et je me suis demandé comment mener une dernière conversation avec
elle sans lui dire que je ne reviendrais pas. » Photo :Tomer
Appelbaum
Vendredi dernier, le 12 août, le général de
brigade Effie Defrin a marqué ce qu'il appelle, avec une certaine ironie,
« l'anniversaire de ma mort ». Dans l'après-midi de ce jour, il y a
16 ans, Defrin était le commandant du 9e bataillon de la 401e
brigade blindée des Forces de défense israéliennes. Lorsque la brigade a
commencé à traverser Wadi Saluki, dans ce qui deviendrait probablement la
bataille la plus connue et la moins nécessaire de la Seconde Guerre du Liban,
le bataillon de Defrin a été attaqué avec des missiles antichars dans une
embuscade du Hezbollah. Il a été grièvement blessé et a été évacué alors
qu'il était ventilé et dans le coma induit. Initialement, son état a été
classé comme critique. Sa femme, Carmel, a été appelée à l'hôpital, avec
l'idée qu'elle devrait se séparer de lui.
Mais Defrin se remit exceptionnellement vite,
surprenant ses médecins, et quelques semaines plus tard il était de retour à
la tête de son bataillon – qui, comme lui, était sorti de la guerre battu et
meurtri. Au cours des trois dernières années, il a dirigé la Division de la
coopération internationale de l'armée, qui, malgré son nom plutôt inoffensif (qui
sera bientôt changé), est chargée de coordonner les efforts de collaboration
entre les FDI et des dizaines d'armées étrangères, et entretient également
certains des liens de sécurité sensibles d'Israël.
Sur les photos officielles de l'armée, Defrin,
en uniforme, sourit toujours. C'est aussi le visage connu de ses nombreux homologues
dans les armées des pays amis. Mais depuis la bataille de Wadi Saluki, il a
néanmoins porté en lui une expérience qui n'a été diagnostiquée que ces
dernières années comme un syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
Dans une interview à Haaretz, il décrit
franchement les pensées et les sentiments difficiles que la guerre lui a
laissés : qu'il s'agisse de la mauvaise préparation des troupes, de la
déception au vu de l'issue des combats, ou de la perte de ses hommes et de
l'immense estime pour le courage dont ses soldats ont fait preuve au combat.
À mon avis, les hauts gradés de Tsahal encore en service, ou ceux qui ont
terminé leur service ces dernières années, qui portent des fardeaux
similaires ne sont pas rares – mais Defrin est apparemment le premier d'entre
eux à en parler si franchement.
Tanks disparus
J'ai rencontré Defrin pour la première fois, en
avril 2007, environ huit mois après la fin de la guerre au Liban. À l'époque,
il avait 35 ans. Au cours de la collecte de matériel pour un livre sur la
guerre (publié en anglais, en 2009, sous le titre « 34 Days :
Israel, Hezbollah, and the War in Lebanon » [34 jours : Israël, le
Hezbollah et la guerre au Liban]), que j'ai écrit avec Avi Issacharoff, des
centaines d'entretiens ont été menés avec des personnes qui avaient été
impliquées dans les combats. Parfois, le voyage que nous avons fait parmi les
personnes interrogées – du premier ministre et des membres du cabinet, en
passant par les généraux et les soldats du rang – ressemblait à des visites à
des personnes blessées dans un accident de voiture en chaîne.
Le rapport intérimaire accablant de la
Commission d'enquête Winograd sur la guerre venait d'être publié. L'histoire
révisionniste de la guerre, la fausse affirmation que les FDI avaient en fait
remporté une victoire retentissante, n'avait pas encore vu le jour. Certains
des acteurs clés avaient déjà démissionné, dans un climat de dépression que
la guerre avait engendré parmi le public. D'autres luttaient toujours pour
leur avenir, avec l'aide d'avocats et de transcriptions de réunions secrètes.
Des citations ont été tirées d'eux avec soin pour démontrer la responsabilité
limitée que ces individus portaient ostensiblement pour l'échec de la guerre
et pour rejeter la responsabilité sur leurs rivaux.
La rencontre avec Defrin était totalement
différente. À la différence d’une grande partie des
entretiens menés pour le livre, il s'agissait d'une conversation de fond, qui
a été arrangée par des représentants de l'unité du porte-parole de Tsahal,
parce que Defrin était toujours en service actif. Nous n'étions pas autorisés
à le citer directement. L'entrevue d'une heure que j'avais programmée avec
lui a duré près de trois heures.
Bien
qu'elle ait signalé le viol le soir même, la soldate n'a pas été emmenée pour
se faire soigner, sa plainte n'a pas été transmise et son accès à une arme n'a
pas été limité.
Soldates israéliennes lors
du Yom HaZikaron (Journée du souvenir des soldats morts en opération) 2021.
Photo Getty Images
Une femme
soldat a signalé à ses officiers qu'elle avait été violée. Sa plainte n'a pas
été transmise comme il se doit, et aucun membre des services de santé mentale
de l'armée ne lui en a parlé. Dix jours après avoir signalé son viol, et après
une première tentative ratée, elle s'est suicidée sur la base où elle servait,
avec l'arme de son commandant.
La police
militaire interroge actuellement les officiers impliqués dans l'affaire pour
suspicion de négligence, car ils n'ont pas transmis la plainte de la soldate à
la police israélienne ou à la police militaire, et ne lui ont pas fourni un
traitement approprié.
Environ 10
jours avant de mettre fin à ses jours, la soldate a participé à une fête de
Pourim en dehors de la base où elle servait. Après la fête, elle a informé ses
commandants qu'elle avait été violée et qu'elle était en mauvaise condition
psychologique. Malgré sa plainte, elle n'a pas été conduite dans la salle de
traumatologie spéciale de l'hôpital pour les victimes d'agressions sexuelles.
En outre, aucune mesure n'a été prise pour limiter son accès à une arme, comme
cela devrait être fait dans de tels cas.
Bien que ses
commandants aient signalé le viol aux services de santé mentale de l'armée et
au conseiller du chef d'état-major pour les questions de genre, leurs
représentants ne l'ont pas rencontrée.
La veille de
sa mort, la soldate a été hospitalisée après une tentative de suicide ratée.
Selon des sources au fait de l'affaire, alors qu'elle était à l'hôpital, un
responsable de la santé mentale lui a téléphoné pour lui demander comment elle
allait, mais n'a pas donné suite pour s'assurer qu'un environnement sûr
l'attendait à sa sortie de l'hôpital. Sa famille immédiate n'était pas en Israël
à ce moment-là, et on ignore ce qu'elle savait à ce stade.
Elle est
sortie de l'hôpital sans que personne de l'armée ne l'accompagne et aucun
membre de l'armée n'a tenté de la contacter. Son accès à une arme n'a pas été
restreint, et elle a été autorisée à entrer dans les bases de l'armée.
L'armée israéliennecontinue d'expulser les habitants de ce
village de la vallée du Jourdain pour
s'entraîner sur leurs terres
Le crépuscule tomba ; dans un instant, la vallée
serait recouverte de ténèbres. L'espace d'un instant, la fumée blanche qui
s'échappait du taboun s'est mêlée à la fumée noire dégorgée par le
bulldozer. C'était une illusion d'optique : quelques dizaines de mètres
séparaient le four du bulldozer blindé. Le pain cuisait dans le taboun, l’engin
démolissait des champs de blé. Les scènes se fondaient dans une image
surréaliste.
Adel Turkman (à droite) et son fils, cette semaine, attendent que leurs champs soient ratissés.
« Vous viendrez, nous partirons ; vous partirez, nous reviendrons », disent les
habitants à l'armée.
Des fermiers indigents vivant dans des conditions
médiévales, sans eau courante et sans électricité, dans le froid de l'hiver de
la vallée du Jourdain, regardaient tristement les machines de destruction qui
avaient grondé dans leurs champs ce matin-là pour les ratiboiser. Ils avaient
labouré et semé dans des conditions incroyables. Toutes les quelques semaines,
les Forces de défense israéliennes se précipitaient pour démolir leurs tentes,
confisquer leurs tracteurs et leurs voitures, briser les panneaux solaires et
les conteneurs d'eau, et les expulser pendant un jour ou deux jusqu'à la fin du
dernier exercice d'entraînement dans leurs champs.
Les agriculteurs étaient
habitués à cela. Quel choix ont-ils ? Il n'y a pas de résistance ici, ils sont
les plus faibles des faibles, leur seul espoir ici est d'extraire du pain de la
bonne terre.
Mais ce qui s'est passé le
lundi de cette semaine était quelque chose de nouveau pour eux. Des centaines
de dounams de terre cultivée ont été
écrasés sous les chenilles des tanks des forces de
destruction israéliennes, les champs de blé sont devenus des terrains de
manœuvres militaires, les sillons ont été aplatis, et le sol fertile est devenu un terrain
d'entraînement. Cinq cents dounams (50ha), peut-être plus, de terre argileuse qui avaient été
plantés et entretenus, d'où émergeaient déjà des bourgeons qui rendaient la
terre verte, ont été réduits à l'état de terrain vague. La terre a été mise en
tas pour servir de rampe aux chars.
Des bulldozers militaires rasent des champs de
blé appartenant à des résidents d'Ibzik, cette semaine.
Avons-nous, nous, Juifs israéliens, développé une mutation dans notre
matériel génétique en raison du processus prolongé et imparable de domination
d'un autre peuple et d'accaparement de ses terres ? Si la pollution et les
radiations provoquent des mutations, pourquoi les ordres et le pouvoir
d'envahir, de détruire, de piller et de tuer qui ont été donnés au fil des ans
à des masses d'Israéliens armés de 18 ans ne provoqueraient-ils pas des
changements génétiques - et pas seulement psychologiques et comportementaux -
en eux et, plus tard, dans leur progéniture ?
Prenons un jour de notre vie en tant que
nation d’occupants et de spoliateurs : le 23 novembre 2021. Des dizaines de soldats et d'officiers de
l'administration civile israélienne en Cisjordanie - sans compter les
planificateurs, conseillers juridiques et commandants impliqués dans les
coulisses - ont détruit et confisqué des habitations, des tentes, des
bergeries, une route et même un futur mausolée. En une seule journée, selon
B'Tselem, 22 Palestiniens de Jérusalem, des collines du sud d'Hébron et des
régions de Ramallah et de Naplouse ont perdu leur maison.
Àla fin de cette journée, les membres du
service ont-ils ressenti une sentiment de supériorité ? Ou une léthargie, comme
après une journée de paperasserie ? De la fatigue, due à leur lever matinal ?
Comment expliquer qu'eux, et des dizaines de milliers de soldats, d'officiers
et de juristes avant eux, soient convaincus que ce qu'ils font est bien ?
Combien de soldats qui ont tiré sur les
genouxde manifestants le long de la frontière de la plus grande prison du
monde, la bande de Gaza, se réveillent dans la détresse devant l'invalidité
permanente qu'ils ont causée à ces condamnés à perpétuité ? Leur indifférence à
l'égard du désastre qu'ils ont infligé aux autres est-elle le résultat d'un
lavage de cerveau et desmensonges que leur ont fait ingurgiter les
écoles et les médias, ou ont-ils hérité de parents et de grands-parents qui ont
fait la même chose ?
Ces questions me sont venues à l'esprit
lorsque j'ai lu la déclaration de Nave Shabtay Levin, 17 ans, sur son intention
de refuser le service militaire, même au prix d'aller en prison pour cela.
« Comme tous les enfants israéliens, j'ai
été élevé sur la base d’un héritage militaire violent et raciste », a-t-il
écrit. « En CE2, nous connaissions tous déjà les histoires 'héroïques' des
fondateurs de l'État, comment de braves soldats avaient expulsé des gens de
chez eux pour que nous puissions vivre ici à la place. ... Lorsque nous
n'étudiions pas, nous jouions - nous nous déguisions en soldats, nous tenions
des fusils jouets et nous prétendions être ces soldats. ... En grandissant,
l'endoctrinement a grandi avec nous. Au collège, ils nous ont dit d'apprendre
l'arabe. Non pas pour pouvoir parler et se lier d'amitié avec des filles de
notre âge ... mais pour que, lorsque nous nous introduisions dans leurs
maisons, nous puissions leur dire de rassembler leur famille dans le salon. ...
Quand les gens apprennent que nous sommes au lycée, ils demandent immédiatement
: "Que ferez-vous dans l'armée ?" ».
Nave et les objecteurs de conscienceShahar Perets, qui doit retourner cette
semaine à la prison militaire pour la quatrième fois, et Eran Aviv, qui a été
exempté du service militaire après 114 jours passés dans une prison militaire,
sont-ils une mutation d'une mutation, ou le changementgénétique les a-t-il ignorés ?
Ou peut-être ne s’agit-il pas de changements
génétiques, mais plutôt d'une recâblage spécial de nos cerveaux due à la
communication entre nos cellules nerveuses et la pratique de l'asservissement
des Palestiniens ? Entre nos cellules nerveuses et le processus enivrant de la
spoliation de leurs terres et de leur transmission aux Juifs ? Il n'est que
raisonnable de penser que nos neurones ont été affectés pendant les décennies
où nous avons développé un modèle anachronique mais sophistiqué de colonialisme
de peuplement. Partout dans le monde - y compris dans les régions qui se sont
construites sur la destruction de la vie des peuples indigènes par l'entreprise
de colonisation et de suprématie européenne - le câblage du cerveau a changé et
l'on admet les crimes horribles commis. Mais il ne faut pas oublier : la
reconnaissance a été tardive. Dans bon nombre de ces États, les peuples autochtones
ont été réduits démographiquement, économiquement et politiquement à de
minuscules minorités en raison d'un génocide délibéré et non planifié,
parallèlement à la migration massive des colons.
L'épidémie de
suprématie juive devrait faire de plus en plus de victimes. Que les esprits des
objecteurs de conscience ne soient pas devenus accros à la puissance ou que ces
jeunes adultes soient des anticorps à l'épidémie de
suprématie - pour l'avenir de cet endroit, puissent-ils se multiplier.
Voici de bonnes nouvelles : Le chef du
commandement central de l'armée israélienne, Yehuda Fuchs, a visité le village
où le pogrom a eu lieu, Khirbet al-Mufkara.
Les commandants militaires israéliens Yehuda Fuchs et
Avihay Zafrani lors d'une visite à Khirbet al-Mufkara, samedi
Il est vrai que la visite a
été très courte, environ un quart d'heure. Certes, chaque fois que les
résidents ont prononcé le mot "colons" en arabe, le chef de
l'administration civile israélienne pour la région d'Hébron, Salim Saadi, a pris soin de le
traduire pour le major général par "résidents". Et il est vrai que le
général a répété comme un perroquet la phrase creuse selon laquelle "le
travail de l'armée est de protéger la sécurité de tous les résidents",
même si l'armée ne fait rien de tel.Néanmoins, il est rare qu'un
général rende visite aux résidents palestiniens et parle avec eux - pas
seulement dans ce village isolé et meurtri des collines
d'Hébron Sud, mais dans tous les territoires occupés depuis 1967. Le général de
division Fuchs mérite des éloges pour cette visite hâtive.Il nous a rappelé, même si ce n'est
qu'implicitement, le minimum que l'occupation est obligée de faire mais qu'elle
n'a jamais fait - voir les gens qu'elle soumet comme des êtres humains. Fuchs a
rencontré des Palestiniens pour un rare moment et a vu des êtres humains,
peut-être pour la première fois de sa vie. La plupart de ses collègues de
l'état-major général n'ont même jamais fait cela.
Arrêtez de dire "Les soldats ont tiré sans raison" ou
"un garçon palestinien a été tué sans raison". D'abord parce qu'il y
a une raison, ensuite parce que ce genre de formulation ne fait qu'ancrer la
représentation de la réalité que le gouvernement veut faire adopter aux gens.
Des soldats israéliens et des manifestants palestiniens
s'affrontent dans le village de Beita, en Cisjordanie, le 28 juillet 2021.
Photo : Jaafar Ashtiyeh / AFP
Commençons par le deuxième point. Quand on dit que "les soldats
ont tiré sans raison" sur la voiture
dans laquelle se trouvaient Muayad al-Alami et ses enfants Mohammed, Anan et
Ahmed, cela revient à dire que tout est normal et qu'il n'y a aucun problème à
ce que des soldats étrangers armés soient stationnés 24 heures sur 24 au cœur
d'une population civile.
C'est ce que les FDI et le gouvernement veulent que nous pensions,
c'est ce que les pelotons de colons nous disent et c'est ce que les Israéliens
juifs qui font une visite rapide au Yeshastan [yesha, »salut » en
hébreu, est l’acronyme par lequel les sionistes désignent la Cisjordanie et
Gaza, NdT] en viennent à penser. L'expression "a tiré sur/a été tué(e)
sans raison" contient en elle la prémisse que c'est le comportement d'un
certain Palestinien ou de la population palestinienne dans son ensemble qui
doit être scruté, car ce sont certainement eux qui ont dévié des règles que les
soldats attendent d'eux. Et pour chaque nouveau peloton, les Palestiniens sont
comme de nouvelles recrues qui ont été amenées dans une installation militaire
israélienne et qui doivent apprendre ses règles.
Uri
Misgav אורי משגב(Heftziba, 1974) est un journaliste et réalisateur israélien de
documentaires, écrivant sur Haaretz depuis 2012. @UriMisgav
Lorsque j'ai été enrôlé dans l'armée, Israël était en guerre contre
les armées syrienne et jordanienne, maintenait d'importantes forces et des
avant-postes dans le sud du Liban et assurait le maintien de l'ordre et la
surveillance des colonies face à un environnement palestinien hostile en
Cisjordanie et dans la bande de Gaza. C'était juste quelques années après la
première intifada, et elle pansait ses plaies après la guerre du Golfe, au
cours de laquelle elle avait été attaquée par des missiles irakiens et avait consacré
des ressources au théâtre iranien.
Le chef d'état-major des Forces de défense israéliennes,
le lieutenant-général Aviv Kochavi, prononce un discours au quartier général de
l'armée, en juin. Photo : Moti Milrod
Au sein du Commandement Sud des Forces de défense israéliennes,
où j'ai servi en tant qu'officier d’active et de réserve, des plans de guerre
visant à reconquérir la péninsule du Sinaï étaient encore en cours
d'élaboration au cas où - Dieu nous en préserve - la paix froide avec l'Égypte
s'effondrerait. Lorsque j'ai été libéré de l'armée, le budget annuel de la
défense était de 33 milliards de shekels (environ 10 milliards de dollars,
8,5 milliards d’€). Cette semaine, un budget de 58 milliards de shekels [15,2
milliards d’€] a été approuvé. Au cours des 25 années qui se sont écoulées,
25 milliards de shekels ont été ajoutés : une croissance d'un milliard de shekels
[263 millions d’€] par an.
Éditorial, Haaretz, 5/8/2021 Traduit par Fausto Giudice
Le plan présenté par le ministère de la
défense et les Forces de défense israéliennes au gouvernement jeudi dernier
semble avoir été conçu dans un univers parallèle. Il s'agit d'un plan visant à
augmenter les droits à la retraite de l'armée permanente, selon lequel les
soldats âgés de 40 ans et moins, qui prennent leur retraite à 42 ans, recevront
une pension de raccordement jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge officiel de la
retraite, à savoir 67 ans - et recevront une prime de retraite représentant 7 %
de leur pension.
Le ministre de la Défense, Benny
Gantz, et le ministre des Finances, Avigdor Lieberman, approuvent le plan de
retraite des militaires ; Photo : Moti Milrod
En outre, les soldats de combat et ceux qui
ont étudié dans les réserves universitaires de l'armée recevront un « supplément
sur le supplément » de 3 à 4 pour cent supplémentaires, et au total, ils
recevront une allocation de retraite de 11 pour cent jusqu'à l'âge de la
retraite.