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05/08/2024

SHAHIDUL ALAM
Bangladesh : chronique d’une révolte logique annoncée

DERNIÈRES (BONNES) NOUVELLES
Sheikh Hasina, la Première ministre du Bangladesh, a pris la fuite ce matin dans un hélicoptère de l'armée et s'est mise au vert en Inde. Le chef de l'armée a réuni les dirigeants de tous les partis sauf la Ligue Awami pour mettre en place une transition; il a annoncé que tous les prisonniers politiques vont être libérés et que des comptes seront demandés aux responsables des tueries des dernières semaines (au moins 300 morts, dont  97 dimanche et
56 lundi).

Les dépêches de Shahidul Alam sur le soulèvement au Bangladesh et les représailles du gouvernement

Shahidul Alam, photojournaliste, éducateur et militant de renom basé à Dhaka, a documenté les manifestations et est parvenu à transmettre ses dépêches aux médias malgré la coupure d’Internet.

Note de la rédaction de Himal Southasian, 25/7/2024
Le mois de juillet a été brûlant pour le Bangladesh. Au début du mois, des manifestations pacifiques sur les campus universitaires, organisées par des étudiants opposés à un système de quotas pour les emplois publics, ont dégénéré en troubles dans tout le pays après que la première ministre, Sheikh Hasina, a insulté les manifestants et ignoré leurs préoccupations. La violence a explosé lorsque les branches étudiantes et juvéniles de la Ligue Awami au pouvoir ont attaqué les manifestants, avant que la police n’intervienne à son tour. Le 20 juillet, le gouvernement a déployé l’armée et imposé un couvre-feu dans tout le pays pour tenter de maintenir l’ordre. Alors que les manifestations se poursuivent dans les rues, un grand nombre de personnes ont été tuées et des milliers d’autres blessées.


Shahidul Alam (Dhaka, 1955), fondateur de la photothèque et agence d’images Drik (“Vision” en sanskrit) a rendu en juin 2024 le doctorat honoris causa qui lui avait été attribué par l’Université des Arts de Londres en 2022, en solidarité avec le peuple palestinien et avec les étudiants de l’UAL solidaires de celui-ci.

Shahidul Alam, photojournaliste de renom, éducateur et militant basé à Dhaka, a documenté les manifestations et les représailles brutales du gouvernement. Shahidul Alam a réussi à transmettre ses dépêches aux médias malgré la coupure d’Internet imposée pour tenter de contenir les manifestations, qui a depuis été partiellement levée. Himal Southasian republie ces dépêches, qui donnent une idée de la situation au Bangladesh, même si la fermeture d’Internet a fortement limité la circulation de l’information.

Les événements et les circonstances décrits dans les dépêches ont évolué rapidement et plusieurs faits nouveaux sont intervenus depuis que M. Alam a rédigé chacune d’entre elles. Le couvre-feu a été partiellement levé et la connexion internet a été partiellement rétablie, bien qu’elle reste inégale et que la communication avec de nombreuses régions du pays reste difficile. Les dépêches reflètent l’ampleur de la violence et de la répression déclenchées par le gouvernement de Sheikh Hasina à l’encontre de son peuple. Elles ont été légèrement éditées pour plus de clarté. 

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04/08/2024

GIDEON LEVY
Quand la catastrophe nous tombera dessus, rappelez-vous comment nous avons exulté quand Israël a tué un chef du Hamas et battu la Turquie aux Jeux olympiques

Gideon Levy, Haaretz, 3/8/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala  

C’était la fin d’une semaine joyeuse, comme nous n’en avions pas vu depuis dix mois. Mercredi, nous avons dégommé le chef du Hamas, Ismail Haniyeh, à Téhéran ; vendredi, nous avons blackboulé Kayra Özdemir aux Jeux olympiques de Paris. Nous avons pulvérisé Haniyeh avec une bombe, la judoka turque a été mise au tapis par ippon en 15 secondes.

Les deux abattages ont plus de points communs qu’il n’y paraît : ils ont tous deux suscité une immense vague de fierté et de joie nationales ; la chaîne de supermarchés Victory a même ouvert une table en l’honneur de la première mise à mort mais les deux actions étaient destinées exactement à cette raison. Les deux n’ont aucune raison d’être, si ce n’est l’honneur, la satisfaction, le plaisir et la fierté nationale. Il est agréable et réconfortant de savoir que nous avons dégommé un Hamasnik et une athlète turque.

Les politiciens sionistes ont rivalisé entre eux pour savoir qui se réjouirait le plus de ces deux actes : le leader de Yesh Atid, Yair Lapid, et le leader du parti travailliste, Yair Golan, ont été enthousiasmés par les deux. Le ministre des finances, Bezalel Smotrich, a fait le lien : « Cette victoire est ce que [le judoka] Peter Paltchik a fait ce soir contre son adversaire suisse et ce que [la judoka] Inbar Lanir a fait à ses adversaires en trois matches. Nous les avons vaincus et soumis ».

Le journaliste Shai Golden a exprimé l’esprit du temps avec encore plus de précision : « Raz Hershko. Guerrière israélienne. Nous avons les meilleures guerrières sur le tapis et sur le champ de bataille. Allez, allez, Israël ! Le peuple d’Israël vit ! » Vivre, à la fois sur le tatami et sur le champ de bataille.

Il est un peu injuste de comparer un sport dans lequel Israël réussit honorablement et légitimement avec les assassinats, dans lesquels Israël réussit de manière déshonorante et illégitime. Mais la comparaison s’impose quand on sait que tant d’Israéliens, probablement la majorité absolue, traitent les deux domaines de la même manière. Les médailles ne se gagnent qu’en sport, mais regardez comment les Israéliens s’attribuent aussi des médailles pour les assassinats.

« En deux assassinats à couper le souffle, Israël a restauré pendant six heures ce qu’il était autrefois : un pays qui peut éclipser les films hollywoodiens », a déclaré Ben Caspit avec une puérilité embarrassante. Ce sont nos meilleures heures, celles où nous tuons des gens, pour ne pas dire assassinons des gens, comme la mafia, comme les régimes louches. Nos plus belles heures sont lorsque la majeure partie du monde nous déteste au plus haut point.

Merci, Mossad, pour ces six belles heures que nous avons connues, comme les heures de judo aux Jeux olympiques, comme les exercices au sol de Simone Biles. Merci aux médias d’avoir blanchi ces assassins et leurs iniquités en leur chantant des chants de gloire. L’assassinat qui a profité à Israël n’est pas encore né.

Au cours des six heures dont a joui Caspit, Israël a tué deux de ses ennemis, l’un un militaire du Hezbollah, l’autre un homme d’État du Hamas. L’association des mots « homme d’État du Hamas » fait grincer les oreilles des Israéliens - ça n’existe pas dans les pages de la propagande - mais Haniyeh était le président du bureau politique du Hamas. Il est peu probable qu’il ait jamais tenu une arme, malgré le blanchiment d’Israël, et il est peu probable qu’il ait su à l’avance qu’il y aurait une attaque le 7 octobre.

Il ne s’agit pas de faire l’éloge de Haniyeh, ni de déplorer sa mort, mais un pays qui assassine l’homme avec lequel il négocie un cessez-le-feu et la libération des otages a franchi la limite de sa légitimité. Un pays qui le fait sur le sol iranien, le lendemain de la prestation de serment de son nouveau président, veut une guerre avec l’Iran. Un pays qui applaudit à cela est un pays stupide : il applaudit à des catastrophes qui risquent de lui retomber littéralement sur la tête.

Une bombe posée à l’avance dans la bonne chambre de la maison d’hôtes des gardiens de la révolution iranienne, voilà qui enflamme l’imagination. Si “Fauda” avait écrit un tel acte, on lui aurait reproché un manque de crédibilité extrême. C’est vraiment bien de savoir que nous sommes capables d’accomplir un tel exploit. Mais, bon sang, à quoi cela a-t-il servi ? Quel est l’avantage ? Nous verrons les dégâts dans les prochains jours. On le constate déjà dans les foyers, les supermarchés et les jardins d’enfants, angoissés par ce qui va suivre. Avant la catastrophe imminente, souvenez-vous de tous les hourras.

 

JEFFREY SACHS
Dix principes pour une paix perpétuelle au XXIe siècle

Les structures fondées sur les Nations Unies sont fragiles et ont besoin d’une mise à niveau urgente ; nous devrions prendre cela en considération lors du Sommet de l’avenir de l’ONU les 22 et 23 septembre prochains.

Jeffrey D. Sachs, Common Dreams, 24/7/2024
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala  

L’année prochaine marquera le 230e anniversaire de l’essai célèbre d’Immanuel Kant, « Projet de paix perpétuelle » (1795). Le grand philosophe allemand a proposé un ensemble de principes directeurs pour parvenir à une paix perpétuelle entre les nations de son époque. Alors que nous nous démenons dans un monde en guerre, et de fait en grave danger d’Armageddon nucléaire, nous devrions nous appuyer sur l’approche de Kant pour notre temps. Un ensemble mis à jour de principes devrait être soumis au Sommet de l’avenir de l’ONU en septembre.

 

Kant était pleinement conscient que ses propositions se heurteraient au scepticisme des politiciens « pratiques » :

Le Politique pratique a coutume de témoigner au faiseur de théories autant de dédain qu’il a de complaisance pour lui-même. À ses yeux, ce dernier n’est qu’un pédant d’école, dont les idées creuses ne portent jamais préjudice à l’État, auquel il faut des principes déduits de l’expérience, qu’un joueur insignifiant, à qui il permet de faire, de suite tous ses coups, sans avoir besoin de prendre, dans sa sagesse, des mesures contre lui.

Néanmoins, comme l’a noté l’historien Mark Mazower dans son étude magistrale sur la gouvernance mondiale [Governing the World: The History of an Idea, 1815 to the Present, 2013], l’œuvre de Kant était un « texte qui allait ifluencer par intermittence des générations de penseurs sur le gouvernement mondial jusqu’à notre époque », aidant à jeter les bases des Nations Unies et du droit international sur les droits humains , la conduite de la guerre et le contrôle des armements.

Les propositions centrales de Kant tournaient autour de trois idées. Premièrement, il rejetait les armées permanentes. Celles-ci « menacent incessamment d’autres États par leur disponibilité à se montrer à tout moment prêtes pour la guerre. » En cela, Kant anticipait d’un siècle et demi l’avertissement célèbre du président américain Dwight D. Eisenhower sur les dangers du complexe militaro-industriel. Deuxièmement, Kant appelait à la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays. En cela, Kant s’insurgeait contre le genre d’opérations secrètes auxquelles les USA ont recouru sans relâche pour renverser des gouvernements étrangers. Troisièmement, Kant appelait à une « fédération d’États libres », qui dans notre époque est devenue les Nations Unies, une « fédération » de 193 États engagés à opérer sous la Charte de l’ONU.

Kant plaçait de grands espoirs dans la forme républicaine, opposée au règne d’un seul, comme frein à la guerre. Kant estimait qu’un dirigeant unique céderait facilement à la tentation de la guerre :

(…) dans une constitution, où les sujets ne sont pas citoyens de l’État, c’est-à-dire qui n’est pas républicaine, une déclaration de guerre est la chose du monde la plus aisée à décider ; puisqu’elle ne coûte pas au chef, propriétaire t non pas membre de l’État, le moindre sacrifice de ses plaisirs de la table, de la chasse, de la campagne, de la cour etc. ; Il peut donc résoudre une guerre, comme une partie de plaisir, par les raisons les plus frivoles, et en abandonner avec indifférence la justification, qu’exige la bienséance, au corps diplomatique, qui sera toujours prêt à la faire.

En revanche, selon Kant :

... si le consentement de chaque citoyen est requis pour décider que la guerre doit être déclarée (et dans cette [constitution républicaine] il ne peut en être autrement), ils seraient naturellement très prudents pour décréter contre eux-mêmes toutes les calamités de la guerre.

Kant était beaucoup trop optimiste quant à la capacité de l’opinion publique à restreindre les actes de guerre. Les républiques athénienne et romaine étaient notoirement belliqueuses. La Grande-Bretagne était la démocratie de pointe du XIXe siècle, mais peut-être aussi sa puissance la plus belliqueuse. Depuis des décennies, les USA se sont engagés sans relâche dans des guerres choisies et des renversements violents de gouvernements étrangers.

Il y a au moins trois raisons pour lesquelles Kant s’est trompé à ce sujet. Premièrement, même dans les démocraties, le choix de lancer des guerres repose presque toujours sur un petit groupe d’élites qui sont en fait largement isolées de l’opinion publique. Deuxièmement, et tout aussi important, l’opinion publique est relativement facile à manipuler par la propagande pour susciter le soutien public à la guerre. Troisièmement, le public peut être tenu à l’écart à court terme des coûts élevés de la guerre en finançant la guerre par la dette plutôt que par l’impôt, et en s’appuyant sur des sous-traitants, des recrues payées et des combattants étrangers plutôt que sur la conscription.

Les idées centrales de Kant sur la paix perpétuelle ont contribué à faire évoluer le monde vers le droit international, les droits humains et la conduite décente en temps de guerre (comme les Conventions de Genève) au XXe Siècle. Pourtant, malgré les innovations dans les institutions mondiales, le monde reste terriblement éloigné de la paix. Selon l’Horloge de l’Apocalypse du Bulletin des scientifiques atomiques, nous sommes à 90 secondes de minuit, plus proches de la guerre nucléaire que jamais depuis l’introduction de l’horloge en 1947.

L’appareil mondial des Nations Unies et du droit international a sans doute empêché une troisième guerre mondiale à ce jour. Le Secrétaire général de l’ONU, U Thant, par exemple, a joué un rôle vital dans la résolution pacifique de la crise des missiles cubains de 1962. Pourtant, les structures fondées sur l’ONU sont fragiles et ont besoin d’une mise à niveau urgente.


Non-violence, de Carl Fredrik Reuterswärd, devant le siège de l’ONU à New-York

Pour cette raison, j’exhorte à formuler et adopter un nouvel ensemble de principes basés sur quatre réalités géopolitiques clés de notre époque.

03/08/2024

ALEJANDRO KIRK
Mario Dujisin : le hâbleur qui tapait dans le mille

Alejandro Kirk , Politika, 1/8/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala  

Alejandro Kirk est un journaliste chilien, correspondant pour les chaînes HispanTV (Iran) et teleSur (Venezuela). @kirkreportero

Le journaliste chilien Mario Dujisin  (San Bernardo, Chili, 1944) est mort ce mercredi 31 juillet à Lisbonne. Il a succombé à l’une des nombreuses pneumonies auxquelles son corps titanesque a obstinément résisté, après avoir vaincu un cancer monumental.

Je dis qu’il était Chilien uniquement parce qu’il était originaire de la rue García Reyes, au coin de la rue Agustinas, en face du Paseo Portales, dans le centre historique de Santiago. Une famille de six enfants : quatre filles et deux garçons. Mario était de loin le plus jeune, et il a dû porter le surnom de “Marito” pendant la majeure partie de sa vie.

Mais cette période, bien qu’importante, ne représente qu’une infime partie de sa vie planétaire.

Dujisin était un mélange génétique, social, professionnel, psychologique et historique. Petit-fils d’immigrés yougoslaves (Croates de l’Adriatique), il est resté toute sa vie fidèle à cet héritage, peut-être parce qu’il a étudié à Belgrade et qu’il parlait couramment le serbo-croate. C’était une fidélité familiale, mais aussi politique, au pays socialiste où il avait vécu, au maréchal Tito, bâtisseur d’une expérience unique, détruite dans le sang et le feu par l’OTAN.

La Moneda, 1972: de gauche à droite, Alejandro Urbina, Juan Ibánez, Rafael Urrejola, Mario Dujisin


Dans l'avion présidentiel équatorien vers les Galapagos. De gauche à droite : Mario Dujisin (IPS), Mauricio Montaldo (Visión), le président Osvaldo Hurtado, Omar Sepúlveda (PL), Sergio Carrasco (AP) et Rafael Urrejola (AFP).

De retour de Yougoslavie, il rejoint le service de presse international du gouvernement du président Salvador Allende en 1971. Il a joué un rôle essentiel en exposant au monde l’expérience chilienne, qui a attiré des journalistes du monde entier. Il a vécu toute cette période de trois ans à l’épicentre du drame : le palais présidentiel de La Moneda.

Il était le personnage idéal pour ce rôle : jeune, il parlait toutes les langues, il avait été partout, il était extraverti, sympathique et d’une profondeur sibylline.

Aujourd’hui, me dit sa fille Anette, des dizaines de messages affectueux arrivent du monde entier, de générations différentes, de positions politiques opposées. Cela ne m’étonne pas : quiconque a passé cinq minutes avec Dujisin ne l’oubliera jamais.

Je me compte parmi eux : quand j’avais 15 ans, je l’ai rencontré, petit ami timide d’une de ses nombreuses et belles nièces, et il était là à occuper l’espace : bavard, expansif, beau, cool et joyeux, racontant ses histoires en tant que correspondant au Moyen-Orient. Ce jour-là, sur la plage, j’ai décidé que je voulais être comme lui : un correspondant international, un trublion professionnel.


 Budapest, 1975

02/08/2024

Larry Itliong y los “manongs” de Stckton a Delano
La epopeya de l@s trabajador@s pin@y* de California

En plena guerra de Vietnam, los soldados usamericanos se vieron de repente inundados de cantidades industriales de uva. El Pentágono había comprado toda la cosecha recolectada por los esquiroles de Delano en el valle californiano de San Joaquín. Los vendimiadores filipinos, a los que pronto se unieron sus compañeros mexicanos, habían lanzado allí una huelga en septiembre de 1965 que duró hasta 1970 y terminó con la victoria de los trabajadores.

Los organizadores de la huelga tuvieron la ingeniosa idea de llamar a los comerciantes y consumidores a boicotear la uva en solidaridad con los huelguistas. La figura legendaria surgida de esta lucha fue César Chávez, el "Martin Luther King chicano", dejando en la sombra al principal líder real de los trabajadores filipinos, Larry Itliong.

 Tuvieron que pasar 50 años para que la figura del organizador de esta huelga -y de muchas otras- obtuviera pleno reconocimiento público. Esto se debe a la labor   de los hijos y nietos de los "manangs" (hermanos mayores) de primera generación, que emigraron a EEUU en los años 40 desde Filipinas, que fue colonia yanqui hasta 1946 y luego neocolonia del Tío Sam.

A continuación se presentan tres artículos que relatan esta epopeya, traducidos y editados por Fausto Giudice, Tlaxcala/El Taller Glocal

NdT: *Pinoy - femenino Pinay - es el término tagálog con el que l@s filipin@s se refieren a sí mism@s. Lo escribimos pin@y para incluir masculino y femenino

Índice

Gayle Romasanta
Por qué cad@ filipinousamerican@ debería conocer a Larry Itliong

Dawn Bohulano Mabalon
¡Mabuhay ang Causa! [¡Viva la Causa!]
El vínculo entre Stockton, la huelga de la uva de Delano y la Unión de Campesinos

David Bacon
L@s migrantes filipin@s dieron a la huelga de la uva su carácter político radical 

 

GORDON F. SANDER
Suède : prêts pour la guerre

Gordon F. Sander, The New York Review, 18/7/2024
 Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Gordon F. Sander est un journaliste, photographe et historien usaméricain d’origine néerlandaise vivant à Riga qui écrit sur l’Europe du Nord et de l’Est. Il est l’auteur de huit livres, dont The Frank Family That Survived, Latvia Rising : A Personal Portrait, et The Finnish Factor, qui sera publié l’année prochaine. (août 2024)

L’invasion russe de l’Ukraine a tellement alarmé les Suédois qu’ils ont tourné le dos à deux siècles de neutralité et rejoint l’OTAN, provoquant un profond changement dans l’identité du pays.


Des conscrits suédois s’entraînent sur l’île suédoise de Gotland, en mars 2024. Photo Tom Little/Reuters

« Ne dites jamais que les Suédois n’ont pas de religion », écrivais-je en 1996 après avoir passé l’été précédent dans un appartement surplombant l’archipel cristallin de Stockholm. « C’est un mythe ». Ce qu’ils ont, c’est

sommaren : cette saison douce, intense, mais poignante et courte, de la mi-juin à la mi-août, au cours de laquelle les neuf millions de Suédois ferment boutique et se rendent dans l’arrière-pays, ou dans l’une des myriades d’îles ou d’archipels qui entourent cette étroite masse continentale de la mer Baltique, pour savourer les longues journées bleues et les brèves "nuits blanches" dans leurs chalets de vacances rustiques.

En juillet dernier, lorsque j’ai pris possession de ma chambre dans l’ hôtel adjacent au palais royal suédois de Stockholm, qui compte six cents pièces, j’ai découvert que les signes distinctifs et les principes de cette religion étaient toujours en place. Alors que je regardais les vieux ferries s’éloigner du quai, j’avais l’impression d’être à l’été 1995 ou même 1953, lorsqu’Un été avec Monika, le premier film d’Ingmar Bergman, qui raconte une histoire d’amour torride et vouée à l’échec dans l’archipel de Stockholm, était projeté dans les salles de cinéma.

Mon sentiment de déjà-vu a persisté lorsque j’ai allumé la télévision et que j’ai été accueillie par les accents familiers de “Stockholm dans mon coeur”, la chanson thème de Allsång på Skansen, le concert de chant organisé chaque été à Skansen, un musée en plein air situé sur l’île de Djurgården, à Stockholm. Le roi Carl XVI Gustaf, qui a fêté sa cinquantième année sur le trône en septembre dernier, était lui aussi présent à Skansen, aux côtés de la reine Silvia, avec un grand sourire, tandis qu’un rappeur suédois se déchaînait. Et lorsque j’ai essayé de parler à des représentants du gouvernement, j’ai constaté qu’ils étaient presque tous partis dans l’archipel, comme leurs prédécesseurs l’avaient fait il y a trente ans. Pourtant, 2023 a peut-être été le dernier sommar de la Suède au sens classique du terme, le dernier été où les Suédois ont pu se perdre dans l’archipel, au sens propre comme au sens figuré, et oublier le reste du monde, parce que maintenant le monde est vraiment avec eux.

Pendant mon séjour à Stockholm, j’ai rencontré le ministre suédois de la défense, Pål Jonson, qui appartient au parti modéré, le plus grand membre de la coalition de centre-droit bancale - qui comprend également les libéraux et les démocrates-chrétiens - qui a pris ses fonctions après les élections de septembre 2022. La semaine précédente, Recep Tayyip Erdoğan, le versatile président turc, avait abandonné son objection de longue date à l’entrée de la Suède dans l’OTAN, estimant que Stockholm n’avait pas pris de mesures suffisamment agressives contre les “terroristes” kurdes présumés vivant en Suède. En mars 2023, à la suite d’un vote massif du Riksdag, le parlement suédois, Stockholm a officiellement présenté sa demande d’adhésion à l’alliance défensive, le même jour que la Finlande voisine, son plus proche allié. Puis Erdoğan a tergiversé. Et encore tergiversé.

La décision de la Suède de se défaire de son statut de neutralité vieux de deux siècles - ce qu’elle faisait progressivement depuis le milieu des années 1990, lorsqu’elle a rejoint l’UE et le programme associé de l’OTAN, le Partenariat pour la paix - a nécessité un saut psychologique encore plus grand que celui de la Finlande. Pour Helsinki, la neutralité n’a jamais été qu’un expédient imposé après sa défaite face à l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale. Les Finlandais belliqueux, qui ont combattu les forces soviétiques ou soutenues par les Soviétiques à trois reprises au cours du siècle dernier, n’ont jamais été neutres dans l’âme. Les Suédois le sont pour la plupart - ou du moins l’étaient avant l’invasion russe de l’Ukraine en 2022. La dernière fois que la Suède s’est engagée dans une guerre majeure, c’était en 1809, lorsqu’elle a perdu la guerre de Finlande contre la Russie. Depuis lors, elle a toujours respecté son statut de neutralité, y compris pendant la Seconde Guerre mondiale, ce qui heurte encore la conscience de nombreux Suédois.

Bien que les forces armées suédoises modernes aient participé à des opérations internationales de maintien de la paix, l’idée que le pays abandonne sa chère neutralité et rejoigne pleinement l’Occident était impensable jusqu’à récemment. William Shirer l’a exprimé succinctement dans The Challenge of Scandinavia (1955) : « Il n’y a aucune chance, à moins d’une avancée russe en Finlande ou d’un acte tout aussi provocateur, que la Suède, dans l’avenir immédiat du moins, se rallie à l’Occident ».

Si la Suède a toujours été occidentale sur le plan culturel et philosophique – « Plus d’une personne nous a qualifiés de pays le plus américanisé d’Europe », a déclaré Fredrik Logevall, un historien suédo-américain qui enseigne à Harvard -, les Suédois se considéraient comme étant dans une zone politico-militaire qui leur était propre et qu’ils pouvaient défendre seuls en cas de besoin. Ils disposaient également d’une armée redoutable et d’une industrie de l’armement redoutable pour étayer cette prétention. Certes, comme me l’a rappelé Oscar Jonsson, chercheur à l’Université de défense suédoise,

la neutralité suédoise a toujours été une sorte de façade. Il ne faut pas oublier qu’en 1966, la Suède a renoncé à son programme d’armement nucléaire presque complet lorsque Karl Frithiofsson, secrétaire d’État à la défense, a déclaré que la Suède était protégée par les armes nucléaires américaines si elle était attaquée. De même, la Suède a secrètement agrandi ses aérodromes pour accueillir les avions de l’OTAN, bien que rien n’ait été dit publiquement.

Néanmoins, si la neutralité était une façade, la plupart des Suédois y croyaient ardemment avant la guerre en Ukraine. L’armée suédoise, cependant, était depuis longtemps favorable à l’adhésion à l’OTAN et « a commencé à considérer la Russie comme une menace militaire en 2008 après l’incursion du Kremlin en Géorgie », selon le lieutenant-général Carl-Johan Edström, chef des opérations conjointes des Forces armées suédoises. En 2013, un exercice aérien russe au cours duquel des avions de guerre ont simulé une attaque sur Gotland, la grande île suédoise stratégiquement vitale située à cheval sur les abords de la Baltique, a encore plus choqué les Forces armées suédoises. « C’était le point le plus bas de notre préparation au combat », m’a dit le lieutenant-général Michael Claesson, chef d’état-major des Forces armées suédoises, lors de ma dernière visite au siège tentaculaire de l’armée suédoise en mars dernier.

Cependant, ce n’est que le 24 février 2022 que la Suède a pris conscience de la possibilité d’une attaque russe sur son territoire et que l’opinion publique a basculé en faveur de l’adhésion à l’OTAN. Même à ce moment-là, le parti social-démocrate, qui a été au pouvoir pendant la majeure partie du siècle dernier et pour lequel le non-alignement était un article de foi, s’est opposé à l’adhésion. Le ministre de la défense Pål Jonson m’a déclaré l’été dernier : « Il y a des atlantistes purs et durs comme moi qui ont travaillé pour cela » - l’adhésion à l’OTAN – « toute leur vie ». L’adhésion imminente de la Suède, ainsi que celle de la Finlande, était, selon lui, la

la mère de toutes les conséquences involontaires pour la pensée stratégique de la Russie. Si la Russie avait un objectif concernant la Finlande et la Suède lorsqu’elle a envahi l’Ukraine, c’était de nous tenir à l’écart de l’OTAN. Aujourd’hui, c’est exactement le contraire qui s’est produit, avec une frontière plus longue de 1 300 kilomètres avec l’Alliance.

Jonson, analyste militaire de carrière, s’est montré optimiste quant à l’apport de la Suède à l’OTAN :

La Suède peut assurer la sécurité de l’alliance grâce à ses moyens et capacités militaires. Nous avons une grande expérience des opérations en mer Baltique avec les sous-marins et les corvettes de la classe Visby. L’armée peut opérer dans des environnements difficiles grâce à ses prouesses dans les régions subarctiques. La Suède dispose d’une défense aérienne solide, avec près d’une centaine d’avions de chasse Gripen et des systèmes Patriot. Et quel autre pays de 10 millions d’habitants dans le monde a la capacité de concevoir et de produire ses propres avions de chasse et sous-marins ?

01/08/2024

Révélations du New York Times : Ismail Haniyeh aurait été tué par une bombe télécommandée placée dans la maison d’hôtes de Téhéran il y a deux mois

Un engin explosif caché dans un complexe lourdement gardé où Ismail Haniyeh était réputé séjourner en Iran est à l’origine de sa mort, selon une enquête du NY Times.

 
Une photo circulant sur Telegram et parmi les officiels iraniens mercredi montre un bâtiment endommagé dans le nord de Téhéran.

 Ronen Bergman, Mark Mazzetti et  Farnaz Fassihi, The New York Times, 1/8/2024

 Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala 

Ismail Haniyeh, l’un des principaux dirigeants du Hamas, a été assassiné mercredi par un engin explosif introduit clandestinement dans la maison d’hôtes de Téhéran où il séjournait, selon sept responsables du Moyen-Orient [manière élégante de dire « israéliens », NdT], dont deux Iraniens, et un responsable usaméricain.

La bombe avait été dissimulée il y a environ deux mois dans la maison d’hôtes, selon cinq des responsables du Moyen-Orient. La maison d’hôtes est gérée et protégée par le Corps des gardiens de la révolution islamique et fait partie d’un grand complexe, connu sous le nom de Neshat, dans un quartier huppé du nord de Téhéran.

M. Haniyeh se trouvait dans la capitale iranienne pour assister à l’investiture présidentielle. La bombe a été déclenchée à distance, selon les cinq responsables, une fois qu’il a été confirmé que M. Haniyeh se trouvait dans sa chambre à la maison d’hôtes. L’explosion a également tué un garde du corps.

L’explosion a secoué le bâtiment, brisé quelques fenêtres et provoqué l’effondrement partiel d’un mur extérieur, selon les deux responsables iraniens, membres des gardiens de la révolution informés de l’incident. Ces dégâts sont également visibles sur une photographie du bâtiment communiquée au New York Times.

M. Haniyeh, qui a dirigé le bureau politique du Hamas au Qatar, avait séjourné dans la maison d’hôtes à plusieurs reprises lors de ses visites à Téhéran, selon les responsables du Moyen-Orient. Tous ces responsables ont parlé sous le couvert de l’anonymat afin de ne pas divulguer de détails sensibles sur l’assassinat.

Des personnes en deuil se sont rassemblées à Téhéran jeudi pour les funérailles du chef du Hamas, Ismail Haniyeh. L’Iran a déclaré qu’Israël était derrière son assassinat. Photo Arash Khamooshi pour le New York Times

Des responsables iraniens et le Hamas ont déclaré mercredi qu’Israël était responsable de l’assassinat, un avis partagé par plusieurs responsables usaméricains ayant requis l’anonymat. Cet assassinat risque de déclencher une nouvelle vague de violence au Moyen-Orient et de compromettre les négociations en cours pour mettre fin à la guerre à Gaza. M. Haniyeh avait été l’un des principaux négociateurs des pourparlers sur le cessez-le-feu.

Israël n’a pas reconnu publiquement sa responsabilité dans l’assassinat, mais les services de renseignement israéliens ont informé les USA et d’autres gouvernements occidentaux des détails de l’opération dans les jours qui ont suivi, selon les cinq responsables du Moyen-Orient.

Mercredi, le secrétaire d’État Antony J. Blinken a déclaré que les USA n’avaient pas été informés à l’avance du projet d’assassinat.

Dans les heures qui ont suivi l’assassinat, les spéculations se sont immédiatement concentrées sur la possibilité qu’Israël ait tué M. Haniyeh à l’aide d’un missile, peut-être tiré à partir d’un drone ou d’un avion, de la même manière qu’Israël avait lancé un missile sur une base militaire à Ispahan en avril dernier.

Cette théorie du missile a soulevé des questions sur la manière dont Israël aurait pu échapper à nouveau aux systèmes de défense aérienne iraniens pour exécuter une frappe aérienne aussi effrontée dans la capitale.

Il s’avère que les assassins ont pu exploiter un autre type de faille dans les défenses iraniennes : une faille dans la sécurité d’un complexe supposé étroitement gardé, qui a permis de poser une bombe et de la dissimuler pendant de nombreuses semaines avant qu’elle ne soit finalement déclenchée.

Un panneau d’affichage à Téhéran en avril représentant des missiles. Photo Arash Khamooshi pour The New York Times

Trois responsables iraniens ont déclaré qu’une telle violation constituait un échec catastrophique en matière de renseignement et de sécurité pour l’Iran et un énorme embarras pour les Gardiens, qui utilisent le complexe pour des retraites, des réunions secrètes et l’hébergement d’invités de marque tels que M. Haniyeh.

La manière dont la bombe a été dissimulée dans la maison d’hôtes n’a pas été élucidée. Les responsables du Moyen-Orient ont déclaré que la préparation de l’assassinat avait pris des mois et avait nécessité une surveillance approfondie du complexe. Les deux responsables iraniens qui ont décrit la nature de l’assassinat ont déclaré qu’ils ne savaient pas comment ni quand les explosifs avaient été placés dans la chambre.

Israël a décidé de procéder à l’assassinat en dehors du Qatar, où vivent M. Haniyeh et d’autres hauts responsables politiques du Hamas. Le gouvernement qatari joue le rôle de médiateur dans les négociations entre Israël et le Hamas en vue d’un cessez-le-feu à Gaza.

L’explosion meurtrière survenue tôt mercredi a brisé des fenêtres et fait s’effondrer une partie du mur de l’enceinte, comme l’ont montré des photographies et comme l’ont indiqué les responsables iraniens. Des dégâts minimes au-delà du bâtiment lui-même, comme l’aurait probablement fait un missile, n’ont été que minimes.

Vers 2 heures du matin, heure locale, l’engin a explosé, selon les responsables du Moyen-Orient et les sources iraniennes. Les membres du personnel de l’immeuble, surpris, ont couru à la recherche de la source de l’énorme bruit, ce qui les a conduits à la chambre où M. Haniyeh se trouvait avec un garde du corps.

Une image satellite prise le 25 juillet ne montre pas de dégâts visibles ni de bâche verte sur le bâtiment, ce qui suggère que l’image avec les dégâts visibles a été prise plus récemment. Photo Maxar Technologies

Le complexe dispose d’une équipe médicale qui s’est précipitée dans la pièce immédiatement après l’explosion. L’équipe a déclaré que M. Haniyeh était mort immédiatement. L’équipe a tenté de ranimer le garde du corps, mais il était lui aussi mort.

Le chef du Jihad islamique palestinien, Ziyad al-Nakhalah, se trouvait dans la chambre voisine, ont déclaré deux des responsables iraniens. Sa chambre n’a pas été gravement endommagée, ce qui laisse supposer que M. Haniyeh a fait l’objet d’un ciblage précis.

Khalil al-Hayya, le commandant adjoint du Hamas dans la bande de Gaza, qui se trouvait également à Téhéran, est arrivé sur les lieux et a vu le corps de son collègue, selon les cinq responsables du Moyen-Orient.

ABDALJAWAD OMAR
La véritable raison pour laquelle Israël assassine des dirigeants du Hamas et du Hezbollah, et pourquoi cela n’arrêtera pas la résistance

 

Emad Hajjaj

L’assassinat par Israël de dirigeants du Hamas et du Hezbollah ne vise pas à affaiblir la résistance. Son véritable objectif est de restaurer l’image de sa supériorité militaire et de ses services de renseignement aux yeux de l’opinion israélienne.

Abdaljawad Omar, Mondoweiss, 31/7/2024
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala  

Abdaljawad Omar (Aboud Hamayel) est un auteur palestinien vivant à Ramallah. Docteur en philosophie sur le thème de la Grande Intifada (1987-2006), il est actuellement maître de conférences au département de philosophie et d’études culturelles de l’université de Birzeit. @HHamayel2 Aboud Hamayel

Dans la nuit du 30 juillet, Israël a intensifié ses opérations militaires, ciblant ses adversaires sur plusieurs fronts, dont le Liban, l’Iran et la Palestine. Le gouvernement israélien a revendiqué un succès significatif avec l’assassinat d’un commandant du Hezbollah dans un quartier densément peuplé du sud de Beyrouth. Simultanément, Israël a lancé une frappe audacieuse au cœur de Téhéran, tuant Ismail Haniyeh, le chef en exercice du bureau politique du Hamas.

Après dix mois de perte lente mais constante de la maîtrise de l’escalade qu’il avait maintenue pendant des décennies, Israël tente aujourd’hui de reprendre l’initiative et de rétablir l’avantage en ciblant à la fois Beyrouth et Téhéran en moins de 24 heures.

Les actions d’Israël ne visent pas seulement à projeter sa force ; elles sont également conçues pour accroître la pression sur l’axe de la résistance. L’objectif stratégique est de briser l’unité de cette coalition en tirant parti de ses capacités militaires pour flirter avec la perspective d’une guerre totale - une issue que ni Israël, ni le Hezbollah, ni, par extension, l’Iran, ne souhaitent vraiment. Cette politique de la corde raide vise à déstabiliser les adversaires, à les forcer à reconsidérer leur position unifiée et, éventuellement, à faire des concessions en faveur d’Israël.

Des ouvriers iraniens installent une immense banderole sur un mur montrant un portrait du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, et la mosquée du Dôme du Rocher dans l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, sur la place Felestin (Palestine), à Téhéran, en Iran, le mercredi 31 juillet 2024. Vahid Salemi/AP Photo

Israël mise sur l’idée que la crainte d’une nouvelle escalade poussera le Hezbollah et l’Iran à faire pression sur le Hamas pour qu’il réponde à certaines des exigences d’Israël lors des négociations sur le cessez-le-feu. En outre, Israël prévoit que toute escalade réelle - en particulier celle provoquée par ses actions ciblées - obligerait les USA et leurs alliés à offrir un soutien militaire et diplomatique. Même si Washington ne recherche pas activement un conflit majeur, Israël est convaincu que les USA n’hésiteront pas à lui venir en aide si la situation s’aggrave. En d’autres termes, Israël poursuit une politique d’imbrication et, ce faisant, prend des risques calculés, sachant que si les choses tournent mal, l’armée usaméricaine se précipitera à sa défense dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient.

Depuis un certain temps, Israël jauge les réactions de ses adversaires, notant en particulier la faible réaction des Palestiniens à ses proclamations selon lesquelles il avait réussi à assassiner le commandant militaire du Hamas à Gaza, Mohammed Al-Deif. Cette observation a conduit les planificateurs stratégiques israéliens à conclure que si un accord diplomatique reste une priorité, il est peu probable que de tels assassinats ciblés fassent dérailler ces efforts.