05/09/2021

MIKHAEL MANEKIN
Comment les juifs religieux d’Israël sont-ils devenus les partisans les plus enthousiastes de l'occupation des territoires palestiniens de 1967 ?

Mikhael Manekin, Haaretz, 3/9/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Mikhael Manekin (1979) est le directeur de l'Alliance pour l'avenir d'Israël, qui se consacre à la création d'un réseau politique entre Arabes et Juifs en Israël. Avant de diriger l'Alliance, il a été directeur de Molad, un groupe de réflexion progressiste non partisan situé à Jérusalem et axé sur le changement démocratique en Israël. Avant cela, Mikhael était le directeur exécutif de Breaking the Silence, un groupe de vétérans de l'armée israélienne dont le but est d'éduquer le public sur les résultats du contrôle militaire de la Cisjordanie et de Gaza.
Mikhael a écrit sur les affaires étrangères israéliennes et les relations arabo-juives dans diverses publications, notamment Foreign Policy, Foreign Affairs, Haaretz et The Nation. Il a récemment publié L’aube de la rédemption ; éthique, tradition et pouvoir juif (en hébreu), un livre qui analyse l'intersection entre l'éthique juive et les relations arabo-juives en Israël.

Mikhael est un juif religieux appartenant au parti travailliste. @MikhaelManekin

La violence et le pillage ont toujours été objets d’anathème dans le judaïsme. Qu'est-ce qui a mal tourné ?
 
Des travailleurs palestiniens passent illégalement en Israël depuis la Cisjordanie, en 2020. Toute mention de la souffrance palestinienne est considérée comme nuisible à l'État. Photo : Oded Balilty / AP

Ces dernières années, on se rend de plus en plus compte que l'occupation n'est pas temporaire, mais qu'il s'agit d'une subjugation militaire qui dure depuis plus d'un demi-siècle et dont la fin n'est pas visible à l'horizon. La prolongation de l'occupation affecte la liberté de millions de personnes et démantèle l'identité collective de toute une nation. Et plus elle s'enracine, plus elle est perçue comme une caractéristique essentielle d'Israël, de sorte que la résistance à cette occupation est perçue comme une résistance à l'existence même de l'État. Toute mention de la souffrance des Palestiniens est perçue comme une atteinte à l'État.

De nombreuses personnes pratiquantes participent activement à la promotion et à la justification de l'occupation. Les représentants du mouvement religieux sioniste, une force dominante aujourd'hui dans l'armée, valident moralement et en termes de halakha (loi religieuse traditionnelle) chaque opération des forces de défense israéliennes et chaque action de colonisation. Il semble parfois que la position religieuse naturelle soit de soutenir ces actions. Aujourd'hui aussi, alors que l'éthique religieuse sioniste de la colonisation sur des collines rocheuses s'est transformée en une vie plus bourgeoise, et que les campagnes militaires prolongées ont été remplacées par un maintien de l'ordre quotidien pour contrôler une population privée de droits, il semble toujours que les porteurs de kippa soient à l'avant-garde de l'idéologie de la supériorité ethnique.

Plusieurs décennies après la mort du rabbin Abraham Isaac Kook et de son fils, le rabbin Zvi Yehuda Kook, la conception qui considère les FDI comme une armée sainte et les guerres d'Israël comme une obligation religieuse bénéficie d'un soutien enthousiaste dans les milieux religieux. Ces dernières années, cette obligation a également pris la forme de décisions halakhiques permissives sur la "procédure du voisin" (l'utilisation de Palestiniens comme boucliers humains), le pillage de terres privées, la profanation du shabbat au profit des colonies, les transgressions commises pour répondre aux besoins du service de sécurité du Shin Bet, la violence civile contre les Palestiniens, etc.

Cependant, l'attitude de la tradition juive à l'égard de l'usage de la violence est en totale contradiction avec l'éthique manifestée par le sionisme religieux. La halakha autorise l'autodéfense, parfois même au prix de la transgression d'un autre commandement, mais la violence est perçue comme un acte négatif et un comportement non juif à fuir. Pourquoi l'approche réticente a-t-elle cédé la place à une conception militante sans équivoque ?

Mahaneh Yisrael

La tentative de trouver un équilibre entre les deux principes - autodéfense et résistance à  la violence - a façonné les écrits rabbiniques du passé. Le livre "Mahaneh Yisrael" est un exemple de l'Israël pré-étatique [sic] d'un ouvrage qui aborde ces principes. Peu de rabbins ont réussi à être acceptés par presque tous les courants religieux déjà de leur vivant ; l'un d'entre eux est l'auteur de ce livre, Rabbi Israël Meir Hakohen Kagan, connu sous le nom de "Chofetz Chayim". Ses ouvrages "Mishna Brura" et "Shmirat Halashon" se trouvent dans les bibliothèques des Juifs religieux de divers courants - Ashkenazim et Mizrahim, Hassidim et Mitnagdim, sionistes et Haredim.

"Mahaneh Yisrael", écrit en 1881, est le premier livre juif destiné spécifiquement aux soldats. Il a été écrit en hébreu, pour les soldats servant dans l'armée du tsar russe, et a été traduit en anglais à l'intention des soldats juifs usaméricains pendant les guerres mondiales. La première partie du livre comprend des questions et des réponses halakhiques liées à la vie quotidienne, la deuxième partie est consacrée à la moralité et la philosophie : comment un soldat doit se comporter avec ses camarades de l'unité, et il y a aussi une prière pour la paix et pour la rédemption du peuple juif.

WORKERS WORLD
Nous condamnons la loi anti-avortement du Texas
Éditorial

Workers World, 4/9/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Workers World (journal du Workers World Party) condamne dans les termes les plus forts la décision par 5 contre 4 de la Cour suprême des USA, le 2 septembre, qui a refusé de restreindre une loi du Texas interdisant les IVG à partir de six semaines de grossesse.

La loi texane codifie également le droit pour quiconque, y compris un parfait inconnu, de poursuivre une personne cherchant à se faire avorter ou une personne qui l'assiste, pour une récompense de 10 000 dollars. Cela rappelle les primes encaissées par les patrouilles de chasseurs d'esclaves pour ramener des Noirs esclavagisés en fuite à la plantation.

C'est ce même Texas qui a le taux le plus élevé de personnes sans assurance maladie dans le pays. Le Texas a refusé l'extension de la Loi sur les soins abordables, qui aurait augmenté les fonds fédéraux destinés aux programmes Medicaid pour les personnes à faible revenu, y compris celles qui vivent avec un handicap, ainsi que les mères célibataires et les enfants. Un nombre disproportionné de personnes touchées sont des personnes de couleur, dont des immigrés. La plupart des travailleurs pauvres n'ont même pas droit à Medicaid.

C'est ce même Texas qui a exécuté bien plus de personnes incarcérées que tout autre État depuis le rétablissement de la peine de mort en 1976. Et le Texas a été le dernier État à accorder la liberté à des personnes autrefois esclaves, en 1865, deux ans après l'adoption de la proclamation d'émancipation en 1863.

Il n'est donc pas surprenant qu'à l'heure actuelle, le Texas ait pris l'initiative d'instituer la loi anti-avortement la plus draconienne à ce jour, tandis que le Mississippi, l'État usaméricain le plus pauvre, menace d'adopter une loi similaire plus tard cet automne.

Nancy Northup, présidente et directrice générale du Center for Reproductive Rights (Centre pour les droits reproductifs), l'un des groupes qui poursuivent le Texas, a déclaré : « Nous sommes dévastés par le fait que la Cour suprême a refusé de bloquer une loi qui viole de manière flagrante l’arrêt dans l’affaire Roe contre Wade. À l'heure actuelle, les personnes qui cherchent à se faire avorter au Texas paniquent. Elles n'ont aucune idée de l'endroit ou du moment où elles pourront obtenir un avortement, si jamais elles le peuvent. Les politiciens texans ont réussi pour l'instant à bafouer l'État de droit ». (Washington Post, 2 septembre)

GIDEON LEVY
Pleurer la mort au combat de soldats israéliens n'est plus un rituel sacré : c'est une bonne chose

Gideon Levy, Haaretz, 5/9/2021
Traduit
par Fausto Giudice, Tlaxcala

Si le sniper qui a été tué à travers une brèche dans la clôture frontalière de Gaza avait été druze, le débat public et médiatique aurait pris fin le lendemain de ses funérailles. S'il s’était agi d'un colon d'Efrat, Israël aurait riposté à Gaza. S'il s’était agi d'un membre de la police des frontières de la vallée de Jezreel, du nord de Tel-Aviv ou de Kokhav Yair – hypothèse peu probable - Israël aurait fait un deuil différent, pas comme il a fait pour Barel Hadaria Shmueli.

Mais Shmueli était un policier des frontières de la ville de Be'er Ya'akov, dans le centre d'Israël, et en Israël, le deuil est aussi une question de géographie ; ses dimensions sont déterminées par la classe, l'ethnie et l'affiliation politique. Shmueli n'était pas le fils de nous tous, même si tous les Israéliens étaient désolés de sa mort, et il n'était pas un héros israélien, comme l'a déploré sa mère dans une interview inutile et obscène au journal télévisé de vendredi dernier sur la chaîne 12. Les manifestants palestiniens de son âge qui lui faisaient face sont les vrais héros, et tous les Israéliens n'ont pas la même soif de vengeance et de rage que la mère endeuillée.

 

Des personnes allument des bougies lors d'une manifestation anti-gouvernementale suite à la mort de Barel Hadaria Shmueli, à Tel Aviv, la semaine dernière. Photo : Avishag Shaar-Yashuv

FAUSTO GIUDICE
Talibanistan : cimetière d’empires, berceau d’imaginaires

 Fausto Giudice, Basta Yekfi!, 5/9/2021

L’entrée dans Kaboul des Talibans le 15 août 2021 a secoué bien des certitudes assénées par la machine de propagande médiatique depuis 20 ans, à commencer par la première : que ceux-ci constitueraient le Mal absolu. La preuve : on négocie avec eux, on discute avec eux, on échange des informations avec eux, on les interviewe, on les accompagne en patrouille, bref on s’embarque avec eux. Lentement mais sûrement, à l’image de fous furieux de Dieu se substitue celle de pères tranquilles en gilet jaune entendant gérer leur pays en bons pères de famille. Les bricoleurs jihadistes pachtounes de la fin du XXème siècle sont devenus des professionnels tout-terrain, sur tous les plans : militaire, politique, diplomatique, communicationnel. Bref, en 20 ans, ils ont appris la leçon. Et ils ont appris l’anglais. Ils le parlent, mal, mais on les comprend. Un adjectif revient souvent : « inclusive », inclusif. Ils vont inclure tout le monde dans l’Afghanistan des années 2020 : les femmes, les minorités, et même les salopards collabos qui sont partis avec la caisse, dans le genre Nour ou Dostom, et, pourquoi pas, même le petit Massoud du Panshir. Bref, désormais les Talibans vont raser gratis.

En regardant les reportages et documentaires produits sur l’Afghanistan depuis 30 ans, une chose m’a frappé : les moudjahidine des montagnes ont l’air de hippies des années 1960 et 1970, avec leurs barbes, leurs longues chevelures passées au henné et leurs yeux enkhôlés. Ils sont timides, réservés et méfiants au premier contact, mais, une fois le contact établi, se montrent chaleureux et fraternels. Un vrai rêve de gay californien. Peace and Love plus kalash, 4X4, youtube et talkie-walkie. Il ne reste plus qu’à attendre la série Netflix Love in Hindukush, dont une conséquence logique devrait être une décision de la Banque Mondiale et du FMI d’octroyer un prêt consistant à l’Émirat islamique pour la reconstruction du cimetière des empires. Nous vivons vraiment une époque formidable.

Kaboul, 1971. Photos, Jack Garofalo/Paris Match via Getty Images



PEPE ESCOBAR
De volta para o futuro: Talibanistão, 2000... 2010... 2021

 Pepe Escobar, The Saker, 31/8/2021 

Traduzido pelo Coletivo de tradutores Vila Mandinga 

Caro leitor: vamos sentar, relaxar e viajar, pela memória, até tempos pré-históricos – ao mundo pré-11/9, pré-YouTube, pré-Facebook. Bem-vindos ao Afeganistão dos Talibã – o Talibanistão – dos anos 2000.
Foi quando Jason Florio, fotógrafo sediado em New York (veja seu Diário Afegão),  e eu atravessamos sem pressa as terras do Talibanistão, de leste a oeste, da fronteira com o Paquistão em Landi Kotal à fronteira com o Irã em Islam Qillah.
Como atestaram muitos dos que trabalhavam em serviços de ajuda humanitária no Afeganistão, Jason e eu fomos os primeiros a ocidentais a aparecer por lá, em muito tempo.


http://dxczjjuegupb.cloudfront.net/wp-content/uploads/2021/08/Screen-Shot-2021-08-31-at-10.21.44-PM-1024x820.jpg  

Fátima, Maliha e Nouria, em casa, em Cabul

Que dias, aqueles! Bill Clinton curtia suas últimas aventuras na Casa Branca. Osama bin Laden não passava de hóspede discreto do Mulá Omar – e só ocasionalmente chegava às primeiras páginas dos jornais. Ninguém suspeitava de que viria o 11/9, ou a invasão do Iraque, ou a “guerra ao terror”, nem se cogitava de reposicionar a griffe ”guerra do Af-Pak”, nem de uma crise financeira global. Reinava a globalização, e os EUA eram, sem quem o desafiasse, o cão-alfa. O governo Clinton e o Talibã já estavam infiltrados bem fundo no território do Oleogasodutostão – discutindo o tortuoso recém-proposto gasoduto Trans-afegão.

Tentamos de tudo, mas não conseguimos ver, nem de longe, o Mulá Omar. Osama bin Laden também se mantinha afastado de todos os olhares. Mas experienciamos o Talibanistão em ação, detalhadamente.

Hoje é dia especial para revisitar esses escritos. A Guerra Sem Fim no Afeganistão acabou; daqui em diante será um monstro Híbrido, contra a integração do Afeganistão nas Novas Rotas da Seda e na Eurásia Expandida.

Em 2000 escrevi um especial sobre viagem por terra pelo Talibanistão para uma revista política japonesa, já extinta, e dez anos depois, uma série de três artigos em que revisitei a mesma viagem, para Asia Times.
Por que, então, re-revisitá-los vinte anos depois? Culpem a tentação, a isca, da arqueologia e da história. O que se faz aqui é ao mesmo tempo lançar um olhar a um mundo há muito tempo perdido e abrir uma janela para um renovado futuro possível no Afeganistão.

A parte 2 daquela trilogia pode ser encontrada em ing. aqui; em port. aqui; e a parte 3 em ing. aqui; em port. aqui).

Mas o 1º ensaio da trilogia desapareceu da internet (é uma longa história). Por acaso, encontrei-o recentemente num hard drive. As imagens são daquela época, feitas com uma Sony mini-DV: acabo de receber o arquivo, mandado de Paris (aqui, adiante, com algumas poucas atualizações).
É visão breve de um mundo há muito perdido: podem chamar de registro histórico de um tempo quando ninguém sequer sonhava com algum “momento Saigon” remixed – como guarda-chuva reformatado de guerreiros convenientemente rotulados de “Talibã”.

Esses Talibã, 20 anos depois de terem dado tempo ao tempo, bem ao estilo Pashtun, agradecem que Alá lhes tenha dado a vitória sobre mais um invasor estrangeiro.
EUA e OTAN chegariam talvez a algum “momento Saigon” – e partiriam? Em 2000 e em 2010 parecia que não. Enquanto o general David “Sempre de olho em 2012” Petraeus, como seu predecessor general Stanley McChrystal, avançava suas forças especiais, Assassinato Incorporate, para dobrar os Talibãs, o mesmo Petraeus foi capaz de dizer – sem ironia – ao canal Fox News, que o “objetivo último” da guerra seria “reconciliar” o ultracorrupto governo de Hamid Karzai e os Talibãs.

Agora, sim, pé na estrada, de volta para o futuro.

A vida no Talibanistão 
1. Meta esses infiéis na cadeia

2. O grau zero da cultura

3. Casado com a máfia



03/09/2021

SAMUEL MOYN
La tragédie de Michael Ratner et la nôtre, ou comment la Guerre contre le terrorisme a été « humanisée » pour devenir éternelle

Samuel Moyn, The New York Review of Books, 1/9/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Samuel Moyn (né en 1972) est titulaire de la chaire Henry R. Luce de jurisprudence à la faculté de droit de Yale et professeur d'histoire à l'université de Yale. Il a notamment publié The Last Utopia : Human Rights in History (2010), Christian Human Rights (2015), Not Enough : Human Rights in an Unequal World (2018), et Humane : How the United States Abandoned Peace and Reinvented War (2021). Il a écrit pour la Boston Review, la Chronicle of Higher Education, Dissent, The Nation, The New Republic, le New York Times et le Wall Street Journal. @samuelmoyn

La carrière de cet avocat vétéran du combat pour les droits constitutionnels montre comment les humanitaires US ont fini par aseptiser la guerre contre le terrorisme au lieu de s'y opposer.

 Michael Ratner après avoir déposé une plainte devant un tribunal allemand contre l'armée usaméricaine pour les mauvais traitements infligés aux prisonniers à Abou Ghraïb, Berlin, 30 novembre 2004. Photo Sean Gallup/Getty Images

Peu après le 11 septembre 2001, le président George W. Bush a annoncé une nouvelle politique exigée par un nouveau type de guerre. Les terroristes présumés d'Al-Qaïda seraient jugés par des commissions militaires offrant peu de protections aux accusés ; les tribunaux ordinaires avec les garanties et protections habituelles seraient hors d'atteinte. Les détenus devront être "traités humainement", selon le décret, et les procès devront être "complets et équitables". Mais aucune règle de traitement des accusés "terroristes" reflétant les normes internationales n'a été spécifiée.

"Bon, c'est foutu", a fait remarquer Joseph Margulies, avocat des droits civils, à sa femme Sandra Babcock, défenseure public qui s'intéresse de près aux droits humains dans le monde, alors qu'ils étaient assis à la table de leur cuisine de Minneapolis et lisaient le journal pendant le petit déjeuner. L'annonce de Bush semblait être une tentative transparente de créer une deuxième voie de justice pour les terroristes, une voie qui ne nécessiterait pas les garanties familières de la procédure pénale, ni même les règles de guerre prescrites par les Conventions de Genève de 1949.

"Nous devrions appeler Michael Ratner", a répondu Sandra.

Ils l'ont fait. Ratner, un ancien étudiant militant anti-guerre de l'époque du Vietnam, avait passé toute sa carrière au Center for Constitutional Rights (CCR), où il s'était fait connaître comme un plaideur de premier plan. En 2001, il était le président du groupe ; pour beaucoup, il était en fait le Center for Constitutional Rights. Ratner considérait sans équivoque que le décret de Bush "sonnait le glas de la démocratie dans ce pays" et s'est jeté dans l'action.

Trois ans plus tard, le défi juridique désespéré que Ratner a mené contre le système des commissions militaires semble porter ses fruits. Déjà, Shafiq Rasul, un citoyen britannique que les USAméricains avaient raflé en Afghanistan en 2001 et interné à Guantánamo Bay, à Cuba, avait été libéré, sans être jugé, et était rentré chez lui. Mais d'autres plaignants sont restés dans l'affaire Rasul contre Bush que Ratner avait portée. Se prononçant sur cette affaire quelques mois après le départ de Rasul, la Cour suprême a estimé que les tribunaux fédéraux pouvaient exercer leur pouvoir de délivrer des ordonnances d'habeas corpus, et ainsi contrôler la détention des terroristes accusés détenus indéfiniment. Providentiellement pour le procès de Ratner, quelques jours seulement après que la Cour suprême eut entendu les arguments oraux dans cette affaire, des photos scandaleuses de mauvais traitements infligés à des prisonniers par les forces usaméricaines dans la prison d'Abou Ghraïb  en Irak ont été divulguées. Il ne fait aucun doute que cela a eu une incidence sur la décision de la Cour.

Malgré la vision initiale apocalyptique de Ratner sur l'ordre de Bush, cette victoire et quelques autres ont contribué à dissiper les inquiétudes selon lesquelles la soi-disant guerre contre le terrorisme allait être menée dans un "état d'exception" sans contrainte ni légitimation juridique. Le même juge qui a écrit Rasul, le regretté John Paul Stevens, a suivi en 2006 avec une opinion qui a fait date dans l'affaire Hamdan contre Rumsfeld, qui a clarifié qu'à tout le moins l'article 3 commun des Conventions de Genève s'appliquait à la guerre contre le terrorisme. Et comme cet article exige que les détenus soient jugés par "un tribunal régulièrement constitué, offrant toutes les garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés", les commissions militaires que Bush avait prévues depuis 2001 étaient inadéquates. Cette décision impliquait que toute lutte globale que les USA souhaitaient mener contre le terrorisme devait être conduite dans le cadre du droit international applicable, car la légitimité de la guerre en dépendait.

GIDEON LEVY
Sur le point d'accoucher, une Palestinienne bipolaire emprisonnée en Israël bénéficie d'une décision incroyablement magnanime d’un juge militaire (pour la modique somme de 40 000 shekels)

Gideon Levy et Alex Levac (photos), Haaretz , 3/9/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Anhar al-Dik se préparait à accoucher sous haute sécurité lorsqu'un juge militaire a modifié les conditions de son incarcération.

Voici ce qu'écrit Anhar al-Dik, une Palestinienne de 25 ans et mère d'une petite fille, depuis la prison de Damon, au sud de Haïfa, où elle a été incarcérée au cours de son neuvième mois de grossesse, dans une lettre transmise à sa famille par son avocat : « Vous connaissez bien la césarienne. Comment sera-t-elle pratiquée à l'intérieur de la prison, avec moi menottée et seule ? Je suis vraiment épuisée. Mon bassin est très douloureux et j'ai mal aux jambes à force de dormir sur un lit de prison. Je n'ai aucune idée de l'endroit où je serai après l'opération et de la façon dont je ferai mes premiers pas après la naissance avec l'aide d'une gardienne israélienne qui me tiendra les mains avec dégoût ».

 

Anhar al-Dik et son mari Thaar al-Haj'a. Photo fournie par la famille

« Ils vont me placer en isolement avec mon bébé après la naissance, à cause du coronavirus. Cela me fait mal au cœur. Je n'ai aucune idée de la manière dont je le regarderai ou dont je le protégerai des bruits effrayants. Peu importe ma force, je me sentirai impuissante face au mal qu'ils me font et qu'ils font aux autres prisonniers.

« Je demande à chaque personne d'honneur libre de faire quelque chose, même avec des mots, pour le bien de ce nourrisson. La responsabilité pour lui dépend de tous ceux qui peuvent aider. Tu me manques, Julia, ma fille : Je voudrais pouvoir te serrer dans mes bras et te serrer contre mon cœur. Il est impossible d'exprimer avec des mots la douleur de mon cœur. Que vais-je faire si je dois accoucher loin de toi - avec les mains attachées ? »

Jusqu'à jeudi soir, il semblait qu'elle devrait accoucher la semaine prochaine sous haute sécurité dans un hôpital israélien. Mais un juge militaire, le major Sivan Omer, a décidé de la libérer moyennant une caution de 40 000 shekels [10 000€] et de la placer en résidence surveillée au domicile de sa mère, où elle est placée sous surveillance, ce qui implique une observation médicale et un contrôle hebdomadaire au poste de police de Modiin Illit. Peut-être que l'accouchement sera un peu plus facile après tout.

02/09/2021

VIJAY PRASHAD
De cómo los talibanes echaron a Occidente de Afganistán

por Vijay Prashad, NEWSClick, 26/8/2021
Traducido por S. Seguí, Tlaxcala

Algunos días después de que los talibanes entraran en Kabul, el 15 de agosto, sus representantes empezaron a hacer averiguaciones en busca de la “localización de activos” del banco central de la nación, el Da Afghanistan Bank (DAB), unos activos conocidos que ascienden a cerca de 9.000 millones de dólares. En comparación, el banco central del vecino Uzbekistán, que tiene una población casi equivalente de aproximadamente 34 millones de personas para una población en Afganistán de más de 39 millones, tiene reservas internacionales por valor de 35.000 millones de dólares. Pero Afganistán es un país pobre, en comparación, y sus recursos han sido devastados por la guerra y la ocupación.


Reunión del Banco central el 29 de agosto, bajo la dirección del gobernador nombrado por los talibanes, mulá Abdul Qaher (Hayi Muhammad Idris)

Los funcionarios del DAB dijeron a los talibanes que los 9.000 millones de dólares están en la Reserva Federal de Nueva York, lo que significa que la riqueza de Afganistán está en un banco de Estados Unidos. Pero antes de que los talibanes pudieran intentar acceder al dinero, el Departamento del Tesoro de Estados Unidos ya se había adelantado y había congelado los activos del DAB y puesto la transferencia de éstos fuera del control de los talibanes.

El Fondo Monetario Internacional (FMI) asignó recientemente 650.000 millones de dólares en Derechos Especiales de Giro (DEG) para su distribución en todo el mundo. Cuando se les preguntó si Afganistán podría acceder a su parte de los DEG, un portavoz del FMI dijo en un correo electrónico: “Como siempre, el FMI se guiará por la opinión de la comunidad internacional. Actualmente, la comunidad internacional no tiene claro el reconocimiento de un gobierno en Afganistán, por lo que el país no puede acceder a los DEG ni a otros recursos del FMI”.

Los puentes financieros tendidos hacia Afganistán para sostener al país durante los 20 años de guerra y devastación, se han derrumbado lentamente. El FMI decidió retener la transferencia de 370 millones de dólares antes de que los talibanes entraran en Kabul, y ahora los bancos comerciales y Western Union han suspendido las transferencias de dinero al país. La moneda nacional, el afgani, está en caída libre.

PEPE ESCOBAR
Back to the future: Talibanistan, Year 2000

Pepe Escobar, The Saker, 31/8/2021

Dear reader: this is very special, a trip down memory lane like no other: back to prehistoric times – the pre-9/11, pre-YouTube, pre-social network world.

Welcome to Taliban Afghanistan – Talibanistan – in the Year 2000. This is when photographer Jason Florio (see his Afghan Diary) and myself slowly crossed it overland from east to west, from the Pakistani border at Torkham to the Iranian border at Islam qillah. As Afghan ONG workers acknowledged, we were the first Westerners to pull this off in years.


Fatima, Maliha and Nouria, at home in Kabul

Those were the days. Bill Clinton was enjoying his last stretch at the White House. Osama bin Laden was a discreet guest of Mullah Omar – hitting the front pages only occasionally. There was no hint of 9/11, the invasion of Iraq, the “war on terror”, the perpetual financial crisis, the Russia-China strategic partnership. Globalization ruled, and the US was the undisputed global top dog. The Clinton administration and the Taliban were deep into Pipelineistan territory – arguing over the tortuous, proposed Trans-Afghan gas pipeline.

We tried everything, but we couldn’t even get a glimpse of Mullah Omar. Osama bin Laden was also nowhere to be seen. But we did experience Talibanistan in action, in close detail.

Today is a special day to revisit it. The Forever War in Afghanistan is over; from now on it will be a Hybrid mongrel, against the integration of Afghanistan into the New Silk Roads and Greater Eurasia.

In 2000 I wrote a Talibanistan road trip special for a Japanese political magazine, now extinct, and ten years later a 3-part mini-series revisiting it for Asia Times.

Part 2 of this series can be found here, and part 3 here.

Yet this particular essay – part 1 – had completely disappeared from the internet (that’s a long story): I found it recently, by accident, in a hard drive. The images come from the footage I shot at the time with a Sony mini-DV: I just received the file today from Paris.

This is a glimpse of a long-lost world; call it a historical register from a time when no one would even dream of a “Saigon moment” remixed – as a rebranded umbrella of warriors conveniently labeled “Taliban”, after biding their time, Pashtun-style, for two decades, praises Allah for eventually handing them victory over yet another foreign invader.

Now let’s hit the road.

KABUL, GHAZNI – Fatima, Maliha and Nouria, who I used to call The Three Graces, must be by now 40, 39 and 35 years old, respectively. In the year 2000 they lived in an empty, bombed house next to a bullet-ridden mosque in a half-destroyed, apocalyptic theme park Kabul – by then the world capital of the discarded container (or reconstituted by a missile and reconverted into a shop); a city where 70% of the population were refugees, legions of homeless kids carried bags of cash on their backs ($1 was worth more than 60,000 Afghanis) and sheep outnumbered rattling 1960s Mercedes buses.

Under the merciless Taliban theocracy, the Three Graces suffered triple discrimination – as women, Hazaras and Shi’ites. They lived in Kardechar, a neighborhood totally destroyed in the 1990s by the war between Commander Masoud, The Lion of the Panjshir, and the Hazaras (the descendants of mixed marriages between Genghis Khan’s Mongol warriors and Turkish and Tajik peoples) before the Taliban took power in 1996. The Hazaras were always the weakest link in the Tajik-Uzbek-Hazara alliance – supported by Iran, Russia and China – confronting the Taliban.

01/09/2021

GIDEON LEVY
La joyeuse visite du président Herzog aux écoles d'apartheid d'Israël

Gideon Levy, Haaretz, 1/9/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

Le président de l'État d'apartheid et son épouse ont effectué cette semaine une visite d'État dans des "fermes blanches" en Cisjordanie. Le nouveau président, considéré comme un homme de gauche, a visité deux d'entre elles, l'une violente et l'autre bourgeoise, toutes deux situées sur des terres volées selon le droit international. Dans l'une, il a visité une ulpana, ou école religieuse pour filles, tandis que dans l'autre, il a visité une école Montessori. C'est là toute la beauté des fermes blanches : elles contiennent "toute la mosaïque israélienne", comme l'a dit le président.

Le président israélien Isaac Herzog en Cisjordanie avec son épouse et des dirigeants de colons, mardi. Photo : Amos Ben Gershom/GPO

Comme il est agréable, vraiment, que dans ce pays d'apartheid, il y ait une école qui fonde sa méthode d'enseignement sur un "environnement d'apprentissage libre". La colonie de Sela'it est justement l'endroit idéal pour faire la démonstration de la liberté.

Ce fut une visite passionnante, selon le rapport publié sur le site d'Arutz Sheva. Isaac Herzog a été enthousiasmé par "le splendide paysage humain de la Samarie". Et vraiment, où peut-on trouver un paysage humain aussi merveilleux que dans les colonies de Har Bracha et de Sela'it ? C'est merveilleux que le président ait consacré l'une de ses premières visites officielles en tant que président à ces fermes blanches. De toute évidence, il n'a pas pris la peine de voir les habitants des communes adjacentes, même pas à travers des jumelles.

Rappelons donc au président où il est allé. En face de Har Bracha se trouve le village de Burin. Vraisemblablement, Herzog ne l'a jamais visité et ne le fera jamais. Les habitants de Burin vivent sous la menace constante d'attaques violentes - contre leurs biens et leurs vies - de la part des colons de la région, avec le soutien de l'armée. Il est difficile de dire si les voyous viennent de Yitzhar, de l'avant-poste violent de Givat Ronen, qui est une excroissance de Har Bracha, ou de Har Bracha lui-même. On peut supposer qu'ils viennent de toutes ces colonies. B'Tselem a recensé 17 attaques de ce type au cours de l'année et demie écoulée.

ZVI BAR'EL
Une nouvelle série Netflix sur des lycéennes jordaniennes suscite la colère d’Arabes du monde entier

Zvi Bar'el, Haaretz, 23/8/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

La série à succès de Netflix « AlRawabi School for Girls » révèle à la fois la domination totale des hommes et l'hypocrisie des mères, plus préoccupées par les ragots que par les cicatrices émotionnelles de leurs filles.

 

Une scène de la mini-série Netflix de 2021 « AlRawabi School for Girls ». Photo : Netflix

Mariam ne savait pas qu'un piège lui avait été tendu. Elle a reçu un message WhatsApp de trois filles de sa classe l'"invitant" à se rendre à un endroit où était garé un vieux bus scolaire. Alors qu'elle cherchait ses camarades de classe, elles ont soudainement fait irruption derrière elle, l'ont poussée, l'ont battue et lui ont donné des coups de pied sur tout le corps et l'ont jetée sur un rocher dentelé qui se trouvait sur la route.

Mariam (Andria Tayeh) a été assommée, le sang coulant de sa tête. Heureusement, une autre camarade de classe a vu l'incident ; elle a appelé une ambulance et a sauvé la vie de Mariam. Cette scène impressionnante est le point culminant du premier épisode de la nouvelle série Netflix "AlRawabi School for Girls", qui a connu un grand succès en Jordanie et dans la plupart des pays arabes.

Il faut dire que la série n'est pas un chef-d'œuvre. La mise en scène de la cinéaste jordanienne Tima Shomali, qui a créé la série avec Shirin Kamal, a besoin d'être peaufinée. Les erreurs de scénario sont évidentes et parfois ridicules, le jeu des actrices trahit leur manque d'expérience, et la série dans son ensemble est moins que la somme de ses parties.

Mais ceci n’est pas une critique de film. L'essentiel est que la série, qui parvient à maintenir la tension, tend un miroir à la société arabe, à la Jordanie en particulier.

 

Il avait présenté Jonathan Pollard au Mossad, il devient général de brigade

Sam Sokol (avec JTA), Haaretz, 1/9/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala

 

Sam Sokol est reporter pour Haaretz. Il était auparavant correspondant du Jerusalem Post et a réalisé des reportages pour la Jewish Telegraphic Agency, l'Israel Broadcasting Authority et le Times of Israel. Il est l'auteur de Putin's Hybrid War and the Jews. @SamuelSokol

 

Aviem Sella a présenté Jonathan Pollard à son recruteur du Mossad au début des années 1980 alors qu'il étudiait à New York, mais il n'a jamais été jugé aux USA car Israël a refusé de l'extrader.

 
Aviem Sella, en 2012. Photo : Capture d'écran de la chaîne YouTube de l'Institut Fisher

Un ancien officier de l'armée de l'air israélienne, accusé d'espionnage aux USA pour son rôle dans l'affaire Pollard, va être promu au grade de général de brigade de réserve, a annoncé mercredi l'armée israélienne.

Le colonel (de réserve) Aviem Sella, 75 ans, ancien pilote qui a servi en tant que directeur des opérations de l'armée de l'air israélienne au début des années 1980, est à l'origine du premier contact d'Israël avec l'analyste de renseignements juif américain Jonathan Pollard. Sella a présenté Pollard à son recruteur du Mossad, l'ancien agent du Mossad Rafi Eitan, au début des années 1980 alors qu'il étudiait à New York, et a été son contact pendant plusieurs mois.

Sella a ensuite été inculpé par contumace pour espionnage, mais n'a pas été jugé car le gouvernement israélien a refusé de l'extrader vers les USA. Son affectation ultérieure au commandement d'une base aérienne près de la ville centrale de Rehovot a provoqué des tensions importantes entre Washington et Jérusalem, les fonctionnaires usaméricains ayant reçu l'ordre de cesser toute relation avec la base tant que Sella en serait responsable.